Destruction Massive (un merci pour Gobu)

[Invité]

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Un petit extrait de mes brouillons "la tête dans les étoiles, les mains dans le graillon" un projet soutenu par Joel Gobuchon.



Il n’a qu’une idée, le Chef, ôter sa toque qui lui comprime les méninges, quitter son tablier monogrammé, et rejoindre ses petits gars – et filles – de la brigade pour les emmener en java après le coup de l’étrier.
Gobu

L’inverse est prouvé.

Destruction Massive

C’est aux environs du 11 septembre que les affaires se sont mises à chier. Jusque là, nous pouvions considérer que la terre tournait normalement, que les porcs étaient abbattus à l’aube pour être débités dans la matinée, rôtis dans la foulée et braisés le temps néccessaire. C’est à dire on n’en sait foutre-rien, probablement quand la chair se détache de l’os et qu’en goûtant, il semble que c’est vraiment très bon. Savoir aimer c’est souvent plus important que savoir compter dans notre métier. Enfin c’était.

C’était donc aux alentours du 11 septembre, alors que je me détaillais un truie, que mon dirlo m’a parlé d’Madoff. J’connaissais Davidoff et Duffy Duck, Woodywood Pecker aussi, mais alors là, Madoff, ça ne m’ parlait pas du tout. Du coup, j ‘ai suivi mon dirlo dans son bureau et j’ai laissé la cliente bouffer son dessert toute seule. Cet histoire de bourse commençait déjà à me peser avant même d’avoir commencé.

Il me disi* que c’est aux alentours du 11 novembre que le taux d’occupation va s’effondrer. Là, je m’effondri*, en pleurs. Nan, c’est pas vrai. Je l’écouti*. Il me disa* : que Madoff avait perdu au Poker et que tout le monde a les jetons. Que Honda va se retirer de la formule 1 et que plein de trucs se passent dans le monde. Il ne mentionna pas les huit-douze millions de morts en RDC. Putain, encore un peu, j’allai être en charge du dossier aussi.

Son exposé m’indiqua clairement qu’il allait falloir jeter dehors 11% de mes collaborateurs avant le 11 décembre et si possible faire baisser les coûts d’exploitation de 11%. C’est qu’en exploitation, il est vachement fort, mon dirlo. C’est pour cela qu’il l’est. Je repensai à la truie tout d’un coup.

C’est vers 15 heures 11 de l’afternoon que je suis rentré chez moi, c’est à dire avec mes Robuchons de carnaval, dans la cuisine. Ils notèrent que j’tirais un peu la tronche. Je leur dis de ne pas s’inquiéter ,que ce n'était que passager, mon hamster avait eu la dysenterie toute la nuit et qu'en de tout état de cause, de quoi j’ai l’air n’est en aucun cas plus important que le cuissot de porc, qui, lui, est en train de cramer dans le four à pizza réglé sur 400 Celscius. J’l’avais senti à 200 mètres.Mais je n’ai pas gueulé. Puisqu’ un cuissot qui brûle, on s’en fout. Il est déjà brûlé. Les chefs ont changé: ils sont devenus fins psychologues.

Rappelons-nous.

C’était y’a environs 11 ans que notre métier à basculé. Fallait devenir intelligent, en même temps que de se taper le monde entier à l’état brut pour le glisser à l’état délicat dans un plat, une assiette. Il a fallu commencer à comprendre vraiment les maths. Au début , c’était avec une calculette. Après, on a eu droit à Excel. Il a fallu un ordinateur. Ben oui, Excel, comme ça, dans sa boîte originale n’est pas très fonctionnel. C’est que nous, les Chefs, on commençait à se frotter les mains, car qui dit ordinateur dit bureau, qui dit bureau dit chaise, et qui dit chaise dit une secrétaire qui taille des plumes entre deux services. Mais les dirlos avaient déjà pensé à ça avant nous. Il ne voulaient pas nous prêter les leurs. Ils nous ont dit de tout faire nous même. On a dit d’accord pour tout, seulement un peu tristes de l’absence d’une compagne de travail. Et pour les pipes, on a continué comme avant, dans l’économat, avec la caissière.

D’ailleurs y’ avait un trucs que les dirlos n’avaient pas étudié : tu le mets où, le bureau, dans une cuisine ? C’est un peu semblable dans la démarche à mettre des chiottes au pied du lit ; fonctionnel mais pas spécialement adapté. Alors, on les a placés n’importe-où. Pas grave. Après nous avoir soigneusement équipé de nos ordinateurs, les dirlos nous ont donc refilé aux alentours de 11 domaines dont ils avaient la charge avant : la comptabilité, le recrutement, la formation, l’hygiène et la sécurité et jouer au Spider Solitaire en buvant du café. Juste pour en citer quelques-uns.
Ensuite et aussi, nous avons appris l’anglais, parce que Loiseau s’était suicidé et que on a eu un actionnaire Américain. Ouais. Un Américain. Alors lui, il nous a refilé encore 11 trucs de plus et un agenda. Direct. En une décennie, nous, les chefs, sommes devenus des dirlos, mais mieux, parce que nous savons faire aussi, pas seulement être.

