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LES IDIOTS : Les grenouilles

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Message  Roz-gingembre Sam 28 Fév 2009 - 8:41

I - Vert dominant. Nichée dans un chemin creux, une maison en vieilles pierres, de la mousse plein les joints ; presqu’une masure. Un peu plus loin il y a la route et après la montée, à droite de la fourche, la ferme du moulin. En attendant, en bas, au bord du ruisseau, c’est chez moi. Pas bien grand. Une seule pièce en terre battue, la table est en bois et la cheminée tire bien. Dans le lit clos nous n’avons pas souvent fait l’amour. Avant bien sûr, et c’est comme ça qu’est née Anna. Elle n’avait pas deux mois que je partais à la guerre. « Ça ne durera pas longtemps », elle avait quatre ans quand je suis revenu, sur mes deux jambes mais mort quand même. Pour tuer un homme ce n’est pas bien compliqué : enlevez-lui tous ses espoirs. La guerre m’a volé l’humanité toute entière et m’a laissé avec ce corps complet ; pas une once de ma chair concédée aux tonnes de barbaque déchiquetée dans les tranchées, mais tout cassé à l’intérieur.

Ce que je préfère ici c’est le bruissement du vent dans les arbres et l’eau qui coule doucement pour arriver jusqu’au lavoir. Après les pluies il arrive que le courant s’amuse à laisser un peu de barbe blanche dans les recoins du ru. C’est un endroit où je me sens bien, un endroit qui m’appelle. Jamais je ne pourrais aller vivre ailleurs. Quand il y a des traces dans la boue ce sont les miennes et les empreintes que je laisse lors de mes promenades me rappellent que le mouvement m’habite moi aussi. C’est comme ça que j’ai réappris qu’il y avait encore quelque chose de vivant chez moi.

Le lavoir c’était une idée de Lucy. Plus loin au village il y en avait un grand où les femmes se retrouvaient pour partager les potins de ceux qui habitaient en ville; la rivière faisait le tour de la butte et les pauvres étaient restés en bas alors que sur les hauteurs il y avait l’église et autour de l’église les grenouilles de bénitiers. On les appelle les calottes. Ils ne croient pas plus en Dieu que moi au miracle mais ça fait son effet d’avoir son nom gravé sur sa chaise dans l’église. Nous, nous habitions vraiment trop loin du village alors on avait notre propre lavoir, c’était plus pratique. J’avais été chercher des pierres dans la carrière près la forêt de Kervilin et j’avais fait quelque chose de beau pour ma Lucy et aussi pour que la pauvre diablesse de la ferme du moulin puisse en profiter. Avec sa ribambelle de mômes elle n’était pas à la noce tous les jours, sans compter que son homme buvait le peu que ses bras lui rapportaient. La ferme pourtant n’était pas si mal et la terre aurait suffi pour nourrir toutes ces bouches si seulement on l’avait travaillée régulièrement. Elle venait donc au lavoir avec son linge, même que ça me faisait pitié de voir ça quand elle partait en poussant la brouette chargée de tous ces draps et caleçons dans le chemin creux. Ma Lucy ce n’était pareil, et puis on s’aimait ; dans ses yeux il y avait mon avenir et dans son rire l’éternité. Enfin c’était ce que je croyais. Avant la guerre.

Aujourd’hui on ne lave plus le linge dans le lavoir. Le lavoir est devenu le palais des grenouilles et à chaque printemps je découvre comme si c’était la première fois, la grande métamorphose. Et je ne suis pas le seul. Bernard, l’aîné de la ferme du moulin, le fils du fils de l’ivrogne, revient rôder dans le vallon dès que les températures autorisent la valse des têtards. Bernard n’est pas bien futé, il n’a pas dû avoir tout son compte celui-là, à moins que sa mère se soit pris une raoustée quand il était encore dans son ventre ; c’est que son père a hérité avec la ferme de la soif du vieux et que le gros rouge coule toujours à flots au moulin alors que les ventres restent vides. Donc Bernard aime bien venir se planter devant le ruisseau et le lavoir quand arrivent les beaux jours. Il ne m’embête pas, il ne pose pas de questions. C’est pas comme les deux gosses de la ville-neuve qui sont venus l’autre jour avec leur magnétophone pour m’interroger sur la « der des der » comme ils disaient. (Ça m’a fait drôle d’entendre cette expression dans leur bouche). Le garçon devait avoir dix ans et avait préparé ses questions sur une feuille. « C’est pour l’école » a-t-il dit. La petiote – elle, n’était pas beaucoup plus jeune, et préférait regarder le ciel et mon ruisseau. C’est elle qui a posé la seule question intéressante, son frère avait déjà stoppé l’enregistrement : « Père Pichouron, on voit encore les nuages dans l’eau quand c’est la guerre ? »

