LES IDIOTS : Quelle idiote !

[Arielle]

J'espère que je suis encore dans les temps ...


- C'est pas idiot ce que tu dis là !

Elle lève la tête, cherche l'ironie qui devrait accompagner cette remarque. Mais il répète, comme pour lui-même " C'est pas idiot! " Pas d'ironie, pas de condescendance. Il semble vraiment convaincu du bien fondé de sa proposition.

Elle rougit de plaisir. Depuis qu'ils sortent ensemble il l'a toujours traitée comme un petit animal docile auquel on accorde peu d'intérêt en dehors des instants consacrés aux caresses. Il est tendre, protecteur. Il aime la contempler, l'admirer même, ainsi qu'il le ferait d'un très beau chat dont il serait fier. Mais il est tellement au dessus de ses babillages ! Il l'écoute généralement d'une oreille si distraite qu'elle se demande parfois s'il l'entend.

Elle le regarde réfléchir. Pour une fois, elle a capté son attention autrement qu'avec un sourire ou un geste gracieux. Elle touille son café d'une petite cuiller aussi discrète que possible.

- Ecoute, je crois que je vais aller lui en parler tout de suite. C'est vraiment une excellente idée que tu viens d'avoir. Ne bouge pas, j'en ai pour une heure à tout casser et après je t'emmène voir ce film dont tu as tellement envie et puis on se fera un petit resto … D'accord ?

Il est déjà debout, enfile sa veste, tout en se penchant vers elle pour un baiser rapide. Sa main lisse ses cheveux … Il est parti !

Elle sourit, se laisse aller contre le dossier de moleskine. Elle est bien dans ce café. Une heure à tout casser et il sera de retour. Elle sort un bouquin de son sac, un gros roman russe dont elle trouve les personnages fascinants et terriblement attachants. Cependant elle ne parvient pas, aujourd'hui, à reprendre le fil de l'histoire, trop absorbée qu'elle est par la sienne.

Elle est touchée qu'il lui ait proposé d'aller voir ce film avec elle, ne se souvenant même plus lui en avoir parlé. Il fait peut-être plus attention à ses bavardages qu'elle ne l'imaginait.

Comme elle a changé depuis qu'elle connait cet homme ! Elle, si indépendante, autrefois, si autonome, elle ne vit plus que par et sous le regard de son nouveau compagnon. Elle n'avait jamais éprouvé une telle emprise de la part d'aucun de ses amants jusque-là … Ce doit être cela aimer, s'accorde-t-elle en souriant au garçon qui lui apporte un deuxième café.
Il est si brillant, si intelligent, si généreux qu'il y a un vrai plaisir à s'abandonner à ses décisions, à n'être plus, entre ses mains, qu'une petite chatte ronronnante et soumise.

Elle regarde l'heure à son téléphone portable. Elle l'a posé sur la table à côté du livre où elle a fini par retrouver ce prince Mychkine si bon, si naïf, qui l'émeut si fort.
Il avait dit une heure … Il a du être retardé par les embouteillages de cette fin de semaine.

Autour d'elle, le café se remplit. Des habitués au comptoir, des gens qui parlent fort, s'interpellent joyeux de ce week-end qui commence, des couples qui se retrouvent, s'enlacent. Elle aussi devrait être heureuse, partager cette euphorie des moments privilégiés qui s'annoncent …

- Allo ! Natacha … Ecoute, je suis désolé mon chaton ! Je suis arrivé ici en pleine catastrophe, je te raconterai, c'est incroyable ! Je ne pouvais vraiment pas, ce n'était absolument pas le moment d'en rajouter une couche avec cette histoire …

- Cette histoire … c'est notre histoire ! parvient-elle à articuler.

- Je sais mon minou ! Je sais comme tu dois être déçue : Tout un week-end qui nous échappe, c'est trop moche ! Mais tu vois, j'ai réfléchi aussi, après t'avoir quittée, Robert n'aurait jamais marché dans la combine. C'était vraiment une très bonne idée que tu as eue là mais on ne peut pas compter sur un gars comme lui …

- Mais tu m'avais dit que c'était un deal entre vous, qu'il te devait un service de ce genre …

Cette boule de chagrin qui monte, qui monte et l'empêche de poursuivre !

