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Le douzième orteil

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Le douzième orteil Empty Le douzième orteil

Message  M-arjolaine Ven 3 Juil 2009 - 18:41

La source de la douleur résidait dans mon troisième orteil. J'avais un peu hésité, ce pouvait aussi bien être le sixième, après tout ils étaient tous si comprimés les uns contre les autres que je ne les différenciais guère qu'avec une énorme dose de concentration. Mais maintenant j'étais absolument certain qu'il s'agissait du troisième. Je devais avoir un caillou dans ma chaussure, juste au mauvais endroit, dans ce petit repli de la peau qui ne servait à rien, sinon à recueillir, bien sûr, les cailloux orphelins. Pauvres cailloux: ils se devaient de subir les abominables remugles de mes doigts de pieds, cognant contre les cors et les ampoules, abandonnés dans un milieu bien peu propice à leur épanouissement. Ma compassion était sans égal: cailloux je vous libère. Ma chaussure est certes votre prison, mais les lacets en sont la clef : vous voilà libres, cailloux ! Faites donc désormais tout ce qu'il vous plaira !

J'étais un sauveur: le caillou sauta de sous mon pied, me remercia d'un signe de tête - si tant était que sa partie supérieure pouvait correspondre à l'idée d'une tête - puis se sauva en gambadant. Je souris, attendri à l'idée qu'il allait sans doute retrouver sa famille de cailloux, sa maman pierre et son papa rocher: il avait vraiment de quoi gambader, le veinard ! J'eus du mal à remettre ma chaussure: mon douzième orteil gauche refusait obstinément d'y entrer. Quelle idée aussi, que de concevoir des chaussures pour huit orteils uniquement ! Le gouvernement ne pensait vraiment jamais aux handicapés: j'avais toujours un peu râlé contre eux mais c'était au moment de me chausser que je prenais plus que jamais conscience de leur stupidité. Je m'adaptais, évidemment, on n'avait pas le choix lorsqu'on était infirme, je m'étais habitué à ces petites difficultés, et désormais mon pied se repliait suffisamment pour laisser passer trois des orteils indésirables. Mais il y avait toujours ce douzième doigt, ridicule, hérissé sur la phalange d'un poil droit comme un i, et dur comme une épine. Ha, je l'avais pourtant bien tranché ce douzième doigt ! Mais il ne pouvait pas s'empêcher de repousser, malin, et il m'arrivait par certains matins à mon réveil de l'apercevoir, sournois, jouant les invisibles au milieu de ses frères. C'était l'épi, le rebique, j'avais beau l'aplatir, le couper, l'arracher, il revenait toujours, plus fier, plus fort, plus nuisible que jamais.

Le médecin m'avait fourni bien des traitements: ah mon douzième doigt! Je t'en aurai fait connaître des misères! Je t'ai brûlé, décapé, fondu, tranché, je t'ai griffé, mordu, aspiré, je t'ai éradiqué de milles et une manières, et toujours, toujours, tu repoussais. Fripon ! Il n'y avait plus désormais qu'une solution! Une seule, une unique, une immense solution. Ce doigt était le poil que les donzelles épilaient, frénétiques, tout en sachant que la délicate opération se devrait d'être renouvelée dans les jours qui suivraient. Elles n'avaient rien à faire d'autre: leurs poils, au moins, même s'ils étaient très laids, ne les dérangeaient pas. Ou en tout cas, vraiment très peu: au moins, ils ne les empêchaient pas d'enfiler leurs pantalons. Toujours des pantalons, oui, car après tout, quelle femme pourrait encore oser porter des robes ? Il y avait tant de secrets révélés par une femme en robe ! Le secret de ses jambes, le secret de ses bras, et puis il suffirait bien d'un pauvre coup de vent pour découvrir le secret de ses hanches, et celui de son sexe.