Bernard ne sait même pas qu’il y a eu la guerre. Faut dire, celle-là elle est finie depuis soixante ans. Ce n’est pas qu’il soit méchant Bernard, non, il a les yeux bien trop vides pour y mettre de la malice. Un peu comme les yeux du petit veau quand il vient de naitre. Ce qui étonne chez lui, c’est son rapport au monde ; il ne pense pas le monde, il est réceptif aux choses des sens. Cette jouissance que je peux lire sur son visage quand il contemple un rayon de soleil se frayer un passage entre les chênes et faire clignoter le ruisseau, j’aimerais la ressentir, rien qu’une fois.
Toujours le ruisseau et la quête à la grenouille. Bernard est un passionné de la grenouille. Parfois il attrape les têtards entre ses doigts et il les regarde de près avant de les relâcher. Je ne l’ai jamais vu en écraser ou en balancer, non, il regarde, c’est tout. Et alors, quand les têtards sont devenus grenouilles, il se met à croasser avec elles et à sauter autour du ruisseau comme s’il venait d’être témoin de ce qui peut se faire de plus beau au monde. Que se passe-t-il dans sa petite tête à ce moment là ?

II – Qu’est ce qu’elle fait encore là cette grande gigue à regarder le ruisseau. Pourrait pas aller à l’école comme tout le monde ce grand nigaud ? Marre des gosses qui rôdent par ici. M’enfin au moins celui-là ne viendra pas m’embêter avec ses questions idiotes. C’est pas comme les deux gamins de la ville-neuve. Je ne crois pas que c’était pour me faire de la peine mais la gamine, l’autre jour a réussi à me faire pleurer avec sa remarque stupide : « ce sont les Allemands qui t’on rasé les cheveux ? » qu’elle m’a dit. Son frère a eu beau lui donner un coup de pied aux fesses le mal était fait. Non, ce ne sont pas les Allemands qui m’ont rasé les cheveux. Depuis le temps, ils auraient eu le temps de repousser. Non, c’est la tristesse d’avoir dû vivre avec mon Jean à moitié vivant à moitié mort depuis tellement d’années qui m’a fait la tête lisse. Ils étaient pourtant beaux mes cheveux et tenaient bien la coiffe. Aujourd’hui je porte le foulard, été comme hiver ; je suis la femme chauve qui se cache dans le vallon et dont les enfants du village se moquent. Si seulement il avait un peu insisté en revenant de la guerre. C’est vrai que c’était plus pareil quand on était au lit. L’aurait pas pu me faire un petit frère pour Anna tout de suite, pour sûr. Mais moi, je m’en moquais. J’étais tellement heureuse d’avoir retrouvé mon Jean, alors le reste, ça pouvait bien attendre. Ca pouvait même être autrement. On se serait débrouillé. La preuve, même sans ça, je l’aime toujours mon homme. N’empêche, s’il avait été moins fier, j’aurais p’être pas perdu mes cheveux.

Le Bernard lui, c’est un idiot. Et si moi je n’ai plus rien sur le crâne, lui c’est dans le crâne que c’est misère. Au moins il ne se rend pas compte de la vie qu’il mène. Pourtant il a sûrement faim. Je me doute bien qu’il doit me faucher des œufs de temps en temps. Comme si ça ne suffisait pas qu’il fasse peur aux poules. L’autre jour il est descendu au lavoir avec une tartine de confiture. Il m’a dit que c’était la dame de la ville-neuve qui la lui avait donnée pour le goûter. Bien longtemps après avoir fini sa tartine il se léchait encore les doigts. Il ne doit pas manger de la confiture tous les jours celui-là. Et pourtant il ne semble pas malheureux, ou alors il est trop bête pour s’en rendre compte, parce que si j’ai bien compris on lui mène la vie dure à la ferme. Ça doit être pour ça qu’il est bien bâti ; les gros travaux, c’est pour lui et il n’a pas intérêt à être paresseux. Enfin quand il vient par ici c’est comme sa récréation, et si ça me fait râler c’est surtout par habitude, et puis parce que parfois il me fait peur à sauter comme un pauvre diable autour du ruisseau pour imiter les grenouilles. Il est pourtant grand, presque un jeune homme. Il ne serait pas vilain d’ailleurs même si on dirait que sa figure n’a pas de face mais seulement deux profils. Il est grand, sec, tout en muscles mais dès que tu le regardes tu comprends tout de suite qu’il a quelque chose qui ne tourne par rond. J’aimerais bien qu’il vienne un peu moins ces prochains jours. Anna et sa fille Sylvie doivent passer nous voir la semaine prochaine. C’est pas que j’ai peur du Bernard mais j’aimerais mieux qu’il ne rencontre pas Sylvie, d’autant plus que c’est presque lui qui serait en danger avec elle ; l’a pas froid aux yeux ma petite-fille. Peut-être que c’est parce que sa mère l’a eue tard et qu’elle n’a pas su garder son homme, alors la petite s’est fait le caractère toute seule. J’aime bien ma Sylvie, même si je vois bien qu’elle s’embête chez nous ; au moins la semaine prochaine, il y aura un peu de vie par ici.
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Message  Roz-gingembre Sam 28 Fév 2009 - 8:42

