Dans la marge

[Kash Prex]

Un texte écrit assez rapidement, une envie soudaine de prose =)

Dans la marge

« N’écrivez pas dans la marge ! », répétaient les professeurs. « Rémi, je vous avais dit de ne pas écrire dans la marge ! » J’y ai écrit ma vie, dans la marge… Et je ne suis pas plus heureux que ceux qui sont restés derrière la ligne rouge. Pas moins, non plus. Mais comment veux-tu rester derrière une ligne sans avoir jamais vu ce qui se passe de l’autre côté ?

Moi, j’aimais écrire dans la marge. C’était une autre sensation, l’encre s’imprégnait plus vivement, la caresse du stylo sur le papier se fluidifiait, j’avais ce plaisir similaire à celui d’enfoncer ses pieds dans la neige poudreuse lorsque personne ne l’a fait avant soi. La sensation de créer, de découvrir, d’emprunter une trappe secrète vers le dépassement de mon Univers… J’ai écrit ma vie dans la marge, j’y écrirai ma mort, bientôt.

Je n’ai jamais travaillé, je n’ai jamais eu de maison. J’ai eu un ami ; un ami en or. Fabrice, facteur dans la rue qui me servait de lit. Il n’y avait pas de numéro 8 bis, non, mais Fabrice l’avait inventé pour moi. Il me transmettait les courriers qui y étaient destinés. Il m’avait créé une adresse. C’est comme ça que j’ai vécu, domicilié au 8 bis rue de la Liberté, dans quelques bouts de tissu et de carton. Évidemment, que j’ai choisi cette rue pour son nom.

Grâce à Fabrice, j’ai pu recevoir quelques aides financières, en tant que citoyen, que je n’étais pas. Mais surtout, j’ai pu envoyer mes manuscrits aux maisons d’édition. Les éditeurs aiment bien que l’on écrive dans la marge, eux. N’est-elle pas passionnante, cette marge ? Une vie entière à observer…

Mon troisième manuscrit a été publié dans une petite édition, qui a d’ailleurs disparu quelques années plus tard. C’était en 1976. Je l’avais titré « Place aux cons », mais ces crétins ont préféré remplacer par « Les passants »… On comprend très bien pourquoi ils ont coulé.

Depuis mon quatrième livre, je suis nourri par Gallimard. Je leur ai écrit 48 fois la même chose, 40 livres ont été publiés. Et ils sont contents, me félicitent davantage à chaque « chef d’œuvre », « magnifique ouvrage ». Des livres qui parlent des cons. C’est facile d’avoir une vie facile… Mais c’est tellement fatiguant.


Il y a cinq mois, Fabrice a pris sa retraite. J’ai quelques économies, mais elles s’empresseront de s’estomper. Je n’ai plus vraiment goût à quoi que ce soit. Vivre dans la marge, c’est comme tout, lassant. J’ai écrit un livre sur la remplaçante de Fabrice, elle correspond si bien aux personnages que j’aime mettre en scène… « Factrice factice », je l’ai appelé. Et je l’ai envoyé. Mais je ne recevrai jamais la réponse, le 8 bis n’existe plus.

[Invité]

Une ambiance douce-amère que j'ai trouvée agréable ; mais les implications du texte m'ont paru un peu trop transparentes... Un instant plaisant à vous lire.

[Invité]

Je suis lente à comprendre mais j'ai dû aller vérifier dans un cahier parce que cette phrase m'embêtait, "derrière" est relatif, ça dépend où on se place !

J’y ai écrit ma vie, dans la marge… Et je ne suis pas plus heureux que ceux qui sont restés derrière la ligne rouge.

Ne serait-il pas plus clair de dire : Et je ne suis pas plus heureux que ceux qui sont restés du "bon" côté de la ligne rouge.

Autre chose : J’ai quelques économies, mais elles s’empresseront de s’estomper. plutôt "de fondre", non ?

Sinon, il est sympa ton texte mais il me semble manquer un peu de consistance, avoir l'épine dorsale plutôt faible... J'aurais aimé par exemple que tu développes plus le personnage de Fabrice.

