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Milou 5

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Message  ptipimous Jeu 30 Avr 2009 - 17:09

Je poste à mort ! mais je disparais la semaine prochaine !

Le comble, c’est qu’avec Anaïs, il était plutôt souriant. Il avait bien des coups de pompe dans le regard mais, elle comprenait. Après tout, Lou était sa soeur. Et elle avait tellement envie de lui qu’elle a pris ses désirs pour des réalités. Le gentil Philéas lui souriait, lui prenait la main; ils allaient ensemble au ciné, il l’emmenait dîner et ils baisaient comme des cerfs à l’époque du rut.
Anaïs était folle amoureuse. Surtout folle. Mais pas mal amoureuse quand même. Elle lui achetait des sapes, lui présentait ses copines, a introduit des affaires à elle chez lui et lui, non seulement il a acheté une deuxième brosse à dents mais en plus, il l’a laissée faire.
Un soir, Phil est venu me chercher au boulot. Il semblait chafouin, essayait de me donner le change mais je commençais à le connaître, l’animal.
- C’est mon tour. Viens, dépêchons-nous, on va rater le concert.
On a pris les quais, couru le long de la Seine, remonté devant un gardien d’un parc à péniches, redescendu dans son dos, couru par des chemins connus que des mendiants, des paumés et des poètes, je le tirais derrière moi dans le noir. On est arrivé devant un petit coin de fleuve, avec un plot et deux arbres. Miraculeusement, il n’y avait personne. En haletant, je l’ai assis sur la borne :
- Reste-là, je reviens.
J’ai filé comme le vent et certainement battu le record de vitesse : deux gaufres plus le trajet en moins de cinq minutes ! Je ne sais pas si je serais capable de le refaire !
- Qu’est-ce qu’on...
- Attends et mange !
Au moment où je mordais dans la pâte croustillante, me collant du sucre glace sur toute la tronche et le faisant rire enfin, on a entendu la quasi totalité des cuivres du conservatoire qui parviennent à tous se réunir environ deux fois par an. C’était un hasard, mais il faisait bien les choses. On était assis tous les deux par terre, enveloppés dans nos écharpes pour arrêter un peu le froid coupant, la Seine noire aux reflets orangés devant nous, au-dessus, il y avait la ville et son ronflement et là, pas loin, invisible à nos yeux mais Dieu, si sonore, une palanquée de boutonneux si pleins de talent qui jouait un concert que beaucoup de blindés auraient payé pour entendre. Les zicos venaient là mettre au point leur partie de notes pour l’examen de fin d’année. Pour nous, c’était un petit Noël de rab. Il y a eu des solo de cor, des reprises de trompettes, des combats bassons contre trombones. Il y avait même une clarinette toute seule, qui tentait de tirer son épingle du jeu. Elle s’envolait dans des rifs qui ressemblaient si fort à du jazz que tout a dégénéré. Ils s’y sont tous mis.
Nous, on s’est serré l’un contre l’autre pour se tenir chaud et on vibrait au rythme de folie des autres. Ils ont joué plus d’une heure. Intérieurement, je les ai remerciés. Phil avait retrouvé un peu de moral, mais je n’avais pas fini. On a acheté des pizzas (c’est mon régime qu’était jouasse !) et on est grimpé chez moi. Quand j’ai vu Phileas tomber la veste, je l’ai stoppé net :
- Reste couvert.
- Tu n’as pas de chauffage ?
- Pas assez pour ça !