III – Allez-viens Bernard, mais si, tiens, donne-moi la main, n’aie pas peur ; puisque je te dis que tu vas voir la plus belle grenouille de ta vie. Suis-moi. Tu peux avoir confiance tu sais. T’es un beau gars, je ne me souvenais pas que t’étais si grand, t’as des muscles aussi, montre tes bras ! Ben dis donc !
Moi aussi j’ai changé, tu ne trouves pas ? Je ne suis plus la petite Sylvie qui te lançait des pierres dans le lavoir pendant que tu regardais les têtards. Ca t’embêtait hein, quand je faisais ça, mais c’est promis, maintenant je ne t’embêterais plus.
Mais qu’est-ce que tu fais ? Tu me caresses l’épaule. Toi aussi tu trouves qu’elle est douce ma peau, hein ?
Attends, grand benêt. Un peu plus loin il y a la grange des Legoff, on va y aller. Ne fais pas de bruit, attends je te dis. Tu n’as jamais touché la peau d’une fille on dirait ? Tu veux que je te montre, tu veux que je te montre partout ? T’as déjà vu une femme nue quand même ? Ta sœur, oui bien sûr. Mais t’as pas touché. Encore heureux que tu caresses pas ta sœur. Si tu veux, je me déshabille, tu peux lever ma jupe pour commencer. Oh là là, comment tu me regardes, on dirait que t’es plus le même. Hé, Bernard tu me ferais presque peur, je te fais de l’effet on dirait. Elle est à croquer ma peau, hein ? Je vois bien que t’aimerais y goûter. Goûte Bernard, ce que tu veux tu goûtes. Y a du foin ici, on sera bien et puis ça sent bon. T’entends du bruit ? Mais non, y a pas de bruit, qu’est ce que tu imagines, t’entends des voix maintenant ?
Comment ça la grenouille ? Ah oui, la grenouille, j’oubliais. Allonge-toi sur le dos, oui, comme ça Bernard, tu vas la voir ta grenouille, tu vas même l’entendre, comme tu ne l’as jamais entendue.

IV – Ben non, on ne comprend rien monsieur l’inspecteur. Mais qu’est-ce qui lui est passé par la tête à mon Jean ? Je croyais que c’était terminé moi, les horreurs. Parce que vous comprenez monsieur l’inspecteur, on a donné nous, avec la souffrance, les guerres et la mort qui n’en termine jamais de s’infiltrer partout même quand on croit que tout est fini.
Ce qu’il a fait hier ? Ben j’ai bien vu qu’il n’était pas vraiment dans son assiette. C’était comme ça depuis la veille, on avait eu la fille et la petite-fille avec nous dans la journée et comme prévu il était allé aider les Legoff à rentrer le foin ; il donne parfois un coup de main aux fermiers d’à côté, comme ça tous les matins on a notre lait frais. Il est rentré tard, tout bizarre, il n’était même pas là pour dire au revoir aux enfants. Ça lui arrive parfois, à cause de la guerre, il y repense toujours à la première, la deuxième il ne l’a pas faite. Encore heureux, parce que vous savez monsieur l’inspecteur, il avait eu sa dose en quatorze et même si ça ne se voyait pas, ce n’était plus le même homme, je peux vous le dire moi. Donc hier comme vous me le demandez, il s’est levé et est parti sans rien dire, il n’a même pas pris le café ; moi dans ces cas-là je ne m’occupe pas de ses affaires, je sais qu’il faut du temps au temps et là c’était le printemps et il va toujours mieux au printemps, je ne me suis pas vraiment inquiétée. C’est seulement le soir comme je ne le voyais pas revenir que je suis allée voir du côté du ruisseau, là où il va toujours. Et c’est là que je l’ai trouvé.
Comment vous voulez que je comprenne ce que cela signifie ? Ben oui ; il les aimait bien les grenouilles, mais pas pour les pêcher, ni pour les manger. Ce qu’il aimait Jean c’était les regarder vivre, les regarder sauter, les écouter croasser. Comment voulez-vous que je comprenne moi pourquoi il a fallu qu’il en tue tant. Pourquoi qu’il s’est mis nu, la tête dans le ruisseau, pourquoi il s’est couvert le corps de toutes ces grenouilles qu’il avait massacrées ; d’ailleurs, je ne sais même pas comment il a pu en trouver autant. Qu’est-ce que j’en sais moi monsieur l’inspecteur, pourquoi il a choisi de mourir hier, misérable et nu comme un ver, les yeux fixés au fond du ruisseau, comme pour ne plus voir le ciel, les arbres et sous les arbres, sauter les grenouilles.