[Charles]

également buter sur le derrière la ligne... de l'autre côté (ou équivalent) serait mieux.

tiquer aussi sur le sdf qui envoie des manuscrits. j'y crois moyen, sur le coup, à la possibilité d'écrire, imprimer et envoyer, dans cette situation...

pour le reste, j'ai trouvé ça agréable à lire, fluide.

[Anne Veillac]

Je n'ai pas non plus cru à cette histoire. 40 livres et encore dans la rue ! Mais je l'ai lu avec plaisir. C'est bien écrit.
J'ai particulièrement aimé le passage sur l'écriture dans la marge.
Peut-être n'avais-tu pas besoin d'inventer une histoire pareille. Peut-être aurais-tu pu écrire un texte plus sobre avec cette petite histoire de marge.

[Kash Prex]

Anne et Charles, vous avez raison, l'histoire n'est pas très réaliste... Je pense que vous avez tout de même compris que là n'était pas réellement mon but. Mais le message se nourrit de cet excès, non ?

En ce qui concerne le problème de "derrière la ligne", j'avoue ne pas vraiment saisir ce qui vous chagrine, Charles et Easter... Libre à vous de développer ou non =)

[Invité]

Anne et Charles, vous avez raison, l'histoire n'est pas très réaliste... Je pense que vous avez tout de même compris que là n'était pas réellement mon but. Mais le message se nourrit de cet excès, non ?

En ce qui concerne le problème de "derrière la ligne", j'avoue ne pas vraiment saisir ce qui vous chagrine, Charles et Easter... Libre à vous de développer ou non =)

Ton texte n'est pas complètement irréaliste (voir FP Mény ) mais c'est peut-être l'excès du nombre de publications qui pêche...
Pour la marge, faute de pouvoir dessiner, je ne peux pas expliquer plus ; être du bon ou du mauvais côté est une question de perspective, ce n'est pas assez clair dans ton texte.

[Alskay]

Je partage l'avis de Socque, j'ai trouvé ton texte "mignon", presque un niais. Une bonne idée, mais convenue aux idées de dissidence un peu trop transparentes.

J'ai aussi bloqué à "derrière la ligne". La ligne rouge de la marge, que tu évoques, est verticale, donc déjà l'idée de derrière est galvaudée, puisqu'il n'y a pas de profondeur mais juste un rapport gauche/droite.
Aussi, c'est en partie à cause de cette expression que l'argument de ton texte est trop "clair". Avec "derrière", et "ligne rouge" j'ai eu l'impression que tu voulais vraiment que le lecteur comprenne - mais ce n'était pas nécessaire, car c'est bien écrit et l'idée se développe d'elle-même. Idem avec certaines images un peu clichées.

En fait, je me demande, est-ce que dire que tu es "derrière la ligne" n'est justement pas contradictoire avec la marge ? Dans le sens où tu "restes derrière la ligne", plutôt que, comme le dit Charles, "de l'autre côté" ?

[Charles]

Alskay a bien expliqué ce que je pensais du "derrière la ligne" ;-)

Je pense que vous avez tout de même compris que là n'était pas réellement mon but

oui, bien compris ;-)

[Invité]

J'ai aussi bloqué à "derrière la ligne". La ligne rouge de la marge, que tu évoques, est verticale, donc déjà l'idée de derrière est galvaudée, puisqu'il n'y a pas de profondeur mais juste un rapport gauche/droite.
Aussi, c'est en partie à cause de cette expression que l'argument de ton texte est trop "clair". Avec "derrière", et "ligne rouge" j'ai eu l'impression que tu voulais vraiment que le lecteur comprenne - mais ce n'était pas nécessaire, car c'est bien écrit et l'idée se développe d'elle-même. Idem avec certaines images un peu clichées.

En fait, je me demande, est-ce que dire que tu es "derrière la ligne" n'est justement pas contradictoire avec la marge ? Dans le sens où tu "restes derrière la ligne", plutôt que, comme le dit Charles, "de l'autre côté" ?

cqfd

[Kash Prex]

D'accord je comprends... En fait je ne vois pas la chose de la même manière. Pour moi la marge n'est pas verticale. La feuille est à plat, et les mots sont posés dessus, comme un objet sur le sol. S'ils franchissent la ligne, ils sont dans la marge, et donc derrière cette ligne.

