Benoît

[ptipimous]

Il était là, à regarder dehors.
En respirant doucement, il se concentrait. Tout son être restait tendu vers cette unique sensation qu’il allait bientôt perdre. Son coeur ne battait plus, mais bougeait dans sa poitrine, il ne pouvait pas l’arrêter depuis qu’il savait. Il n’y avait qu’à espérer qu’il tiendrait le coup. Et puis les médicaments avaient donné un coup de pouce. Ils avaient obligé la machine folle et emballée à ralentir le rythme, un peu.
Alors, il était là, respirait presque normalement en regardant les arbres et les oiseaux.
Il y avait eu la période de l’inacceptable, période vraiment très courte mais à quoi bon résister contre un ennemi déjà dans la place ?
Aujourd’hui, il repensait à sa jeunesse, au pouvoir de séduction incroyable qu’il avait eu grâce à ce cadeau de la nature. Il pensait aussi à demain et tout s’embrouillait. Il aurait voulu pleurer pour fêter ça, il n’y arrivait même pas. Il regardait le jardin, encore et encore comme s’il pouvait le revoir à jamais comme aujourd’hui et comme hier. Mais c’était déjà plus pareil. Déjà les choses avaient changés. Il y avait quelques zones d’ombres. Des trous. Les images sautaient ou manquaient tout simplement.
Il aurait bien aimé laisser tout ça en l’état. Attendre que lentement tout se dégrade jusqu’à ce que ça s’éteigne. Mais il y avait la douleur. Une barre qui était chaude au début, puis un peu brûlante jusqu’à des effets de fer chauffé au rouge qui lui traversait le crâne de part en part. Tellement qu’il pensait parfois qu’on pourrait voir au travers par un trou rond. On y aurait enfilé une corde et il aurait pu servir de pendentif à quelque géant coquet.
Pour l’heure, il se contentait de regarder l’arbre qui renaissait une fois encore par le coup de baguette printanier. Et pour lui, rien ne serait plus comme avant. De la pelote d’angoisse logée dans son cerveau, il pouvait en tirer des fils. Il l’avait déjà fait. Maintenant, sa pelote était toute ébouriffée de partout, et pas une seule piste n’était réjouissante. Et si.
Et s’il n’y en avait pas que là ? Le scanner lui avait dit le contraire.
Et si ça revenait ailleurs ? Et si ça s’attaquait à l’autre ? Et si c’était déjà trop tard ?
Il ne savait pas très bien d’où lui remontait cette image de Dieu, assis dans un fauteuil, devant des milliards de chandelles. De temps en temps, il en soufflait une, par hasard, par accident, un éternuement, une colère. Et ici-bas, la vie s’envolait dans la fumerolle de la bougie soufflée. Et la sienne de chandelle ? Où en était-elle ? Elle était un peu de guingois. Mais résisterait-elle encore longtemps ? Encore un peu ?
Il avait eu une chance incroyable. Il avait été beau gosse avec des yeux vairons. L’homme aux deux yeux pas pareils. C’est ainsi que les demoiselles l’appelaient derrière son dos. Et l’un était là pour mettre l’autre en valeur. Et vice-versa. Et uniquement ça.
Le paysage coulait de son oeil gauche. Il coulait sous trop de mauvais temps, trop de pluie, trop d’angoisse. il le voyait s‘effondrer comme une aquarelle noyée. Les couleurs bavaient et se mélangeaient pour ne plus faire qu’un amalgame noirâtre. Mais noirâtre, n’est-ce pas mieux que noir ? Tout noir. Un noir profond, absolu.
Il était là, tout seul à sa fenêtre.
Bien sûr, on lui en mettrait un autre. On pourrait même le faire de la même couleur que l’ancien. Mais le docteur lui a dit de réfléchir. C’est vrai que deux yeux pas pareils, ça attire le regard. Mais où serait-il avec les yeux de la même teinte ? Peut-être bien que pour les autres, cette mutilation resterait bénigne, d’ici quelques mois, on en parlerait plus.
C’est pour ça qu’il était devant sa fenêtre, tout seul pour pleurer son oeil marron qui mourrait. Et qui sait si cet oeil n’avait pas sa propre mémoire et emporterait avec lui toutes les images qu’il avait vu ? Est ce que l’autre oeil avait fait un double de tout ? Alors il regardait son jardin en fermant un oeil, puis l’autre, puis les ouvrait tous les deux en grand et les fermait ensuite pour voir ce qui restait. En soupirant, il pensait qu’il faudrait tout revivre, tout revoir, faire du stock.
Il se fit un thé brûlant, et dans la vapeur, son oeil vert s’embruma, rejoignit l’autre pour un instant. D’un coup de paupière, il effaça simplement le flou et il se mit à rire.

