Chronique des gares routières

[M-arjolaine]

Ce n'était pas que vous me fussiez désagréable, simplement je vous trouvais idiot. Je vous parlais de Bach, et vous de MTV, je vous proposais maintes merveilles cinématographiques, vous préfériez m'inviter à regarder en votre compagnie la dernière emission de télé-réalité qui passait sur le câble. Nous n'étions pas compatibles, et pourtant vous n'aviez de cesse de m'assommer sous vos incessants bavardages. J'eusse aimé que vous vous taisiez, et que nous ayions pu partager, sans gêne aucune, une minute ( pourquoi pas deux ) du plus complet silence. Sans doute s'agissait il là d'une perspective qui n'entrait pas dans vos plans. Je lisais dans vos regards lubriques le désir impérieux de me posséder, et vous pensiez que je n'attendais que ça puisque vous étiez le premier à m'accorder un intérêt plus poussé que la plupart de vos congénères. Mais vous aviez tort: je ne désirais rien de vous, vous ne m'intéressiez pas. Que vous étiez orgueilleux ! Vous vous étiez persuadé que j'accepterais d'entrer en votre demeure sitôt que vous me l'auriez proposé. Mon refus vous a surpris je l'ai bien vu, pour vous il était clair que l'affaire était dans la poche. Erreur: vous saluiez des personnes en m'assurant que vous les connaissiez. Il n'en était jamais un pour vous rendre votre salut, vous éclatiez alors d'un gros rire en proférant des insultes à leur égard, insistant pour que je croie que leur absence de réaction n'était qu'une farce dont ils vous attifaient. Je vous souriais, je n'avais de cesse de vous sourire. Vous essayiez de m'impressioner en me détaillant chacune de vos bagarres adolescentes: j'étais effondrée de vous découvrir si bête. J'aurais tout donné pour être débarassée de vous, pour vous voler votre portable et en effacer toute trace de mon numéro, pour oublier jusqu'à votre prénom et au coca que vous m'aviez payé. Vous aviez insisté pour me l'offrir, et il était certain que vous ne risquiez pas de vous ruiner. A vingt cinq centimes le coca, je vous aurais trouvé radin de vous en abstenir. Je n'osais plus aller à la gare, de peur de vous y recroiser: je n'avais passé que quelques heures en votre compagnie, mais déjà la perspective d'en passer d'autres me glaçait d'effroi. Oubliez moi monsieur, je vous en prie ! Si vous me rappelez, je crois bien que je vous tuerai.

[Invité]

Oh ! la princesse au petit pois !!
De l'immaturité des garçons, hein M-arjolaine ?

[milo]

déjà, le titre m'a attrapé l'oeil. A pleine main je veux dire.
Ensuite l'histoire m'a plu ( du verbe Plaire, je précise parce que je ne suis pas sur de l'orthographe de "plu"...ça me parait bizarre p-l-u ...'fin bon), en grande partie PARCE QUE l'héroïne m'est épidermiquement antipathique.
je me suis même surpris à essayer d'intervenir pour sauver ce "pauvre garçon", méprisé, humilié par les sourires faux. évidement je n'ai rien pu faire, et je l'ai regardé jusqu'au bout se suicider à être lui même dans les yeux d'une fille qui le vomissait.

Bref, l'arythmie des personnages m'a plu (verbe Plaire...hein ?-) )

[silene82]

Je salue l'abnégation de l'héroïne, capable d'endurer l'imbécillité vraisemblablement chronique d'un olibrius, simplement pour pouvoir en écrire.
La semaine prochaine, elle nous entretiendra de la zoophilie et de ses relations compliquées avec un gnou.
chroniquer, c'est pas si simple
En tous cas, le style colojolaine est toujours là, et perso, il me fait penser à du Schweppes, que je trouve délicieux.
Cet enjouement quasi épistolaire serait-il un des apanages de la féminité?

[milo]

Cet enjouement quasi épistolaire serait-il un des apanages de la féminité?

Mais...Mais... Petit Coquinou ! Ne serais-tu pas en train d'essayer de te farcir l'héroïne ?!

P.s: J'utilise le verbe Farcir, évoquant ici les relations sexuelles, afin d'ajouter une petite touche d'élégance à ce commentaire inutile.

[Sahkti]

Quelle élégance dans le propos, teintée de froideur et aussi d'une belle touche de narcissisme. Au final, cette fille me paraît assez insupportable et je prendrais presque ce pauvre garçon en pitié :-)
J'ai aimé te lire, il se dégage pas mal de choses de tes lignes, auxquelles tu as donné le format qui convient (à mes yeux) à ce type de propos. Ce n'est pas trop lourd ni trop détaillé, tout est là en quelques mots pour dresser le portrait d'un couple bien étrange.
Oui, je relis et vraiment, j'apprécie cette manière (faussement) distante d'évoquer ces événements.

[The mec bidon]

J'ai bien aimé, j'ai lu ça au réveil et ça m'a filé la patate. La narratrice est vraiment agaçante, ça me fait mal d'imaginer ce pauvre gars chez lui, persuadé d'avoir réussi son petit plan drague en repensant aux sourires hypocrites. J'aurais aimé qu'elle l'insulte, qu'elle le gifle ou qu'elle le morde pour qu'il comprenne, mais le texte en aurait perdu sa raison d'être.

[Invité]

Ca m'a fait rire !
J'adore ce côté faussement RPR jeunesse !
Je n'ai aucune compassion pour ce petit con qui se prend une tôle ! Juste conseiller à la narratrice de faire un peu gaffe : dans certains endroits, les jeunes gens sans culture compensent avec d'autres arguments...

[Invité]

Ah, et j'oubliais : j'ai tiqué sur l'emploi d'attifer.

[Invité]

mignon comme tout ce texte . Par contre voler le portable tout court , cela aurait été encore mieux. :-)

[bertrand-môgendre]

Si vous me rappelez, je crois bien que je vous tuerai.des promesses, des promesses aussi stupides qu'elle-même.
L'usage d'une langue précieuse sélectionne un peu trop son entourage et pourtant, à vouloir décrire si précisément ce monsieur n'en serait-elle pas devenue adicte ?
Joliment troussé.

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