De la place que l'on a et du vide que l'on occupe

[Ba]

- Tu remercieras bien madame Contrefort pour ses bonbons
- Je n'y manquerai pas maman, mais pourquoi tu cries ?
- Pour qu'elle m'entende
- Mais elle habite à cinq cent mètres, derrière les paraboles et les éoliennes !
- Justement ma chérie, si je ne crie pas elle ne m'entendra pas
- Tu peux lui téléphoner aussi ça ira plus vite et ça m'évitera de lui faire la commission
- Ce serait bien inconvenant de ma part, on ne dérange pas des personnes de cette importance pour une broutille.
- Un paquet de caramels n'est pas une " broutille "
- Je sais mon ange et mesure toute la valeur de ce présent c'est la raison pour laquelle je veux la remercier par ta vive voix
- Je ne comprends pas pourquoi tu n'y vas pas toi-même, tu es d'un compliqué !
- De même que je ne téléphone pas, je ne vais pas sonner.
- Tant de manières pour des caramels qui vont te " niquer " le râtelier, franchement.
- D'abord on ne dit pas " niquer ", ensuite je te signale que je n'ai pas encore de dentier ma chérie.
- Les bridges, si tu préfères, et puis zut à la fin, tu détestes les caramels !
- C'est un fait, d'autant que je fais un régime et qu'ils vont aller directement sur mes cuisses de jument
- Ben alors pourquoi tous ces salamalecs ?
- J'ai été touchée par son geste, les Contrefort sont des êtres au-dessus de notre condition et tout ce qui vient de cette famille est honneur pour celui qui le reçoit

( On voit la fille, grande adolescente de 17 ans, maigre et à la mode, hausser ses épaules de sauterelle nerveuse et l'on sent également qu'elle ne partage pas le point de vue maternel, sans aller jusqu'à le remettre en question )

- Ma chérie ?
- Maman ?
- Tu es toujours amoureuse de monsieur Contrefort père ?
- Oui
- A la folie ?
- Au-delà

Un temps, la mère assise sur une chaise en plastique bleu prend l'air rêveur.

- Figure-toi que je m'en doutais
- C'est pas difficile, " je rougis, je pâlis " enfin tous les signes quoi !
- Non, non ce n'est pas cela, c'est que je me demandais pourquoi madame Contrefort revenant de Normandie comme tous les ans, a choisi cette année pour m'offrir un paquet de caramels salés
- Elle t'estime voilà tout
- Oui, enfin elle a offert un ensemble breton à madame Amsler
- Et alors ?
- Je me demande s'il n'y a pas crêpe sous roche
- Ce qui veut dire ?
- Tout simplement, madame Contrefort est amoureuse de madame Amsler !
- Maman, tu déconnes complet service compris !
- Réfléchis, jamais elle ne nous a offert quoi que ce soit, tu es d'accord ? Voilà vingt ans qu'elle sillonne la haute et la basse Normandie, qu'elle nous raconte ses aventures dans les bocages, qu'elle nous fiche la migraine avec ses photos numériques pourries, et du jour au lendemain, vlan, elle me fait porter un paquet de caramels durs et salés, tu avoueras que c'est étrange non ?
- Quel rapport avec le tailleur du Finistère ?
- Aucun, d'autant que madame Amsler pèse 100 kgs et qu'elle a dû se casser pour lui trouver un pantalon à sa taille !
- Tu vois !
- On ne m'enlèvera l'épine du pied que la Contrefort préfère la grosse
- Et quand bien même, qu'est ce que ça peut te brûler la tignasse, tu la détestes !
- Question de principe ma chérie, chacun à sa place avec les présents qui lui reviennent de droit ! Je mérite mieux que des mignardises, en plus je pèse 50 de moins ! La garce par jalousie elle veut me voir aussi grosse que la grenouille...J'ai compris son manège.
Et l'autre là qui lui fait du " madame Contrefort farci, du madame Contrefort par là " comme si je ne voyais pas leur carrousel à ces deux pouffes.

