Ethan Shiraz : des suspicions sous la falaise

[Sergei]

Perchée sur des cimes plus froides que le grand nord se tenait ce qui se faisait appeler un manoir. Pour moi, il revêtait d'avantage l'allure d'un château fortifié. Mon père m'avait chargé de rendre visite au comte Marcus Caro, afin de vérifier si enfin nos suspicions étaient fondées.

J'empruntais donc le chemin que le temps avait balafré de toutes parts, lui arrachant les dernières dalles de pierre de son lit poussiéreux. Ma monture peinait à trouver le moindre appui. En relevant la tête, je compris que c'était également le cas de l'énorme demeure des Caro. Elle semblait s'agripper aux dernières ronces parsemant le haut de la falaise sur laquelle elle avait été bâtie. Un simple coup de vent aurait pu ébranler l'intimidante structure, noyant avec les pierres et les poutres la famille Caro et leurs infamies passées. Cependant, elle avait cet aspect impressionnant, d'autant plus qu'à mon jeune âge, on ne pouvait faire plus impressionnable.

Je franchis enfin le pont grinçant sous les affres de la tempête ambiante. La nature semblait en désaccord total avec ce château qui venait souiller la terre et fendre les cieux. Les ronces et le lierre grimpaient depuis des années le long des murailles. Le vent s'épuisait contre un pont qui n'avait jamais cédé. Et la pluie s'acharnait à trouver la moindre fissure pour rendre la vie des Caro plus difficile. Jamais le soleil ne semblait avoir percé dans cette région. Pourquoi, il y a quatre cent ans de cela, la prestigieuse famille Caro avait voulu s'isoler dans cette région si inhospitalière?

La cour du manoir était plus lugubre encore que l'extérieur ne le laissait présager. Point de dalles de pierres ni de poutres solides. Mais un champ de ruines, où la nature semblait avoir gagné la bataille.

Mais la pluie devenait virulente, et il me tardais de rentrer me réchauffer.
Or, une fois dans le château, personne ne répondit à mes appels qui résonnaient pourtant jusqu'à la plus haute tour.
Marcus Caro était peut-être parti en campagne. Si c'était le cas, alors la situation ne serait jamais plus propice pour faire ce dont mon père m'avait chargé.
Un feu crépitait dans l'âtre de la salle principale. Mais personne ne se tenait devant. Les portes étaient ouvertes à mon arrivée. Le comte devait être là, rien de plus sûr.

Mais si c'était le cas, alors il ne m'avait pas encore vu. Ma présence n'avait pas encore été trahie. Plutôt que de procéder comme je l'avais d'abord prévu, je pouvais tout aussi bien explorer le domaine en toute discrétion.

Alors je fît volte-face, et me précipitais dehors. Je devais trouver les caves de la demeure. La pluie déjà forte auparavant avait redoubler de violence, et me fouettait le visage et me cachait la vue. Mais dans les ténèbres j'aperçus enfin la petite poterne dont mon père m'avait parlé. Mon coeur battait jusqu'à me rompre les côtes lorsque je crochetais ce dernier obstacle. J'entrais, puis ce fut un noir complet.

Je m'enfonçais dans les dédales souterrains, vers la dernière vérité qu'il manquait à mon père. Sous mes pas, ce n'étaient plus des marches d'escaliers. J'étais au fond des entrailles du château. Je n'y voyais rien, et pourtant, je sentais que je marchais à travers un immense couloir. Je me risquai à tendre les bras de chaque côté. Mes doigts effleurèrent quelque chose de froid et d'humide. Pas de pierre ni de bois. C'était du fer. Des barres de fer qui bordaient le couloir de tout son long. Et lorsque ma vision commença enfin à s'habituer à ces voiles nébuleux, mon sang ne fît qu'un tour. Derrière ces barreaux, acculés aux murs, des formes à peine mouvantes, et des paires d'yeux blancs qui perçaient dans le noir. Des hommes et des femmes sans voix ni âme, des corps sans vie et sans conscience dont les ténèbres perpétuelles avaient troublé leur vision pour le restant de leurs nuits. Ils fixaient le vide, m'entendaient marcher, s'approchaient des barreaux, gémissaient ce qui devaient autrefois ressembler à des mots. Et je tremblais, ma chair, mes os, mon âme même était secoué de milles séismes. Et je voulais être loin, avoir refusé de faire ça pour mon père. Mais désormais nous avions notre vérité. Je retournerai à mon père, lui annoncerai les ignobles agissements, et gagnerai sa reconnaissance.

