L'espace rouge
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Romane
Ba
petit-doute
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L''espace rouge
Ça commence toujours de la même façon. Direct dans le cœur du sujet. C’est épuisant de régularité chronométrique.
Un jardin aux senteurs délicates de violettes. Ça ressemble à une autre galaxie. Une femme, corps alangui sur un fauteuil en rotin, je crois, écoute distraitement les pépiements de jeunes damoiselles pleine d’impatience fébrile. Elle est belle, cette femme. Son visage m’est familier mais impossible de savoir qui cela peut bien être. C’est une scène que les impressionnistes auraient pu coucher sur un tableau, comme un théâtre sans parole.
Un jardin aux teintes mauves, lilas, quelques iris par-ci par-là. Des demoiselles en mouvement, robe étincelante, nez aquilin ; un manège de rires, de joie, de pastel déposés là. Au coin, à droite, une escarpolette peut-être, un peu plus loin, sous un chêne vénérable. Cette femme à la grâce fragile, comme prête à tomber en pamoison, au centre même du tableau. Vous la voyez ?
Un homme aussi, mais derrière ; on ne peut le voir que si l’on décide d’y prêter attention. Un jardinier peut-être, aux ongles noirs, perdu dans le joli capharnaüm d’une nature à peine apprivoisée. Et à gauche, c’est étrange, je n’y vois rien à gauche, sinon une tâche rouge légèrement incongrue, puisque l’image qui s’y associe instantanément est un extincteur.
Vous allez aimer ça, hein ? Cette improbable association.
Oh, si ! Au loin, tout au fond, il y a aussi un agriculteur dans son champ de blé tout juste moissonné. Il se tient immobile, une faux entre à la main. Mais je n’en suis pas sûr. Peut-être je viens de l’inventer ? L’image est délétère.
Mais ce n’est pas ce qui me captive dans cette illusion. C’est la femme bien sûr ! Qui d’autre ? Cette grâce crucifiée sur papier toilé.
Je me demande bien où ça mène tout ça ? Quel temps je perds à fouiller le monde abyssal des rêves ? Quelle hypothétique liaison il va en tirer le docteur de ces anaphores douteuses, de ses lapsus miroitants ?
C’est tellement désuet ! Il ne manque plus que la meute précédant les cavaliers d’une chasse à courre. Le piétinement saccadé des chevaux, l’aboiement des chiens excités, le sourire bestial des hommes pris dans leur instinct primaire.
Bref ; une fiction pure et simple qui s’installe dans le désert de mes nuits.
Vous croyez que je suis malade ? Peut-être des examens plus poussés, des analyses, recherche de globules blancs, rouge, verts, que sais-je ? Non ?
Mais que vais-je devenir alors ? L’idée même d’enfiler mon pyjama me jette dans les affres de la panique.
Parce qu’il est là, tapi dans l’ombre, telle une tarentule qui attend son heure, lové dans les méandres de mes insomnies. Un python prêt à étouffé le premier chat qui passe.
Oui, oui, je sais. C’est pourtant un tableau charmant que je vous ai dépeint. C’est que j’ai laissé dans l’ombre des photophores, les noirceurs de chine que l’encre y a déposée.
C’est indéfinissable. Une oppression, un souffle. Mais c’est là. Une menace. Il va se passer quelque chose. J’en ai la certitude.
D’abord le silence absolu qui se déploie sur le rêve. Sans fond. Lourd.
Puis un léger crépitement qui fait tendre l’oreille. Une croute de pain ? Un enfant qui traverse un champ d’herbe sèche pédibus ?
Puis, un claquement. Un claquement qui ferait sursautée une foule entière sur le quai d’un tramway. Un sommelier qui débouche une bonne bouteille ? Un palefrenier qui fouette le sol pour faire avancer la bête ?
Et plus tard, quand toutes ces questions tournent et virevoltent, quand les bruits s’entrechoquent et se répondent encore, ça se met à tintinnabuler dans l’espace rouge ; d’abord doucement, et de plus en plus fort. Et ça finit en hurlement. Mais ce n’est que le mien. Et il me réveille.
Je crois que je vais dormir avec l’extincteur.
