Libre d'amour

[Kali Lorca]

Je l’attends d’un jour à l’autre. Un papier, le document qui changera ma vie.
Il n’a rien dit mais, je l’ai deviné. On ne me la fait pas, à moi. Il ne viendra pas, mon mari. Non, il enverra une tierce personne. Elle fera un sourire de circonstance, me tendra l’enveloppe et je n’aurais plus qu’à en tirer les papiers. En bas, ma place, la seule qu’il m’aura accordée toute ma vie durant. Je signerai les papiers du divorce et je serai libre.

En ma mémoire, les quelques mois où il me fit du charme. Toujours élégant, flatteur et cajoleur. Je n’ai pas vraiment pensé au futur à l’époque. Il était le seul à s’intéresser à la fille de l’épicier. Le seul, l’unique… alors, forcément, mon grand amour.
Je me souviens du jour de notre mariage. L’autel, le monde qui se tait. Durant une seconde, je pense dire non mais je dis oui.
Les anneaux et la promesse d’un amour éternel.

Mais que c’est absurde ! Promettre une chose que personne ne comprend ni ne maîtrise. L’amour. Si beau en mot, si cruel en réel.
Comment jurer la fidélité, une vie entière ? Comment accepter de ne pas changer ? Parce qu’on change, forcément.
Il était mon admirateur non secret, mon fiancé, mon amant. Il devint mon mari, mon rien du tout. Il m’avait, il ne me désirait plus. J’étais sienne. J’étais sa femme.

L’amour nous surprend et nous trompe. Le vent étouffe la flamme et l’ivresse disparaît. Il a croisé cette femme aux lèvres pulpeuses à souhait. Il a goûté la soie de sa peau. Il a frôlé l’ovale de ses seins et tout de suite, il l’a adorée. Il l’a prise. Il l'a dérobée au monde.
Il a parlé d’amour, l’a fait rimé avec toujours. Il lui a promis la lune, les étoiles et tout le ciel qui va avec. Il divorce pour être avec elle. La nouvelle princesse l’ignore encore mais, les nuages dorés du paradis amoureux n’existent qu’en ses mots. Ils se perdent, s’évaporent et meurent. Bientôt, elle découvrira l’amour programmé, les caleçons qui traînent, la vaisselle qui s’empile, une maîtresse dans un placard… Elle trouvera des choses mais, elle, elle, personne ne la retrouvera.

J’ai vécu derrière lui, des décennies durant. Je l’ai aimé. J’ai accepté de me perdre sur la route à deux. Je l’ai suivi. Il m’a semée. Il m’a rejetée. Il a trouvé mieux ailleurs, au détour de la vie. C’est un papillon qui virevolte sur le chemin. Il a l’amour.

Où est passé mon romantisme d’adolescente ? Où se trouve le palais qu’il m’a dit avoir érigé après l’amour ? Où sont les souvenirs du bonheur ? Où est passée cette mélodie, cette marche nuptiale ? Il n’a laissé que le silence derrière lui. Il m’a laissé deux ou trois rêves qui existaient avant lui. Il est passé dans ma vie.

Pourquoi promettre l’amour ? Dans la joie comme dans l’adversité, il n’y a que des mots qui volent et sifflotent un semblant de vie. Il reste le vide. L’amour ne s’attrape pas, ne se dérobe pas, ne se force pas, ne s’achète pas. L’amour prend celui qu’il désire. Il l’aime, le sature, le fait vivre. L’amour vit, pour lui, pour nous. Il change, grandit, mûrit et s’éternise parfois.

En attendant, il y a moi et ma prévision. Je suis devant ma porte, à espérer que ce sera aujourd’hui. Il est temps pour moi d’exister en solitaire. C’est l’heure, mon moment pour laisser errer mon cœur parmi les Hommes. Il est temps d’être libre.
C’est bien un engin ancestral qui pétarade au loin. Il succombe à la vie qu’il m’amène.
Voilà, les papiers sont signés. J’ai 47 ans et aujourd’hui ma vie commence…

[Invité]

Le vent étouffe la flamme

J'aurais plutôt tendance à penser que le vent attise la flamme, au moins au sens propre...

