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La lettre d'Alesberg

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La lettre d'Alesberg Empty La lettre d'Alesberg

Message  Lonely Lun 26 Jan 2009 - 14:41

_ « Courage mon fils, nous y sommes presque ! »

Nous y sommes presque… ces mots résonnent encore en moi aujourd'hui . Avec autant de puissance et d’intensité à chaque fois.

Alesberg nous avait écris une bien étrange lettre, où il était question de sauver nos vies. Question d'époque.
Je revois encore mon père nous la lire en chuchotant, entre 2 passages des troupes, accroupis dans le recoin du mur. Sa voix basse hoquetait à cause du froid, ses mains tremblaient comme 2 brindilles en équilibre, et nous nous blottissions tous contre lui. Les yeux trappus par le vent d'hiver, nous guettions le pas lointain des soldats pour nous replonger quelques instants dans ces mots d’espoir.

Alors il nous relisait la lettre d’Alesberg, à ma mère si pâle et à ma sœur si jeune, tous jetés à la rue depuis 4 jours déjà. Et quand nous l’écoutions lire cette lettre, nous ressentions le plaisir fugace d’envisager un autre temps et un autre lieu. Loin du froid, de la faim, loin d’ici. Il suffisait de regarder mon père tenir le bout de papier pour ressentir profondément la force de nos espérances, mais nous luttions pour esquisser un sourire de convenance.

Notre coin de rue n’était certes pas à l’abri du vent, mais nous étions à l’abri des regards. De plus en plus de gens passaient à quelques mètres, sans nous voir, sagement alignés en colonnes interminables que quelques hommes costumés suffisaient à mener. Alors nous retenions notre respiration. Agrippions fermement la lettre. Fermions les yeux. Dans le noir, la voix des autres s’amplifiaient terriblement et nous ne savions plus si nous tremblions du froid ou de la peur.

Une peur viscérale.

Nous ne pourrions pas rester là plus longtemps, l’atmosphère qui empestait la ville resserrait chaque jour davantage son étreinte étouffante. Les murs se rapprochaient, l’espace rétrécissait, l’air bientôt nous manquerait.

Courageusement, nous partirons cette nuit.

La fuite en avant, sans retour. Nos chaussures battaient le sol dans la nuit noire, laissant derrière nous la trahison d'une saignée d’échos, et notre petit groupe avançait pas à pas vers le quartier Sud. Là, en descendant vers le port fluvial, dans la rue adjacente du bar aux volets verts et jaunes, nous prendrions le chemin de terre qui serpente entre les murs des entrepôts, puis nous attendrions au prochain croisement la venue d’un homme. Un homme avec une lanterne rouge. Après nous n’en savons rien.

Ce fut déjà une victoire précieuse que de trouver le bar, ce lieu ayant été notre seul horizon durant ces dernières heures. Mon père nous dévisagea un instant puis nous sourit, obstinément, se penchant vers nos têtes enfantines pour nous murmurer des paroles réconfortantes du bout des lèvres et nous frotter énergiquement le crâne. Alors nous lui souriions en retour, dans une émulation commune où nous puisions la force d’aller un peu plus loin. Nous regardions ce petit homme au chapeau rond, engoncé dans sa gabardine polie, se ployant au moindre bruit, au moindre doute, et il nous semblait si fragile.

Notre expédition s’engagea dans un chemin de terre qui savait garder silencieux nos déplacements interdits. Pourtant nous restions soudés les uns aux autres, ne formant plus qu’une seule silhouette qui filait d’un même élan. La lettre était notre guide, et souvent nous nous arrêtions pour la relire dans un rai de lune, discuter ensemble de telle indication, récapituler les étapes. Alors nous repartions ragaillardis, serrant un peu plus fort nos êtres chers avec une conviction étonnante. Chaque pas était plus décidé, plus sûr. Nous arrivâmes ensuite au croisement du chemin de terre et de notre avenir.

Mon père abandonna ma mère et ma sœur derrière une petite palissade en bois, une centaine de mètres avant la route, dans un recoin du chemin étroit. Moi j’étais déjà devenu assez fort pour aller avec lui, vérifier notre destination. Je me suis senti important, responsable, et face au carrefour désert qui concluait notre périple, je lui proposais avec zèle de m'aventurer plus loin voir si l’homme à la lanterne rouge ne s’y trouvait pas. Les rues étaient désertes et la nuit claire inondait la ville éteinte de ses ombres pâles, personne ne pourrait me voir. Mais je crois que ce fut le désespoir d’un retour en arrière qui me décida finalement, et si l’homme ne venait pas, j’irai le trouver.
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Message  Lonely Lun 26 Jan 2009 - 14:44

