Le revenant

[mitsouko]

Du haut de la montagne j’ai embrassé la plaine
Caressant chaque pierre comme un corps voluptueux
Le souffle chaud du vent échevelait les arbres
Tordant ces troncs meurtris entaillés par vos lames

J’ai si longtemps marché pour revenir ici
Habiter de remords ces chemins de poussière
Ces navires rouillés arrachés à la mer
Et ces embruns salés qui vous brûlent la peau

Tu me vis montreur d’ours au bord de la Volga
Pianiste enfiévré dans le cœur du bayou
Tu croisas mon regard une nuit à Vientiane
Doux gisant embaumé de vapeurs opiacées

J’ai noyé mes chagrins à des comptoirs mystiques
Entonné les refrains de vos chansons marines
J’ai aimé l’innocence de ces beautés nubiles
Et ces matins d’orage qui lavent nos péchés

Je me revois afghan dans ce bar de Brooklyn
Où Kessel me conta la vie des cavaliers
Et j’entends à nouveau cette hypnose sonore
Que Miles nous prodiguait comme un rite chamane

Ma sombre trahison à l’aube vacillante
Dans ce train qui s’enfuit loin de ton corps blessé
Dans un recueillement le vent s’est apaisé
Là bas sur une tombe à l’ombre d’un tilleul
Mes racines qui plongent dans le cœur d’une mère

Vingt ans et au bout du chemin la maison où tu vis
Dans la blancheur des draps étendus sur le fil
Ta silhouette fragile inondée de lumière
Tes cheveux en voyage et ton épaule nue
Me laissent imaginer ces caresses volées

Mon ombre se dessina l’espace d’un instant
Dans les plis de l’étoffe agitée par le vent
Mais ton esprit ailleurs, ignora ma présence
Quand cet homme surgit pour étreindre ton corps
La trace de mes pas m’entrainait loin de toi

[Invité]

Je trouve l'idée autant que les images de ce long voyage tourmenté très émouvantes, j'ai vraiment beaucoup beaucoup aimé.
Peut-être bien que j'ai un peu de mal avec les brusques changements de temps. Je dis "peut-être" parce qu'à la première lecture ça ne m'a gênée que sur le dernier vers. C'est à la relecture que j'ai remarqué le basculement d'un temps à l'autre, et à force de vouloir analyser, je me suis perdue dans la grammaire (et la chronologie). J'attends donc d'autres avis.

[Invité]

J'aimerais tellement que tu dégomme ces couplets pour mettre tout cela en ligne. Vais attendre. Toi, Loic et David êtes les écrivants les plus proches de mes passions mais les plus au loin de mes préférences de style. T'ain c'est pas juste : la vie, mais elle est belle, alors je vous lis d'un œil regardeur.

(pardon pour ce commentaire quelque peu bizarre, mais celui qui me vient là.)

[Invité]

Oui Panda, suis d'accord... Qu'est ce ça donnerait en longue prose ce texte qui sollicite la part de nous qu'on tient sous couvercle, peur que ça déborde et fasse du dégât... Tenté Mitsouko ?

[Sahkti]

Vrai que la transposition en prose pourrait donner quelque chose de bien!

Tes vers sont beaux Mitsouko, mais ce sont surtout tes idées, dans le cas présent, qui me séduisent. Cette mélancolie, ce voyage et ces souvenirs... tout cela est très fort et ça pourrait être un bel exercice que de libérer tout cela en prose.
Cela ne te tente pas?

[Invité]

Comme d'autres avant moi, j'ai regretté que ces idées, ces images, ne fussent pas déclinées en prose...

[loic]

un rythme de requiem un souffle de chemin de croix, une bise qui survole un monde en perte, mille histoires pourraient naître de cette poésie affligée mais ô combien non affligeante

[Manu(manisa06)]

ça me rappelle du Bashung.
Je trouve le tout bien écrit mais un brin trop personnel.

[Manu(manisa06)]

La nuit je mens (Bashung)

J'ai dans les bottes
des montagnes de questions
Ou subsiste encore ton écho
Ou subsiste encore ton écho.
On m'a vu dans le Vercors
Sauter à l'élastique
Voleur d'amphores
Au fond des criques
J'ai fait la cour a des murènes
J'ai fais l'amour
J'ai fait le mort
T'etais pas née
La nuit je mens
Je prends des trains a travers la plaine
La nuit je mens Je m'en lave les mains.
J'ai dans les bottes des montagnes de questions
Ou subsiste encore ton écho
Ou subsiste encore ton écho.

[Anne Veillac]

je trouve ce poème magnifique, j'ai été prise dès les premiers vers. Toutefois, je le trouve un peu long. Je trouve qu'il perd en force à mesure qu'il avance.

[Hellian]

ce texte est vraiment magnifique et qu'importe qu'il soit de prose ou de poésie. S'il me fallait choisir, mais cela me paraît un peu superflu, ma préférence irait vers la présentation poétique qui permet de conférer à chaque vers une musicalité que la rose absorberait.

[Roz-gingembre]

J'aime beaucoup ce texte qui monte en crescendo jusqu'aux quentils (drôle de mot, on dit cinquain aussi je crois ) quentils donc où il me semble que tout bascule.
Je trouve aussi que sa forme lui va bien.

[Akinorev31]

La tourmente du revenant m'a accrochée et j'en suis sortie un peu éreintée. Le contenu justifie la longueur. 5 fois 4 et 4 fois 5 semble assez bienvenu pour illustrer 20 ans d'errance.

Merci pour cet instant de lecture.

v.

[mitsouko]

La tourmente du revenant m'a accrochée et j'en suis sortie un peu éreintée. Le contenu justifie la longueur. 5 fois 4 et 4 fois 5 semble assez bienvenu pour illustrer 20 ans d'errance.

Merci pour cet instant de lecture.

v.

merci pour tous ces coms toujours enrichissants

la durée 20 déclinée par le 5 fois 4 et 4 fois 5, c'est un pur hasard, je n'y avais absolument pas pensé

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