J’ai mis les deux pizz’ dans un sac à dos, avec des canettes et divers autres trucs, j’ai arrimé le tout sur mon dos et ouvert la fenêtre. Il me regardait, complètement ahuri.
- Allez, viens ! Fais gaffe où tu mets les pieds et fais pas de bruit.
Et je me suis hissée sur le toit.
Et re-dédale, cette fois-ci sur le zinc des toits de Paris, jusqu’à un petit coin de ma connaissance. Un endroit moins pentu, avec une cheminée bouchée qui peut servir de table et deux rebords de toit, deux sièges. J’ai sorti un torchon, mis la table. Il n’y a pas cru ! On a dîné là, avec la plus belle vue que l’on puisse avoir sur une ville. On les avait tous : le Sacré-Coeur, l’Arc de Triomphe, la Tour Eiffel (la pointe, mais bon), la Tour Montparnasse et en se démontant un peu le cou, la Sorbonne et les Invalides. Et bien sûr, l’Opéra juste à côté. Le boucan de la circulation ne nous parvenait que de loin, l’air était glacial mais presque pur et la nuit splendide.
On a trinqué avec les canettes comme si c’était du champagne. On n’a pas beaucoup parlé et je préférais. Après tout, je n’avais pas besoin de souligner, il était bien assez grand et futé pour comprendre. À la fin du repas, je frissonnais un peu. C’était tout de même dommage qu’il fasse si froid, il faudrait bientôt rentrer. Au moment où j’allais me lever, Phil est venu se mettre derrière moi pour me frictionner le dos puis il s’est accroupi et m’a prise dans ses bras. On a regardé la nuit et la ville. Quand il a posé sa joue contre la mienne, mon coeur a menacé de sortir par la cicatrice encore rose. Je ne voulais pas me rendre à ce qui était déjà l’évidence. On est resté là, sans rien faire, j’étais si tendue qu’il ne pouvait pas ne pas le sentir mais il n’a pas bougé. Et moi, je me disais : s’il m’embrasse, je suis foutue, c’est foutu, tout est foutu ! Je n’oserais jamais le revoir ! La panique totale ! Il fallait faire quel-que chose, il fallait réagir. J’ai prié pour ne pas avoir une voix de tarlouze :
- Je n’ai rien fait pour t’impressionner, ni pour... te draguer...
- Tu as raison. C’est moi qui te drague et depuis le début.
Je l’ai regardé avec des yeux ronds. Il a eu un petit rire.
- Et si tu veux bien, je vais continuer encore...
- Jusqu’à..?
- Ce que tu cèdes !
J’ai sursauté et il a refermé ses bras.
- Là, du calme ! Je ne te demande rien. Je ne te volerai rien non plus. Si tu veux, tu me donnes.
- Quoi ?
- Un peu de ton amour.
Ah là là, j’aimais pas du tout le tour que prenait cette discussion et douée comme je le suis, on pouvait compter sur moi pour poser LA question qui tue. D’ailleurs, j’en avais assez fait pour la soirée.
- Phil ? Je sais pas...
- Moi non plus, je ne sais pas très bien. Ne précipitons rien. On continue comme d’habitude et on verra bien. Tu veux essayer ?
J’étais terrorisée, abrutie, je me sentais complètement stupide. Il m’a embrassé doucement les cheveux.
- Je veux juste être bien et avec toi. Et toi ?
J’ai hoché la tête, je ne pouvais plus parler, il a soupiré contre mon dos et on est restés là. J’avais mal aux fesses, j’avais les pieds gelés, mais son after-shave m’envahissait et le bien-être que cette odeur m’avait déjà donné m’a submergé de nouveau. J’étais vaincue. Le tout était de lui faire croire le contraire le plus longtemps possible.