Les sifflements réprobateurs du vieux barbu ne m’arrêtèrent pas et je franchissais rapidement la limite de notre abri pour foncer le long des murs, rasant leur surface comme si je devais me mouler dans chacune de leurs aspérités. J'étais grisé, nerveux, je courais presque et m'éloignais de plus en plus. Mais tellement voué à ma mission volontaire, je n’entendis même pas le cliquetis incessant qui se rapprochait derrière moi, jusqu’à sentir la sourde menace d’une main sur mon épaule. Je me retournais en un éclair et avant même que je n’eus le temps de crier, mon père plaqua sa paume sur ma bouche en me foudroyant du regard. Nos respirations haletantes emplissaient l’air et la fumée qui en sortait battait la mesure de notre angoisse, nous nous regardions fixement de nos yeux immenses.

_« Tu l’as vu ? » chuchota-t-il.

_« ... oui… »

Oui je l’ai vu la personne qui se tient à quelques mètres de nous.

Non, je n’ai pas vu de lanterne rouge.

Mon cœur s’emballait, et tandis que je ne pouvais détacher mon regard du vieil homme, mille pensées enflammaient mon esprit. Ce que je venais de faire, ce qui était en train de se passer, ce qui aller arriver. Les soldats d’abord, les camions, les chiens, les cris. Ensuite l’entrepôt, l’attente, le trajet, long, sale, pénible. Et puis le camp, un monde sans horizon.

_ « Alesberg ? »


Alesberg ? L’homme venait de prononcer ce nom, juste assez fort pour que nous l’entendions.

_ « Vous êtes avec... Alesberg ? répéta-t-il. J’ai bien reçu la lettre ».

Sans doute notre attitude craintive l’aura poussé à nous interpeler de la sorte, mais mon père resta mutique, laissant s’étirer la situation durant d’interminables secondes. Jamais il ne me quitta des yeux, fébrile, agitant aléatoirement ses pupilles dilatées. Et devant notre silence, la personne repartit sans bruit, entraînant dans son sillage des pas multiples qui l’accompagnaient en secret.

Je ne suis pas sûr de ce qui traversa l’esprit de mon père sur le moment, mais je ressentis soudain une vive inquiétude, presque une bouffée de panique. A 12 ans je ne comprenais pas pourquoi il n’avait pas répondu à cet homme, mais du haut de ses 47 ans, lui avait saisit toute la fatalité de la situation.

« Viens vite ! » me lança-t-il, agrippant violemment ma main et m’entraînant vers le chemin de terre où se cachaient ma mère et ma sœur. Mais avant que nous ayons franchi l’angle de la rue, déjà la cadence métallique des bottes venait résonner dans nos oreilles aguerries. Soudain, les lumières de la ville s’allumèrent, grésillant des flashs anémiques avant d’inonder les lieux d’une lumière mortelle. Et puis une tempête de bruits, de cris, d'aboiements. On avait l’impression que la ville était prise d’assaut.

Mon père jeta un rapide coup d'œil vers le croisement, et sans mot dire il m’entraîna à l’opposé, s’engouffrant sans hésiter dans une ruelle plus sombre. Et nous courûmes. A en perdre haleine. Il me traînait littéralement, et je ne percevais de lui que les convulsions de ses pleurs étouffés. Pourquoi allons-nous par là ? Et maman ? Et ma sœur ? Je n’osais même pas émettre un son.

Nous avons réussi à sortir de la souricière. Par miracle. Au hasard des bifurcations, le vieux barbu parvint à nous éloigner de l’étau mortel et quand nous fûmes suffisamment à l’abri, il s’arrêta net, ploya sous son poids et se laissa tomber à terre dans un éclat de rage désespérée. Les spasmes violents qui saccadaient sa respiration semblaient désarticuler son corps et il martelait le sol de ses poings serrés. Moi je ne savais que dire, quoi faire. Je me mis à pleurer avec lui et il me serra dans ses bras, de toutes ses forces. Puis il leva ses yeux mouillés vers la forêt proche, respira profondément, et avec une force colossale il murmura d'un mince filet de voix... "Courage mon fils, nous y sommes presque".
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Message  Invité Lun 26 Jan 2009 - 15:27

Le récit me paraît bien mené, mis à part ce "Les sifflements réprobateurs du vieux barbu ne m’arrêtèrent pas" : s'agit-il du père du narrateur ? Si oui, l'expression "vieux barbu" me paraît en parfait décalage avec le ton de l'histoire. Si non, on ne comprend pas d'où sort ce personnage qui n'a pas été annoncé.