J'ai donc oublié de me mettre à la place du lecteur pour expliciter cette conception de ce dont je parle. Je n'ai pas vu que les gens le prendraient ainsi que vous le décrivez... Merci beaucoup pour vos explications si constructives en tout cas =)

[Invité]

J'ai trouvé votre texte relativement bien écrit, agréable à lire.
Mais peut-être trop neutre, sans surprises, ce qui est dommage, surtout en se basant sur cette idée de "marge" qui est très bonne.

[Sahkti]

tiquer aussi sur le sdf qui envoie des manuscrits. j'y crois moyen, sur le coup, à la possibilité d'écrire, imprimer et envoyer, dans cette situation...

Et pourtant... tu devrais faire un petit tour du côté des Editions Sulliver, un auteur nommé FP Mény, hélas décédé depuis. Dans une grange. Il était SDF. Ecrivain vagabond préférait-il.
L'éditeur a publié deux livres du bonhomme, je les ai beaucoup appréciés.

[Sahkti]

Ton texte n'est pas complètement irréaliste (voir FP Mény )

Ha voilà, j'ai répondu avant de lire ceci.

[Sahkti]

Je l’avais titré « Place aux cons », mais ces crétins ont préféré remplacer par « Les passants »… On comprend très bien pourquoi ils ont coulé.
J'adore ceci :-))

J'ai souri en te lisant, J'ai aimé. le ton, le propos, cette façon de voir les choses et de les raconter, sans effets inutiles.

[lol47]

Je partage l'avis de Socque, j'ai trouvé ton texte "mignon", presque un niais. Une bonne idée, mais convenue aux idées de dissidence un peu trop transparentes.

J'ai aussi bloqué à "derrière la ligne". La ligne rouge de la marge, que tu évoques, est verticale, donc déjà l'idée de derrière est galvaudée, puisqu'il n'y a pas de profondeur mais juste un rapport gauche/droite.
Aussi, c'est en partie à cause de cette expression que l'argument de ton texte est trop "clair". Avec "derrière", et "ligne rouge" j'ai eu l'impression que tu voulais vraiment que le lecteur comprenne - mais ce n'était pas nécessaire, car c'est bien écrit et l'idée se développe d'elle-même. Idem avec certaines images un peu clichées.

En fait, je me demande, est-ce que dire que tu es "derrière la ligne" n'est justement pas contradictoire avec la marge ? Dans le sens où tu "restes derrière la ligne", plutôt que, comme le dit Charles, "de l'autre côté" ?

Le texte n'est pas parfait. D'ailleurs on ne lui demande pas de l'être, n'est-ce pas ?
Ce qui m'agace avec ces commentaires pontificaux, c'est qu'ils ne disent rien. Ni à faire ou à ne pas faire.
Quant aux images trop clichées, si tu as quelqu'un qui n'a lu aucun livre et qui est capable d'écrire une ligne, tu me le présentes...
Me fera plaisir.

45° à Londres.

[Hellian]

j'ai bien aimé. mais mon impression reste mitigée. Quitte à être dans la marge et à s'y complaire, mieux vaut peut-être écrire d'une écriture différente de celle que l'on peut lire « du bon côté » de la marge.

Cette phrase :

«emprunter une trappe secrète vers le dépassement de mon Univers…»

tu devrais peut-être l'appliquer à ta propre écriture.

[Deoxys 2]

C'est marrant, moi j'ai beaucoup aimé justement cette expression de "derrière la ligne rouge"... je n'ai pas tellement cherché à y voir quelque chose de rationnel, mais plutôt le fait que les autres restaient "en retrait", donc derrière la ligne, et que le protagoniste avait lui cherché à "franchir la ligne", passer dans cette espace défendu qu'est la marge. J'aurai aimé que tu développe cette histoire de marge plutôt que tu nous racontes toute la vie de ce personnage... Amicalement Deoxys 2.

[Contenu sponsorisé]