Dans le couloir de la mort

[hugofan]

Un texte que j'ai voulu écrire contre la peine de mort.


Je sais que je n'en ai plus pour longtemps. Cela fait en effet plus de quinze ans que, misérable, je me morfonds dans ce cachot humide, sombre, où la lumière ne pénètre que par une fente pratiquée à même le mur, si étroite que c'est à peine si je peux y glisser ma main.
Je dispose en outre d'un lit boiteux, recouvert de draps sales, qu'on ne change jamais. En face de celui-ci, le personnel de la prison a installé un petit lavabo surmonté d'un miroir et, à droite, l'on remarque la présence d'une cuvette de toilettes crasseuse, d'où s'exhale une odeur méphitique, imputable au fait que je ne dispose pas d'eau courante. Cette circonstance amuse beaucoup le gardien, qui m'accable en se pinçant le nez de remarques humiliantes. Je rougis et baisse les yeux à chaque fois, car il me reste un peu de ma dignité passée.

Du reste toutes mes journées se ressemblent toutes : elles sont longues, lentes, cruelles. Mes nuits sont froides, ténébreuses, sources de cauchemars et d'angoisse. Je vois se profiler la mort qui m'attend. Je sens constamment sa présence auprès de moi : elle m'entoure, me serre, m'étrangle et me pénètre. Je subis tout cela parce qu'un jour, au milieu d'une salle fourmillante de citoyens en manque de sensation, une voix glaciale a prononcé ces mots éternels : condamné a mort! J'en frémis encore, bien que je sois las et brisé. Il me semble que toute cette souffrance accumulée depuis de longues années a endurci mon cœur. Les cris de mes voisins de prison ne me font plus tressaillir ; le ciel bleu qui perce au travers de la fente ne m'inspire que des haussements d'épaules agacés.
Cependant, quand je sens que l'angoisse est trop forte, et que des larmes poignantes envahissent mes yeux, je songe à mon passé. La première personne que je vois alors apparaitre, comme au milieu d'un songe, c'est ma mère, avec son doux sourire et sa voix rassurante. Je me souviens du temps où je n'étais qu'un enfant et où je me réfugiais en riant derrière son dos. Qu'elle doit être malheureuse a présent! La pauvre femme!
Aussi, tout près d'elle, je vois surgir du fond de ma mémoire la silhouette de Mary. Elle était ma femme, il y a encore quinze ans de cela. Le souvenir de notre première rencontre me hante toujours : je la revois, avec ses yeux verts et ses boucles blondes qui pendaient sur ses épaules. Un jour, à l'ombre d'un vieux chêne, par un après-midi d'été, elle avait accepté de me tenir compagnie, pendant que ses frères jouaient tout près de nous. Ce fut à ce moment là que doucement, comme entrainées par un courant irrésistible, nos lèvres se rapprochèrent et s'unirent pour la première fois. Quelle extase!

Mais, hélas! qui saurait comprendre quelle douleur est la mienne quand je songe qu'elle est peut-être dans les bras d'un autre homme! Oui, avec un autre homme que moi! Oh! çe sont la les véritables pinces rougies au feu de l'enfer! J'aimerais mieux mourir. Et d'ailleurs, c'est pour cela que je suis içi. Mais pourquoi cela dure-t-il aussi longtemps? Quel plaisir malsain les bourreaux peuvent-ils concevoir à placer un homme au bord de son éternité, retenu seulement par une corde fragile, qu'il observe avec angoisse se ronger peu à peu! C'est ineffable!

En outre, je sais ce qui m'attend la-bas, au bout du couloir. C'est la chaise électrique. Il parait qu'elle engendre des douleurs atroces. Avant d'être exécuté, les bourreaux vous rasent tous les poils du corps, et vous glissent ensuite une couche pour adulte entre les jambes, car on dit que les intestins se relâchent et se vident lors de l'électrocution. Vos membres sont calcinés ; vos veines éclatent et vos yeux giclent hors de vos orbites, butant le plus souvent contre un bandeau noir, placé au préalable sur votre tête, pour ne pas choquer les bons citoyens américains qui, en qualité de témoins, vous observent derrière une vitre. Une première décharge déchire vos membres. Elle suffit en général a vous rendre inconscient. Mais parfois les prisonniers survivent, et alors on les voit se tordre de douleur au milieu d'une fumée puante, qui frottent vos narines d'une odeur de viande cuite. Une seconde décharge est alors envoyée. Celle-ci vous tue.

