Calypso

[M-arjolaine]

Antoine est le père de Calypso. Comme chaque soir, il vient l'embrasser avant qu'elle ne s'endorme.

CALYPSO ( inquiète ) : Ne ferme pas la porte complétement, d'accord ?
ANTOINE ( en souriant ) : Tu as peur ?
CALYPSO ( blottie tout au fond de sa couette, en haussant les épaules ) : Si la porte est fermée j'aurai peur. Mais pour l'instant tu es là, alors ça va.
ANTOINE: C'est le noir qui t'effraie ?
CALYPSO ( en riant ) : Papa, j'ai huit ans! Je n'ai plus peur du noir maintenant !
ANTOINE: Tu as peur de quoi alors ?
CALYPSO ( tragique ) : J'ai peur qu'il y ait un tueur dans ma chambre!
ANTOINE: S'il y a un tueur, il te verra deux fois plus si tu laisses ta porte ouverte !
CALYPSO ( en faisant non de la tête, les yeux immenses ) : Il pourrait être déjà caché à l'intérieur !
ANTOINE: Tu n'as qu'à vérifier avant de t'endormir ! Tu veux que je t'aide ? Je suis sûr qu'il n'y a personne.
CALYPSO ( en tortillant ses doigts ) : Je n'ose pas regarder sous mon lit. J'ai peur qu'il attrape ma tête, et puis qu'il me fasse mal.
ANTOINE: Alors moi je vais regarder, d'accord ? ( Il regarde, se redresse, sourit ) Il n'y a personne !
CALYPSO ( vivement ) : Je m'en fiche! Ne ferme pas la porte! Si tu veux absolument la fermer, il faut que tu dormes avec moi!
ANTOINE: Maman ne sera pas d'accord.
CALYPSO: Je m'en fiche. Elle, elle dort toujours avec toi. S'il y a quelqu'un dans sa chambre, tu pourras toujours la protéger! C'est pas juste, je suis la plus petite, et tu ne me protège pas! Si tu fermes la porte, et que le tueur est dans ma chambre, je n'aurai pas le temps de m'enfuir, parce qu'il faudra que j'appuie sur la poignée.
ANTOINE: Ca ne prendrait que quelques secondes.
CALYPSO: Parfois, quelques secondes ça suffit.

Antoine réfléchit, hésite, et finit par céder.

ANTOINE: Juste cette nuit alors ?
CALYPSO: Promis ! Si tu dors avec moi cette nuit, je te laisse fermer la porte! Tous les soirs!

Antoine se glisse dans les draps.

CALYPSO ( en chuchotant ) : Tu sais, je suis rassurée que tu sois là...
ANTOINE ( souriant ) : ...
CALYPSO: ... mais j'ai peur que le tueur soit ici quand même... j'ai peur qu'il m'assassine...
ANTOINE: Il n'y a que moi ici, d'accord ? Il n'y a que moi...

Antoine s'endort en serrant sa fille contre son corps... en la serrant... en la serrant encore...

ANTOINE ( en se réveillant, et constatant que toute vie a quitté le corps de sa fille) : Sitôt que j'ai fermé la porte, le tueur est entré dans la chambre: quelle idiote cette Calypso! Elle avait cherché sous le lit et dans tous ses placards. Elle n'avait pas pensé une seconde que peut être, le meurtrier dormirait à côté d'elle, sans même avoir pris la peine de se cacher, ni celle de se couvrir du moins crédible des déguisements. Sans doute ne connaissait il pas lui même le rôle de spadassin qui lui serait attribué! Ah, quelle idiote cette Calypso... quelle idiote, vraiment...

[boc21fr]

Ah ce qu'il est glauque ce texte !
Glauque mais efficace et bien écrit, ça il n'y a aucun problème...

[Invité]

Je vois un petit problème dans ce texte (Désolée, Boc :-)), mais j'ai aussi la solution. Supprimer la dernière réplique, on comprend tout sans. Il me semble que le texte en sera d'autant plus efficace.