C’est pour cette raison que le mien a commencé à flipper aux alentours du 11 Septembre, qu’il m’ a expliqué que lui se sentait menacé, que j’avais, moi, à avoir peur et que mon équipe devait se plier aux réalités de l’hiver : Madoff avait perdu au poker et j’aurai jamais de secrétaire. En bref, le monde cramait. On achèvera jamais, ça non, impossible, nos objectifs de fin d’année, putain, la terre entière cramait juste à cause de ça. Le budget. Tut’rend’cont ?

J’ai pensé au cuissot de porc et aux cuissardes de la truie. J’ai fait une partie de Spider. Mon chef patissier m’a dit qu’il allait m’emmener à la pêche à la brème. Une grosse, 100 livres au moins, qui se défend bien, oui, parce que j’en ai besoin vu ma gueule. Je l’jure que c’était pas mon idée. J’ai failli à lui dire qu’il devrait utiliser 11% de beurre en moins maintenant pour ne pas se retrouver à 110% au chomage plus tard. Mais je n ‘ai rien dit, c’est pas sorti. En revanche on est sorti ,oui, toute la brigade, oui, et ils ont chanté des chansons d’amours dans une langue, elle m’a dit je t’aime dans une autre langue aussi et à la fin on comprenait plus rien, comme au début, mais c’était justement le but.

Notons :

On a jamais vu de si belles javas qu’aux alentours du 11 Septembre.
Les gens ici sont enjoués, câlins, farçeurs et les brèmes mordent bien.
C’est le calendrier lunaire qui veut ça.


C’est le lendemain matin qui ne s’est pas très bien passé. Les mains dans les poches , j’avais la vision encore en 3D: Durex, Doliprane, Dormir. Quand t’as mal aux cheveux comme-ça, le mieux c’est un massage du cuir chevelu, mais vu comme ça se termine en général, c’est pas une bonne idée d’aller chez la coiffeuse avant d’aller bosser. Sans avoir le temps de me changer, un mec me tombe dessus, la gueule déconfite. Il m’annonce que ses arsouilles ont pété le moteur du pétrin pendant la nuit. Purée. Bordel. Merde. PBM. C’est comme BPM , mais en plus grossier et moins musical. Non mais quand même, un pétrin de boulanger, ça coute aussi cher qu’une Lada. Avec mon budget aux mains de Madoff, j’ai pas le temps de finir mon café que J’ai déjà envie de repartir au lit. Le travail le matin, c’est un petit pas pour l’homme mais une grosse connerie pour l’humanité. Sans le sous et avec des techniciens qui nous réparent les trucs à transformer un bol en crystal en moule à flan tupperware, j’allais devoir, bon gré mal gré, négocier avec le King. Il en a un , lui, de pétrin.

Vous ne pouvez pas connaitre Le King. Profession : maître en Cuisine Chinoise. Caractéristiques du King : talentueux, laid, inculte, passionné, une montagne de chair qui avoisine les 100 kg net égoutté. Impressionnant comme on pèse la même chose. Mais moi je suis beau.
Quand il me voit arriver, il fait déjà non de la tête avant même que j’aie posé ma question. J’aurais pu lui demander à ce moment précis s’ il envisageait d’être moins aid à l’avenir. Mais non, je lui ai demandé avec courtoisie si je pouvais pas, des fois, en toute sympathie, lui emprunter sa machine. Il a aboyé un truc comme NON !
J’ai fais alors le coup de François Hollande, la voix douce , larme à l’oeil, dommage, je n’avait pas de lunettes à la con. Je lui ai redemandé comme ça. Pas marché non plus. Je me suis donc approché près du King. Je lui ai glissé dans l’oreille, délicatement, que j’avais simplement besoin de son aide, là maintenant et pour trois jours, au sujet de ce putain de batteur et que j’avais besoin de son aide. Le ton était monté d’un cran, quoi. Mais en silence. Le King fendait des poulets, pendant que je lui parlais. Il les éclatait, quoi, avec une machette de 5 kg, que nous les Chefs normaux, on appelle une « feuille de boucher ». Je l’ai traité de connard non coopératif. Du coup, la machette a commencé à s’abbattre avec une vigueur nouvelle. Le King me signala que c’était un peu dangereux pour un mec comme moi, de rester aussi près d’un mec comme lui avec un couteau qui vole comme-ça.
Je lui ai signifié trois choses : de ne plus jamais traverser mes terres jamais pour un moment, de ne plus me demander rien jamais et j’ai saisi un truc qu’on appelle nous Les Chefs normaux « une poêle noire » et je l’ai délicatement glissé sous le couteau dans sa phase descendante. Les chefs sont d’excellents jongleurs. Quand la lame de son couteau à percuté la fonte, le King est devenu tout rouge et je me suis cassé. Tourner le dos aux cons ça évite d’avoir mal aux yeux et se casser au bon moment ça évite d’être fendu en deux par une machette. Dommage qu’en RDC ils ne s’en souviennent jamais. Sinon, toute sa brigade était figée de stupeur. Toute les petites culottes étaient trempées. N’allez pas vous imaginer des trucs. Y’avait un silence de grand blanc, c’était par la pisse.

