Amor potestatis

[High_Voltage]

J’aurais accepté d’avoir dans le cœur
L’ardeur assassine
Plutôt que ces peurs, qui vivent et qui meurent
Que la vie dessine
J’aurais retardé le moment fatal
Des séparations
Saignement bestial des cœurs qu’on empale
Comme expiation
J’aurais visité le moindre manoir
Le moindre bordel
Et seul dans le soir, mort de désespoir
Le Pré d’Asphodèle
J’aurais déployé toute la malice
Dont l’homme est capable
Pour toi dont le vice, infâme Eurydice
M’a rendu coupable
Convaincant Hadès en son antre hideux
Ainsi qu’on le narre
J’aurais regagné sans tourner les yeux
Le cap de Ténare
Orphée a échoué, tout près du vasard
Moi j’aurais su faire
J’aurais au hasard renversé des czars
Rien que pour te plaire
Mais trop lâche ou vieux, trop bête en tout cas
Je n’ai rien pu faire
Tu es morte et moi je ne connais pas
L’entrée des Enfers

(attention vers 3)

[Madeline]

Un poème à l'accent romantique, mais qui évoque aussi des univers proches de la littérature dite "Fantasy", sans parler des cycles arthuriens que ne lisent plus, dans l'original, que des spécialistes de notre langue. L'amour à la fois courtois et excessif en est un des thèmes principaux. Est-ce un hommage que tu rendrais à ce passé toujours présent pour qui sait utiliser cette reine des facultés qu'est l'imagination ? Ton poème est bien construit et la lecture en est très agréable. Un vers me gêne, le troisième, je le remplacerais par "Et non plus ces peurs ce destin moqueur". Mais, bien sûr, il t'appartient de trouver mieux ou de laisser les choses en l'état si tu le souhaites.
Cordialement.

[Sahkti]

Je me demande, simple suggestion personnelle, si une autre disposition n'aurait pas mis en valeur ton texte, davantage s'entend. Histoire de créer quelques aérations, des mouvements de basculement dans le relief.
Je pense par exemple à une coupure entre :
M’a rendu coupable
Convaincant Hadès en son antre hideux
ou encore :
Mais trop lâche ou vieux, trop bête en tout cas
Je n’ai rien pu faire

Ceci mis à part, ton texte a une allure et un rythme intéressants, pas désagréables à l'oreille et j'apprécie l'emphase mesurée du propos.

[Invité]

Je n'ai pas vu l'intérêt, désolée. En outre, comme dit Sahkti, je pense que cette disposition en centré dessert le texte.

[Ento]

Fort sympathique ce poème^^!

J'ai toujours eu un faible pour l'alternance vers "long" / vers "court", ça rehausse le rythme en général, et là ça fonctionne. L'expression est très agréable et le style fluide. Bref, j'ai beaucoup aimé.

Léger bemol toutefois, qui n'en est pas un en réalité; gare à l'accumulation de références mythologiques et géographiques, qui peut finir par sentir le procédé et par perdre le lecteur dans une foultitude de noms propres qu'il ne connait pas. La mythologie est une source d'inspiration pour pas mal d'entre nous, c'est sûr, mais trop de termes s'y rapportant d'un coup peu asphyxier le poème. Bon, c'est quand même à nuancer, parce qu'ici ce n'est globalement pas le cas, mais j'avouerai que le "pré d'Asphodèle" et "le cap de Ténare" m'ont renvoyé en pleine face ma totale inculture, même si, pour le lecteur instruit/informé, ils passeront sans doute comme une lettre à la poste, mais le domaine de connaissances est tellement vaste qu'on finit toujours par se retrouver face à une nouveauté (cf. les poèmes du baroque...).

Bref, ceci n'entâche quand même pas la très bonne impression générale!

[Madeline]

Il s'agit ici du mythe d'Orphée et d'Eurydice, c'est clair. Comment ai-je pu y voir une allusion aux amours contrariés de Lancelot et de Guenièvre ?

[Invité]

C'est un peu chargé de références mais ça reste parfaitement accessible. La répétition de la même structure, qui aurait pu déranger, donne du poids à cette "complainte".
Toutefois la trop grande régularité du tout pourrait finir par lasser. Mais globalement, j'ai aimé ce poème, qui a les défauts de ses qualités : un peu trop travaillé, un peu trop lisse.

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