- Eh bien, je crois que je m'étais trompé … ça m'arrive, tu sais ! On n'est jamais trop prudent et je suis sûr qu'avec lui on allait droit dans le mur !
Tu ne m'en veux pas trop ma chérie ? Tu sais, je suis pris dans un vrai sac de nœuds, ici c'est l'enfer …
Ah! Comme j'aimerais être près de toi, dans notre petit nid. Mais nous en aurons d'autres des week-ends ensemble, quand tout cela sera passé, je te le promets.

Elle n'a pas écouté la fin, elle la connait par cœur:
Elle en a de la chance d'avoir une vie si calme, si paisible, pas de responsabilités, personne d'autre qu'elle-même à satisfaire, un week-end à se détendre, à profiter de ce printemps qui pointe le bout de son nez …

"Triple buse, va! Tu n'avais pas compris qu'il manquait du courage de te le dire en face ! Que ton week-end, il n'en avait rien à foutre mais qu'il cherchait un moyen d'échapper à tes reproches, à ton air de chien battu …

Mon minou, minaude-t-elle, cherchant désespérément un mouchoir dans les tréfonds de son sac et de son désespoir, tu n'es vraiment qu'une pauvre, qu'une lamentable idiote ! "

[Invité]

Avec le titre et le début de l'histoire, la conclusion est trop évidente : on sait presque tout de suite que la nénette va se faire enfler.
Cela dit, j'ai trouvé le texte très agréable à lire, son écriture fluide...

[Invité]

J'ai lu avec beaucoup de plaisir cette tranche de vie bien réelle, bien écrite sur une fausse idiote, qui finira bien par se rebeller non ?

[Roz-gingembre]

Y'a pas mieux que l'amour pour transformer une femme en une idiote.
Espérons pour elle que ce soit réversible.
Et si effectivement la chute n'est pas très originale c'est peut-être seulement parce que l'histoire est d'un fréquent!
En fait Arielle, c'est presque un service que tu nous rends ici avec cette piqure de rappel.

[Krystelle]

Tu parviens à donner une vraie dimension à cette fille; elle est bien observée et la façon dont tu dépeins la scène contribue à donner une sensation de justesse malgré la dimension caricaturale de la situation et des personnages.

[Hellian]

eh bien oui, avec le titre et le début de l'histoire... Mais bon, c'est la consigne aussi ! cela doit se finir pas trés bien, non ? alors évidemment, la fin est attendue. Moi j'ai aimé cette tranche de vie aux relents très féminins, très sensible et juste . Attention, je ne parle pas d'écriture féminine, ne nous méprenons pas, mais d'un ressenti féminin.superbement traduit. En revanche, je ne suis pas certain que l'on soit vraiment dans le sujet, sauf si l'on veut bien admettre que l'amour est une forme d'idiotie.

[Sahkti]

Attendu mais très juste, avec une simplicité désarmante qui n'en rend le tout que plus intéressant (et attachant).
Oui, il y a des filles qui peuvent vraiment être idiotes en amour... à moins qu'elles ne soient de très bonnes joueuses !

[Hellian]

Attendu mais très juste, avec une simplicité désarmante qui n'en rend le tout que plus intéressant (et attachant).
Oui, il y a des filles qui peuvent vraiment être idiotes en amour... à moins qu'elles ne soient de très bonnes joueuses !

Je revendique la parité de l'idiotie amoureuse. Non mais!
Les hommes ont aussi ce droit et je suis prêt à ramener des preuves du parfait usage de l'idiotie par la gent masculine dans ce domaine.

[Arielle]

Hellian a écrit :

Je revendique la parité de l'idiotie amoureuse. Non mais!
Les hommes ont aussi ce droit et je suis prêt à ramener des preuves du parfait usage de l'idiotie par la gent masculine dans ce domaine.

Tout à fait d'accord avec toi Hellian !
Si j'ai choisi de mettre en scène une idiote c'est parce que Easter(Island) avait constaté qu'il n'y avait que des idiots mâles dans cet exo. C'est sa remarque qui m'a donné l'idée de féminiser un peu le cheptel ;-)

[lol47]

Hellian a écrit :

Je revendique la parité de l'idiotie amoureuse. Non mais!
Les hommes ont aussi ce droit et je suis prêt à ramener des preuves du parfait usage de l'idiotie par la gent masculine dans ce domaine.

Tout à fait d'accord avec toi Hellian !
Si j'ai choisi de mettre en scène une idiote c'est parce que Easter(Island) avait constaté qu'il n'y avait que des idiots mâles dans cet exo. C'est sa remarque qui m'a donné l'idée de féminiser un peu le cheptel ;-)

On dit pas cheptel mais harem.
Le site se féminise.

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