Oui, si les femmes aiment beaucoup se plaindre, elles n'ont en aucun cas, contrairement au pauvres hères de ma sorte, le moindre orteil de trop ! Enfin je dis ça, je n'en sais rien, il y a peut être bien telle ou telle grande dame atteinte de ce même handicap, une femme infirme, une infirmière oui, c'est cela, une infirmière... elles étaient rares en tout cas, ces compagnonnes d'infortunes, ces compères que j'eusse bien aimé aborder, si j'avais ne fut ce qu'été sûr de leur existence en ce monde. Je ne voyais en fait que de toutes jeunes filles, maigres comme des clous, se pavanant sur leurs huit orteils bien fermes, les cheveux relevés par des chignons compliqués. Ces minettes pouvaient se permettre, en fait, d'accepter leurs duvets: peut être étaient-ce elles qui détenaient la solution ! Ces femmes moustachues, aux jambes velues, aux oreilles obstruées, aux tétons piquetés, ces femmes qui toléraient sur leur corps les présences étrangères se découvraient être à vrai dire, bien plus malignes que moi. Tolérer l'étranger sous ma chaussure ? Je n'avais que peu de choses à faire.

Le lendemain se révélait à nouveau comme étant synonyme de sortie: le soleil au dehors frappait de ses rayons dangereux les herbes qui hurlaient de tant d'acharnement: j'entendais leurs pleurs minuscules, ils ne m'attendrissaient guère. Je les frôlais doucement de mon douzième orteil: à travers la chaussure qui s'était révélée bien aisée à trouer, je lui offrais l'occasion pour la toute première fois de découvrir le paysage.

Mon douzième orteil, je l'avais vu gémir, je l'avais vu souffrir, je l'avais vu m'implorer, je l'avais vu pleurer: jamais je ne l'avais vu sourire. J'avais acquis une certitude définitive: jamais douzième orteil ne sera plus heureux que le mien désormais.
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Message  Invité Ven 3 Juil 2009 - 18:52

Une idée amusante, un poil (si j'ose dire) trop délayée à mon goût dans la deuxième moitié du texte. Pour moi les deux derniers paragraphes sont parfaits !

"si j'avais ne fût-ce qu'été sûr" : lourd, selon moi, et bizarre, parce que "ne fût-ce que" indique que cela pourrait être davantage ; or comment le narrateur pourrait-il être plus que sûr ?

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Message  Invité Ven 3 Juil 2009 - 19:18

Ha, j'ai aimé ! L'idée est drôle et bien exploitée, le ton est vif, on ne s'ennuie pas une minute avec cet orteil rebelle. Tu gardes bien le cap en t'autorisant une occasionnelle dérive. Oui, c'est bien, j'aime ton écriture même si elle est parfois encore un peu empesée.

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Message  silene82 Sam 4 Juil 2009 - 7:02

Un joli navire qui commence à tirer des bords tout à fait sympathiques et inventifs. Quelque part, un tic d'écriture (je vous le remettrai plus tard en perspective). Ca devient charmant. Vous allez encore dire que je ne sais pas ce que je veux.
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Message  M-arjolaine Sam 4 Juil 2009 - 8:47

Oh non Silene, je ne me permettrais pas !
Socque, je reconnais que "si j'avais ne fût-ce qu'été sûr " sonne bizarrement. Je ne savais trop comment faire ressortir mon idée. En réalité c'était plutôt " si j'avais au moins été sûr " mais j'avais utilisé "au moins" une quinzaine de fois déjà, et je ne voulais pas alourdir davantage le texte ( selon easter déjà un peu empesé )
Merci tout de même ! J'étais moi même assez contente de cette petite histoire et j'espère réussir à en écrire d'autres sur ce principe un peu surréaliste qui me plaît énormément.
Et silene82, je n'oublie pas ce "tic d'écriture" qui me revient selon vous. J'ai plusieurs idées auxquelles ce pourrait correspondre mais j'attendrai de voir laquelle vous semble la plus frappante !
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Message  silene82 Dim 5 Juil 2009 - 13:06

Je pense à une manière de formuler que vous avez, qui me semble revenir assez fréquemment, et que je trouve maladroite, comme d'une petite fille battant des mains devant sa découverte

J'étais ravie de mon intuition: il n'y avait eu qu'elle pour se plier à mes désirs métaphysiques. Quel bon choix que le mien ! Sans doute jamais n'en avais-je fait de meilleur...