22

À la longue, ce moral en cours de la bourse continuel qu’avait Phil m’étonnait un peu. Alors j’essaie de savoir, mets-toi à ma place. D’autant que notre petite conversation nocturne avait déclenché en moi une sorte de tremblement de terre provoquant une éruption volcanique qui va elle-même nous amener un Tsunami si on est sage ! C’est bien simple, je commençais chacune de mes pensées par : “restons calme !”
J’étais une sauvage, la version moderne et féminine du cow-boy solitaire. Sur mon cheval, au milieu de la prairie, je marmonnais :
“ Je suis bien dans mon cabanon, qu’est-ce qu’il vient m’envahir, ce-lui-là ! Voilà bien la nature humaine, donnez le doigt, vous y laisserez le bras, etc, etc...” J’en rêvais la nuit ! J’en faisais des cauchemars. Phil devenait un monstrueux macho aux énormes dents, exigeant, violent, envahissant et doté d’une odeur disons... puissante, pour rester convenable! Je vivais une vie de faux luxe, les murs de mon château étaient en plâtre bouffé d’humidité (sans doute à cause des vrais problèmes que je connaissais dans ma chambre) et la piscine était remplie d’une sorte de gelée qu’on pouvait prendre pour de l’eau de loin. Dedans, j’étais engluée, impossible d’en sortir, la gelée finissait par m’emplir la bouche, je me noyais et me réveillais dans le même état que si j’avais plongé dans une vraie pistache !
Pas question ! Pas question ! C’était dit !
Et le soir, le voilà qui radinait, très très mimi, avec son air de Cocker déguisé en Terre-Neuve. Et je me faisais avoir, c’était intolérable !
C’était la première fois qu’on faisait autant attention à moi. Je n’étais pas habituée, donc je n’ai pas résisté très longtemps. Phileas m’a toujours respectée, il faut le reconnaître, même quand je n’avais qu’une envie, c’était qu’il me saute dessus et qu’on en finisse ! Mais on a passé des moments magiques de tendresse.
Pour pouvoir le faire parler, pas par indiscrétion, ni dans l’espoir de pouvoir l’aider, simplement pour qu’il se libère, je me mettais à table aussi. Et jour après jour, on s’avouait des petites choses, ce qui provoquait des visites à certains endroits de nos vies, de nos enfances. Même si on essayait toujours de tourner nos flash-back en numéros de comédie,- rien de plus agréable que de tirer les larmes d’un fou-rire de l’autre -, ce n’était pas toujours cool. Alors on se serrait plus fort l’un contre l’autre pour se tenir chaud le coeur. Chouette.
On ratissait Paris de long en large, un coup dans le luxe, un coup dans la rue. Il a troqué mes bords de Seine contre ses bords de Marne. On a écumé les guinguettes, on a fait les fêtes à la friture, on a guinché avec les orchestres les plus ringards du monde ! Je le débauchais, lui montrais comment on pouvait s’incruster à des cocktails de boites, à des mariages, même juifs où on a hurlé des chants en yiddish à tue-tête avec les autres qui nous embrassaient comme du pain azim sans savoir qui on était. Mais des gens qui chantent “hene matov” avec autant de coeur, c’est pas des goy, schrum ! Qu’est-ce qu’on a rigolé !
Il n’y avait plus de tabou, plus aucune barrière. J’avais un véritable ami à qui je pouvais tout dire, auquel je pouvais lancer tous les défis. On s’est même fait choper par les cognes dans les catacombes, une nuit. On était partis à la chasse aux signes cabalistiques !
On a essayé de se faire enfermer au deuxième étage de la Tour, mais on n’a pas réussi. On s’est fait courser par le vieux gardien qui nous a contraint à redescendre par les escaliers, et l’on riait aux larmes en inventant des histoires dans lesquelles on aurait été des grands singes, concierges de la ville, habitants de notre baobab de métal. Phil sautait de rampe en rampe en poussant des hurlements. J’ai fini sur son dos, accrochée à son cou comme un bébé chimpanzé. La tête des touristes quand ils nous ont vu débarquer, échevelés, rouges et hors-d’haleine. C’est sans doute parce qu’on avait dîné au resto, perchés au-dessus de la ville lumière, attifés sous nos manteaux comme des Neuilly bien sages qu’on n’a pas eu d’ennuis.