[Sahkti]

La partie commençant par ANTOINE ( en se réveillant, et constatant m'a parue superflue; elle viendraît même gâcher la puissance de ce qui précède. Il me semble que la répétition dans en la serrant... en la serrant encore est suffisante pour qu'on comprenne ce qui va suivre et perçoive toute la gravité de la situation, la raison de la peur de la gamine qui transparaît efficacement dans le dialogue.
Dialogue bien mené et naturel, ceci dit; il n'y a que la fin qui pêche à mes yeux.

[M-arjolaine]

Je ne suis pas très contente de ce petit extrait de théâtre, et j'en ai écrit un autre sur un sujet tout à fait différent, et sur un ton beaucoup plus humoristique. Je me doute que ça ne fera pas l'unanimité, mais je me propose tout de même de le poster. Je le mets ici pour ne pas créer trop de sujets, même si je doute que ce soit accepté de tout un chacun sur le forum !

LE JUGE: - Vous n'avez rien à déclarer pour votre défense ?
L'ACCUSE: - Je n'ai pas à me défendre. Je suis innocent comme l'agneau qui vient de naître. Voyez vous même, je suis la grandeur d'âme faite homme, blanc comme la neige, immaculé !
LE JUGE: -Vous ne regrettez rien ?
L'ACCUSE: - Non, rien de rien. Ni le bien qu'on m'a fait, ni le mal. Tout ça m'est bien égal.
LE JUGE ( concentré ): - C'est bien beau ce que vous dites là. Jurés prenez note ! ( rêvant ) Je la ressortirai pour mon prochain roman.
L'ACCUSE ( excédé ): - Et les droits d'auteur dans tout ça ?
LE JUGE: - Vous, vous n'allez pas faire la fine bouche ! Vous êtes le coupable je vous rappelle.
L'ACCUSE: - Pas encore! Ma culpabilité n'a pas encore été prouvée !
LE JUGE: - Enfin voyons, vous avez tué quelqu'un !
L'ACCUSE: - C'était de la légitime défense! Il m'a tué d'abord.
LE JUGE: - Que d'inepties !
L'ACCUSE: - Écoutez j'aurais du mal à vous expliquer les détails de la scène, j'ai été le premier à trépasser.
LE JUGE: - C'est insensé ! Vous n'auriez pas pu tuer cet homme après qu'il vous ait assassiné !
L'ACCUSE: -C'est pourtant ce qu'il s'est passé. Mais lui bien sûr, hop, innocenté. Je suppose qu'il avait des relations dans cette cour.
LE JUGE: - Gardez vos réflexions je vous prie. De toutes façons, nous afons le moyen de fous faire parler.
L'ACCUSE: - Je conteste, je suis innocent !
LE JUGE: - Faites entrer le témoin !
( La porte s'ouvre, Dieu apparaît ).
DIEU: - J'ai tout vu.
L'ACCUSE: - Juste ciel !
LE JUGE: - (à l'accusé ) SILENCE! ( à Dieu ) Pourriez vous nous décrire la scène ?
DIEU: - Bien évidemment ! Cet homme ici présent a assassiné Monsieur le Préfet. Sans motif valable.
L'ACCUSE: - Mais enfin il ment !
DIEU: - On ne conteste pas la voix de Dieu !
LE JUGE: - Les voies du seigneur sont impénétrables !
L'ACCUSE: - Je veux un avocat !
LE JUGE: - Qu'on lui porte un avocat !
( Un valet amène une assiette de salade d'avocat )
L'ACCUSE (en piquant directement dedans ): - Merci bien.
LE JUGE: - Vous êtes donc condamné, pour l'assassinat du Préfet de Compiègne, à votre exécution immédiate et en public.
DIEU ( doucement ): - Si vous permettez monsieur le juge, les deux ne sont pas compatibles. Si vous voulez l'exécuter immédiatement, personne ne pourra le voir. Les gens sont tous très occupés aujourd'hui.
LE JUGE: - Que se passe-t-il pour susciter un tel remue-ménage ?
DIEU: - Oh, ça, Dieu seul le sait !
( Il rougit, vérifie que le juge n'a rien remarqué, puis reprend la parole )
DIEU: - Peut être devrions nous reporter l'exécution à demain soir ! Rien ne presse ! Je me chargerai de faire passer le message au monde entier ! Ah, ça, il y en aura du public !
L'ACCUSE: - J'implore votre miséricorde !
DIEU: - Ma miséricorde ? Ah, les légendes de bonne femme !
LE JUGE: - Vous savez ce que c'est, ces marmots qui grandissent dans les jupes de leur mère, ils croient tout ce qu'elles leur racontent !
DIEU: - Oui, et les femmes sont si portées sur la bonté et sur la grandeur d'âme ! Vous remarquerez d'ailleurs que je n'ai toujours pas la bague au doigt.
LE JUGE: - Je vous admire! Je ne résiste toujours pas aux charmes féminins.
DIEU: - C'est parce que vous n'êtes pas Dieu, pas Dieu du tout !
L'ACCUSE: - Qu'en sera-t-il de ma sentence ?
LE JUGE (sans même le regarder ): - Faites vous oublier !
DIEU: - Les meurtriers n'ont pas le droit de parole !
LE JUGE: - Exactement. ( se tournant vers Dieu ): Tranchons lui la langue, cela lui évitera de profaner votre parole sacrée.
DIEU: - Oui, évitons lui de profaner mes sacrées paroles !
( Ils lui tranchent la langue, et en profitent pour terminer la salade d'avocats )
LE PRÉFET DE COMPIÈGNE ( ouvrant la porte à la volée ): J'AVOUE TOUT ! C'est moi qui ait tué Monsieur avant qu'il ne me tue. Est ce qu'il reste de la salade ?
DIEU ( d'une voix assurée ): - Je le savais. (en souriant). Notre bon ami fut d'une bonté exceptionnelle à votre égard, il a pris tous les torts sur sa personne! Monsieur le juge, j'aime l'importance que vous accordez à mes paroles, retenez bien celle ci: Trop bon trop con.
LE JUGE: - Que vous êtes sage seigneur, que vous êtes intelligent !
DIEU: - Oh, allons monsieur le juge! ( il sourit avec modestie )...Vous êtes trop bon !

