Figures de style : Areva humanum est

[Yali]

Areva humanum est

   Il descendit les marches et sa braguette pour en sortir son pique-feu. Se pointant dans la chambre du motel quelques pas plus loin ainsi dépenaillé, il gueula : « Pour qui sonne le gland ? »
   Elle avait répondu : « M’est avis qu’il faudrait appeler un réparateur de câbles parce que là on joue pas dans le gros mais dans le court-circuit »
   Il n’y avait pas de gentleman farmer à l’horizon, ni autre part qu’à l’horizon d’ailleurs.
   Qu’est-ce qu’un gentleman farmer serait venu foutre là d’abord ?
   C’est bien une idée de lecteur ça, que de foutre un gentleman farmer entre deux autoroutes et une station essence. Station essence qui se bordait d’un motel dans le genre pas très classe, et dans ledit motel pas très classe ne traînait pas un seul lecteur de quoi que ce soit, même pas du journal du coin. Vu que dans ce coin là, de journal, y en avait pas. Ça intéresserait qui un journal qui parle d’autoroutes et qui ne parle que de ça, et qui page après page vous cause trafic, densité de bahuts, logistique, pression pneumatique, aiguille de compteur et plein de trucs mécaniques, et qui recommence tous les jours et qui recommençant tous les jours n'intéresse jamais un gentleman farmer parce que comme son titre l’indique : c’est pas son truc la mécanique et toutes ces choses.
   C’est pourquoi le gentleman farmer était resté dans sa ferme, à des milliers de kilomètres de là, préférant déguster son thé au jasmin et, de derrière sa fenêtre, regarder son blé pousser plutôt que de s’embêter à lire un journal qui n’existait pas et qui traitait de sujets qui ne l'intéressaient en rien.
   Et qui de fait ne possédait aucun lecteur.
   On le comprend.
   Elle ferma les yeux pour s’oublier dans les bruits de l'autoroute : bruits répétitifs, incessants de recommencements identiques : bruits de tête entêtants tétants tactiles le bitume et l’asphalte, et oublier la gloire de la honte : quelques billets déposés sur la table de chevet.
   Et oublier le bourrin, caracolant d’une culbute callipyge et qui dans une dernière claque lui éclate les côtes : Clac.
   En sueur, il se retira d’elle.
   Il avait le ventre mou et blanc.
   Il répéta fièrement : « Alors pour qui sonne le gland ? »
   Elle visa les billets sur la table de chevet, pensa : l’incertitude du destin a quelque chose qui tient de la promesse.
   Celle de ne jamais s’en sortir.

[Invité]

Très bel aphorisme ! Un peu pirouetteux, le texte, mais ce n'est pas moi qui te jetterais le pique-feu...

[claude]

belle maîtrise de la paraboule !

[Evanescent]

Magnifique pirouette !
Magnifique Yalissisme !
Comme d'hab :-)

[Invité]

Court mais intense :-)
Culotté aussi. Bravo. J'aime tout particulièrement le début.

[grieg]

ça commence bien !
celui-là, j'arrive pas à le lire
fatigue
je passe, mais reviens (entre tes reins)

[grieg]

Tu brandis ton zeugme avec fierté, et conclus d’un coup de hanche aphoristico-oxymorique assuré.
tout y est.
Par contre, à l’instar de la pute, j’ai failli m’emmerder sur la démonstration.

[Arielle]

Pirouette réussie entre le zeugme flamboyant et le le noir aphorisme. Je suis un peu de l'avis du gentleman-farmer : le journal, on s'en passe aisément.

[mentor]

s'amuser avec la contrainte chiante et en faire quasiment le centre du récit c'est tout Yali, (sauf quand tu l'évacues d'un trait en la transformant en nom de bistrot ;-)
c'est pas le cas ici et j'ai souri d'un bout à l'autre, emporté par ta faconde et tes jeux avec les mots.
ça a l'air d'avoir été écrit en 3 minutes. Bon, c'est peut-être le cas, comme ça a pu aussi te prendre 3 jours.
L'art de faire paraître facile un truc coton
du bon Yali

au fait : pas compris le AREVA du titre ? siouplé ?

[Kilis]

J’adore le début. La fin est pure jouissance. L’écriture est impec.
L’histoire du gentleman farmer et du journal, d’accord, ils sont en creux et c’est savamment fait, mais le tuyau est un peu vide au milieu, comme dirait la Belge que je suis.

[Roz-gingembre]

Ben voilà, maintenant les contraintes je les connais.
je trouve d'ailleurs que tu t'en sors bien avec tes pirouettes!

[evaetjean]

et bien du pur yali... dès les premières lignes ça claque !

un peu long le passage du gentleman farmer... trop appuyé à mon gout mais sinon très bien glissé...

J'aime bien quand on se joue des contraintes comme tu l'as fait

[Sahkti]

Ha ben, il existe tout de même Route actualités, qui est peut-être passionnant.
http://www.journaux.fr/revue.php?id=133374

Comme dit par d'autres, démonstration par moments laborieuse, qui prend le pli sur d'autres instants plus légers et bienvenus du texte. Un texte en forme de pirouette, plaisante à lire.

[Petite-FRAP]

Je rejoins l'impression généralisée de la pirouette réussie, de la démonstration médiane un peu décalée par rapport au reste, mais j'ai apprécié le ton et la fluidité agréable. Sur ce je vais sonder tes autres textes...

[Yali]

Je réponds vite fait puisque c'est en haut.
Je trouvais que les contraintes étaient un chouïa faciles, aussi je m'en suis rajouté une, elliptique, ce que vous nommez la " Démonstration médiane "
Mentor : plus proche de trois minutes que des trois jours, beaucoup mais alors beaucoup plus proche, et Areva est une société autoroutière.
Là dessus, je file bosser. Je vous commente dés que je trouve un peu de temps.

[mentor]

Je réponds vite fait puisque c'est en haut...
...Areva est une société autoroutière.

ha ! je croyais qu'ils faisaient dans le nucléaire, la Hague, tout ça
donc si les routes sont phosphorescentes la nuit c'est pour ça ? :-)))

[Lucy]

Bien aimé ce "gentleman farmer" qui, bien qu'en apparence absent, est des plus présents dans ce récit.

Je vois que le pique-feu a fait des émules ! ^^

[Krystelle]

Encore une fois tu te joues du lecteur et le pire c'est qu'il en redemanderait presque !
C'est bien vu mais à force de trop jouer, tu perds parfois un peu de vue le lecteur justement, celui qui aimerait peut-être ressentir avant d'être épaté.

[kazar]

C'est original (j'ai pas envie de dire facile mais bon) et très yalinien.
Etonnante, la digression (ton ellipse à la mords-moi-le-glas) qui me ramène au bon endroit sans que j'aie nullement eu la sensation de m'égarer !

[Invité]

j'ai trouvé ça très drôle, c'est déjà bien.

[slave1802]

J'eusse préféré un gentleman agrement, c'est plus agréable que le fermage !

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