Par ailleurs, il y a des problèmes de concordance des temps : les imparfaits et passés simples me semblent parfois mal distribués, et j'ai vu un futur à la place d'un conditionnel (tout à la fin de la première partie, "j'irai le trouver", alors que le sens appelle visiblement un conditionnel).

Sinon, une histoire qu'on ne suit pas passivement, on s'intéresse au sort des personnages...

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Message  Invité Lun 26 Jan 2009 - 16:58

Un récit qui tient en haleine, j'aime qu'il n'en dise pas trop, qu'il laisse les détails dans le flou.
Quelques remarques :
-Il me semble bien que les âges doivent s'écrire en lettres, à vérifier.

-Ici :
Sans doute notre attitude craintive l’aura poussé à nous interpeler de la sorte, mais mon père resta mutique,
"interpeller" prend bien deux /l/ . Et on dira plutôt " mon père resta muet". Sans compter que ni le TLFi, ni le CNRTL ni le Littré ne semblent vouloir admettre "mutique" (!?)

-Sinon, même remarque que socque sur "le vieux barbu".

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Message  Lonely Mer 28 Jan 2009 - 13:23

Bonjour,

socque a écrit:Le récit me paraît bien mené, mis à part ce "Les sifflements réprobateurs du vieux barbu ne m’arrêtèrent pas" : s'agit-il du père du narrateur ? Si oui, l'expression "vieux barbu" me paraît en parfait décalage avec le ton de l'histoire. Si non, on ne comprend pas d'où sort ce personnage qui n'a pas été annoncé.

Oui, désolé... j'avais déjà fait cas du "vieux barbu" plus tôt dans l'histoire, mais je l'ai changé au cours de modifications. Je comprends que ça soit devenu étrange.

Par ailleurs, il y a des problèmes de concordance des temps : les imparfaits et passés simples me semblent parfois mal distribués, et j'ai vu un futur à la place d'un conditionnel (tout à la fin de la première partie, "j'irai le trouver", alors que le sens appelle visiblement un conditionnel).

Tout à fait, j'ai failli l'indiquer dans mon premier message mais j'ai eu quelques soucis avec la concordance des temps. Le passage du passé simple à l'imparfait fut parfois un peu problématique (existe-t-il une règle peut-être ?).

Et le futur était volontaire en fait (mea culpa...). Je trouvais que àa sonnait bien, que ça donnait un peu plus de force à cette phrase "claf".

Mais de toute évidence, je me suis planté... :-)


Sinon, une histoire qu'on ne suit pas passivement, on s'intéresse au sort des personnages...
Easter a écrit:Un récit qui tient en haleine, j'aime qu'il n'en dise pas trop, qu'il laisse les détails dans le flou.


Merci beaucoup, ça me fait plaisir. J'ai surtout essayé d'être rapide, sans m'appesantir sur les détails comme tu dis, tout en tentant de donner une marge d'interprétation au lecteur, qu'il tire lui-même les conclusions de ce qui est suggéré. Si ça c'est passé, alors j'ai un peu "réussi" ce que je voulais faire :-)


Quelques remarques :
-Il me semble bien que les âges doivent s'écrire en lettres, à vérifier.

Je note, merci du conseil.

-Ici :
Citation:
Sans doute notre attitude craintive l’aura poussé à nous interpeler de la sorte, mais mon père resta mutique,
"interpeller" prend bien deux /l/ . Et on dira plutôt " mon père resta muet". Sans compter que ni le TLFi, ni le CNRTL ni le Littré ne semblent vouloir admettre "mutique" (!?)

Ah oui ? C'est dingue, j'aurais juré que "mutique" existait... comme extension de mutisme. Mais je serai plus rigoureux sur le vocabulaire.


Encore merci de vos commentaires, j'aurais aimé avoir plus de critiques pour évoluer dans cet exercice mais faute d'inspirer les lecteurs, j'essaierai un autre genre la prochaine fois. Je sais que ça saute pas forcément aux yeux mais j'ai vraiment fait des efforts pour échapper à mes tendances habituelles.

Enfin, bref. Je me penche sur un dialogue maintenant, j'espère que ça sera plus intéressant :-)
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Message  Sahkti Mar 17 Fév 2009 - 11:24

Un récit qui embarque son lecteur assez facilement, malgré quelques petites longueurs de ci de là. Le sujet veut ça, mais aussi cette atmosphère que tu mets en place de manière efficace. On sent le silence, la peur, l'obscurité... tout est là et ça aide à évoluer dans l'histoire en même temps que tes personnages.

Pour les détails techniques, cela a déjà été relevé, je ne reviens donc pas dessus.

J'ai aimé cette pointe de mystère du début à la fin, ces silences et cette manière de raconter ceux-ci.
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