[Invité]

Voilà un sujet qui n'est pas courant ! Cela donne quelque chose d'assez inattendu, informatif même.
Je trouve l'écriture un peu trop sage, il me semble que sur le thème on aurait pu se permettre des fantaisies... Malgré tout, le suspense est assez bien entretenu et la fin évite le pathos. Intéressant, oui.

[mentor]

le tragique raconté avec une fausse légèreté, je trouve que c'est très bien rendu
beau texte

[Invité]

Je suis d'accord avec mentor. Le sujet est original, et bien traité.

[Kash Prex]

Mais de nombreuses fautes de style et d'orthographe...

[ptipimous]

ah non mon gars ! Ca, c'est trop facile. L'intérêt est que chaque critique soit constructive. je me tape assez d' éditeurs et leurs raisons hypocrites et fantasques de refuser un texte pour accepter ça d'un pin's de 20 ans. Alors soit tu développes et tu apportes des exemples concrets, soit tu garde tes hallucinations pour toi !
sans rancune !

[mentor]

Déjà les choses avaient changés.

pas de s à changé

on en parlerait plus.

manque la négation

son oeil marron qui mourrait.

mourait (futur)

toutes les images qu’il avait vu ?

vuES

C'est ce que j'ai vu, moi
pas trop grave effectivement
tu sais, ça arrive un coup de calgon des fois
Kash n'est pas le mauvais bougre, très loin de là
mais je le laisse revenir ici, s'il t'a lu

et puis tu sais, sur VE on a des "pins" de bien moins de 20 ans très très doués ! ;-)
tu pourrais d'ailleurs toi aussi t'essayer à la critique, non ?
Alleeeeez, vieux ! ;-)

[Invité]

Ni "mourrait" ni "mourait" ne sont des formes du futur, mentor. Le futur, c'est "mourra", l'imparfait "mourait", le conditionnel "mourrait".

[ptipimous]

comme ça, ça va ! les fautes d'orto, c'est difficile de ne pas en laisser derrière soi comme des traces dans la neige ! Je suis un peu plus chatouilleuse sur les histoires de style. Allez dire à Topor ou à Ribes qu'ils ont des problèmes de style parce que ce qu'ils écrivent n'est pas dans les conventions. Surtout venant de la part de quelqu'un qui ne m'étourdit pas justement par son "style !"
Un texte, c'est comme un tableau. Soit il te parle, soit non, bien sûr, une fois réglés les problèmes de syntaxe, d'orthographe et de musicalité, d'équilibre du texte.
Mais tu as raison, je vais prendre le temps de lire un peu et de me permettre quelques remarques à l'occasion. Il se trouve que je me suis inscrite à ce forum parce que ce que j'en ai lu m'a semblé de qualité et très varié. J'ai quitté un autre forum ou des gamins de 13 ans exposaient leurs proses qui n'avaient même pas l'excuse d'être écrites en langage sms.

[Invité]

Je me permets de vous faire remarquer que point n'est besoin de bien écrire pour savoir apprécier le style et en relever les fautes, de même que point n'est besoin de savoir cuisiner pour apprécier la saveur d'un plat. Ce ne sont pas les mêmes qualités qui sont en cause. L'acceptation de la critique, je pense, est un préalable ici, et l'argument "montre-moi d'abord ce que tu écris" me paraît tout simplement sans valeur.

[mentor]

son oeil marron qui mourrait.

mourait (futur)

ouch ! suis nul tant que j'ai pas les amygdales qui trempent dans le ti-punch
je devais vouloir dire imparfait parce que j'avais cru lire un conditionnel
merci socque

[ptipimous]

je suis d'accord et je peux accepter la critique à partir du moment où elle est constructive. Dire qu'il y a des problèmes de style sans rien derrière me semble un peu simple. Et alors ? Qu'est ce qu'on fait ? Qu'est ce qu'on remet en question ? Quelle phrase ? Quelle tournure ? Quel genre ? Et pour mettre quoi à la place ?