Impossible de tout te raconter, il y en a trop : nos concours du plus gros mangeur de boules de coco où on a refait la déco du mur de la boulangerie ! Nos séances de camion-école dans la cour de sa boite... On a tout déballé, tout mangé, tout joué, tout rêvé. Mais à chaque fois, Phil rentrait chez lui et moi, chez moi, selon notre accord tacite.
On ne se voyait tout de même pas sans arrêt. Il y avait des soirs où il était pris, ce qui m’arrangeait. J’en profitais pour voir mes autres potes ou mon aide-soignante. On se donnait peu de détails de nos soirées passées en “célibataire”. De son côté, je comprends bien pourquoi ! Quel enf..!
Bref. Tout se passait magnifiquement bien, jusqu’à ce fameux soir. Il devait sortir de son côté. Moi, j’étais crevée et j’avais de la lessive à faire. Sur ce, coup de téléphone de mes anciens collègues du Mac. Il y avait fiesta, ma présence était requise au resto. L’un des mecs était passé manager, il était question d’honorer cette montée en grade. Devant une convocation aussi formelle, je m’y pointe sans tarder. Une sacrée nouba ! Il y avait longtemps qu’on ne s’était pas vus, on avait une foule de trucs à se raconter. Une tonne d’anecdotes à mimer, à s’en délecter comme des blagues. On a chanté et dansé, il y avait un karaoké, l’ambiance dégénérait à la vitesse d’une bourre de CRS ! Beaucoup picolé, Houlà là ! Et vas-y la chenille, la lambada, une vraie teuf de beauf comme on les aime !
Je suis rentrée à pas d’heure, et le lendemain… Quand il a fallu habiller d’un chemisier en soie si fin que des pattes d’araignée l’auraient perforé, une demoiselle d’un quintal et demi bon poids, persuadée que le jaune lui allait bien au teint... (alors que la couleur jurait puisque ses joues n’étaient pas du même jaune, ni ses calots !) Des sauteries pareilles, je n’en ferais pas tous les jours !
Le soir, je devais voir Phil, mais cette fois, j’étais vraiment H.S. Je l’appelle pour lui dire, sans lui donner de détails. Plus tard, alors que j’étais enfin prête à aller me coucher dans mon ravissant pyjama à pois, on sonne à la porte. J’ouvre.
- Bah qu’est-ce que tu fais là ?
- Tu es fatiguée deux soirs de suite, je viens voir si tu n’es pas malade, me dit-il avec un ton fielleux et un regard... Et moi, trop nase pour essayer de démêler cet embrouillamini, je démarre :
- Quand bien même je voudrais être fatiguée un mois de suite, ça me regarde !
- D’accord ! Mais me raconte pas de craques. Tu me prends pour un idiot ?
- Quoi ? Qu’est-ce que tu racontes ?
- Inutile de chercher ta lessive d’hier, je suis sûr qu’elle n’est pas
faite !
- Et qu’est-ce que ça peut te foutre ?
- Tu te moques de moi. Je t’ai vue hier, en train de te faire tripoter par un mec dans un fast-food.
Tout s’éclaire ! Je rigole enfin :
- Je vais...
- Non ! Je ne veux pas entendre ce que tu vas inventer encore...
- Mais...
- Tais-toi !
- Je suis chez moi, ici ! Et libre en plus. Parfaitement libre. Je vois qui je veux, quand je veux. Et je n’ai aucune explication à te filer !
Je tentais de le foutre dehors mais impossible. C’est une vraie armoire ce mec ! Je trépignais sur sa poitrine, folle de rage; il m’a serrée contre lui pour m’empêcher de le frapper.
Et il m’a embrassée.
Enfin, vraiment, je veux dire, avec la langue et tout !
J’en suis restée stupéfaite, debout au milieu de la pièce dans mon pyjama en pilou !
- Comme je te l’ai dit, j’ai un petit penchant pour toi et je suis à moitié italien, donc jaloux. Vois qui tu veux, mais n’accepte pas n’importe quel regard ni tous les gestes.
Et il est reparti !
Un petit penchant pour moi ! Non mais quel toupet !
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Message  ptipimous Jeu 30 Avr 2009 - 17:16

