Cache-cache
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Cache-cache
Des jours et des jours qu’elle y pensait ; enfin non pas exactement. L’idée passait, traversait parfois son esprit, arrêtant l’élan d’un geste, faisant trébucher un mot, sursauter son corps proche de l’endormissement. Des bribes de pensées vite refoulées au fond de la conscience. Des escarbilles à peine éclairées dans les méandres des couloirs secrets de sa vie ; volatiles et frêles. Fragiles telles des fleurs de printemps froissées par le vent.
Elle se rappelait précisément le jour où ça avait commencé. Forcément l’étonnement, la surprise, l’incrédulité et vlan ! La porte claquée vite fait et les reproches qu’elle s’était fait toute la journée. Trop tôt, trop tard, trop. De toute façon c’était trop…. Pas le moment d’y penser, fuir vite dans la routine compressée de sa vie, dans l’occupationnel incontournable qui jalonnait ses heures d’obligations. Elle se souvenait ce fameux lundi d’après changement d’heure ; un lundi épuisé d’avance d’avoir à se dérouler comme un autre alors qu’une heure avait disparue quelque part dans l’obscurité de la nuit. Les coudes sur la table, le nez dans le bol et l’esprit vagabond encore traînassant dans les brumes du sommeil interrompu. La douche trop vite après le petit déjeuner trop long, les vêtements empilés à la hâte, mal assortis, un peu bohême à la finale. Mais bon, ça lui ressemblait bien ces chevauchements, ces accoquinages improbables de matières, de couleurs, de style. En vrac, comme elle, mais chantant aux regards, une mélodie de douceur et d’harmonie. Ensuite le métro, moite, dense et misérable comme chaque matin. Elle avait réussi à s’asseoir après quatre stations, une chance qu’elle n’avait pas tous les jours. Le livre lui était resté dans les mains, objet convoité mais insaisissable ce jour là. Ces yeux s’étaient perdus dans cette indifférence factice qui évite les conversations de ces matinaux bavards qui aiment à monologuer avec leur voisin d’un voyage. C’est là, à cet instant précis de relâchement que l’idée l’avait assaillie en traître. Alors se remettre debout, descendre deux stations plut tôt, courir pour ne pas arriver en retard, s’essouffler à grimper quatre à quatre les cinq étages et se ruer sur le travail comme sur une bouée de sauvetage ; c’est tout ce qu’elle avait trouvé à faire. Et ça avait fonctionné. En apparence. Encore une fois dans l’apparence. Pendant des jours et des jours.
Le refus ferme et définitif de laisser ne serait-ce que l’idée de l’idée l’effleurer lui avait permis de continuer son chemin cahin-caha sans sourciller ; le métro, le bureau, les collègues copines, les fou rires, les courses chez l’épicier du coin de la rue le soir, les saluts amicaux de la boulangère, le regard froid du boucher, la dînette devant la télé, les appels rituels du mardi soir (pourquoi le mardi soir, elle se l’était toujours demandé !) les appels donc de sa mère, le ciné de temps en temps avec les copains, les caresses au chat, les longues grasses matinées du dimanche……. Bref la vie et ses petits riens qui l’emplissent de sens. Ce petit matin glacial de novembre où l’idée l’avait rattrapée, s’était imposée, implantée droite comme un I au milieu de sa cervelle, impossible à faire décamper, bien décidée à attendre, indifférente au chaos qu’elle provoquait. Elle aurait du s’en douter. Elle s’était laissé engluer comme une débutante dans les apparences.
Trop tard maintenant pour reculer ; il fallait la regarder en face cette pensée saugrenue, essayer d’apprivoiser les réponses aux questions qu’elle engendrait d’elle-même, refuser la panique qui courait au grand galop en se cognant aux barricades de protection.
Envisager de tourner la page, d’ouvrir la suivante aux possibles, à l’avenir. Poser le cahier d’histoires. Pas trop loin, à portée de main, encore un peu, mais fermé, clos sur le passé. Changer de cahier même, et écrire sur la première nouvelle page blanche, cette idée si envahissante, celle là même qui jouait à cache-cache depuis tous ces jours :
« Je veux un enfant, avant qu’il ne soit trop tard ».
