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Le loir et le goret

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Le loir et le goret Empty Le loir et le goret

Message  azertyui Sam 18 Juil 2009 - 8:55

Un cochon, maniéré tout autant qu’il se peut et instruit aux écoles ménagées par la vie, aimait faire ses classes aux amis de tous poils qui en avaient le goût. Il avait pu apprendre, au rythme de ses jours, croisant divers mentors, dévorant mille livres, que la plus grande chose que l’on croit posséder, assis sur son savoir, ne serait que sa vie. Il était philosophe et pensait tout savoir appuyant ses idées sur tous les autres arts ; la physique et les maths étaient des arts mineurs, les langues le moyen, les lois des contreforts et tous aboutissaient, pour enfin y conclure, dans cette science ultime qu’est la philosophie. Un loir, un inconnu, arrivera à pic et lui enseignera que lorsqu’on veut grimper en haut des connaissances, il vaut mieux, au départ, être bien persuadé que plus on montera et moins on en saura. Mais je vais un peu vite, revenons au début !
Le porc sonne la cloche aux débutants pressés qui se massent à la porte de son académie. Quelques oies, deux gros rats, un chien, quelques poulets, la troupe est rassemblée, il ne manque personne. Dans la grange préparée chacun trouve sa place et pose ses cahiers sur de gros fûts ventrus en guise de pupitre. Une chaire est dressée- la carriole du maître- et notre professeur va pour s’y installer, ce qu’il fait chaque jour avec, comme on le pense, de grandes difficultés. On le pousse avec force, certains vont le tirer, et il couine de rage de toujours constater que son poids leurs confirme une loi de physique. Alors, pour ce jour-là, profitant de l’exemple, il leur fera un cours sur la gravitation. Pour finir la journée et conclure la leçon le cochon distilla, tout en parlant de pommes, une matière voisine, les sciences naturelles. Les sciences appliquées sont toujours un cadeau aux étudiants rustiques, et ils comprirent mieux comment tombent les pommes !
La classe s’achevait et le jour finissait, alors le professeur les renvoya chez eux et prépara le cours qu’il donnerait demain. Concentré sur sa tâche il ne vît pas venir un tout jeune rongeur qui s’approchait de lui. Celui-ci, en touriste, visitait la contrée et il voulait connaître ce goret enseignant dont tous lui parlaient depuis son arrivée. Il était jeune, encore, et n’avait pour savoir qu’un bagage léger. Il se déplaçait bien, n’avait nul préjugé, en guise de cerveau il n’avait qu’un grenier où même la poussière ne s’était pas posée, une pièce géante où il saurait ranger tous les enseignements qu’on voudrait lui offrir. Néanmoins, philosophe, il savait regarder et tirait les leçons de la vie qu’il croisait, qu’elles soient bonnes ou mauvaises. Un grattement de gorge comme salutations, réveilla le cochon qui redressa la tête et toisa l’innocent.
« Tu n’es pas un lérot, ni même un muscardin, mais tu es un rongeur de la même famille, je ne te connais pas mais sois le bienvenu, approches-toi de moi. Que veux-tu, petit loir ? »

Le petit mammifère, avec facilité, escalada alors la chaire des plus monumentales et fut en un instant aux pieds du professeur. Rien encore n’avait pu, tout au long de sa course, intimider ce rat, mais il faut reconnaître, en raison de son âge, que même en allant vite il n’avait parcouru que deux ou trois semaines. Il avait trop à dire, si hâte d’écouter et en se dandinant le rongeur resta coi.
« N’as-tu rien à me dire ? Que veux-tu ? As-tu perdu ta langue ? »

Les mots postillonnaient plus vite qu’un orage et l’enfant moustachu ne pouvait plus parler.
« Soit, j’attendrai que l’esprit veuille souffler à ta bouche les mots un peu coincés que tu n’oses me dire. «

Le loir entendait bien mais comprenait fort mal. Quel était cet esprit dont le maître parlait, qui remuait le vent et allait bousculer sur sa modeste langue des mots embarrassés. Il remuait à grand peine, dans ses raisonnements, tous ces mots entendus, et il en changeait l’ordre pensant à une erreur dans la bouche du porc ! Il n’avait pour désir qu’à pouvoir assister, sans déranger personne, aux cours réputés que dispensait le maître et, contre toute attente et à peine arrivé, voilà qu’il apprenait qu’il était habité ! Tout à ses réflexions il garda le silence, préférant ne rien dire que de se mettre en faute.
« Une heure s’est écoulée et ma tâche, à présent, est bientôt achevée. Le calme environnant n’a pas été troublé par les mots turbulents qui s’agitent en ta tête ! Vas-tu donc enfin dire les raisons de ta course ?»