23

Le lendemain, il s’est amené, j’étais dans un état de nerf...
- Tu m’avais dit que tu resterais chez toi !
- Tu m’as... tu m’as... alors que t’avais promis !
- Et alors ? C’était si désagréable ? A toi de faire en sorte que je n’ai pas à te les voler !
J’étais dans une mouise ! Je sentais que je passais par toutes les tonalités de l’arc-en-ciel, il valait mieux que je ferme mon clairon. Il a sorti les mandolines pendant un bon quart d’heure. C’est insupportable, mais on ne peut pas s’empêcher de s’attendrir. Quelle faiblesse ! Je me vengerai ! Pour clore son discours, il m’a embrassée de nouveau, mais là, je l’attendais au tournant : je n’ai rien dit ! Bien fait !
Nos promenades ont changé de couleur. Elles pouvaient être tout aussi délires, mais il y avait des plages plus tendres. En moins d’une semaine, il m’a rendue accro. J’étais une camée, une droguée aux baisers. Il me fallait ma dose, l’accoutumance faisait des ravages et son stock paraissait inépuisable. Mon dealer n’était pas un tendre, il fallait parfois courir et supplier pour que s’arrête ma souffrance. Heureusement, elle nous était commune ! Ce que c’est que la chance ! De temps en temps, ses mains glissaient ! Je me raclais la gorge et il riait en soupirant :
- Tu me rends fou !
- Tu as promis.
- Je sais ! Mais c’est si dur ! J’ai promis de t’attendre mais... Ce sera long encore ?
Je bredouillais, je ne savais pas moi-même, en fait. Je n’arrivais pas à sauter le pas. J’étais terrorisée. Personne ne m’avait rien expliqué à ce sujet, même si j’avais des connaissances, ces dernières étaient plutôt... crues. Ça ne donnait pas envie, les mecs que j’avais vus à oilpé ! Des cloches sales, des camés, des obsédés, tous associés à des odeurs pestilentielles, des décors de cauchemar. L’idée qu’un mec me touche me faisait froid dans le dos, et ce problème devenait une obsession avec Phil qui me collait aux basques, mes nuits devenaient un enfer ! J’étais bonne pour le psy. Je savais que je ne pourrais pas tenir mon bel Apollon en robe de bure très longtemps, et si je ne débloquais pas la situation, on allait finir par s’engueuler et se séparer. Il fallait que je fasse un effort, mais rien que ce mot... enfin c’était un comble ! Cette chose merveilleuse que l’amour ne devait pas exiger “d’effort”. Cela devait être quelque chose de naturel. Et je n’osais pas en parler. À qui, d’ailleurs ?

Phil et moi, on se voyait plus souvent. Et c’est Anaïs qui payait. Philéas annulait de plus en plus souvent ses rencards avec elle, ce qui a commencé à l’inquiéter. Il essayait de s’excuser du mieux qu’il pouvait, lui faisait parvenir des fleurs, l’enjôlait d’un sourire et la sautait pour faire bonne mesure; en clair, il la prenait pour une poire. Et il a eu tort ! Avec mes frasques, je lui avais fait découvrir un autre monde, fait respirer un autre air. Le souvenir de Lou, Lou vivante, s’estompait petit à petit. Seule, Anaïs le ramenait à son ancienne vie et il en avait de moins en moins envie. Il avait aimé Lou et rien ne pourrait jamais changer cela, mais Lou était morte. Et pas lui. Et il avait appris à l’accepter.
Ce n’est pas pour ça que l’histoire était simple, hein ! Ne rêvons pas ! Philéas avait été très loin avec Anaïs, bien sûr sans rien lui promettre, mais elle s’en tamponnait le coquillard, elle faisait les questions et les réponses. Lors d’un dîner chez les beaup’, il n’avait été question que de mariage des hors-d’oeuvre au dessert. Phil n’était monté sur aucun cheval, ni grand, ni même un poney ! Cet idiot, plutôt que de lâcher le morceau au risque de se prendre une bonne baffe, mais une seule, il a laissé la frangine reprendre confiance, en lui faisant une petite leçon de morale en sus ! Il était l’homme, il n’avait pas de compte à rendre. Ah ! Ah ! Et elle, elle a gobé parce qu’elle voulait le garder. Il a donc eu la paix pendant un bon mois, mais la belle, encore une fois tissait la toile de son avenir : maison, mariage, voyage de noces.
C’est quand elle a commencé à l’entraîner dans des visites d’appartement, lui parler de rideaux et d’exposition est-ouest qu’il a eu une résurgence de conscience ! Il a essayé de lui dire que tout allait trop vite pour lui, mais peau de balle ! C’était trop tard. Elle ne pouvait plus entendre de petite musique de nuit. Elle n’était plus réceptive qu’au clairon du p’tit matin à la caserne. Et Phil... c’est bien un mec ! Devine quel moment il a choisi pour lui dire ? T’as gagné ! Couchés tous les deux côtes à côtes après une partie de bête à deux dos ! C’est fin ! Alors qu’elle, pauvre naïve, était repartie dans ses projets d’aménagement, il lui a dit qu’il avait retrouvé Lou, que c’était elle qu’il voulait, qu’il ne pourrait jamais bicher personne d’autre. Tu imagines la tête de la nénette ?! Elle le caressait, lui expliquait patiemment que Lou était morte. Mais il était branché sur un autre secteur. En fait, aucun des deux ne cherchait à comprendre l’autre.
Cela a duré un p’tit bout et elle a fini par obtenir quelques réponses avec un choix de questions judicieuses. C’était le coeur de Lou la cause du problème et Phil voulait vivre avec la fille qui était autour ! La pauvre, le monde s’écroulait sur elle. Même si elle refusait de capter une telle hérésie, tout au fond de son être, Anaïs savait que c’était foutu, et ça la crucifiait. Cela faisait des mois qu’ils sortaient ensemble, dînaient ensemble, faisaient l’amour. Bien sûr, Philéas ne parlait pas beaucoup d’eux, mais elle se disait que cela viendrait. Ils se connaissaient depuis si longtemps, et les vieux l’adoraient. Ils étaient ravis qu’il rentre enfin dans la famille.
C’était un immense gâchis. Anaïs a bien essayé de lui expliquer que même avec le coeur, je ne pouvais pas être Lou et que c’était elle, sa soeur, qui s’en rapprochait le plus (ce qui était vrai), Phil était désolé mais même pas triste pour elle, inconscient qu’il était des dégâts qu’il semait autour de lui. Il s’est levé, s’est habillé, s’est excusé et a filé.
Et elle, elle a pleuré toute la nuit, ce qui n’était pas bon signe senior car quand lama fâché, lui toujours faire ainsi !