Elle se rappelait précisément le jour où ça avait commencé. Forcément l’étonnement, la surprise, l’incrédulité et vlan ! La porte claquée vite fait et les reproches qu’elle s’était fait toute la journée. Trop tôt, trop tard, trop. De toute façon c’était trop…. Pas le moment d’y penser, fuir vite dans la routine compressée de sa vie, dans l’occupationnel incontournable qui jalonnait ses heures d’obligations. Elle se souvenait ce fameux lundi d’après changement d’heure ; un lundi épuisé d’avance d’avoir à se dérouler comme un autre alors qu’une heure avait disparue quelque part dans l’obscurité de la nuit. Les coudes sur la table, le nez dans le bol et l’esprit vagabond encore traînassant dans les brumes du sommeil interrompu. La douche trop vite après le petit déjeuner trop long, les vêtements empilés à la hâte, mal assortis, un peu bohême à la finale. Mais bon, ça lui ressemblait bien ces chevauchements, ces accoquinages improbables de matières, de couleurs, de style. En vrac, comme elle, mais chantant aux regards, une mélodie de douceur et d’harmonie. Ensuite le métro, moite, dense et misérable comme chaque matin. Elle avait réussi à s’asseoir après quatre stations, une chance qu’elle n’avait pas tous les jours. Le livre lui était resté dans les mains, objet convoité mais insaisissable ce jour là. Ces yeux s’étaient perdus dans cette indifférence factice qui évite les conversations de ces matinaux bavards qui aiment à monologuer avec leur voisin d’un voyage. C’est là, à cet instant précis de relâchement que l’idée l’avait assaillie en traître. Alors se remettre debout, descendre deux stations plut tôt, courir pour ne pas arriver en retard, s’essouffler à grimper quatre à quatre les cinq étages et se ruer sur le travail comme sur une bouée de sauvetage ; c’est tout ce qu’elle avait trouvé à faire. Et ça avait fonctionné. En apparence. Encore une fois dans l’apparence. Pendant des jours et des jours.
Le refus ferme et définitif de laisser ne serait-ce que l’idée de l’idée l’effleurer lui avait permis de continuer son chemin cahin-caha sans sourciller ; le métro, le bureau, les collègues copines, les fou rires, les courses chez l’épicier du coin de la rue le soir, les saluts amicaux de la boulangère, le regard froid du boucher, la dînette devant la télé, les appels rituels du mardi soir (pourquoi le mardi soir, elle se l’était toujours demandé !) les appels donc de sa mère, le ciné de temps en temps avec les copains, les caresses au chat, les longues grasses matinées du dimanche……. Bref la vie et ses petits riens qui l’emplissent de sens. Ce petit matin glacial de novembre où l’idée l’avait rattrapée, s’était imposée, implantée droite comme un I au milieu de sa cervelle, impossible à faire décamper, bien décidée à attendre, indifférente au chaos qu’elle provoquait. Elle aurait du s’en douter. Elle s’était laissé engluer comme une débutante dans les apparences.
Trop tard maintenant pour reculer ; il fallait la regarder en face cette pensée saugrenue, essayer d’apprivoiser les réponses aux questions qu’elle engendrait d’elle-même, refuser la panique qui courait au grand galop en se cognant aux barricades de protection.
Envisager de tourner la page, d’ouvrir la suivante aux possibles, à l’avenir. Poser le cahier d’histoires. Pas trop loin, à portée de main, encore un peu, mais fermé, clos sur le passé. Changer de cahier même, et écrire sur la première nouvelle page blanche, cette idée si envahissante, celle là même qui jouait à cache-cache depuis tous ces jours :
« Je veux un enfant, avant qu’il ne soit trop tard ».
petit-doute- Nombre de messages : 150
Age : 66
Localisation : dans la banlieue encore verdoyante
Date d'inscription : 24/04/2009
Beaucoup aimé...
Juste 3 (très petites) remarques...
"d’avance d’avoir " -> pas très joli...
"l’occupationnel" -> pareil
Et puis la fin...si importante...
"Je veux un enfant, avant qu’il ne soit trop tard "
évidement je ne suis qu'un crétin d'homme mais...
"un enfant, avant qu'il ne soit trop tard", j'aurais préféré...
Cela fait à la fois plus passif, plus féminin, comme si l'idée s'imposait d'elle-même là où la femme essaye de l'oublier...
Ce n'est pas "JE" qui "veux" mais l'enfant qui s'impose...
j'ai aimé ton texte...vraiment...
à +
"d’avance d’avoir " -> pas très joli...
"l’occupationnel" -> pareil
Et puis la fin...si importante...
"Je veux un enfant, avant qu’il ne soit trop tard "
évidement je ne suis qu'un crétin d'homme mais...