Le ton devient aigre et tourne au soliloque. Tout y passe, lecteur, tout, de la remontée de bile à la bave du cervidé, les petits coups en douce, les égratignures, les rappels à Nathalie Sarraute qui écrivit " pour un oui, pour un non " et dont l'ouvrage résume assez bien des malentendus, on eut même droit à un peu de philosophie de coiffeur sur la place et le vide de chacun dans la cellule humaine.
Je t'épargne les hommes politiques, la vie des animaux, la folie de la météo, la rage de vivre et les souvenirs d'enfance qui " remontent à la gorge ".
Ah, la jalousie est un bien vilain boulon, qui, desserré vous fout une mécanique en l'air !
Je ne sais pas comment s'est terminée la discussion à une voix.
Au moment où j'allais intervenir et plaider pour une " paix des braves ", autour d'un caramel, quelqu'un m'a violemment jeté à la poubelle, sans un regard.
Depuis je fréquente une décharge en plein air, et, n'était-ce que je me sens fondre un peu plus chaque jour, je crois bien que j'y aurais trouvé ma place.

[boc21fr]

Il y a quelques passages que je ne comprends pas :
- On ne m'enlèvera l'épine du pied que la Contrefort préfère la grosse
et
quelqu'un m'a violemment jeté à la poubelle, sans un regard.
Depuis je fréquente une décharge en plein air, et, n'était-ce que je me sens fondre un peu plus chaque jour, je crois bien que j'y aurais trouvé ma place.

Et aussi, je me demande à qui ont été offerts les caramels : à la fille ou à la mère ?

"- Figure-toi que je m'en doutais
- C'est pas difficile, " je rougis, je pâlis " enfin tous les signes quoi !
- Non, non ce n'est pas cela, c'est que je me demandais pourquoi madame Contrefort revenant de Normandie comme tous les ans, a choisi cette année pour m'offrir un paquet de caramels salés
- Elle t'estime voilà tout"

Ici on croit que c'est à la fille


- Tu remercieras bien madame Contrefort pour ses bonbons
- Je n'y manquerai pas maman, mais pourquoi tu cries ?
- Pour qu'elle m'entende
- Mais elle habite à cinq cent mètres, derrière les paraboles et les éoliennes !
- Justement ma chérie, si je ne crie pas elle ne m'entendra pas
- Tu peux lui téléphoner aussi ça ira plus vite et ça m'évitera de lui faire la commission
- Ce serait bien inconvenant de ma part, on ne dérange pas des personnes de cette importance pour une broutille.
- Un paquet de caramels n'est pas une " broutille "
- Je sais mon ange et mesure toute la valeur de ce présent c'est la raison pour laquelle je veux la remercier par ta vive voix
- Je ne comprends pas pourquoi tu n'y vas pas toi-même, tu es d'un compliqué !
- De même que je ne téléphone pas, je ne vais pas sonner.
- Tant de manières pour des caramels qui vont te " niquer " le râtelier, franchement.
- D'abord on ne dit pas " niquer ", ensuite je te signale que je n'ai pas encore de dentier ma chérie.
- Les bridges, si tu préfères, et puis zut à la fin, tu détestes les caramels !
- C'est un fait, d'autant que je fais un régime et qu'ils vont aller directement sur mes cuisses de jument
- Ben alors pourquoi tous ces salamalecs ?
- J'ai été touchée par son geste, les Contrefort sont des êtres au-dessus de notre condition et tout ce qui vient de cette famille est honneur pour celui qui le reçoit

Ici on croit que c'est à la mère qui veut envoyer sa fille pour la remercier à sa place.


Sinon le texte est sympa...mais c'est définitivement le passage d'une histoire plus grande.
Seul, son intéret n'est pas évident (surtout pour un crétin comme moi qui n'a pas compris la chutte...)

[Ba]

C'est une histoire vraie autour d'un paquet de caramels reçu comme un affront.
Pour la chute c'est le paquet qui parle parce qu'il a fini à la poubelle.
Tout le reste est sans rapport avec la vie réelle.

[Mure]

Ha ha !
Très drôle ce texte Ba ! :-))))
Dès le début, je ris :

- Tu remercieras bien madame Contrefort pour ses bonbons
- Je n'y manquerai pas maman, mais pourquoi tu cries ?
- Pour qu'elle m'entende
- Mais elle habite à cinq cent mètres, derrière les paraboles et les éoliennes !
- Justement ma chérie, si je ne crie pas elle ne m'entendra pas

Une espèce de farce moderne au doux parfum de crêpage de chignon sous roche ! :-)))

Et puis, les caramels, je n'ai jamais aimé ça non plus.