Si un jour ce manuscrit tombe entre les mains d'un lecteur patient, j'aimerais, avant que de mourir comme un animal sur une chaise métallique, sous les yeux avides des témoins, lui faire voir combien terrible est l'agonie qui précède l'exécution. Cela fait des années que je souffre ; la mort ne peut être à présent que synonyme de délivrance. J'étais un homme, mais on m'a volé mon humanité. Je rêvais, je pensais, j'aimais ; et l'on m'a privé de tout cela. On m'a incarcéré dans ce maudit endroit où pendant de longues années, j'ai trainé ma peine et mon passé comme un boulet à mes pieds. La mort me nargue encore aujourd'hui ; elle m'attire en même temps qu'elle m'effraie ; j'ai fini par la trouver fascinante.

Mais je dois m'interrompre. J'entends en effet les pas du gardien résonner dans le couloir ; c'est l'heure du repas. Je vais l'accueillir du mieux que je pourrais, et j'achèverai ce manuscrit....

Une demi heure plus tard :

Mon Dieu ! c'est pour aujourd'hui ! Oui, le gardien m'a demandé en souriant ce qui me ferait plaisir de manger au prochain repas ! Il était aimable et presque compatissant !
Enfin, l'heure de ma délivrance a sonné! Il me semble entendre le prêtre qui, d'une voix monocorde, récite le psaume :
L'éternel est mon berger, je ne manquerai de rien.
Car il me fait reposer dans de verts pâturages........
Oui seigneur! Accordez moi le repos éternel ; venez recueillir mon âme harassée!

[Invité]

je suis agréablement surprise que ce thème vous ait inspiré ce texte, où il reste quelques petites fautes de frappe, les plus avertis verront peut-être aussi la grammaire malmenée, je suis conquise pour ma part, et adhère à votre cause.

[Sergei]

L'idée est sympathique. Vous n'auriez pas regarder ou lu La ligne verte récemment? ^^

Il y a des parties du texte que j'aime plus ou moins. Un tel thème inspire un certain caractère solennel, que vous retranscrivez bien dans certains passages. Cependant, le dernier paragraphe par exemple, me paraît un peu décalé. Presque "sur joué". Je ne sais pas si j'arrive vraiment à me faire comprendre ^^
Ce sont les exclamations telles que: Mon dieu! etc... qui m'ont déplu.

Mais le sujet n'est pas forcément évident à traiter, il y a des messages à faire passer, donc avis favorable à ce texte.

[Loreena Ruin]

Je te conseille Le Dernier jour d'un condamné de Hugo qui militait en son temps pour l'abolition de la peine de mort...

J'ai trouvé l'écriture soignée, agréable à lire, mais je regrette l'usage du "je" qui met à mon sens le lecteur un peu trop à l'écart, même si je comprend que cela soit plus facile pour toi (cela te permet de t'identifier plus facilement au personnage et donc d'imaginer ce que tu ressentirais si tu étais à sa place) Mais du coup, ton message à toi, semble vouloir passer avant les émotions qui animent ton personnage. Par exemple, je me demande si un condamné à mort passe vraiment les dernières minutes de sa vie à songer à la chaise électrique qui l'attend...

D'ailleurs, si ton texte essaye de montrer son état d'esprit, le fil de ses pensées, tout est (je crois) beaucoup trop construit. Cela sonne comme une argumentation mêlée de pathos pour mieux convaincre, du coup, j'ai eu l'impression par moment de lire un exercice. Ce côté "je veux vous convaincre que la peine de mort c'est maaal", à tendance tantôt à me faire fuir tantôt à me faire sourire, alors que le sujet se prête aux électrochocs...

Les remarques de Sergei me paraissent par ailleurs tout à fait pertinentes, notamment sur la fin, où l'on tombe dans le mélodramatique, cela en devient presque burlesque !

Un bon texte donc, mais qui m'a semblé un peu scolaire dans sa forme, genre "écriture d'invention", parfait pour le bac mais pas très original, sur un thème déjà vu et revu.