En toute honnêteté Kali Lorca je n'ai pas trop aimé ce texte, en particulier la réflexion du milieu, des idées qui se répètent et puis pas mal de poncifs dans l'expression, par exemple : Il a croisé cette femme aux lèvres pulpeuses à souhait. Il a goûté la soie de sa peau. Il a frôlé l’ovale de ses seins et tout de suite, il l’a adorée. Il l’a prise. Il l'a dérobée au monde.

Je comprends bien que la narratrice cherche à exprimer sa colère, son amertume, sa désillusion et que la répétition de certaines idées tend à montrer son dégré de colère, d'amertume , etc... Pourtant, il me semble que le texte aurait plus d'effet en étant plus ramassé. Et puis, je crois me souvenir que par le passé tu as su faire montre d'une écriture moins convenue, plus inventive, plus légère aussi...

[isa]

J'ai bien aimé ce texte, il me semble qui résume assez bien les sentiments d'un grand nombre de personnes dans une situation de désillusion qui est hélas trop répandue aujourd'hui...

Petite remarque annexe j'aime bien la phrase "Il a parlé d’amour, l’a fait rimé avec toujours" Mais au lieu de "rimé" c'est plutôt "rimer", non?

[mentor]

j'ai trouvé ce texte pas mal du tout dans le genre
c'est très bien écrit
et même si je n'adhère pas au fond (je ne VEUX pas y adhérer...) je pense que ce qui est dit a de la force, que c'est très clair, qu'il ne doit pas y manquer grand chose
ça parait un peu longuet, alors qu'il me semble paradoxalement que, plus court, ça n'aurait pas suffi
en tout cas, un bon sujet de dissertation ;-)

"il m'avait, il ne me désirait plus" : sale type :-))

[Invité]

Le fond comme la forme m'ont paru convenus.

[Roz-gingembre]

Que de choses là dedans!
des bonnes et des moins bonnes. On sent bien que ta narratrice se décharge de tout ce qu'elle emmagasine depuis des années : de la rancune, de l'espoir, de la résignation, de la colère et j'en passe.
Peut-être faudrait-il faire un peu d'ordre dans tout cela et travailler l'architecture du texte ou comme le dit Easter le condenser.

En attendant le message est quand même passé et il est même fort probable que cette narratrice ait ressenti du soulagement de l'avoir formulé.

[Kali Lorca]

Merci pour vos commentaires !

... mais à une époque, je n'étais qu'une rêveuse qui espérait passer plus de temps sur terre. Aujourd'hui, j'ai du me battre ... et perdre bien des plumes pour guérir. Peut-être que j'ai perdu l'inventivité et la légèreté ... et ne donne plus que du convenu. Peut-être me donner le temps de reprendre des forces, et de retrouver un peu d'avant.

[Invité]

La roue tourne Khali. Surtout continue à écrire et à nous fournir tes textes !

[Invité]

Kali, pas Khali, pardon.

[mentor]

et pour rester dans le très "convenu", j'ajouterai : "plaie d'amour n'est pas mortelle"
sourions

[Sahkti]

Aujourd'hui, j'ai du me battre ... et perdre bien des plumes pour guérir. Peut-être que j'ai perdu l'inventivité et la légèreté ...

Je peux te dire que tôt ou tard, ça revient, il faut juste laisser le temps au temps de se reposer un peu mais tu verras, foi de moi ;-)

[Sahkti]

Pour ce qui est de ton texte, tout cela sonne maladroitement sincère, c'est difficile de remédier à cela, mais j'imagine que ça fait du bien de pouvoir poser ce genre de pensées.
Plus tard, peut-être, avec le recul, sera-t-il possible d'en faire un véritable exercice d'écriture avec mise en abîme de certains comportements. Là, ça semble très à vif, presqu'impossible de prendre de la distance.

[Invité]

Je te trouve bien jeune, Kali Lorca, pour connaître aussi précisément l'amertume de la désillusion. C'est criant de vérité et cela m'attriste.
Ecris autant que tu peux. Cela te fera du bien, et tes écrits sont bons à lire.

[alexi788]

J'ai pas vraiment les memes idées que celles décrites dans ce texte...
Sauf que j'ai bien aimé le sarcasme de certains passages ( celui avec les calecons sales)...

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