"un enfant, avant qu'il ne soit trop tard", j'aurais préféré...
Cela fait à la fois plus passif, plus féminin, comme si l'idée s'imposait d'elle-même là où la femme essaye de l'oublier...
Ce n'est pas "JE" qui "veux" mais l'enfant qui s'impose...
j'ai aimé ton texte...vraiment...
à +
boc21fr- Nombre de messages : 4770
Age : 53
Localisation : Grugeons, ville de culture...de vin rouge et de moutarde
Date d'inscription : 03/01/2008
Re: Cache-cache
effectivement le d'avance d'avoir n'est pas très heureux ... je ne l'avais pas entendu à la lecture mais un "par avance d'avoir" pourrait me semble-t-il faire l'affaire.
pour l'occupationnel par contre il est volontaire .... pas très beau mais plus parlant à mes oreilles qu'un simple occupation; le sens d'ailleurs n'étant pas le même pour moi
quand à la chute .... ben je l'aime bien
pour l'occupationnel par contre il est volontaire .... pas très beau mais plus parlant à mes oreilles qu'un simple occupation; le sens d'ailleurs n'étant pas le même pour moi
quand à la chute .... ben je l'aime bien
petit-doute- Nombre de messages : 150
Age : 66
Localisation : dans la banlieue encore verdoyante
Date d'inscription : 24/04/2009
Re: Cache-cache
petit-doute a écrit:effectivement le d'avance d'avoir n'est pas très heureux ... je ne l'avais pas entendu à la lecture mais un "par avance d'avoir" pourrait me semble-t-il faire l'affaire.
pour l'occupationnel par contre il est volontaire .... pas très beau mais plus parlant à mes oreilles qu'un simple occupation; le sens d'ailleurs n'étant pas le même pour moi
quand à la chute .... ben je l'aime bien
Je te l'avais bien dit de ne pas trop faire attention à ma dernière remarque...
à bientôt sur VE...
boc21fr- Nombre de messages : 4770
Age : 53
Localisation : Grugeons, ville de culture...de vin rouge et de moutarde
Date d'inscription : 03/01/2008
Re: Cache-cache
Bonsoir
on sort de ton texte avec une impression d'absence d'émotion, comme si tu voulais donner une valeur universelle à ce qui est dit indépendamment de ton personnage. En le relisant, je trouve que tu assèches les phrases en utilisant en abondance les noms et les compléments du nom, les articles définis et peut être n'utilises-tu pas assez les verbes conjugués? Cela pourrait fluidifier le texte sur certains passages. Le passage avec les verbes à l'infinitif au lieu d'accélérer le rythme de la narration accentue l'impression d'énumération.
Ce qui me gêne c'est que l'horloge interne de la femme tourne mais qu'elle semble seule à vouloir s'obliger à avoir un enfant. Une vision bien pessimiste, non?
En tout cas ton texte m'a interessé!
Au plasir de te relire.
on sort de ton texte avec une impression d'absence d'émotion, comme si tu voulais donner une valeur universelle à ce qui est dit indépendamment de ton personnage. En le relisant, je trouve que tu assèches les phrases en utilisant en abondance les noms et les compléments du nom, les articles définis et peut être n'utilises-tu pas assez les verbes conjugués? Cela pourrait fluidifier le texte sur certains passages. Le passage avec les verbes à l'infinitif au lieu d'accélérer le rythme de la narration accentue l'impression d'énumération.
Ce qui me gêne c'est que l'horloge interne de la femme tourne mais qu'elle semble seule à vouloir s'obliger à avoir un enfant. Une vision bien pessimiste, non?
En tout cas ton texte m'a interessé!
Au plasir de te relire.
ptipubi- Nombre de messages : 80
Age : 57
Localisation : idf
Date d'inscription : 25/11/2008
Re: Cache-cache
Dernier petit détail. Il me semble que fait prend un s dans la phrase: "...les reproches qu'elle s'est faits"
ptipubi- Nombre de messages : 80
Age : 57
Localisation : idf
Date d'inscription : 25/11/2008
Re: Cache-cache
Impression mélangée : la densité de ce texte est gênante, on a l'impression de ne pas respirer une seconde, et de faire la course.
Pourtant je l'aime bien cette histoire, malgré ses tendances à se regarder le nombril.
Pourquoi ne pas s'accorder des moments de pause, dans le texte (disposition) mais aussi dans le récit, au moins quelques changement de rythme ?