L’élève postulant, tétanisé de crainte, baissa un peu sa tête si lourde à démêler et puis tourna le dos. Sa place était ailleurs, il en était certain, comment peut-on s’instruire quand on ne comprend rien ? Une larme coula, descendit la fourrure et resta suspendue un instant à son nez. Puis il quitta la pièce, préférant rester seul pour mieux analyser les trois phrases entendues qu’il avait retenues. Le loir avait, je pense, une excellente mémoire et savait s’en servir.
Il avait l’intention de s’ouvrir à ce maître et glissant, dans sa bouche une patte chercheuse, il fût des plus réjouis en y trouvant sa langue, elle n’était pas perdue ! L’espoir, en lui, revint, tout n’était pas perdu.
La deuxième sentence était plus sibylline. Un esprit s’agitait certainement dans son crâne, mais jusqu’à aujourd’hui il l’avait laissé libre et s’il l’utilisait il n’y prêtait pas garde. Mais que cet esprit souffle, là, il n’y croyait pas, car un tel courant d’air, entre ses deux oreilles, il serait le premier à s’en apercevoir. Quand aux mots qu’en sa tête on voyait circuler, il pouvait attester qu’il ne s’en trouvait pas. Alors, fort de tout ça, qu’allait-il arriver dans ce petit cerveau, si le vent y soufflait sur des vagues de mots qui parfois se coinçaient malgré leurs turbulences ! Ces propos, décousus, le laissaient ébaubi, déconfit et déçu.
Pour conclure à cela il ne courait jamais. Qu’avait donc ce cochon, qui l’avait renseigné pour supposer si mal – il lui avait bien dit - qu’une raison le poussait à filer dans le vent. La Raison il pouvait sans mentir en parler. Il entendait souvent lorsqu’il était enfant sa mère l’interpeller et évoquer bien vite son âge de raison où tous seraient heureux de pouvoir constater que ses jeunes sottises ne se produiraient plus. Sa venue à pas lents – il n’aimait pas courir- était donc bien fondée. Pour conclure à tout ça il lui revint aussi quelques mots du papa, lui disant de se taire car lui seul possédait au sein de sa famille la plus Ultime Raison qu’on devait respecter. Il était bien trop jeune pour en posséder une et le gros professeur s’adressait à un autre.
Il entendit un choc, un son mat un peu gras qui fut suivi bien vite de fortes imprécations. Il revint dans la pièce et trouva le cochon descendu de sa chaire et couché sur le dos. Sans même penser au vent qui soufflait dans sa tête et faisait dériver des mots qu’il n’osait dire, il approcha bien vite pour apporter son aide, l’aider à redresser ses kilos de saindoux, ses masses de jambon et ses morceaux de lard. Il ne parla pas plus mais le porc entendit dans ses gestes bienfaisants qu’il avait un bon fond, qu’on pourrait y construire. Il le remercia donc et partit dans sa soue, maugréant à voix basse en se massant les fesses.
Les deux élèves –rat accoururent vers le loir comme vers un cousin et ils lui expliquèrent qu’après chaque leçon le bon maître tombait pour quitter son bureau. Là le loir comprenait et leur en savait gré. Ils partirent célébrer au fond de leur terrier l’arrivée du rongeur qui dès demain matin irait grossir leurs rangs et dans la nuit venue nul ne pût arrêter les propos incessants de ce nouvel élève. Le loir était rusé et s’il était très loin, en guise de bagages, de connaître des lois, il avait une idée, et l’on parla bien tard.