Ma compassion était sans égal: cailloux je vous libère.
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Message  Invité Dim 5 Juil 2009 - 17:04

Ah, que c'est beau la jeunesse, qui peut se mordre le troisième doigt de pied ! Et quelle audace dans la modernité : on découvre une maman qui s'appelle Pierre !
Je me suis franchement bien amusée avec ce petit texte, même si il gagnerait effectivement à être resserré. Mais le surréalisme du thème me plait beaucoup et semble être bien ton créneau, M-arjolaine !

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Message  Invité Dim 5 Juil 2009 - 17:07

J'oubliais de te signaler un tic : tu dis beaucoup en fait ( t'es pas la seule... mais à l'écrit, ça passe encore moins bien, je trouve.
En fait, ça m'énerve. Mais bon. Voilà. Ce sont les tics à la mode !

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Message  mentor Lun 6 Juil 2009 - 17:00

moi je cherche encore à comprendre pourquoi donc le 6ème orteil de l'autre côté ne provoque pas les mêmes vicissitudes que ce 12ème là, hein, en fait ?
;-)

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Message  M-arjolaine Lun 6 Juil 2009 - 17:12

C'est un monde d'unijambiste ! Il n'a pas six orteils à chaque pied mais bien douze. Et un unique pied. Ce qui règle le problème ! Ce n'est pas dit clairement volontairement: chacun peut se poser des questions et tenter d'y répondre par lui même. En postant ce message, je triche :).
Les personnes normales ont une jambe qui comporte huit orteils. D'où les donzelles se pavanant sur leur huit orteils bien fermes
On me dira alors " comment peuvent ils marcher ?" . C'est une histoire complètement surréaliste. Si je peux expliquer certains détails, il y en a d'autres qui resteront sans réponse! Celui là en fera partie.
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Message  mentor Lun 6 Juil 2009 - 17:17

ok ok ! je voulais pas te contrarier !
mon oreille interne te dit que mon genou du milieu n'avait pas vraiment capté tous ces détails essentiels
et pour me remettre de ces révélations, je m'en vais me plier en quatorze pour permettre à mes zygomatiques de faire des bulles
;-)

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Message  M-arjolaine Lun 6 Juil 2009 - 17:19

Haha :)!
Je ne suis pas du tout contrariée ^^"! Les émoticonnes sont absentes du forum alors tous les petits sourires ou clin d'oeil que je fais pour éviter ce genre de quiproquo ne servent à rien ( sourire ).
Je ne suis pas d'un naturel agressif :D!
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Message  M-arjolaine Lun 6 Juil 2009 - 17:20

Évidemment sitôt que je dis ça je constate que mes sourires apparaissent __"! C'est déprimant.
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Message  Chako Noir Lun 6 Juil 2009 - 19:28

mentor a écrit:moi je cherche encore à comprendre pourquoi donc le 6ème orteil de l'autre côté ne provoque pas les mêmes vicissitudes que ce 12ème là, hein, en fait ?
;-)
Je me le suis demandé aussi, mais je me suis dit: "on s'en balance"
C'est tout à fait sympathique, une belle idée, agréablement racontée.
Le dernier paragraphe fait un peu Ségolène, mais j'aime bien quand même =)
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Message  Chako Noir Lun 6 Juil 2009 - 19:29

Chako Noir a écrit:Le dernier paragraphe fait un peu Ségolène, mais j'aime bien quand même =)
Du Ségo mais dans un style gaullien.