Je t'invite, comme ça, à parcourir ce poème d'Emeline: https://vosecrits.1fr1.net/forum-vos-ecrits-poesie-f3/l-instant-d-un-pendu-t4151.htm , sur le thème de la pendaison, non pas que ce soit "une référence" mais j'avais vraiment tout senti dans ce qu'elle avait écrit, pour le coup j'avais été "prise aux tripes", dimension que je n'ai pas trouvée dans ton texte... peut-être cela te donnera t-il de l'inspiration, qui sait ?

[boc21fr]

Je te conseille Le Dernier jour d'un condamné de Hugo qui militait en son temps pour l'abolition de la peine de mort...

A mon avis, vu le pseudo de l'auteur de ce post, je crois qu'il l'a déjà lu et relu !

[Loreena Ruin]

A mon avis, vu le pseudo de l'auteur de ce post, je crois qu'il l'a déjà lu et relu !

hum oui, j'avoue ne pas toujours faire attention au pseudo des gens que je commente, me laissant plus attirer par le titre de leur texte...

Mais dans ce cas, hugofan (si c'est bien une référence à Hugo), pourquoi as-tu choisi de reprendre un sujet déjà si bien traité par cet auteur ? Je m'interroge...

[Sahkti]

Mais dans ce cas, hugofan (si c'est bien une référence à Hugo)

Vrai qu'il n'y a rien, me semble-t-il, dans le fil des présentations, donc on ne sait pas (encore) !

[Sahkti]

Je suis très partagée.
Certes, c'est un texte soigné, qui a été réfléchi et on devine l'effort pour parfaire l'écriture. Mais ce soin, presque porté à l'excès, empêche toute émotion véritable de surgir au bout des lignes. Tout cela est proprement cadenassé dans un récit très littéraire qui colle assez peu, à mes yeux, à l'angoisse qu'on peut ressentir avant l'utime moment. Angoisse ou soulagement, cela dépendra des cas, mais de toute manière quelque chose de plus fort que ce qui est décrit ici. A moins que je me trompe, je ne suis pas spécialiste de la peine de mort...
C'est une dimension importante qui me manque, celle de la spontanéité, de la fébrilité et dès lors, j'ai du mal à adhérer au texte, même si l'écriture est soignée, je le répète.

[Ernestine]

Bonjour!
Pour faire original, je rejoins les commentaires des autres. J'ai apprécié de lire ton texte, l'écriture est soignée et la lecture fluide, de ce point de vue là, rien ne me choque.
De même, je n'ai rien contre l'emploi de la première personne, au contraire cela pourrait apporter un certain point de vue, un angle de vue, une orientation à la tonalité de ton texte. Or c'est précisemment ce qui m'a gênée, j'ai trouvé les pensées de ton personnage assez objectives, assez terre à terre, ou du moins la façon dont il les exprime, ce qui ne colle pas avec cet emploi du "je" à mon avis. Comme l'a dit Sahkti, je m'attendais à le voir plus fébrile, plus désordonné dans ses pensées. Par exemple, si l'idée d'évoquer la chaise et ses effets peut effectivement traverser l'esprit d'un condamné quelques heures avant sa mort, je ne pense pas en revanche qu'il l'exprime ainsi, de manière détachée.
Après, l'idée du soulagement m'a plu, mais j'ai regretté qu'elle ne soit pas plus longuement développée, expliquée, nuancée. Ici elle se tasse dans trois phrases, qui du coup, puisque trop condensées, m'ont fait l'impression d'un ton un peu ampoulé (malgré l'idée que je trouve bonne)

Je trouve malgré tout que ton texte reste un bel hommage à Hugo (si s'en est un!)

[Sahkti]

un bel hommage à Hugo (si s'en est un!)

C'est là qu'on va tous apprendre qu'Hugofan est le nom d'un groupe de hard metal japonais :-)

[Loreena Ruin]

C'est là qu'on va tous apprendre qu'Hugofan est le nom d'un groupe de hard metal japonais :-)

du hard metal ? Eh ben, on en invente tous les jours des nouveaux noms pour le métal... ! C'est un peu comme la fantasy : c'est devenu le genre fourre-tout. XD

[silene82]

Un texte que j'ai voulu écrire contre la peine de mort.


une odeur méphitique, imputable au fait que je ne dispose pas d'eau courante.