24

À moi, il n’avait rien dit, bien sûr.
Je le trouvais plus détendu, plus disponible (pauvre idiote !) et j’étais de plus en plus amoureuse. Mon prince charmant avait dû batailler dur pour obtenir mes lèvres et il comptait bien avoir le reste. Alors il a sorti la grosse artillerie ! Il m’a acheté des frusques que même pas en rêve, j’aurais pu avoir, pour qu’on puisse aller becter dans des endroits hyper sélect.
Ah ! ça, il faut que je te décrive, c’est trop !
Un soir, il s’amène en smoking. Il était... magnifique, dans mon escalier de misère, on aurait dit un ange descendu du ciel. Je crois d’ailleurs que c’est ce soir-là que j’ai vraiment réalisé à quel point il est beau, ce mec ! Tu veux baver ? Philéas est plutôt grand et haut sur pattes ce qui est assez rare pour un mec. Ses hanches sont étroites (quelle hypocrite ! Il a un petit cul... et tu ne peux pas ne pas le voir !) Par contre au-dessus... ses épaules sont larges comme un boulevard. On monte encore, son visage est très régulier, sa peau mate, les dents, on l’a déjà dit... les cheveux aussi. Bon. Tu sais tout. Enfin, il y a le charme de l’animal, il a tout pour te rendre chèvre, de grands yeux avec plein de cils autour, on dirait qu’il est maquillé, et ses mains, j’allais oublier ses mains ! Sacrilège ! Belles, fortes, très expressives, des pognes de rital “ma qué !” - capables d’une poigne d’acier mais aussi des gestes les plus doux. Elles avaient raison mes copines, il a l’air d’un dieu grec ! Tu vois Hermès aux pieds légers ? C’est lui... en mieux ! Ça va ? Tu es toujours là ? Tu t’es pas tiré une balle ? Bon. Reprenons.
Donc, en smok. sur le pas de la porte et moi, comme d’hab., bouche bée ! Il a ri et m’a poussée à l’intérieur pour entrer.
- Tu me laisses dehors ?
- Sûrement pas, tu vas te faire enlever ! Où tu vas ?
- Au restaurant.
- Ouf ! Ils fournissent le déguisement ?
- Peut-être ! Voici le tien.
Et il m’a sorti une boite, je n’en avais vue qu’à la télé, des pareilles. J’ai ouvert. Woah ! Je laissais glisser la lingerie fine entre mes doigts. Je regardais les grolles, ça me serait même jamais venu à l’idée de mettre des choses si belles à mes pieds ! Et la robe... elle était en soie d’un vert bouteille qui changeait de couleur avec la lumière. Il y avait une écharpe qui entourait le décolleté (t’as bien lu !) et retombait le long du dos.
- Je... j’ai... jamais...
- Eh bien, c’est une première. Tu peux t’habiller seule, je pense ?
- Euh... Oui ! Mais toi, ouste !, je n’ai que cette pièce !
Il est ressorti et s’est assis dans l’escalier sur une serviette éponge ! J’ai enfilé toutes ces merveilles et j’ai attaqué le maquillage. Heureusement, lors de journées creuses au magasin, mes collègues m’avaient appris. Mémorables parties de rigolades qui me rendaient bien service ! J’avais la hantise de m’accrocher quelque part et de filer les collants ! La vie des femmes, c’est le bagne, on ne se rend pas compte à quel point ! J’ai essayé d’arranger un peu mes cheveux, mais j’ai vite renoncé, il valait mieux laisser tout au naturel. Je ne voulais plus me regarder dans ce miroir, de toute façon, je pouvais pas faire mieux. Et j’ai ouvert la porte. Là, c’est Phil qui est resté stupide, le doigt sur la minuterie.