Je m'en vais, je m'en vais, si si. ;-)
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Message  M-arjolaine Jeu 16 Juil 2009 - 14:54

C'était déjà le soixante-cinquième stylo qui me faisait faux bond: je devais mal m'y prendre quelque part. Je ne pouvais m'empêcher de me sentir déprimé: tous mes amis entretenaient avec leurs stylos d'excellentes relations. Il y en avait qui avaient le même depuis toujours, d'autres qui en avaient eu deux, ou trois, dans leur vie toute entière. Il y avait aussi toute une série de petits malins qui volaient de l'un à l'autre avant de choisir définitivement celui qui partagerait leur vie. C'était toujours eux qui choisissaient de commencer ou d'interrompre une idylle avec l'un de ces gratte-papiers: me concernant, la question n'avait pas à se poser. J'attendais d'être choisi, et ne l'étais jamais: chacune de mes rencontres m'enthousiasmait davantage, et toujours, de fabuleuses perspectives s'ouvraient à moi, toutes plus délicieuses les unes que les autres. Mais tôt ou tard, mon élu se dérobait, me quittait pour d'autres ailleurs, me laissant seul comme un vieux con, à me résigner une fois de plus à tenter ma chance avec un autre.

Les vendeurs étaient des hommes sournois. J'étais un habitué de leurs boutiques: j'y revenais avec une régularité métronomique. Je ne manquais jamais de remarquer leurs petits sourires malsains, l'intonation cruelle de leurs voix, la moquerie certaine dissimulée derrière les obligatoires " cela fera quatre-vingt dix centimes monsieur", et moi bien sûr, j'avais toujours la monnaie exacte, je ne me trompais pas d'un centime, ça n'arrivait jamais. "Au plaisir de vous revoir" et je savais qu'ils n'étaient pas dupes: cet énième stylo me laisserait tomber tôt ou tard. Moi même j'avais perdu toute trace de confiance en moi: fallait il être un con pour ne pas être foutu de garder un stylo plus de quelques matins.

C'était donc le soixante-sixième stylo qui se trouvait à présent sous mes doigts. J'entrepris des présentations rigoureuses: il fallait être poli pour avoir la moindre chance, on me l'avait toujours dit. Je dévorais les magazines sur le sujet, je connaissais par cœur les articles du genre "Garder votre stylo pour toujours mode d'emploi" ou bien " Votre stylo vous a quitté? Comment vous en remettre". Leurs conseils me laissaient de marbre: il n'en était pas un pour fonctionner. Le pire était la douleur que ces lectures provoquaient en mon esprit: à les en croire, la faute était entièrement mienne, j'étais seul à provoquer mon malheur, seul à choisir ma solitude. La possibilité que les stylos ne m'aimassent tout simplement pas n'était jamais envisagée. J'en venais à croire qu'effectivement, j'étais répudié, excommunié de cette secte de gens heureux qui me criaient leur bonheur, la plume sur le papier. Mon nouveau compagnon ne semblait pas désireux de me plaire, souhaitant peut être que je le rejette, moi, avant qu'il n'ait à le faire. Je m'en abstins: la conversation qui eut dû avoir lieu se révéla n'être qu'un vague monologue. Je m'enquis de sa santé, il garda le silence. Je tentai de l'amadouer, de garder un peu de mystère autour de ma personne, histoire qu'il ait envie d'en savoir plus, finis même par m'énerver, rageant, excédé de cette indifférence totale que je suscitais perpétuellement. Allons, ne veux tu pas me répondre ? Mes doigts te dégoûtent ils, où bien est ce mon esprit ? Sous ma main tu écrirais de grandes choses, des choses magnifiques, cela ne te tente-t-il pas ? Mais réponds moi nom de dieu !

Le vendeur m'avait certifié que ce stylo ne souffrait d'aucun handicap, je ne pouvais donc décemment pas mettre ce silence sur le compte d'une quelconque incapacité à la parole, mais simplement sur celui d'une réticence affirmée à l'éventualité de converser avec moi: c'était abominable. Les remèdes à mon malheur étaient variés, pas un ne savait me satisfaire entièrement. Je décidai de me jeter sur le premier qui me tomba sous la main, et la providence voulut qu'un alcoolique à l'étage du dessus, trouât son plancher d'un coup de talon bien placé, crevant ainsi mon plafond de par sa jambe maigrichonne, et laissant choir directement sous ma menotte une bouteille de whisky premier prix, aux senteurs enivrantes et aux couleurs mordorées.