Ah bon, et ça dure depuis longtemps? Evitez ce genre d'invraisemblances. Les prisons US sont d'une dureté et d'un minimalisme tout protestants, presque shaker, c'est un fait. Ellent poussent la logique évangélique jusqu'au bout du bout, mais les droits basiques de l'individu sont respectés. Enfin, je crois.

[Lonely]

Je suis partagé... je trouve le texte délibérément manichéen, et cela ne peut que mutiler une approche plus globale du phénomène dénoncé (il n'y a pas d'eau courante, les matons sont sarcastiques, les cellules pourries,... et lui a perdu sa dignité, à fait de la peine à sa maman, il pleure en songeant à son passé,...) .

Certes, à l'instar des références précitées, on retrouve une dénonciation des conditions d'une mise à mort par électrocution (il existe aussi l'injection létale).


Sauf qu'en dénonçant du point de vue du condamné la terrible attente et l'inhumanité de la sanction, en montrant du doigt l'insalubrité des lieux et en exprimant les souvenir touchants du bonhomme, on en oublierait presque que, s'il est condamné à mort, c'est sans doute qu'il a pu être lui-même inhumain ou meurtrier (à moins qu'il ne soit innocent, comme cela arrive quand il faut un coupable, mais il aurait fallu le mentionner).

Donc, qu'a-t-il fait ? Mérite-t-il réellement notre compassion ou ne doit-on s'offusquer que des conditions de sa détention ? En en faisant un être lisse, une victime du système carcéral, en oblitérant le passé qui l'a mené à la peine de mort (tout de même !), je trouve que ça fausse la critique. N'a-t-il pas ruiné des vies antérieurement pour se voir flanqué dans le fameux couloir ?


Certes, cela ne justifie pas la mort pour autant, et si je rejoins moi aussi le constat parfois lamentable que l'on peut en faire, il faudrait, peut-être, veiller à ne pas réduire à sa plus simple humanité quelqu'un qui a écopé d'une sanction aussi extrême.

Voila... je trouve donc que le personnage fait trop "innocent" dans sa volonté de nous attendrir. L'opposition aux conditions d'incarcérations ressortent d'autant mieux que la dichotomie est exacerbée.


Mais outre nos belles considérations humanistes sur la question (plus de mise à mort pour personne, ce que j'approuve), je crois que face à un tueur monstrueux ou un violeur multirécidiviste, notre raison ne s'offusquerait pas tant que ça de les voir moisir dans un cachot pourri (je pense même qu'on en tirerait des réactions de satisfaction bien prévisibles). D'où l'intérêt de préciser peut-être, en amont, les conditions qui l'on mené à sa situation, histoire que l'on puisse réellement juger de l'empathie à lui accorder. Déshumaniser quelqu'un qui a déjà agi en "inhumain" sera toujours moins choquant, je le crains.

[JeanJean]

Pour répondre à Lonely, je dirais que je suis d'accord sur le fait que ce texte est assez manichéen. Cependant il est plutôt inutile d'entamer un débat la dessus, puisqu'il ne s'agit pas d'une argumentation. Le but du texte est plutôt de nous apitoyer.

D'ailleurs il dénonce plus l'emprisonnement et les mauvaises conditions de vie dans les prisons que la peine de mort elle même. On aurait presque envie de dire qu'il a raison, c'est dégueulasse de les faire moisir dans des cellules, tuons les condamnés dès leur sortie du tribunal, une balle dans la tête et ils sentiront rien.

A mon avis, hugofan, ton texte a deux problèmes :

- Tu veux dénoncer la peine de mort mais tu parles le plus souvent d'autre chose. Les mauvaises conditions de détention, le fait d'avoir été enfermé 15 ans sont des problèmes indépendants.

- Tu cherches à inspirer la pitier pour le personnage, mais personnellement ça ne m'a pas fait grand chose, je ne saurais pas dire pourquoi.


En fait, même si j'ai pu paraitre un peu agressif ( je m'en rend compte après relecture ) c'était pas le but, ce texte est pas mal écrit, mais je crois que tu es une peu hors sujet.

Tu as surement lu le dernier jour d'un condamné, mais peut être pas sa préface. Je met le lien ici pour tous ceux que ça intéresserait ; http://lettres.ac-rouen.fr/francais/dernier/dernier7.htm

Pour moi la préface est nettement plus convaincante que le roman lui même ( mais là moi aussi je commence à être hors sujet ).

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