Feuille de route

[petit-doute]

« Voie 2, Attention au départ !
Mesdames, Messieurs, ce train est à destination d’ailleurs et desservira toutes les gares du parcours. Veuillez éloigner vos rêves et dénouer les camisoles de vos désirs de liberté. Attention au départ…. »

Au revoir toi, toi qui reste sur le quai de mes espoirs déçus, toi qui, sur les rails de ta vie organisée, a fermé les portes aux chemins de traverse.

Au revoir toi, voyageur clandestin d’une tranche de ma vie, passager éphémère de mes nuits.

Au revoir nous, étranges usagers temporaires de ton lit.

J’ai changé d’aiguillage, grimpé dans le tortillard qui me mènera vers la gare où déposer mes valises, prête à regarder tous les quais où pourrait m’attendre le visiteur de mon cœur.
La Très Grande Vitesse n’est pas de mise, même aux temps incertains des flétrissures, des bâillements fatigués de l’âme, des trafics restreints. Il n’y a plus de retards possibles. Il ne reste dans l’espace saccadé de la vie, que le temps d’aimer.

Au revoir. Je quitte ton wagon-lit pour me lover au creux d’une banquette où je pourrais apprécier le paysage. Finis les ralentissements d’infortune, les perturbations orageuses, les écoulements larmoyants, les travaux d’entretien de nos amours sur voies de garage.
Dans le tourniquet du temps, je prends l’escalator qui me sortira de ton souterrain obscur où survivait à peine ma joie de vivre.

Au revoir. Je sors de la salle d’attente où me maintenaient tes errances. Je te laisse dans ton terminus en cul de sac, là où tous les pas sont perdus dans le hall silencieux de ta gare désaffectée. Il est temps de franchir le passage à niveau des envies, des espoirs et des possibles. Les perturbations des nos météos incompatibles restent, et je ne prends pour tous bagages que mes désirs en transit vers un futur empli d’amours.

Au revoir. Mais, sans doute, tes entêtements ferrés à ton indifférence, rendront impossible tous croisements de lignes. Aussi, c’est sans un regard en arrière que finalement, je te dis Adieu.

Adieu. Freinage d’urgence à l’annonce de tes panneaux indicateurs clignotants vers la voie de service. Ton ticket ne mène qu’aux quais sans approche, ton parcours n’a pas de voies secondaires, ton omnibus va direct au buttoir et à l’annulation sans avertissement des billets de retour.

Adieu. Le seul dispositif sans alternative est de renverser la vapeur, de faire dérailler mes élans vers un itinéraire sans régulateur de sentiments.

Adieu à toi, donc, chef d’une gare sans passagère, sous contrôle permanent. Nos voitures se décrochent de la Micheline ; ta rame file vers l’entrepôt, mon train reste itinérant sur une voie libre.

[Invité]

Pour quiconque aime la métaphore, je dirais que c'est bien ficelé ; comme ce n'est pas mon cas, je reste sur le quai :-)

Note : butoir

[Loreena Ruin]

Quelle métaphore ! Si elle était un tout petit peu moins évidente dès le début, ce serait encore mieux je crois, quoique j'ai beaucoup aimé ton texte en l'état. En fait, je trouve que cette courte nouvelle raconte tout une histoire d'amour, comme si cet "adieu" était une véritable rétrospective à travers la métaphore du train et de la gare... mais il y manque un je-ne-sais-quoi, ou il y a un je-ne-sais-quoi de trop, peut-être à cause de l'usage du je/tu amoureux qui me parais toujours un peu niais (alors que ton texte ne l'est pas du tout, c'est d'ailleurs pourquoi je l'apprécie)...

Je crois que créer de la distance en utilisant elle/lui pourrait permettre au lecteur de mieux rentrer dans le texte, et aussi de renforcer (par la distance créée) l'impression de temps qui passe et d'abandon propre aux gares désaffectées... (une pensée émue pour le Voyage de Chihiro en lisant ton texte^^)

Mais encore une fois, c'est déjà bien en l'état, je me suis promenée au grès des images que tu as créées (mais qui sont peut-être un peu affaiblie par une certaine amertume ambiante, principalement dû au "je" que je trouve toujours trop personnel surtout quand il s'agit d'amour).

A bientôt sous tes lignes,
Ruin.

[Ba]

Filée la méta...Les histoires d'A déraillent en " général " chantait quelqu'un...

[Sahkti]

Il faut que tu lises La poésie du rail : Petite apologie du voyage en train de Baptiste Roux (chez Transboréal).

Je pense que c'est un voyage ferroviaire qui devrait te plaire.

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