Le fracas eut pour conséquence atténuante d'envahir mon appartement d'un nuage de poussière blanchâtre, qui m'aveuglât quelques minutes, me laissant les poumons pleins d'une poudre cruelle qui m'irritait la gorge. Sitôt que la clarté du jour fut revenue, je pus décerner sur la table l'absence inévitable de ce soixante sixième stylo qui s'était, à l'image de ses confrères, discrètement fait la malle.

Il me suffit de quelques gorgées pour achever le pinard: je n'avais guère d'autre choix. "Bonjour monsieur, cela vous fera quatre-vingt dix centimes monsieur, merci beaucoup monsieur, au plaisir de vous revoir monsieur". Au plaisir de me revoir. Le paradoxe de mon existence était contenu en ces sept syllabes: j'abreuvai de plaisir ces commerçants avares quant ils m'humiliaient au delà du possible, en me fournissant invariablement les plus infidèles de leurs stylos. Mais j'avais bien conscience qu'il n'y avait que cette solution pour s'offrir à moi, excepté le suicide, qui ne me tentait guère. Le soixante-septième stylo entre les mains, je retournai en mon humble demeure. L'alcoolique du dessus n'avait pas réparé son plancher, et nombre de bouteilles croulaient maintenant sur le mien, certaines se brisant même à son contact. A quatre pattes sur le sol, je décidai de lamper les vagues gouttelettes qui s'amoncelaient devant mes yeux: pour la première fois, je me retrouvai si près du sol que je pus y constater la légère bosse d'une latte décollée sur mon parquet. Emporté par ma curiosité, et sans doute par l'alcool également, je m'empressai de la soulever et pus y découvrir, tous réunis dans l'image d'une petite famille douillettement nichée dans sa demeure, les maints stylos que j'avais pu acheter en mes trente trois ans de vie.

Une ultime bouteille chut de chez l'alcoolique du dessus: elle eut le temps de réaliser la souffrance innommable qui m'agitait, et, charitable, se dirigea immédiatement en direction de mon crâne.

Ma vengeance était faite: à plat ventre devant mes bourreaux, je leur infligeais le spectacle de mon agonie, et celui de ma lente décomposition. Il en était ainsi. Personne n'y changea rien, car personne ne le sut: le lendemain, l'alcoolique avait retapé son plancher.
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Message  Invité Jeu 16 Juil 2009 - 15:26

Une excellente idée, et j'aime bien la manière dont vous la traitez, y compris la conclusion. Cela dit, votre texte souffre de plusieurs maladresses (selon moi), ou impropriétés, qui la foutent assez mal pour une écriture travaillée.

Je vous indique ci-dessous ce qui m'a fait tiquer :
"Il y en avait qui avaient (cela me paraît gauche, comme formulation) le même depuis toujours"
"quatre-vingt-dix centimes"
"Moi-même j'avais perdu toute trace de confiance en moi: fallait-il être un con pour ne pas être (même remarque que pour le "Il y avait qui avaient") foutu de garder un stylo"
"la conversation qui eût dû (conditionnel passé deuxième forme ; peut-être devriez-vous vous résigner à la première forme ? Je ne sais plus si c'était vous, mais il me semble que ce n'est pas la première fois que je rectifie un conditionnel passé deuxième forme mal écrit) avoir lieu"
"Allons, ne veux-tu pas me répondre ? Mes doigts te dégoûtent-ils, ou bien (justement, si vous pouvez dire "ou bien", on écrit "ou", "où" étant la forme du pronom relatif introduisant une subordonnée) est-ce mon esprit ?"
"Mais réponds-moi"
"un nuage de poussière blanchâtre, qui m'aveugla (et non "m'aveuglât", qui est la forme du subjonctif imparfait ; ici le passé simple de l'indicatif s'impose) quelques minutes"
"ce soixante-sixième stylo"
"Il me suffit de quelques gorgées pour achever le pinard (je croyais que c'était du whisky ? Ou bien avez-vous voulu faire allusion à "boire le calice jusqu'à la lie", auquel cas la proximité du whisky un peu plus haut brouille les pistes)"
"quatre-vingt-dix centimes"
"j'abreuvais (vu la structure de la phrase, je pense que l'imparfait s'impose ici, et non le passé simple "abreuvai") de plaisir ces commerçants avares"