[Invité]

Le lecteur n'a pas forcément une idée sur ce qu'il faut mettre à la place ; cela, c'est précisément le rôle de l'auteur. Le lecteur n'a pas besoin de capacité d'écriture pour être capable de dire : "Dans cette phrase, à tel endroit, j'ai trouvé cette expression bizarre", ou même, plus nébuleux : "Le texte m'a laissé une impression d'inachevé", "Je n'ai pas compris telle partie de l'histoire", etc. Le lecteur donne son ressenti par rapport à ce qu'il a lu, ensuite il a (ou non) une idée plus précise sur ce qui ne va pas. C'est ensuite à l'auteur de décider que la critique lui est ou non utile, et de modifier ou non son texte en conséquence.
Mais en tout cas, à mon avis, le lecteur n'a pas obligation de précision ou de pertinence dans sa critique, uniquement de bonne foi. Ce qu'il dit est toujours intéressant pour l'auteur dans la mesure où cela lui donne un retour, un autre regard sur ce qu'il a écrit.

[mentor]

c'est vrai aussi que dire "Le sujet est original, et bien traité." n'est pas spécialement constructif
mouarf !

je sors

[ptipimous]

Dans cette phrase, à tel endroit, j'ai trouvé cette expression bizarre", ou même, plus nébuleux : "Le texte m'a laissé une impression d'inachevé", "Je n'ai pas compris telle partie de l'histoire", etc. Le lecteur donne son ressenti par rapport à ce qu'il a lu, ensuite il a (ou non) une idée plus précise sur ce qui ne va pas.

je suis ok avec ça. Avoue qu'on est loin de "y'a des fautes de style" qui ne me donne aucune indication sur... rien !

[Invité]

Oui, mais même cela, ça donne une indication. Après, on peut demander au lecteur de préciser sa pensée, mais l'agressivité ne me paraît pas utile...
Par ailleurs, peut-être avez-vous remarqué que je vous vouvoyais. Merci de me rendre la pareille, et à vous lire bientôt !

[Sahkti]

Quelques pistes intéressantes, ce regard vers le passé, ces souvenirs qui s'emmêlent, ce mystère aussi entretenu tout au long du texte. Le narrateur parle essentiellement de lui et pourtant, le texte se termine sans que nous en sachions beaucoup sur lui; ce n'est pas vraiment dérangeant. Mais… car il y a un léger mais, il est tout de même par moments difficile d'entrer dans ses pensées dans la mesure où son univers nous est étranger. Il y aurait sans doute un équilibre à trouver, quelques éléments à donner pour créer une autre approche, une accroche.

[pierrot]

Mais… car il y a un léger mais, il est tout de même par moments difficile d'entrer dans ses pensées dans la mesure où son univers nous est étranger. Il y aurait sans doute un équilibre à trouver, quelques éléments à donner pour créer une autre approche, une accroche.

Bon, je voulais d'abord faire remonter ce texte car je l'aime bien, je le trouve intéressant et un peu plus que cela.
Et si je savais retourner au texte tout en écrivant ma "réponse" je citerais quelques passages particulièrement bien "trouvés".
Mais...je rejoins Sahkti et mon sentiment est le suivant: Ce texte se présente comme une énigme. Le lecteur sait qu'il va devoir deviner et cherche le piège...comme dans la plupart de nos petites nouvelles et du coup j'ai du mal à me mettre dans la peau du personnage. Je ne peux pas compatir, puisque je ne sais pas .Au fond si je devais refaire ce texte, j'essaierais d'inverser... j'annoncerai la couleur au départ. Si le lecteur y voit clair (oui, de ses 2 yeux) il va s'associer au drame de ce personnage. "Demain, il va être opéré. Son oeil..." L'exercice ne serait-il pas de toute manière intéressant ?
Mais j'ai peut-être complètement tort. (Mais tout de même ...) :-)

[Roz-gingembre]

Un texte que je n'avais pas repéré avant qu'il ne remonte ici. Merci Pierrot.
Le sujet n'est pas banal: s'attaquer aux coquetteries des yeux.
Thème délicat, la maladie est presque occultée par le paraître, probablement pour imposer une certaine distance.
Moi je ne le trouve pas mal construit, le but n'est pas forcément l'empathie avec le personnage, mais bien plutôt celui de dire le vécu de l'instant, non?

[pierrot]

Moi je ne le trouve pas mal construit, le but n'est pas forcément l'empathie avec le personnage, mais bien plutôt celui de dire le vécu de l'instant, non?

Ah oui, tu as aussi raison ! C'est ma nature qui me joue un tour. J'ai toujours besoin "d'empathie" . (NB: Je n'ai pas dit que c'était mal tourné, pas du tout du tout !-)

[ptipimous]

Voiaaaa-là !

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