Au-dessus du carnage

[mitsouko]

Il y a ce souffle doux sur la vitre gelée
Trace fuligineuse d’un baiser oublié

Vos pas légers, le soir sous ma fenêtre close
Et votre rire clair comme seule promesse

Il y a ces arabesques d’une belle odalisque
Les courbes du désir épousant mes envies

Votre foulard de soie, comme un ange de feu
S’envolant dans le ciel de Paris sous le vent

Il y a ces mains tremblantes caressant les pietas
Ces longues nuits de veille au chevet de l’espoir

Votre dernière lettre postée de Saïgon
Qui parle de moussons et de blessures anciennes

Il y a cette torpeur qui étreint les boulevards
Ces fantômes de nuit éclaboussés de lune

Votre ombre évanescente en haut d’un escalier
Une robe rouge sang et votre peau si blanche

Comme une fleur fragile au-dessus du carnage.

[Hellian]

Mitsouko, Modiano de la poésie ?

[Invité]

Tout en effleurements et en esquisse. Un beau tableau qui diffuse toutefois comme un malaise, une menace possible.

[Ba]

Facture de luthier " très au-dessus du carnage ".

[Roz-gingembre]

Beau texte mitsouko!
C'est drôlement bien aussi "au dessus du carnage"
je ne lis pas souvent d'optimisme dans vos textes or ici il y en a.

[Arielle]

Cette fleur fragile au dessus du carnage je la lis plutôt comme une menace. Roz-gingembre y voit une note optimiste ... C'est bien cette ambiguité ! Ces voies diverses dans lesquelles peuvent s'engager les lecteurs font éclater un texte et lui donnent de l'ampleur.

[Hellian]

j'étais passé rapidement, laissant une boutade en guise de clin d'œil. Une boutade ? Pas seulement, car l'on retrouve dans les vers de Mitsouko un peu ce charme étrange et nostalgique qui caractérise l'œuvre de Modiano, Ce qui reste des passions éteintes ou inassouvies, ces traces subtiles « des blessures anciennes » ces carnage qui ne peuvent être évoqués qu'à demi-mots quand il n'en reste que de subtiles cicatrices, ces volcans éteints des passions vécues « au chevet de l'espoir ». S'il y a de l'optimisme là-dedans, ce n'est guère que celui de la sublimation poétique. « Les histoires d'amour finissent mal en général » sauf lorsqu'il en reste poème.

Tout ceci pour dire, plus simplement, que j'ai beaucoup aimé ce texte.

[mitsouko]

merci aux passants et particulièrement à Hellian
ton message me touche
je ne pense pas avoir le même style que Modiano qui est plus concis et moins emphatique que moi
mais si j'arrive qq fois à transmettre un peu de cette nostalgie, cette ambiance particulière qui se dégage de ses romans, et que j'affectionne particulièrement, alors je n'aurai pas écrit en vain

[Sahkti]

Cet emploi du "vous" apporte énormément, cela donne une classe certaine au poème, crée une distance qui inspire aussi, quelque part, de la noblesse. A cela s'ajoutent ces regrets et cette mélancolie, pour donner naissance à un texte sensible et réussi.
J'apprécie particulièrement cette forme de faux détachement, cette distance... c'est subtil.

[Invité]

Que c'est bien amené ! Que c'est bien écrit !
Le dernier vers est frappant.
J'adore le titre.

[Ba]

Pour éviter le pire garder ces mots en l'air.

[loic]

cette évocation de blessures anciennes, de mousson de mains qui caressent des piètas. Quel registre entre le surrané, l'errance des sentiments et les regrets aussi !.. ;-)

[Invité]

Intrigué par ce texte, qui encore une fois me tire vers là où je suis.
Mais non, je n'irais pas chercher son vocabulaire rare.
Odalisque, c'est très joli, mais je m'éteindrai sans en savoir le sens.
Vive le Bonnefoytisme en 1000 mots.

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