Au lendemain matin, ils n’avaient pas dormi mais l’idée évoquée avait su accoucher de changements notoires. Les élèves rangés à la porte du cours virent enfin s’approcher leur enseignant porcin et les rires se turent pour laisser place au calme qui comme chaque matin voyait l’heure sonner aux classes commençantes. Le maître félicita, salua l’assemblée, eut un sourire chafouin en direction du loir et convia l’assistance à regagner sa place. Il suivit ses disciples se demandant, songeur, ce qu’il ferait du loir. Un jeune débutant, assez peu dégourdi, assez aimable, soit, une bonne âme, ça il vous l’accordait, mais qui était muet ! Qu’en pourrait-il donc faire ? Il était enfermé, ce bon maître, au milieu de ses doutes, quand ses yeux étonnés découvrir la salle. On avait installé au milieu de la pièce son bureau sur le sol adossé au tableau. Le supplice journalier qu’imposait sa retraite, ajouté au grand mal pour monter à sa place, prenait fin aujourd’hui, il en était ravi.
Faisant face au bureau, commodément rangés dans un doux arrondi, les pupitres étaient là. Derrière eux, en hauteur, une deuxième ligne attendait les élèves, ceux qui savaient grimper et faisait comme une arche qui recevrait son cours sans que le premier rang ne perturbe sa salve. L’ordre était militaire et pour le concevoir il avait fallu être un géomètre hors pair. Pour conclure au tableau il nota que, plus haut, une troisième ligne, destinée aux élèves qui étaient munis d’ailes, était aménagée. La perspective parfaite lui coupa le sifflet et il dût reconnaître que des lois de physique qu’il ne maîtrisait pas avaient aidé celui qui en une seule nuit avait eu le grand art de se montrer à lui comme un grand architecte, un maître exceptionnel.
Les oies volèrent s’asseoir sur la plus haute marche, les poulets au dessous, et le chien et les rats prirent leur place tout en bas. Il restait un bureau, à gauche de sa chaire, dont la chaise cherchait quelqu’un pour l’occuper. Le loir s’approcha, très respectueusement, et guetta un silence pour prendre la parole.
« Je demande humblement votre autorisation pour rejoindre la classe, à qui vous enseignez. Je ne sais encore rien, je suis là pour apprendre et j’aurai grand plaisir à m’asseoir près de vous. »
Le goret stupéfait ne sut que lui répondre de la même manière qu’hier il employât, il se gratta la gorge et il resta muet. Il s’approcha du chien, lui parla à voix basse et au bout d’un instant il sourit au rongeur.
« J’aime ta discrétion et ton intelligence. Sois donc le bienvenu. Je te suis redevable d’avoir en une nuit redessiné la classe comme un petit théâtre où chacun entendra les cours qui seront dits et où le professeur, chaque jour qui viendra, ne sera plus blessé en quittant cette estrade.
Tu as comme les grecs très bien imaginé que le cours est au centre et les esprits autour et ce petit théâtre, grâce à toi –grand merci- est enfin devenu un noble amphithéâtre. »
Le loir n’en dit pas plus, respectueux du savoir que détenait le porc, et il s’assit, tranquille, remâchant une idée qui lui disait tout bas qu’il était arrivé à être reconnu sans avoir prononcé ni un mot ni un autre. Il lui restait encore à comprendre son maître qui savait travestir les phrases et les idées, et il allait apprendre comment mieux les traduire.
Le porc nota pour lui que de rester assis en bas, comme les autres, n’empêchait pas ses mots de s’envoler vers eux mais permettait toujours quand la chute venait de tomber de moins haut, même si, comme lui, on pensait se dresser tout en haut du savoir. L’âge aidant il comprit, alors à ce moment, que tant de connaissances se résument assez vite. Lorsqu’on croit tout savoir, il faut ouvrir les yeux, et reconnaître au monde, qu’en fait, on ne sait rien.

