Tant d'honneur tue.

[Ba]

Cet homme au bas de lui-même
Jambes croisées crasse sous lui
Me regarde l'oeil pâle vide
Egare de triage.

Pendant que la rue enfile
Ses perles et ses fichus
Eructe la voix crophone
Mi raison mi colère

Il trie ses flaques d'os
Ses tendons ses brisures
Les petits riens soumis
Au vent frais des passages

Sans avis.

Manque la pluie bruine
Le vacillement des halos
L'esquille d'un pas nouveau

Quelque forme à revivre
Pour tant de survécu.

[Invité]

Je n'ai pas été touchée cette fois, désolée.

[Roz-gingembre]

Beaucoup d'aisance avec l'usage des mots, de leurs sonorités et de leurs couleurs.
Et pourtant cette fois je discuterais le prisme grâce auquel tu entres dans le poème : n'aurait-il pas fallu un peu plus d'empathie pour que le lecteur, non pas s'attache mais s'intéresse à cet homme?
ou alors aurait-il eu besoin de savoir un peu plus de ton ressenti?

Cet homme au bas de lui-même
.../...
et gare de triage

Rien à dire à ça

[Ba]

Pour provoquer une émotion, il aurait fallu que je puisse dépasser ces mondes croisés, or cela est impossible pour l'instant, d'où la sècheresse de ton, je garde mon point de vue légiste, sinon, insupportable.

[Invité]

Je suis en train de relire Ripley Bogle, ce poème prolonge ma lecture, la coïncidence m'épate.

Petite réserve concernant le travail sur les sonorités dont j'aurais peut-être préféré qu'il ne me saute pas si aisément à l'oreille...

[Arielle]

Comme je me suis aperçue qu'il existait doublement, je copie-colle mon commentaire ici au sujet de cet homme qui mérite bien l'honneur d'un fil à lui tout seul.

Cet homme au bas de lui-même
Jambes croisées crasse sous lui
Me regarde l'oeil pâle vide...
Il trie ses flaques d'os
Ses tendons ses brisures
Les petits riens soumis
Au vent frais des passages

Un portrait magnifique et déchirant

Quelque forme à revivre
Pour tant de survécu.

Deux vers que j'aimerais avoir écrits

Mitigée au sujet de égare de triage

[Ba]

Pourtant, il triait...

[Hellian]

je prends le tout, je ne trie rien et j'en redemande !

[Soliflore]

C'est vrai que, ce lisant, nous avons le regard du médecin légiste, un peu blasé. l'émotion, on la ramasse à l'intérieur de nous. En cela, le poème est original. Je commence à reconnaître la patte de l'auteur, son goût pour déchirer les mots, et je trouve cela superbe!


Petit bémol: Moi aussi, j'ai tiqué sur la gare de triage.

[Arielle]

Pourtant, il triait...

Sans doute, mais la gare nous égare sur une voie qui me semble ne pas avoir sa place ici (j'ai oublié le nom de cette figure de style, l'anadiplose je crois) trop légère, trop détachée ... à mon humble avis, bien sûr!

[Ba]

Anadiplose impossible puisque non reprise d'un mot en tête d'un groupe syntaxique.
Quand ce mot est venu enfilé à la suite des autres j'avais cette image d'homme assis occupé à regarder le trottoir pendant le défilé des manifestants.
Il n'avait rien à dire, rien à choisir ni à revendiquer.
C'était incroyable, c'est toujours incroyable le décalage et la fusion des mondes qui se croisent, se jouxtent, se superposent, s'imbriquent en ayant tout en commun et rien en commun.
Je n'ai pas encore trouvé les mots pour le dire.
Je conserve " égare " par égard.
Sourires à vous.

[Sahkti]

Ce sans avis est particulièrement vrai, particulièrement dur.
J'aime Egare de triage ou encore Eructe la voix crophone.
Mais ce qui me plaît encore plus que le reste, c'est cette façon quasi clinique, froide et sèche, d'évoquer cette situation de société. Je trouve qu'elle correspond bien à cette gêne si souvent ressentie, ce regard détournée, ce mépris de l'autre qui ne fait que traduire une honte en soi, celle de ne pas vouloir voir. C'est un miroir. Décalé le miroir, mais réel.

[Hellian]

décidément, cet « égare de triage» désoriente (express)singulièrement. pour ma part, je trouve l'expression fort pertinente en l'occurrence. N'est-ce pas précisément de cela qu'il s'agit ? D'un côté, le train massif de la rue avec les wagons de son cortège, de l'autre cette errance immobile de l'homme que la vie a mis ailleurs et là.

[Ba]

On ne peut pas mieux dire " cet homme ailleurs et là " dans l'immobile de son errance.
Cet " égare " dont nul ne tient compte, tant il est absent, je finirai pas le mettre en forme.
Garder aussi le sens de perdu.

[loic]

c'est marrant car pour moi lire de la poésie ce n'est pas une recherche de sonorités, la structure me touche peu, c'est ici l'agencement des mots des images et des idées qui me séduit car elle met mon inconscient à l'épreuve, j'aime bien cette écriture

loic

[Lehnerd]

J'aime ces mots et leur agencement.

(pour le commentaire constructif on repassera)

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