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Siham

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Message  Chilango Vorace Jeu 30 Avr 2009 - 16:48

Nous n’étions pas dans la même promotion. Elle étudiait les sciences de la vie et moi la chimie mais nous partagions une matière en commun, le fameux cours de Chimie Organique Générale, qui allait de ce fait devenir mon cours préféré, en réalité le seul que j‘allais suivre assidûment.

La première fois que je l’ai vue, elle arrivait en retard en amphithéâtre, un peu comme si ce retard n‘avait existé que pour propulser Siham, née d’un père palestinien et d’une mère hongroise, droit dans mon imaginaire quotidien. Elle arrivait en retard pour une seule raison, pour se faire remarquer par moi ! En réalité, ce n’était pas son désir, elle ne l’avait pas vraiment souhaité, c’était juste le destin. Je somnolais au fond de l’amphi, perdu au milieu de l’équation de conservation du carbone, dans le brouhaha des imbéciles qui arrivent à l’heure, de ceux qui pénètrent les lieux sans panache et finissent par former une masse grossière de bidibules arriérés.

Et elle arrivait là, en retard, quand tous étaient assis et cryogénisés sur leur banc, elle arrivait dans un bruyant silence, un craquement de la monotonie carcérale, elle absorbait l‘espace de nos petites consciences assoupies. Elle hésita sur la place qu’elle choisirait, sur l’élève qui aurait l’honneur de frôler ses odeurs. Elle fit un tour d’horizon rapide et discret de l’éventail de têtes de pioches de l‘amphithéâtre, diagnostiqua une sévère pénurie de garçons convenables et décida de laisser le hasard choisir sa place parmi nous.

Mais le hasard, je le tenais entre les mains, il combattait à mes cotés depuis toujours, comme il avait placé Silvian sur mon chemin, il vint tout naturellement déposer Siham à mes cotés, à ma gauche, avec si peu d’espace entre nos coudes que je pouvais sentir les vibrations de peau de la jeune fille. Je me redressais sur mon siège, transis et fier. Je me complaisais dans l’illusion qu’elle m’avait sciemment choisie, qu‘elle avait jaugé tous les autres élèves et m‘avait trouvé plus beau qu‘eux (ce qui aurait, de toutes façons, à peine été un compliment tant la laideur dominait cette promotion). J’étais devenu le chef, elle m’apportait la légitimité qui me manquait. Je ne l’avais pas amenée dans mon lit, je ne l’avais pas serrée dans mes bras, je ne l’avais pas embrassée, je ne lui avais pas encore parlé et il était même probable qu’elle choisisse une autre place les jours suivants, mais ce jour là, j’étais le héro des petits bâtards de mon amphi, je leur pourrissais leur journée et ça me faisait bien plaisir, ils s’interrogeraient toute la nuit pour tenter d’identifier ce qu’il y avait chez moi qu’il n’y avait pas chez eux, ce qui manquait à leur petite personne pour attirer eux aussi les canons de beauté palestiniens.

Je jubilais sur mon siège et affrontais fièrement tous les regards alentours. On ne me prêtait aucune attention, je pense qu’on préférait garder sa honte pour soi, les petits merdeux se faisaient discrets à présent. Siham sentait le parfum, un parfum singulier, si particulier que je ne devais plus le retrouver sur aucune autre femme de mon existence, un parfum de fleurs qui ne poussent que dans les déserts de pays éloignés. Elle portait des vêtements d’étudiante, une veste en daim et un jeans cintré, rien de trop sexy, ni de provoquant. Elle savait provoquer sans tailleur, sans maquillage. Elle n’avait besoin de rien d’autre que d’elle-même, de son regard mutin, de la petite marque qui barrait le sourcil de son œil gauche, du panache de ses entrées en salle, de son grand corps, de ses seins voluptueux. Elle me sourit.

Elle était sans aucun doute, l’aboutissement ultime des millénaires d’évolution génétique de la femelle Homo Sapiens. Je voulais sa bouche et son sourire. Je la désirais immédiatement, sans préambule, sans avoir à m‘expliquer, sans séduction, sans risque d’échec. Je l’aurais déshabillée, les autres étudiants n’existaient plus, ils étaient des fourmis, des êtres inférieurs dont le regard ne m’importait plus, je pouvais la pénétrer devant eux, c’est comme si je lui faisais l’amour devant mon chat, je n’en avais cure, pour lui, pour eux, cela ne signifiait rien.