[bertrand-môgendre]

À propos du second texte ci-dessus : c'est l'exemple même des petites pièces de théâtre sorties tout droit d'un atelier d'improvisation ou d'une série d'exercices sur les mises en situation.
Concernant l'écriture, je crains un petit manque de travail. Le prendras-tu bien ?
En attendant, tu as de bonnes idées. Continue.

[silene82]

connaissait il pas lui même le rôle de spadassin qui lui serait attribué! Ah, quelle idiote cette Calypso... quelle idiote, vraiment...

un joli petit texte, vraiment, vif et bien troussé; tu tiens vraiment à ton spadassin? Visuellement, ça fonctionne mal: un gaillard affublé d'un pourpoint, d'un baudrier de cuir, de bottes montantes, d'une râpière....

[Invité]

D'accord avec tout le monde (ou presque ) sur l'inutilité du dernier paragraphe, qui assène au lecteur " des fois que tu n'aurais pas compris !"
J'ai adoré l'insolence du 2e texte, j'ai l'impression de voir la scène !
Tu promets, M-arjolaine !

[silene82]

Je renchéris sur coline, je n'avais pas lu le deuxième que je trouve excellent.
Mademoiselle, qu'allons-nous devenir avec de pareils talents à la porte?

"la troupe fraîche des cadets
au carrefour nous attendait
pour nous envoyer à Bicêtre"

G.Brassens, le Boulevard du temps qui passe

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