Quant à la fin, oui est réussie, telle quelle, parce que bien amenée et avec un effet de surprise.
Pourtant je l'aime bien cette histoire, malgré ses tendances à se regarder le nombril.
Pourquoi ne pas s'accorder des moments de pause, dans le texte (disposition) mais aussi dans le récit, au moins quelques changement de rythme ?
Quant à la fin, oui est réussie, telle quelle, parce que bien amenée et avec un effet de surprise.
Invité- Invité
Re: Cache-cache
« Je veux un enfant, avant qu’il ne soit trop tard ». Oui. Tout le texte tourne autour de cette réflexion finale, une phrase anodine et si... féminine (ça c'est un autre débat).
Tu sais faire transpirer ton personnage dans sa quotidienneté à la fois ennuyeuse et sécurisante. La vie coule ainsi, dense, bien rempli et pourtant si creuse en profondeur.
La lecture est difficile à l'image des habitudes de cette femme, ennuyeuse à souhait. Heureusement, la dernière phrase lui permet de donner un coup de pied dans la fourmilière avant d'être dévorée.
Tu sais faire transpirer ton personnage dans sa quotidienneté à la fois ennuyeuse et sécurisante. La vie coule ainsi, dense, bien rempli et pourtant si creuse en profondeur.
La lecture est difficile à l'image des habitudes de cette femme, ennuyeuse à souhait. Heureusement, la dernière phrase lui permet de donner un coup de pied dans la fourmilière avant d'être dévorée.
bertrand-môgendre- Nombre de messages : 7526
Age : 104
Date d'inscription : 15/08/2007
Re: Cache-cache
Texte dense, en apparence monochrome mais composé de petits riens et de moments importants, avec une avalanche de détails pour noyer le lecteur dans ce que le quotidien de la vie peut avoir d'immense. Ce genre d'exercice, peu aisé, ressemble à un quitte ou double, c'est assez casse-figure, mais tu as le bon réflexe de ne pas faire trop long et puis la phrase finale ramasse tout le reste.
Il y a dans ce tourbillon de mots une similitude avec le blabla de la vie, du temps qui s'écoule, emportant avec lui nos rêves dans les faux-semblants; c'est bien mené sur ce point.
Juste un petit bémol sur l'emploi parfois excessif d'adjectifs et de détails peu fluides, mais là encore, ça pourrait appartenir à ce processus du leurre, donc pourquoi pas, ça se tient.
Il y a dans ce tourbillon de mots une similitude avec le blabla de la vie, du temps qui s'écoule, emportant avec lui nos rêves dans les faux-semblants; c'est bien mené sur ce point.
Juste un petit bémol sur l'emploi parfois excessif d'adjectifs et de détails peu fluides, mais là encore, ça pourrait appartenir à ce processus du leurre, donc pourquoi pas, ça se tient.
Sahkti- Nombre de messages : 31659
Age : 50
Localisation : Suisse et Belgique
Date d'inscription : 12/12/2005
Re: Cache-cache
et pourtant... c'est souvent femme qui veut et pas enfant qui prévaut, même si on aime bien faire croire (aux autres et à soi-même) le contraire. On regarde une horloge biologique, la trentaine au compteur et on se dit qu'il est temps, parce que JE VEUX un enfant. Reste alors, parfois, à trouver l'homme et là, en effet, c'est l'enfant qui commence à compter, avant l'homme, mais pas avant la femme.boc21fr a écrit:"Je veux un enfant, avant qu’il ne soit trop tard "
évidement je ne suis qu'un crétin d'homme mais...
"un enfant, avant qu'il ne soit trop tard", j'aurais préféré...
Cela fait à la fois plus passif, plus féminin, comme si l'idée s'imposait d'elle-même là où la femme essaye de l'oublier...
Ce n'est pas "JE" qui "veux" mais l'enfant qui s'impose...
Vaste débat, moteur de beaucoup de vies...
Sahkti- Nombre de messages : 31659
Age : 50
Localisation : Suisse et Belgique
Date d'inscription : 12/12/2005
Re: Cache-cache
Ha oui, c'est bien résumé, ça !bertrand-môgendre a écrit:Tu sais faire transpirer ton personnage dans sa quotidienneté à la fois ennuyeuse et sécurisante. La vie coule ainsi, dense, bien rempli et pourtant si creuse en profondeur.
Sahkti- Nombre de messages : 31659
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Localisation : Suisse et Belgique
Date d'inscription : 12/12/2005
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