- Oh bah... ma vieille !
- Eh !
- Tu es... splendide ! Ça alors !
J’étais rouge comme une pivoine ! Il m’a déposée une veste sur les épaules et m’a offert son bras :
- Mademoiselle...
Et je les ai tous bluffés au resto ! Moi, le rogaton des rues, qui devait bouffer dans les poubelles, le truc que personne ne voulait adopter, je dînais chez Lasserre avec le plus beau mecton du monde. Et même si tous les bourges gardaient leurs yeux dans leurs assiettes, parce qu’autrement ça s’fait pas, je les sentais me mater en douce. Phil riait de me voir si fière.
En sortant, un “Meûssieur” a laissé tomber son écharpe devant moi; spontanément, je l’ai ramassée. Il m’a regardée intensément en me frôlant la main :
- Merci Mademoiselle, vous êtes charmante et ravissante, si vous me permettez cette liberté !
J’ai rougi, je n’ai pas su quoi répondre. Phil était derrière moi, protecteur et sérieux comme un pape.
- Cette jeune fille est accompagnée, ce sera pour une autre fois, peut-être !
Voilà qu’ils faisaient les coqs pour moi ! Un siècle avant, ils se seraient embrochés sur un pré ! C’était grisant ! On a marché un peu sur les quais. Il m’a prise dans ses bras et l’on a échangé un bécot au clair de lune, la routine, quoi !
Quand j’ai voulu lui rendre les vêtements, il a ri :
- Je porte mal la robe... et je ne te raconte pas la combinaison !
- Mais, je ne la remettrais jamais !
- Nous aurons mille occasions, ne t’inquiète pas !
Je vivais un conte de fées. Il me faisait tout le temps des cadeaux, des petits et des gros, des attentions touchantes, il m’avait parfaitement cernée, ne t’en fais pas !
On est allé à la Foire du Trône - il n’avait pas oublié ! Et j’ai eu droit à la totale ! Le train fantôme, la maison du rire, le wagon fou, le tir à la carabine (un nounours), la pêche à la ligne (un éléphant qui crache de l’eau avec sa trompe !), la loterie (ouf ! on a échappé à la poupée gore avec ses frou-frou !) On s’est gavés de pommes d’amour et de barbes à papa. Quand il m’a emmenée sur la grande roue, j’ai su que j’étais bonne comme la romaine ! Bien entendu, on est resté bloqués en haut, on a regardé la capitale sous nos pieds d’un autre angle, et là, il a sorti un petit anneau de sa poche. Je ne savais pas quoi dire.
- Je voudrais juste que tu le portes.
- Et ?
- C’est tout ! Cela ne t’engage à rien !
- Sûr ?
- Oui, bien entendu !
- Il a ri et m’a rempli d’amour avec sa bouche, comme toujours. Qu’est-ce que tu peux refuser dans ce cas-là, toi ?
- Je voudrais juste te poser une question. Une seule, mais elle est personnelle.
- Bon. Vas-y. Attends ! Tu as droit à une question ; après, c’est à moi !
- Eh ! Pas de jeu de la vérité !
- Non ! Juste une contre une.
- J’ai soupiré, rien n’était facile.
- Bon, j’y vais. Est-ce que... tu as quelqu’un dans ta vie ? Je veux dire, une copine, une petite amie...
Il a ri, soulagé :
- Non ! Personne ! C’est à moi. Est-ce que tu crois que... tu pourrais m’aimer ?
J’ai baissé la tête. On y était et j’avais promis. Il fallait lui répondre. Alors je l’ai regardé droit dans les yeux :
- Oui. J’en suis même certaine.
La roue a redémarré et ce n’était pas dommage !
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Message  Invité Jeu 30 Avr 2009 - 17:39