Merci Ba.

[Plotine]

J'ai bien aimé le style. Il y a des trouvailles. J'aime bien l'explication pour être amoureuse "je rougis, je pâlis". Ça m'a fait rire.
C'est léger, c'est marrant, bien enlevé sauf que, mille excuses, mais je n'avais rien compris pour la fin... mais je ne suis pas douée sans doute !
Ba, j'ai fait une suite à mon ami Antoine exprès pour toi, mais je te donne du "mon cher". J'espère que tu me pardonneras.

[bertrand-môgendre]

C'est le genre d'histoire à conter devant un auditoire en passe de devenir avide d'une suite à entendre en seconde partie de soirée.
Un paquet de bonbons parleur ?
On voit la fille, grande adolescente de 17 ans, maigre et à la mode, hausser ses épaules de sauterelle nerveuse à la mode est-ce bien à la bonne place ?

[Ba]

Bien sûr, c'est un zeugma.

[Arielle]

Savoureux ! mais je croyais les caramels salés spécialité bretonne ... Elle est capable, la mère Contrefort, d'avoir refilé à notre narratrice une vieille boite rance que lui aurait offert sa propre voisine en d'autres circonstances.

[Invité]

Même si je n'ai pas précisément saisi que la narration était faite par le paquet vide, même si je n'ai pas d'emblée tilté sur l'ensemble breton (j'en étais restée aux friandises) j'ai beaucoup aimé ce texte, le ton surtout, parfaitement dosé : impertinent mais pas trop, drôle comme et où il faut - plus encore que l'histoire qui sert de socle à cet échange. Bravo Ba, je me répète d'un texte à l'autre.

[Miinda]

Bonsoir!
J'avoue que votre texte m'a attiré tout d'abord à cause de la longueur de son titre (je sais, ce n'est pas très poétique....).
J'ai été agréablement surprise par le ton de plaisanterie qui règne du début à la fin, avec une touche de tristesse peut-être dans la chute.
Se lisant avec fluidité, j'ai été déçue qu'il se termine. Et pourtant, je trouve que isolé, sans longue suite ou long début, il trouve très bien sa place.
Peut-être que je me trompe, mais "je rougis, je pâlis", n'est pas tiré de la tragédie Phèdre, par Racine? Le paradoxe entre le ton humoristique de ce texte et cette petite phrase qui me semble venir de cette tragédie m'a fait sourire....
Pour ce moment de détente alors que j'en avais bien besoin, je vous remercie!

[boc21fr]

Pour la chute c'est le paquet qui parle parce qu'il a fini à la poubelle.

Ah ah c'est ce que j'avais cru comprendre sans y croire !
Vous faites vraiment confiance à vos lecteurs Ba !
Pour le coup j'en ai été indigne...en ne me faisant pas assez confiance...

[Ba]

Je me permets de vous répondre en direct, lecteurs qui faites vivre les élucubrations sensibles.
Merci pour vos commentaires nourrissants et tant mieux si les mots ont pu vous distraire.
Oui, Racine, histoire de...:-)

[Akinorev31]

Ah! j'aime bien le dialogue un peu déjanté et le côté universel de la hargne.

J'ai eu du mal à saisir la fin et avais conclu que c'était le caramel qui racontait. J'étais d'ailleurs un peu étonnée qu'il rende sympathique une dame qui dit tant de mal des caramels, mais bon, la psychologie des sucreries n'est pas mon fort.

[Invité]

Je trouve ce texte original, amusant, le style alerte et la chute très explicite. J'aime bien:
"Ah, la jalousie est un bien vilain boulon, qui, désserré vous fout une mécanique en l'air !"

[Sahkti]

Le début m'a plu, ce dialogue est réussi, avec une pointe d'absurde, de l'humour et pas mal de bonnes réparties. C'est vivant, presque audible.
Ensuite, j'ai trouvé ça plus laborieux, ça se perd en explications peu fluides et dialogues moins naturels. Sans compter que je crains de n'avoir pas tout compris...

J'ai donc, chose que je fais rarement, lu les commentaires avant de poster le mien et là, je comprends mieux :-)
Mais je n'en trouve pas la mi-texte plus réussie pour autant, quelque chose reste confus à mes yeux. Je reste donc sur ma belle impression sur ce début que j'ai apprécié et qui m'a fait sourire.

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