La vie est dégueulasse

[mitsouko]

La fin du mois commence le quatre
La paye du Père n’y suffit pas
La vie est dure, faut bien se battre
Dans not’ quartier on se plaint pas

L’hiver approche à pas de froid
Le givre c’est beau qu’ pour les rupins
C' n’est pas le charbon qu’on nous octroie
Pour nos plus vieux ça sent le sapin

Paraît que l’usine, elle va fermer
La tonne d’ charbon vaut pas bésef
Toute cette misère qui est arrimée
Chagrins qu’on noie à coups de Leffe

Quand le puits nord fut inondé
L’oncle Gustave s’est bazardé
Du vieux beffroi, un soir d’ondée
Rien qu' du gémir sur nos vies lézardées

Demain, de beaux Messieurs de Paris
Doivent nous causer de not’ avenir
Cette charité que l’on nous charrie
Pire qu’ le grisou, d’ se voir mourir

A force de coucher avec la misère
Des fois je m’ dis, la vie est dégueulasse

[Invité]

Un bon rythme, je trouve, de chanson réaliste, pas entièrement maîtrisé par moments si on voulait mettre le poème en musique, comme la forme élidée et le sujet y incitent à mon avis :
"Rien qu' du gémir sur nos vies lézardées"
"Cette charité que l’on nous charrie"
"A force de coucher avec la misère
Des fois je m’ dis, la vie est dégueulasse"

J'ai l'impression qu'il n'en faudrait pas beaucoup, en resserrant un peu les vers, pour rendre l'ensemble bien percutant.

[Invité]

Ah, j'ai vraiment une dent contre les élisions, elles me gâchent le plaisir de la lecture. Et puis ça sonne trop zolaien pour moi, non vraiment j'ai du mal. Mais cette réaction négative n'engage que moi, bien sûr.

[Peter Pan]

Bonsoir mitsouko,

c'est curieux car j'ai lu votre poème sur un rythme joyeux alors que le sujet est loin de l'être. J'ai pensé parfois et même souvent à Boris Vian.

Pour répondre à Easter (je le fais car j'imagine qu'il n'y aura jamais de conflits entre elle et moi mais plutôt des divergences d'opinion) Zola ne peut s'approprier la dure et rude vie des mineurs parce qu'il a écrit Germinal... enfin je crois...

[loic]

Oraison

Horizons noirs drapés de pluie
Sombre vicaire portes l’onction !
Pour celui qui part dans la nuit
Assourdi d’un sommeil de plomb

Infinis cieux teintés de gris
Mornes forêts, fangeux layons
Lourds… ils s’en vont aux galeries
Carrier redoutables filons

Et voilà l’oraison de leur vie
Eternels hivers comme saisons
Dimanches à se gorger d’oubli
Noyer la poussière du charbon

Je les contemple plein d’ennui
Aux fenêtres de notre maison


Demain je prends le train pour Paris
Pour liquider le reste de nos actions

;-)

[Invité]

Pour répondre à Easter (je le fais car j'imagine qu'il n'y aura jamais de conflits entre elle et moi mais plutôt des divergences d'opinion) Zola ne peut s'approprier la dure et rude vie des mineurs parce qu'il a écrit Germinal... enfin je crois...

Tu développes ? Je suis mal... (du verbe "suivre") et ça m'intéresse prodigieusement.

[Peter Pan]

Je veux dire, chère Easter, que Germinal est un livre certes qui me parle mais que la souffrance des mineurs était déjà là avant qu'Emile ne l'écrive.

C'est parce que tu as lu Zola que le poème de mitsouko te fait penser à ce dernier, mais si tu avais lu mitsouko en premier, que serait-il advenu ?

En même temps, on ne peut effacer son vécu, je le conçois volontiers, mais on devrait peut-être parfois... ;-)

[Invité]

Je veux dire, chère Easter, que Germinal est un livre certes qui me parle mais que la souffrance des mineurs était déjà là avant qu'Emile ne l'écrive.

C'est parce que tu as lu Zola que le poème de mitsouko te fait penser à ce dernier, mais si tu avais lu mitsouko en premier, que serait-il advenu ?

En même temps, on ne peut effacer son vécu, je le conçois volontiers, mais on devrait peut-être parfois... ;-)

Si j'avais lu Mitousko avant Zola, nous (lui et moi, entre autres) ne serions plus là pour en parler ;-)

Le sujet du rôle de l'écrit, celui du vécu sont complexes et passionnants, et appellent de longs débats autour d'un verre ou deux, ou trois....

[Peter Pan]

Je veux dire, chère Easter, que Germinal est un livre certes qui me parle mais que la souffrance des mineurs était déjà là avant qu'Emile ne l'écrive.

C'est parce que tu as lu Zola que le poème de mitsouko te fait penser à ce dernier, mais si tu avais lu mitsouko en premier, que serait-il advenu ?

En même temps, on ne peut effacer son vécu, je le conçois volontiers, mais on devrait peut-être parfois... ;-)

Si j'avais lu Mitousko avant Zola, nous (lui et moi, entre autres) ne serions plus là pour en parler ;-)

Le sujet du rôle de l'écrit, celui du vécu sont complexes et passionnants, et appellent de longs débats autour d'un verre ou deux, ou trois....

Va pour trois la prochaine fois (pardon mitsouko !)

[Invité]

Bien sûr qu'on pense à Germinal et à Zola, et c'est tant mieux parceque moi j'aime beaucoup Zola pour nous avoir fait connaître les "petites gens" de son époque.
Et je trouve les poèmes de Mitsouko forts et émouvants, pétris d'humanité, parceque transparaît son empathie pour ces moins que rien dont le seul crime est de n'avoir pas su être fortunés.
Peut-être que Mitsouko est inconsciemment influencé par Zola, mais si Zola n'avait pas écrit Germinal Mitsouko aurait tout de même écrit sur les oubliés, les souffreteux, son poème aurait été différent dans la forme, mais le fond, c'est de sa sensibilité qu'il l'extirpe, et il se trouve qu'il a la même que zola. Moi, je vois ça com'ça.
Les élisions contribuent à restituer le langage (loin d'être châtié) employé par ces mineurs, et cela donne un accent de vérité. J'aime. Merci.

[Sahkti]

Les élisions, nombreuses, donnent au texte des allures musicales mais le rythme, lorsque je tente de fredonner, n'est pas suffisamment régulier ou maîtrisé (par moi?) pour que ça sonne parfaitement juste.
Alors je me contente de la lecture sur écran et j'accroche moins, je ne suis pas une grande fan des élisions, même si dans le cas présent, elles donnent au texte si sombre un petit air léger (seulement sur la forme s'entend, bien que... il y a tout de même de la vie dans toute cette misère, faut que ça se sache aussi).

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