C'est bien gentil tout ça, malgré la gouaille de rigueur ! La psychologie des personnages vire au cliché, je trouve... dommage. Je crains que ce ton de légèreté gouailleuse ne tienne pas bien la route sur la distance. Bref, j'ai l'impression que l'histoire devient gnangnan.

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Message  Invité Jeu 30 Avr 2009 - 20:08

En dépit du ton toujours aussi réjouissant, le récit prend une tournure assez attendue ; un moindre mal si ce n'étaient les 4 chapitres un tantinet longuets à écouter le son des violons. Un moindre mal à condition aussi que ce ne soit qu'une pause avant que le récit se remette en action ; on sent bien que ça frémit, qu'il y a quelque chose derrière toutes ces démonstrations d'amour. Phil va-t-il se révéler vil et vilain ?

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Message  ptipimous Jeu 30 Avr 2009 - 21:01

oui, c'est vrai tout cela. mais c'est incroyable que la vie actuelle ne nous fasse plus aimer les histoires simples (si justement il y a un film de référence, c'est bien celui-là!)
Dans cette histoire, il n'y a que de l'humain avec ses erreurs, ses errances, ses doutes et sa façon de s'arranger de certaines choses pour juste pouvoir survivre à la douleur. C'est un récit sans surprise, juste avec du ressenti, de l'émotion, des sensations. Pas de mystères (j'ai d'autres textes assez chargés en la matière..;)peu de rebondissements. Juste ces personnages qui se débattent parmi leurs propres contradictions.
Je vais arrêter de poster ce petit roman de 142 pages car je pense que ce système n'est pas bon pour appréhender les textes longs.
C'est l'ère du compact, du resserré maxi, de la rapidité des actions et interactions. Ce n'est pas le support où l'on se pose pour se délecter d'un texte. je suis sûre que si je rentrais les Piliers de la terre (1000 pages) de Ken Follet par ce système de 10 pages par 10 pages, ça ne tiendrait pas la route non plus. Je vous remercie infiniment d'avoir fait preuve de tant de patience ! Et j'espère que si ce roman sort enfin en librairie, vous compterez parmi mes lecteurs et trices !
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Message  Invité Ven 1 Mai 2009 - 7:49

Mais ptipimous, on (enfin je parle pour moi...) aimerait bien connaître la suite !
S'il est vrai que le format ne favorise pas la lecture, ce serait quand même dommage de nous priver des aventures de Phileas et ses acolytes !!!

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Message  Sahkti Lun 25 Mai 2009 - 15:44

Ha, il me semble que ça change ici, de ton et de style; ce n'est pas pour me déplaire, même si le texte a tendance à rester gentiment sur ses rails.
A travers ces scènes du quotidien et des petites anecdotes de ci de là, tu as réussi à vraiment donner vie à ce personnage de Phil. Pourtant, il a des côtés agaçants, a tendance à beaucoup se contempler, mais malgré ça, il prend de la place et en devient attachant.

Ceci dit, je crois que tu pourrais élaguer un peu. Non pas pour aller dans le sens du vent et de la mode du format court mais bien parce qu'il y a quelques longueurs.
Vrai toutefois que le site et ce mode de postage ne convient pas à du très long format, ça déforce rapidement l'ensemble, je suis d'accord avec toi. Il manque une vision globale, impossible à caser ici.
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