Un jardin aux senteurs délicates de violettes. Ça ressemble à une autre galaxie. Une femme, corps alangui sur un fauteuil en rotin, je crois, écoute distraitement les pépiements de jeunes damoiselles pleine d’impatience fébrile. Elle est belle, cette femme. Son visage m’est familier mais impossible de savoir qui cela peut bien être. C’est une scène que les impressionnistes auraient pu coucher sur un tableau, comme un théâtre sans parole.
Un jardin aux teintes mauves, lilas, quelques iris par-ci par-là. Des demoiselles en mouvement, robe étincelante, nez aquilin ; un manège de rires, de joie, de pastel déposés là. Au coin, à droite, une escarpolette peut-être, un peu plus loin, sous un chêne vénérable. Cette femme à la grâce fragile, comme prête à tomber en pamoison, au centre même du tableau. Vous la voyez ?
Un homme aussi, mais derrière ; on ne peut le voir que si l’on décide d’y prêter attention. Un jardinier peut-être, aux ongles noirs, perdu dans le joli capharnaüm d’une nature à peine apprivoisée. Et à gauche, c’est étrange, je n’y vois rien à gauche, sinon une tâche rouge légèrement incongrue, puisque l’image qui s’y associe instantanément est un extincteur.
Vous allez aimer ça, hein ? Cette improbable association.
Oh, si ! Au loin, tout au fond, il y a aussi un agriculteur dans son champ de blé tout juste moissonné. Il se tient immobile, une faux entre à la main. Mais je n’en suis pas sûr. Peut-être je viens de l’inventer ? L’image est délétère.
Mais ce n’est pas ce qui me captive dans cette illusion. C’est la femme bien sûr ! Qui d’autre ? Cette grâce crucifiée sur papier toilé.
Je me demande bien où ça mène tout ça ? Quel temps je perds à fouiller le monde abyssal des rêves ? Quelle hypothétique liaison il va en tirer le docteur de ces anaphores douteuses, de ses lapsus miroitants ?
C’est tellement désuet ! Il ne manque plus que la meute précédant les cavaliers d’une chasse à courre. Le piétinement saccadé des chevaux, l’aboiement des chiens excités, le sourire bestial des hommes pris dans leur instinct primaire.
Bref ; une fiction pure et simple qui s’installe dans le désert de mes nuits.
Vous croyez que je suis malade ? Peut-être des examens plus poussés, des analyses, recherche de globules blancs, rouge, verts, que sais-je ? Non ?
Mais que vais-je devenir alors ? L’idée même d’enfiler mon pyjama me jette dans les affres de la panique.
Parce qu’il est là, tapi dans l’ombre, telle une tarentule qui attend son heure, lové dans les méandres de mes insomnies. Un python prêt à étouffé le premier chat qui passe.
Oui, oui, je sais. C’est pourtant un tableau charmant que je vous ai dépeint. C’est que j’ai laissé dans l’ombre des photophores, les noirceurs de chine que l’encre y a déposée.
C’est indéfinissable. Une oppression, un souffle. Mais c’est là. Une menace. Il va se passer quelque chose. J’en ai la certitude.
D’abord le silence absolu qui se déploie sur le rêve. Sans fond. Lourd.
Puis un léger crépitement qui fait tendre l’oreille. Une croute de pain ? Un enfant qui traverse un champ d’herbe sèche pédibus ?
Puis, un claquement. Un claquement qui ferait sursautée une foule entière sur le quai d’un tramway. Un sommelier qui débouche une bonne bouteille ? Un palefrenier qui fouette le sol pour faire avancer la bête ?
Et plus tard, quand toutes ces questions tournent et virevoltent, quand les bruits s’entrechoquent et se répondent encore, ça se met à tintinnabuler dans l’espace rouge ; d’abord doucement, et de plus en plus fort. Et ça finit en hurlement. Mais ce n’est que le mien. Et il me réveille.
Je crois que je vais dormir avec l’extincteur.
petit-doute- Nombre de messages : 150
Age : 66
Localisation : dans la banlieue encore verdoyante
Date d'inscription : 24/04/2009
Re: L'espace rouge
Un beau texte, je trouve, à l'ambiance fort bien posée d'onirisme inquiet, de paix menacée. J'aurai seulement une réserve sur la deusième interpellation du lecteur ("Vous allez aimer ça (...)") qui a ralenti mon immersion dans le texte, m'a paru de trop.