Quant à celui là, qu’est-ce qu’il fait encore à trainer ici ?
- Bernard, ne reste pas là, rentre chez toi, il n’y a rien à voir ici, y’a même plus de grenouilles.

Ça ne serait pas lui par hasard qui aurait filé sa folie à Jean?
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Message  Invité Sam 28 Fév 2009 - 9:56

Je trouve la narration très bien maîtrisée, le récit intéressant, mené avec habileté et fort bien écrit, mais le personnage de Jean, pour moi, n'est pas crédible. Pourquoi cet homme paisible, qui n'a rien contre l'idiot, prendrait un coup de sang en le voyant se taper sa petite-fille ? Je n'y crois pas comme ça, peut-être faudrait-il que le monologue de Jean manifestât davantage de hargne rentrée.

Une autre chose qui, à mon avis, ne colle pas, ce sont quelques envolées philosophiques de Jean que je trouve trop élaborées pour le personnage :
"La guerre m’a volé l’humanité toute entière"
"le mouvement m’habite moi aussi"
"dans son rire l’éternité"
"il ne pense pas le monde, il est réceptif aux choses des sens"

J'aime beaucoup :
"« Père Pichouron, on voit encore les nuages dans l’eau quand c’est la guerre ? »"

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Message  grieg Sam 28 Fév 2009 - 11:18

j'aime beaucoup.
la polyphonie est bien en place, distincte, juste ; les différents caractères vivants...
une atmosphère tristement poétique qui me plait
un vrai plaisir de lecture

j'aurais peut-être préféré que lucy n'annonce pas la couleur trop tôt, à propos de sa petite fille, mais c'est un détail.
bravo

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Message  Menestroll Sam 28 Fév 2009 - 12:12

Je rejoins l'avis de socque et grieg. Ce fut un plaisir de ce premier texte sur les Idiots.

Je ne m'attendais pas à un traitement pareil du sujet, qui est très intéressant.
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Message  Invité Sam 28 Fév 2009 - 18:25

Un traitement pas facile du sujet dont tu te sors avec les honneurs. J'aime beaucoup l'ambiance malsaine-mais-pas-vraiment- qui se dégage de ce texte où les non-dits font encore plus de bruit l'explicite.

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Message  Yaäne Sam 28 Fév 2009 - 20:01

Je suis l'avis de Socque quant au personnage de Jean, je le trouve pas très crédible parce que un peu anbigu. Vieil homme paisible mais tourmenté par la guerre ?
Sinon l'histoire est bien tournée, agréable.
La plus belle phrase :
On voit encore les nuages dans l’eau quand c’est la guerre ?
.

Bizarrement, je l'ai lu en mettant instinctivement le visage de Michel Serrault dans Le papillon sur le vieux bonhomme...
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Message  Invité Dim 1 Mar 2009 - 9:48

Easter(Island) a écrit:Un traitement pas facile du sujet dont tu te sors avec les honneurs. J'aime beaucoup l'ambiance malsaine-mais-pas-vraiment- qui se dégage de ce texte où les non-dits font encore plus de bruit l'explicite.
tu as corrigé Eddy :
ce texte où les non-dits font encore plus de bruit que l'explicite

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Message  Roz-gingembre Dim 1 Mar 2009 - 11:30

Je m'en doutais beaucoup pour tout te dire, mais c'est bien d'en avoir la certitude.