Mes yeux ne s'étaient pas habitués au noir. Un homme se tenait derrière moi, une torche à la main. Un visage émacié tout à fait neutre. Terrifiant de neutralité. Une amphore vivante remplie de toutes les horreurs qu'une vie aurait pu contenir, et qui la distribuait à boire à une horde de malheureux qui croupissaient sous terre depuis des années. La lame du comte me transperça de part en part, et ma vision se troubla, pour ce qui me sembla des années. Et des années.

[Invité]

Une belle histoire, à la chute lapidaire et terrible ; bien qu'on s'y attende, elle est efficace. J'aime vos descriptions solennelles, amples, mais vous avez du mal avec les formes verbales.
Un exemple avec ce paragraphe :
"Alors je fis volte-face, et me précipitai (et non "précipitais", qui est la forme de l'mparfait) dehors. Je devais trouver les caves de la demeure. La pluie déjà forte auparavant avait redoublé (participe passé et non l'infinitif que vous écrivez) de violence, et me fouettait le visage et me cachait la vue. Mais dans les ténèbres j'aperçus enfin la petite poterne dont mon père m'avait parlé. Mon coeur battait jusqu'à me rompre les côtes lorsque je crochetai (et non "crochetais") ce dernier obstacle. J'entrai (et non "entrais"), puis ce fut un noir complet."
Un peu plus loin, le narrateur envisage l'avenir et vous exprimez ses pensées au futur. Mais, comme il s'agit d'un récit au passé, vous devriez utiliser ici le conditionnel.
Votre orthographe est bonne, mais je pense que vous avez intérêt à étudier de plus près les verbes et les concordances de temps.

[Sergei]

Je vous remercie beaucoup Socque pour avoir attiré mon attention là-dessus. Je me rends compte que ce n'est pas très sérieux tout ça ^^
Je vais revoir tout ça vivement. Pour le futur utilisé à la fin, j'avoue que j'avais un gros doute. Merci pour votre commentaire et vos corrections.

[Invité]

Une très bonne lecture. J'ai aimé l'histoire et l'ambiance inquiétante ; j'ai surtout aimé l'écriture, simple et élégante, avec des mots qui sonnent juste.

Petit bémol sur l'emploi outrancier du "mais". Un exemple ici :

La cour du manoir était plus lugubre encore que l'extérieur ne le laissait présager. Point de dalles de pierres ni de poutres solides. Mais un champ de ruines, où la nature semblait avoir gagné la bataille.

Mais la pluie devenait virulente, et il me tardais de rentrer me réchauffer.
Or, une fois dans le château, personne ne répondit à mes appels qui résonnaient pourtant jusqu'à la plus haute tour.
Marcus Caro était peut-être parti en campagne. Si c'était le cas, alors la situation ne serait jamais plus propice pour faire ce dont mon père m'avait chargé.
Un feu crépitait dans l'âtre de la salle principale. Mais personne ne se tenait devant. Les portes étaient ouvertes à mon arrivée. Le comte devait être là, rien de plus sûr.

Mais si c'était le cas, alors il ne m'avait pas encore vu. Ma présence n'avait pas encore été trahie. Plutôt que de procéder comme je l'avais d'abord prévu, je pouvais tout aussi bien explorer le domaine en toute discrétion.

Alors je fît volte-face, et me précipitais dehors. Je devais trouver les caves de la demeure. La pluie déjà forte auparavant avait redoubler de violence, et me fouettait le visage et me cachait la vue. Mais dans les ténèbres j'aperçus enfin la petite poterne dont mon père m'avait parlé. Mon coeur battait jusqu'à me rompre les côtes lorsque je crochetais ce dernier obstacle. J'entrais, puis ce fut un noir complet.

[mentor]

ce qui se faisait appeler un manoir

"se faire appeler", je pense que c'est plutôt réservé à des personnes qu'à des chose, non

je lirai la suite plus tard

[Sahkti]

L'élégance et l'emphase de l'écriture se marient plutôt bien avec l'idée du comte, de l'endroit et du mystère généré par le texte jusqu'à la fin. Toutefois, j'aurais envie de dire qu'il n'en aurait pas fallu beaucoup plus pour que ça soit un peu surchargé, sans doute à cause des temps employés, des adjectifs et des descriptions; le risque d'alourdir est présent.

L'histoire est intéressante, intrigante, on a rapidement envie d'en savoir plus et la sobriété de la fin la rend d'autant plus forte qu'elle ouvre des portes vers un imaginaire complémentaire, qui complète bien le texte.

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