Particulièrement

[Tristan]

Particulièrement

la terrasse déborde
la lumière

l’instant si précis
qu’on l’oublie

***

matin vide
les poumons en caisses claires
une pie crève son ombre

***

on étire la table
pain et huile d’olive
soleil creux qui
nous grêle la peau

***

vivre sans bruit
temps lourds où
l’on attend

l’orage et quelques souvenirs
à raconter

***

ce n’est pas facile
pourtant

(soirs où l’on se perd
dans les marches
du village)

***

c’est une façon
de se ronger
les sangs

le cœur
plein d’angles morts

passer de saison
en saison

***

les jours murmurent
leurs corps en miettes :

il faudrait
trouver une autre manière
de dire

***

pas vivant :
particulièrement vivant

poursuivre le moment
pour
suivre

***

ces derniers soleils
pris dans les pins
on tient le cœur
en haleine

rien de plus vacillant

rien de plus

***

on désire à chaque instant

chaque instant
s’inventer

la tête quelque part
sur les épaules

les lendemains
en suspens

***

la vie
collée à
la vitre

nos cœurs pris
dans la pièce

hannetons de juin :
perdus

***

particules
particules
hier
particules

la bouche déborde
le son

***

on ne voudrait
être
qu’une vibration
de l’air

***

la vie moite et
les silences du potager

les os crispés

(temps lents)

***

paroles en carapaces
un morceau de froid
sur le visage

***

après tout

là

instants essoufflés :
ça bouge

particulièrement

***

quoi
que
tu
dises

ton corps absorbant
à midi

lumière étouffante
si

***

chemins de fer
chemins de fer comme
on imagine la pluie

***

la mer
quelque part

terre brûlée

inspiration
expiration

***

suspendre l’œil
un temps

les mains en figuiers
la gorge en cactus

***

on recueille
ses fragments :

vie
particulièrement
particulière

***

(vie pourtant)

[Ba]

Bon, je me pose près de la table, et pour l'instant, je regarde le " coeur plein d'angles morts " dans mon assiette. Sur le vif.

[Invité]

Tu sais très bien installer une ambiance mais je dirais que justement l'ambiance est un peu trop prévisible. Je parlais de style précédemment, je pense plutôt ici à une espèce d'enfermement. Rien de définitif dans ma réaction, juste un questionnement, l'expression d'une crainte peut-être.
Ce qui ne signifie pas que je n'ai pas aimé (bravo pour "(vie pourtant)"), simplement que je n'ai pas retrouvé à te lire la découverte d'avant...

[Tristan]

Tu sais très bien installer une ambiance mais je dirais que justement l'ambiance est un peu trop prévisible. Je parlais de style précédemment, je pense plutôt ici à une espèce d'enfermement. Rien de définitif dans ma réaction, juste un questionnement, l'expression d'une crainte peut-être.
Ce qui ne signifie pas que je n'ai pas aimé (bravo pour "(vie pourtant)"), simplement que je n'ai pas retrouvé à te lire la découverte d'avant...

Merci pour ton commentaire, Easter.
Je n'ai pas très bien compris ce que tu voulais dire par "enfermement" : suis-je prisonnier d'une forme, d'un thème, d'un ton ?

[boc21fr]

"on ne voudrait
être
qu’une vibration
de l’air"

Certains affirment que c'est ce que nous sommes précisément...
J'aime beaucoup le sentiment d'uniformité quis se dégage de cette poésie...de légerté finalement...de "vibration de l'air"

[Invité]

[Merci pour ton commentaire, Easter.
Je n'ai pas très bien compris ce que tu voulais dire par "enfermement" : suis-je prisonnier d'une forme, d'un thème, d'un ton ?

C'est ce que je voulais dire, tout cela. Mais je le répète, ce n'est qu'une intuition, un ressenti, une crainte aussi, une question que je me pose en somme... Peut-être même seulement une façon d'attirer ton attention sur cette éventualité.
Il te faut des avis plus éclairés que le mien.

[Tristan]

Ces formes et ces interrogations, je ne les choisis pas ; ce sont elles qui me choisissent, comme un tic de langage dont il serait difficile de se débarrasser. Je me dis aussi parfois qu'il faudrait que je change tout, mais en même temps, je me demande si ça ne serait faux, si ça ne créerait pas une poésie complètement mensongère, en total désaccord avec ma façon de percevoir, de décomposer le réel et les choses.
Après, style ou enfermement, je ne pourrais pas trancher. Je pense que par définition le style est un enfermement. Et puis, il serait difficile de changer totalement de personnalité

[Invité]

J'ai aimé le tout, même les inégalités. Le format surtout qui colle au propos.
Des choses très justes :

vivre sans bruit
temps lourds où
l’on attend

l’orage et quelques souvenirs
à raconter

Je suis partant dans l'affaire.

[Poussetontraino]

Ces formes et ces interrogations, je ne les choisis pas ; ce sont elles qui me choisissent, comme un tic de langage dont il serait difficile de se débarrasser. Je me dis aussi parfois qu'il faudrait que je change tout, mais en même temps, je me demande si ça ne serait faux, si ça ne créerait pas une poésie complètement mensongère, en total désaccord avec ma façon de percevoir, de décomposer le réel et les choses.
Après, style ou enfermement, je ne pourrais pas trancher. Je pense que par définition le style est un enfermement. Et puis, il serait difficile de changer totalement de personnalité

Je rejoins bien Tristan dans son propos ( et de cefait ma lecture içi est plus éclairée encore ) , dès fois nous sommes responsables de rien , c'est les mots qui viennent à nous comme une respiration de l'instant ...
Ce n'est pas forcement des effets ou des trucs travaillés , c'est parfois le partage d'un moment sensible , simplement ...

:-)

[Invité]

Ces formes et ces interrogations, je ne les choisis pas ; ce sont elles qui me choisissent, comme un tic de langage dont il serait difficile de se débarrasser. Je me dis aussi parfois qu'il faudrait que je change tout, mais en même temps, je me demande si ça ne serait faux, si ça ne créerait pas une poésie complètement mensongère, en total désaccord avec ma façon de percevoir, de décomposer le réel et les choses.
Après, style ou enfermement, je ne pourrais pas trancher. Je pense que par définition le style est un enfermement. Et puis, il serait difficile de changer totalement de personnalité

Oui, ça je le comprends bien ; tout à fait d'accord avec toi quand je me mets du même côté de la barrière.

[Sahkti]

Il y a ici de nombreux repères qui te sont chers, Tristan, ces thèmes dans lesquels tu te sens chez toi. On le sent, tu te promènes, un peu trop aisément peut-être parfois, en alignant les images sur un ton identique.

Mais en même temps, ce n'est pas vraiment dérangeant car ça pose l'ambiance, le style, il y a là une carte de visite et puis c'est ainsi que peu à peu l'atmosphère se crée, que l'on peut prendre conscience de fragments éphémères tels la terrasse déborde/la lumière//l’instant si précis/qu’on l’oublie ou encore (soirs où l’on se perd/dans les marches/du village).

Succession d'instants captés par la mémoire, à jamais ou l'espace de quelques secondes, ces morceaux de vie qui font justement qu'il transpire de ton poère quelque chose d'intemporel.
Je suis asses sensible à cette manière de faire, à ta plume, parce qu'il s'en dégage souvent une émotion grave et de profondes interrogations mélancoliques.

[Sahkti]

la vie moite et
les silences du potager

les os crispés

(temps lents)

J'aime vraiment ça. Entre autres.

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