Mais, dans l'ensemble, j'ai beaucoup aimé.
Quelques erreurs de langue que je vous signale :
"sinon une tache rouge" (et non "tâche", une tache est une souillure et une tâche un travail à accomplir)
"une faux entre à la main" (je crois que vous n'avez pas su choisir)
"Mais je n’en suis pas sûr. Peut-être je viens de l’inventer ? L’image est délétère.
Mais" (pas une faute, mais les deux "mais" me paraissent trop proches l'un de l'autre, surtout situés ainsi au même endroit de la phrase)
"il va en tirer le docteur de ces anaphores douteuses, de ces (et non "ses") lapsus miroitants ?"
"recherche de globules blancs, rouges, verts"
"Un python prêt à étouffer le premier chat qui passe"
"les noirceurs de chine que l’encre y a déposées" (ce sont bien les noirceurs qui ont été déposées ?)
"Une croûte de pain ? Un enfant qui traverse un champ d’herbe sèche pedibus (sans accent sur le "e", l'expression latine n'ayant pas suffisamment intégré notre langue)"
"Un claquement qui ferait sursauter une foule entière"
Mais, dans l'ensemble, j'ai beaucoup aimé.
Quelques erreurs de langue que je vous signale :
"sinon une tache rouge" (et non "tâche", une tache est une souillure et une tâche un travail à accomplir)
"une faux entre à la main" (je crois que vous n'avez pas su choisir)
"Mais je n’en suis pas sûr. Peut-être je viens de l’inventer ? L’image est délétère.
Mais" (pas une faute, mais les deux "mais" me paraissent trop proches l'un de l'autre, surtout situés ainsi au même endroit de la phrase)
"il va en tirer le docteur de ces anaphores douteuses, de ces (et non "ses") lapsus miroitants ?"
"recherche de globules blancs, rouges, verts"
"Un python prêt à étouffer le premier chat qui passe"
"les noirceurs de chine que l’encre y a déposées" (ce sont bien les noirceurs qui ont été déposées ?)
"Une croûte de pain ? Un enfant qui traverse un champ d’herbe sèche pedibus (sans accent sur le "e", l'expression latine n'ayant pas suffisamment intégré notre langue)"
"Un claquement qui ferait sursauter une foule entière"
Invité- Invité
Re: L'espace rouge
oh! désolée pour toutes ces fautes ... pourtant je l'ai relu plusieurs fois mais trop dedans sans doute encore .... je n'ai rien vu et oublié en plus de faire fonctionner le correcteur d'orthographe....
j'ai honte ......
merci à vous
j'ai honte ......
c'est à la fois une interpellation du lecteur, et une phrase lancée au psy ... je ne sais pas au juste .....J'aurai seulement une réserve sur la deusième interpellation du lecteur ("Vous allez aimer ça (...)") qui a ralenti mon immersion dans le texte, m'a paru de trop.
merci à vous
petit-doute- Nombre de messages : 150
Age : 66
Localisation : dans la banlieue encore verdoyante
Date d'inscription : 24/04/2009
Re: L'espace rouge
Un Manet dans un Goya ?
Ba- Nombre de messages : 4855
Age : 71
Localisation : Promenade bleue, blanc, rouge
Date d'inscription : 08/02/2009
Re: L'espace rouge
A la liste des corrections je rajoute :
Peut-être je viens de l’inventer ? L'emploi de "peut-être" en tête de phrase entraîne normalement l'inversion du sujet pronom. Pas très heureux ici, j'en conviens ("peut-être viens-je" !!) ; on peut alors insérer "que" après "peut-être" et ainsi éviter l'inversion ("peut-être que je viens " )
Peut-être des examens plus poussés, des analyses, recherche de globules blancs, rouge, verts, que sais-je ici, il me semble qu'il manque un bout de phrase, avec au moins un verbe et un complément.
Sur le texte à proprement parler, je dois avouer que j'ai un peu perdu l'intérêt environ à la moitié du texte ; le début m'a plu, mais j'ai trouvé que les questionnements de la deuxième partie traînaient en longueur. Ce relâchement de mon intérêt est peut-être aussi dû au fait que le narrateur s'adresse au lecteur, procédé avec lequel j'ai toujours du mal.