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Message  silene82 Jeu 16 Juil 2009 - 17:32

Ou comment, d'un fait anodin, minuscule, sans importance, et quasiment sans grand intérêt, on peut élaborer, avec un peu de talent, un ragoût tout à fait consommable -et je parle par litote, pour que votre jeune tête ne s'enfle pas au delà du raisonnable-. Vous renouez avec une tradition bien féminine, la conversation de salon, et sa version écrite, l'épistolière. Genre difficile, puisqu'il doit effleurer sans lasser, et virevolter avec grâce. Je trouve votre essai un peu long pour mon goût, mais comme tel il se lit néanmoins très bien.
Tout cela est en train de devenir tout à fait joli; que vont devenir les dinosaures?
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Message  mentor Ven 17 Juil 2009 - 16:52

M-arjolaine,
d'une part socque a raison de parler des fautes et de les relever, c'est très dommage quand on constate votre niveau d'écriture, le vocabulaire et tout ça
d'autre part je crois qu'il serait bien préférable de poster ce deuxième texte en ouvrant un nouveau sujet avec un titre
je dis cela à cause de notre CATALOGUE dans lequel ces 2 tesxtes - très distincts - pourraient figurer séparément
non ?
si
donc merci de créer un nouveau sujet, de reposter, puis on fera glisser les commentaires derrière
merci !
;-)

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Message  mentor Ven 17 Juil 2009 - 16:58

mentor a écrit:puis on fera glisser les commentaires derrière
merci !
;-)
bon, tu vas un peu vite là ! va falloir que je me renseigne comment on fait, j'ai perdu la notice
:-))))))))))

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Message  mentor Ven 17 Juil 2009 - 16:58

au fait, M-arjo, pour faire apparaître tes émoticones, il faut dessiner le nez
donc taper ;-)
ne pas oublier le -
sinon, bernique
;-)

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Message  M-arjolaine Ven 17 Juil 2009 - 17:00

Pas de problème ^^" :') !
Je l'avais mis ici pour ne pas encombrer le forum de mes sujets !
Quant aux fautes qui ont été vraiment nombreuses, je pense qu'elles étaient en parties dûes aux " tatie t'as bientôt fini ton histoire, tu viens jouer, tatie je m'ennuie, tatie il est ou mon maillot de bain " qui ont abîmé mon petit esprit en quête de tranquillité :') !
Je me suis donc efforcée de les corriger :') !
( J'ai fait les nez :'D )
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Message  mentor Ven 17 Juil 2009 - 17:03

M-arjolaine a écrit:Pas de problème ^^" :') !
Je l'avais mis ici pour ne pas encombrer le forum de mes sujets !
tu parles, c'était surtout pour dépasser le quota de textes sans te faire allumer, oui :-)))))))))))

( J'ai fait les nez :'D )
pas au début de ton nouveau texte
;-)

au fait, j'ai mis ce nez et j'ai passé la première ligne au blanc
:-))

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Message  Sahkti Mer 5 Aoû 2009 - 12:38

Charmante idée que celle d'un orteil qui sourit. J'ai aimé la pointe d'absurdité que tu glisses dans cette histoire, empreinte d'une belle humanité.

Comme toujours, ton écriture est agréable à lire, soignée et aboutie; c'est plaisir Marjolaine, merci pour tout ça.
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