azertyui

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Le loir et le goret Empty Re: Le loir et le goret

Message  Invité Sam 18 Juil 2009 - 9:16

Une jolie fable, encore, qui s'attarde un peu trop à mon goût. Je pense que le propos, davantage resserré, aurait été plus net. Le rythme de votre écriture est très agréable, je trouve.

Quelques remarques :
"il ne vit (et non "vît" qui est la forme du subjonctif imparfait) pas venir"
"Un grattement de gorge comme salutations, (pourquoi une virgule ici, entre le groupe sujet et son verbe ?) réveilla le cochon"
"approche-toi (et non "approches-toi") de moi"
"à grand-peine"
"il fut (et non "fût" qui est la forme du subjonctif imparfait) des plus réjouis en y trouvant sa langue, elle n’était pas perdue ! L’espoir, en lui, revint, tout n’était pas perdu (la répétition se voit, je trouve)"
"Quant aux mots qu’en sa tête on voyait circuler"
"nul ne put (et non "pût" qui est la forme du subjonctif imparfait) arrêter les propos incessants"
"quand ses yeux étonnés découvrirent la salle"
"il dut (et non "dût" qui est la forme du subjonctif imparfait) reconnaître que des lois de physique qu’il ne maîtrisait pas avaient aidé celui qui en une seule nuit avait eu le grand art de se montrer à lui comme un grand (la répétition se voit, je trouve) architecte, un maître exceptionnel." : au total, la phrase me paraît lourde
"les poulets au-dessous"
"Je demande humblement votre autorisation pour rejoindre la classe, (cette virgule me paraît inutile) à qui vous enseignez"
"Le goret stupéfait ne sut que lui répondre de la même manière qu’hier il employât (à mon avis, cet imparfait du subjonctif est fautif, un plus-que-parfait de l'indicatif me semble bien préférable puisque vous parlez d'un élément qui a eu lieu au passé par rapport au temps du récit : on est dans les pensées du cochon, qui se rappelle qu'avant, il a employé...)"

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Le loir et le goret Empty Re: Le loir et le goret

Message  Invité Sam 18 Juil 2009 - 9:37

C'est mignon, c'est bien observé mais je reste assez mitigée à la fois sur le fond, qui tend à être moralisateur et la forme, où persistent des maladresses.

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Le loir et le goret Empty Re: Le loir et le goret

Message  azertyui Sam 18 Juil 2009 - 9:39

merci à Socque pour toutes ces justes corrections... je me méfierai du mauvais emploi de l'imparfait du subjonctif et j'ai corrigé ma copie à l'exception de votre dernière remarque. Mes contes -fictions voyagent dans le temps, à ma manière, et ce subjonctif-là était voulu:
"Le goret stupéfait ne sut que lui répondre de la même manière qu’hier il employât"
de plus, musicalement, cette forme m'était nécessaire.
Je corrigerai mieux mon prochain texte et tenterait de soustraire tout les accents circonflexes

azertyui

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Le loir et le goret Empty Re: Le loir et le goret

Message  Invité Sam 18 Juil 2009 - 10:13

Sans doute, mais je persiste à penser que le subjonctif est fautif ici... à vérifier. L'essentiel est, bien sûr, que vous violiez la règle en connaissance de cause !

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Le loir et le goret Empty Re: Le loir et le goret

Message  Modération Sam 18 Juil 2009 - 12:42

< SUJET VERROUILLE DURANT 2 SEMAINES.
ON DEMANDE UN TEXTE PAR SEMAINE ET PAR MEMBRE PAR CATEGORIE AU MAXIMUM !
VOUS EN ETES A TROIS TEXTES EN 3 JOURS
MERCI DE LIRE OU RELIRE ATTENTIVEMENT NOTRE LIGNE EDITORIALE
LA MODERATION >

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Le loir et le goret Empty Re: Le loir et le goret

Message  Sahkti Mer 5 Aoû 2009 - 12:51

A nouveau un mélange de fable et de conte moderne, avec la naïveté qu'impose le sujet mais aussi quelques longueurs et une tendance à moraliser. J'ai toutefois trouvé ce texte plus agréable et abouti que celui sur les papillons, trop doux à mon goût (pure subjectivité, j'en conviens).
L'idée maîtresse est agréable et donne naissance à un texte en forme de sourire.
Sahkti
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Le loir et le goret Empty Re: Le loir et le goret

Message  Crashtest kid Ven 7 Aoû 2009 - 22:58

intéressant...

j'ai beaucoup aimé la chute!!
Crashtest kid
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Le loir et le goret Empty Re: Le loir et le goret

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