Peut-être je viens de l’inventer ? L'emploi de "peut-être" en tête de phrase entraîne normalement l'inversion du sujet pronom. Pas très heureux ici, j'en conviens ("peut-être viens-je" !!) ; on peut alors insérer "que" après "peut-être" et ainsi éviter l'inversion ("peut-être que je viens " )
Peut-être des examens plus poussés, des analyses, recherche de globules blancs, rouge, verts, que sais-je ici, il me semble qu'il manque un bout de phrase, avec au moins un verbe et un complément.
Sur le texte à proprement parler, je dois avouer que j'ai un peu perdu l'intérêt environ à la moitié du texte ; le début m'a plu, mais j'ai trouvé que les questionnements de la deuxième partie traînaient en longueur. Ce relâchement de mon intérêt est peut-être aussi dû au fait que le narrateur s'adresse au lecteur, procédé avec lequel j'ai toujours du mal.
Invité- Invité
Re: L'espace rouge
Finement amenée l'histoire fonctionne à merveille. Par petites touches "mine de rien", on arrive au point culminant. Faut l'faire. Chapeau !
Re: L'espace rouge
Oui, un bon extincteur bien rouge et tout nu. Cela me paraît être une arme efficace pour combattre la beauté virginale d'un rêve qui ne se réalise pas. On a tous besoin de cela. Le personnage est plein de bon sens.
La chute finale allège bien la sauce! Ceci dit, le texte a son intérêt par ailleurs (comme déjà commenté par d'autres).
v.
La chute finale allège bien la sauce! Ceci dit, le texte a son intérêt par ailleurs (comme déjà commenté par d'autres).
v.
Re: L'espace rouge
J'ai beaucoup aimé ce lent cheminement pour nous dépeindre une scène qui se compose au fur et à mesure et évolue sous nos yeux. Un déroulement que j'aurais cependant vu plus fluide par moments, prenant le temps de poser les détails sans trop rapidement interpeller le lecteur, mais ceci est broutille. L'exercice de créer cette fresque sous les yeux n'est pas aisé, tant pour l'auteur que le lecteur et c'est un des aspects qui font le charme de ce texte.
Sahkti- Nombre de messages : 31659
Age : 50
Localisation : Suisse et Belgique
Date d'inscription : 12/12/2005
Re: L'espace rouge
Et bien, je n'ai pas été aussi emballé que mes prédécesseurs. Je trouve le texte bien écrit, maîtrisé dans sa "peinture" par petites touches, mais après lecture, il ne m'est pas apparu très... intéressant (dirons-nous, faute de mieux).
Voila, c'est une appréciation toute personnelle sur le fond (que je n'ai peut-être pas saisi), mais la forme, chatoyante et bigarrée, est très agréable, un bel exercice de style.
Voila, c'est une appréciation toute personnelle sur le fond (que je n'ai peut-être pas saisi), mais la forme, chatoyante et bigarrée, est très agréable, un bel exercice de style.
Lonely- Nombre de messages : 140
Age : 47
Localisation : Perpilliéraine et montpignanaise.
Date d'inscription : 14/01/2009
Re: L'espace rouge
Un beau texte, avec ce mélange de légèreté et d’inquiétude. =)
Il y a juste quelques expressions un peu trop faciles sur lesquelles j’ai buté :
"comme prête à tomber en pâmoison"
"de ses lapsus miroitants"
"me jette dans les affres de la panique"
Quand à la dernière phrase, j’aime beaucoup l’image ; la phrase en elle-même, moins. Il me semble qu’on pourrait trouver autre chose (mais je n’ai aucune idée de quoi).
Il y a juste quelques expressions un peu trop faciles sur lesquelles j’ai buté :
"comme prête à tomber en pâmoison"
"de ses lapsus miroitants"
"me jette dans les affres de la panique"
Quand à la dernière phrase, j’aime beaucoup l’image ; la phrase en elle-même, moins. Il me semble qu’on pourrait trouver autre chose (mais je n’ai aucune idée de quoi).
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