Elle ne partageait manifestement pas mes désirs. Tout au moins ne le fit-elle pas sentir. Elle me tendit la main, se présenta, « Siham », puis sortit un cahier de son sac tibétain et se mit à attaquer de plein front la composition pondérale centésimale de l’aspirine. Il va sans dire que je fus incapable d’en faire autant, l‘aspirine, en cet instant, j‘aurais préférer l‘avaler. Je tentais de suivre le cours mais mon esprit était tout entier occupé à élaborer un plan d’approche convenable, rapide et efficace. J’avais la terrible impression qu’elle pouvait deviner mon érection dans les replis de mon vieux jeans et qu’elle trouvait cela particulièrement grossier.
Je crois, en réalité, qu’elle se contrefichait totalement de son voisin, qu’elle ne m’avait pas choisi, moi, mais l’emplacement frontalier car il était dégagé, je crois que je n’étais qu’un élément collatéral de cet emplacement, une sorte de pièce d’ameublement mobile.
Ce sentiment me fut confirmé sans ambages à la sortie des cours.

J’étais parvenu à dépasser le stade de l’échange courtois de prénoms avec elle et lui demandais ce qu’elle avait pensé du cours. Elle m’avait répondu qu’elle trouvait cela passionnant, je lui fis croire que je partageais ce point de vue et m’apprêtais à lui proposer d’en discuter plus sérieusement autour d’un café quand elle disparut d’un coup, aspirée dans les bras d’un gigantesque rasta des caraïbes à qui il manquait une dent de devant et quelques unes de derrière. C’était son petit ami de l‘époque, Joe, un rasta cool, sympa, fumeur de joint et joueur de jambé. Un type qui n’était même pas étudiant mais s’occupait du ménage à la fac, de l'entretien des chiottes.
Un sale casseur de rêve.

Chilango Vorace

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Message  Invité Jeu 30 Avr 2009 - 17:07

Bonne déclinaison d'un thème classique ! J'ai adoré l'humour de ce texte, sa vivacité.

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Message  Invité Jeu 30 Avr 2009 - 19:25

Siham ou les illusions perdues...
Quel narrateur fougueux ! Le ton du texte rend bien compte de toute cette impatience, de l'impétuosité du désir à sens unique, c'est sympa.
Il m'a manqué un tout petit je ne sais quoi qui m'échappe...
J'ai aimé la chute en forme de dégringolade.

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Message  Sahkti Jeu 28 Mai 2009 - 13:15

Tu évoques ici une histoire de passion, un truc impulsif qui prend aux tripes et chamboule la tête; un truc vivant quoi! Et pourtant, tu racontes cela de manière plutôt passive, très exétrieure et j'ai parfois un peu de mal à ressentir les pulsations du coeur de cet amoureux frais. Les ingrédients sont tous là, réunis, mais c'est cette façon de raconter qui fige un peu tout cela. Un peu comme si tu voulais conter une histoire d'un autre temps, donner quelque chose à observer avec leçon à la clé. Ça serait pas mal d'essayer d'insuffler plus de vie et de soufle dans tout cela, que les émotions se vivent aussi dans la tête du lecteur.

Ceci dit, il y a vraiment de très belles images dans ce texte.
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Message  Invité Jeu 28 Mai 2009 - 18:55

j'aime bien cette phrase
Elle n’avait besoin de rien d’autre que d’elle-même, de son regard mutin, de la petite marque qui barrait le sourcil de son œil gauche, du panache de ses entrées en salle, de son grand corps, de ses seins voluptueux. Elle me sourit
.
On aurait presque souhaité la disparition des "de". look :
Elle n’avait besoin de rien d’autre que d’elle-même, son regard mutin, la petite marque qui barrait le sourcil à son œil gauche, le panache lors de ses entrées en salle, son grand corps, ses seins voluptueux. Elle me souriait.

C'est un texte plaisant à retravailler. Bon courage et merci.

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