Je peux répondre aussi à Yaane et Socques sur la personnalité de Jean. Jean est un rural soit, mais il est loin d'être sot et qui plus est il est doué de la même perméabilité aux choses des sens que peut l'être Bernard. Mettre des mots sur les ressentis n'est pas l'apanage du citadin, c'est souvent prendre le temps de le faire qui l'est. Or Jean a le temps.
Là ou l'idiot ne fait que subir, lui il doit aussi faire avec sa raison. Et c'est là qu'est le drame : que ce soit sa petite fille en s'en moque mais ce qui tue Jean, c'est l'intensité de ce que vit Bernard et dont il est lui, privé.

Et le vieil homme n'est pas un homme paisible, c'est le cadre qui l'est, pour compenser justement.

Peut-être que cette nouvelle méritait d'être plus longue afin de bien poser les traits de caractères, il n'est pas exclu que j'y travaille parce que je suis sincèrement désolée de n'avoir su mieux en rendre compte, là était la clef du drame.
C'est que figurez-vous, vos lectures ont de l'importance.
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Message  Roz-gingembre Dim 1 Mar 2009 - 11:33

Aie!!! j'ai fait une faute à Socque, je lui ai mis du pluriel aux pieds! s'cuses...
(Socque : c'est de l'humour)
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Message  Invité Dim 1 Mar 2009 - 11:41

Vos explications éclairent en effet les choses pour Jean ; je suis convaincue qu'on comprendrait mieux le personnage si vous intégriez dans le texte un épisode où on percevrait mieux le tourment du personnage. C'est vrai que les éléments sont là (il n'a plus touché sa femme après la guerre, il envie Bernard), mais peut-être saute-t-on à l'événement crucial trop vite, peut-être pourrait-il y avoir un incident où il réagit de manière plus explicite au bonheur sensuel de Bernard... Tel quel, j'ai eu l'impression qu'il ne supportait pas de voir un idiot souiller sa petite-fille, or il semble que vous n'ayez pas du tout voulu donner cette idée.

...Et merci pour avoir rectifié l'erreur sur mon pseudonyme !

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Message  Hellian Dim 1 Mar 2009 - 12:22

j'ai beaucoup aimé ce traitement en perspectives, cette approche quasi cinématographique des personnages. J'avais quant à moi perçu cette présentation «antipodique" du ressenti de Jean et de Bernard, le premier prisonnier de l'hier, le second de l'immédiat.

Mille fois d'accord avec Eddy; l'analyse et l'introspection ne sont pas le privilège des citadins, et ma culture de la ruralité m'incite à le confirmer. Cela étant, c'est peut-être dans le traitement stylistique que réside la clé. Ne faudrait-il pas, tout en accordant à Jean la même subtilité, lui prêter une syntaxe un petit peu simplifiée, plus "aquarellée".

Le problème, chère Eddy, c'est que plus un texte est fort, plus il rend le lecteur exigeant. J'espère que vous prendrez cela comme un compliment sincère.
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Message  Invité Dim 1 Mar 2009 - 13:17

Je suis d'accord avec Hellian : évidemment que la sensibilité et la profondeur des sentiments ne sont pas l'apanage des citadins, mais justement, ce qui m'a arrêtée dans les expressions que j'ai relevées, c'est que Jean s'exprimait par moments comme un citadin. Cette première expression, "la guerre a tué l'humanité en moi", ou approchant, me paraît typique, justement, d'une manière grandiloquente de dire les choses qui, pour moi, correspond mal au personnage.

Et je suis d'accord aussi avec Hellian pour dire que le lecteur exige davantage quand le texte lui paraît fort !

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Message  Roz-gingembre Dim 1 Mar 2009 - 15:28

Socque et Hellian, merci de vos conseils, j'entends fort bien vos remarques. J'ai essayé d'en tenir compte.
Je propose ce paragraphe en remplacement du correspondant:

"Bernard ne sait même pas qu’il y a eu la guerre. Faut dire, celle-là elle est finie depuis soixante ans. Ce n’est pas qu’il soit méchant Bernard, non, il a les yeux bien trop vides pour y mettre de la malice. Un peu comme les yeux du petit veau quand il vient de naitre. Ce qui étonne chez lui, c’est la relation qu’il entretient avec ce qui l’entoure; il semble ne vivre que dans la sensation que l’instant lui offre tout en sachant en profiter pleinement. Cette jouissance que je peux lire sur son visage quand il contemple un rayon de soleil se frayer un passage entre les chênes et faire clignoter le ruisseau, j’aimerais la ressentir, rien qu’une fois. Moi il faut toujours que je cherche la raison de chaque chose, même de ce que je ressens. Avant de m’autoriser à accepter quelque chose de plaisant il faut que m’interroge pour savoir si oui ou non, je peux m’y laisser aller. C’est probablement pour ça que rien n’a plus été possible dans le lit avec ma Lucy après la guerre, quelque part dans ma tête, les souvenirs de la grande tuerie ont empêché ne serait-ce que l’espoir de concevoir un autre enfant. Mais il m’aura fallu composer avec cette décision, elle m’aura couté chère et à Lucy aussi, et de voir Bernard se donner tant de plaisir en regardant sauter les grenouilles, j’avoue que quelque part, j’en mourrais d’envie. Parce qu’il faut le voir autour du ruisseau dans sa quête à la grenouille. Bernard est un passionné de la grenouille. Parfois il attrape les têtards entre ses doigts et il les regarde de près avant de les relâcher. Je ne l’ai jamais vu en écraser ou en balancer, non, il regarde, c’est tout. Et alors, quand les têtards sont devenus grenouilles, il se met à croasser avec elles et à sauter autour du ruisseau comme s’il venait d’être témoin de ce qui peut se faire de plus beau au monde. Que se passe-t-il dans sa petite tête à ce moment là ?"

Il est plus explicite, et surtout j'ai essayé comme tu me le conseilles Hellian de simplifier la syntaxe. En même temps j'en dis forcément beaucoup plus sur Jean, ce qui n'était pas forcément l'idée de départ et la demande qui demandait de travailler surtout sur l'idiot.
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Message  lol47 Dim 1 Mar 2009 - 19:53

Avec toute cette histoire, j'avais lu en diagonale et vite fait.

C'est pas mal tourné mais je reste sur ma faim. En vérité, trop bien tourné, peu crédible. Il y a un véritable effort d'écriture dans la narration.

Rapport à tes autres textes, il est surprenant parce que forcément différent.

une "raoustée". Par chez moi on dit une rouste.
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Message  Sahkti Mer 4 Mar 2009 - 10:50

Un plaisir de te lire Eddy. J'aime ce ton à plusieurs voix, ce désenchantement permanent au milieu de la poésie des lieux et de la souffrance des êtres. Le ton est juste, sauf peut-être de temps en temps chez Jean, qui énumère ses douleurs de manière parfois un peu trop "littéraire" pour quelqu'un qui en a bavé des tonnes à la guerre, il est contenu et ne se lâche qu'assez peu au début. Mais je lis ensuite tes explications et je comprends mieux l'intention.

C'est une histoire prenante qui se déroule sous nos yeux. C'est triste et vivant à la fois, malgré la mort dans l'âme des personnages.
Un bel "Idiot" !
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Message  Arielle Jeu 5 Mar 2009 - 16:08

Je crois que la transformation que tu proposes est necessaire Eddy. A ma première lecture je n'avais pas compris les motivations de Jean qui deviennent ainsi beaucoup plus claires et compréhensibles. Par contraste, ce qu'on apprend ainsi sur Jean aide à mettre en relief la légèreté et l'insouciance de Bernard et affine encore son portait.
J'ai beaucoup aimé.

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Message  Lucy Sam 7 Mar 2009 - 6:53

Un bon texte, le décor est bien planté, les personnages très crédibles. Petit bémol sur la fin, pour ma part.
J'ai aimé la manière dont tu as amené les choses. J'ai visualisé le tout un peu à la manière d'un dessin naissant d'une petite esquisse. Du beau travail ! Voilà pourquoi je mets ce bémol sur la fin que je ressens moins que les trois parties précédentes.
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Message  Krystelle Sam 7 Mar 2009 - 12:46

Je trouve qu'il y a un fort potentiel poétique dans ce texte et j'ai pris plaisir à lire l'histoire que tu nous contes, quelque soit le point de vue adopté.
Néanmoins, je trouve l'écriture inégale, tu hésites entre plusieurs formes de langage et il me semble que parfois l'auteur vole la plume aux personnages.
Ce que je veux dire, c'est qu'il y a ce langage parlé, rural, un peu archaïque qui donne le ton à l'ensemble du texte mais qui heurte parfois l'oreille; et puis il y a ce langage poétique, imagé, plus soutenu, qui donne de belles envolées au texte mais qui dénote tout de même par rapport à l'ensemble.

Krystelle

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