De retour du combat avec Le King, j’ai pensé au couteau du porc et aux cuissardes de la truie. Rien à foutre, nous allions faire 100 kg de pain quotidien à la main. J’ai fait une partie de Spider. Mon chef patissier m’a dit qu’il allait m’emmener à la pêche à la brème. Une grosse, 100 livres au moins, qui se défend bien, oui, parce que j’en ai besoin vu ma gueule. Je l’jure que c’était pas mon idée.

On a jamais vu de si gros connards qu’aux alentours du 12 Septembre.
Mais les brèmes mordent bien et la bière se négocie au prix de l’eau.
C’est le calendrier lunaire qui veut ça. Madoff ou pas Madoff.

*ndl : où l’on se rend compte que rendre compte, groggy, au passé simple, du passé compliqué rend dizzy de visu.
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[Invité]

du Panda à la puissance 11 ! J'ai bien risu et ainsi passa sur certaines irrégularités orthographiques...
Particulièrement apprécié le passage "Rappelons-nous", c'est tellement cyniquement réaliste, mieux vaut en sourire.
Noté aussi la définition du 3D.

[Charles]

Je suis client, toujours ... Jouissif, visuel ... j'aime bien tes brouillons ;-)

[Gobu]

Salut l'artiste

Désolé de pas t'avoir répondu plus vite, mais mon PC a aussi joué au poker avec ma Doff, et il a perdu. Saloperie de quinte flush.

"Savoir aimer c'est plus important que de savoir compter, dans notre métier" Pas seulement dans le tien heureusement. Ou hélas...

"Nous, les Chefs, sommes tous des dirlos, mais en mieux, parce que nous savons faire et pas seulement être." Et t'as pas tout vu. Attends la prochaine partie de rami.

Le King, je le connais. Ou au moins son petit frère. Il est pas chinois, il est de la Gaume, moitié luxo moitié belge, avec un chouille de sous-bois dans les tifs, mais il sait fendre en deux une bestiole mangeable kif ton équarisseur de poulets. Sauf que lui, il fait ça avec des boeufs. Vivants. On ne fait pas de bavette sans tronçonner de l'aloyeau.

A part ça le meilleur des hommes : il m'offre une Chimay à chaque fois que je le vois ou presque, il me fournit en boudin aux oignons, en saucisses fumées ou même en cuissots de marcassin (l'intestin est sans fin) et il lui manque une phalange à trois de ses doigts, rapport à une feuille (ou couperet, ou tranchoir, selon affinité) qui avait aussi remporté une partie de black jack contre sa main gauche. On peut pas gagner à tous les coups, hein ?

Le 14 février, il va nous accomoder un porcelet au troquet de mon bourg. Je ne sais pas combien de temps au juste il va le rôtir, mais jusqu'à ce que ce soit vachement bon. Après tout y a que ça qui compte. En plus du reste.

J'adhère des deux mains (et des autres) à ton projet "La toque dans les étoiles, le fion dans le graillon". On manque de vrais auteurs, ces temps-ci. Ils ont tous dû perdre au craps avec Ma Daufe, un joueur multicartes.

A la tienne, mon ami.

J. Gobuchon (Meilleur Oublié de France)

[mentor]

les délires de Panda me sont toujours un grand moment de bonheur
et l'échange avec Gobu est jouissif
quels joueurs !

[Sahkti]

Pov Gobuchon quand on y pense (enfin pauvre, dans la tête hein parce qu'ailleurs, à force de vendre des conserves à la télé, ça doit aller).

Panda qui se lâche, qui se la joue roue-libre et qui maîtrise très bien tout cela, distillant les bons mots au milieu d'une histoire hélas trop vraie, faite de chiffres et de rentabilité.
Pris du plaisir à retrouver un autre coup de râlerie de ta part :-))

[Roz-gingembre]

Les cuissots de porc dans les fours à pizza, c'est un peu comme les mariages le dimanche, non?
L'est bizarre ton pays panda
Vas-y, raconte.

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