Belle soirée non?

[cocopops]

Je n'ai pas trouvé de titre à cette nouvelle alors si vous en trouvez uns je suis tout ouvert à vos propositions. Voici ma présentation à proprement parler.


Une larme coule le long de ma joue et va s’écraser contre mon genou. Pourquoi m’a-t-elle fait ça ? Je l’aime, et je pensais que c’était réciproque. Elle était tout pour moi, j’avais tout quitté pour refaire ma vie à ses côtés et elle s’est laissé séduire par le premier connard venu. Maintenant il me reste cet appartement miteux et un job pourri dans une pizzeria qui vient de brûler.

Les larmes reviennent, je n’arrive toujours pas a comprendre comment elle a pu me faire ça. Sur ma table de nuit, la lumière de la lampe de chevet se reflète sur une sorte de petit éclat de cette clarté perdue dans la pénombre, un miroir peut être. Une lame. Je la prends entre mes doigts et commence à l’observer. Elle étincelle dans l’obscurité comme un serpent argenté dansant entre mes phalanges écorché. Bizarrement je suis pris d’une folle envie de me la planter dans le bras, de me lacérer les chairs encore et encore sans vraiment savoir pourquoi, par envie simplement. Mon envie soudain me submerge sous son flot impétueux, je la laisse à m’envahir, pourquoi faire autrement ? Je la sens mordre ma peau, le contact n’est pas douloureux contrairement à ce que j’aurais pu penser. Une première entaille, puis une seconde, et une autre et je continue jusqu'à en avoir sept, sept trainée ocre d’où s’écoulent ma vie, ma peine, ma souffrance, mon ressentiment. Je m’attendais à souffrir, mais non, je sens juste au fond de moi un sentiment de félicité qui croît agréablement. Je laisse le sang couler de mes plaies et dégouliner le long de mon bras.

J’éteins ma lampe de chevet, la lune est pleine ce soir et ma chambre est suffisamment éclairée par sa lumière. Je vais ouvrir la fenêtre, mon unique fenêtre. L’air glacé me gifle le visage, l’adrénaline monte brutalement dans mes veines. Les odeurs de la ville envahissent mes narines et me font tourner la tête, un mélange d’essence, de fumée, de nourriture et d’alcool. Je suis ivre, pourtant je n’ai pas bu assez pour l’être, cela doit être de bonheur alors. Je suis ivre de bonheur ce soir, je n’ai plus rien, ma vie n’est rien d’autre qu’une accumulation d’immondices et pourtant je suis heureux mais je ne sais pas pourquoi. Je me laisse bercer par la musique qui parvient à mes oreilles. Le ciel est dégagé mais les lumières de la ville m’empêchent de voir les étoiles, il n’y a que la lune qui veut bien me sourire encore et toujours. Elle se reflète macabrement sur les trainées rouges qui entourent mon bras, le liquide continu à s’écouler de moi comme le temps qui coule. C’est le temps qui m’a été imparti qui s’échappe, autant le laisser filer et profiter de cet instant.

Appuyé sur le rebord de la fenêtre j'observe la ville, cet étrange accouplement de vermine, de lumière et d’odeur. Cet instant est parfait, mais il va bientôt s’achever, dans une heure, peut être plus, ou demain au plus tard, mais je ne veux pas qu’il se brise, je ne veux pas retrouver ma vie de misère, je ne veux plus en avoir conscience, je veux que cet instant soit éternel, cet instant où je me sens vivre, enfin, où la vie me souris, même si c’est avec un masque qu’elle le fait. Je grimpe sur le radiateur, puis sur la fenêtre. Mes doigts sont gelés et ils peinent aux bords de la vitre. Je m’enivre une dernière fois de ce savoureux mélange, ce parfum si subtil, celui de cette ville, je me laisse bercer une dernière fois par cette mélodie, ce murmure, elle me chuchote des mots que je n’arrive pas à comprendre, une mélodie qui m’est inconnue mais qui me parait nostalgique. Elle m’entraine avec elle dans une valse effrénée, je perds lentement conscience de mon être, je ne sens plus mon corps, mes paupières se ferment, tout bascule, j’ai l’impression de tomber, de sombrer dans les abysses d’un autre monde encore inconnu, bercer par la voix de la ville. Elle à la même voix qu’elle, cette ville a le parfum de sa peau, elle à la senteur de ses cheveux, elle a la même lueur dans le regard. Mon corps me rattrape soudain, mes yeux s’ouvrent, le vent glacé s’infiltre dans mes vêtements, le froid pénètre en moi. Je tombe réellement, je sombre de plus en plus vite vers le sol, les étages défilent les uns après les autres, j’essaye de les compter mais ils vont trop vite. Les lumières dansent autour de moi, c’est peut-être la plus belle chose qui m’ait été donné de voir, ce paysage magnifique. Le sol se rapproche à une vitesse folle mais j’ai l’impression que le temps ralentit. Il ralentit jusqu'à s’arrêter totalement. A nouveau la mélodie de sa voix parvient à mes oreilles et son parfum m’enivre. Elle me prend contre elle, tout est fini maintenant, je peux me reposer. Je me laisse aller contre son sein, porter par ce murmure enfantin, maintenant je comprends ces mots, je me souviens de ces notes. Je m’endors, un sourire sur le visage. L’instant ne s’est pas brisé, il est toujours intact, toujours aussi parfait…

[Invité]

J'ai bien aimé votre texte, je l'ai trouvé sincère, il y a une force pour moi sous son côté convenu (le sujet étant assez bateau). Je dirai toutefois que votre écriture est un peu appuyée dans votre désir d'exprimer, que davantage de sobriété serait préférable. Par exemple :
"la lune est pleine ce soir et ma chambre est suffisamment éclairée par sa lumière." : le deuxième "est" pourrait ans problème être élidé
"Je vais ouvrir la fenêtre, mon unique fenêtre."
"Je suis ivre, pourtant je n’ai pas bu assez pour l’être, cela doit être de bonheur alors. Je suis ivre de bonheur ce soir"
etc.

En tout cas, je trouve très réussi :
"la ville, cet étrange accouplement de vermine, de lumière et d’odeur"

Bienvenue sur Vos Ecrits, à vous lire bientôt !

[Invité]

Un thème assez caractéristique de ton âge (et ça n'a rien de condescendant) mais plutôt bien traité, j'ai trouvé.
Une écriture dans l'ensemble correcte, un vocabulaire varié, des tournures intéressantes.
J'ai bien aimé.

[Gév]

« un job pourri dans une pizzeria qui vient de brûler », :))))), pas de chance…
J’ai globalement eu du plaisir à te lire. J’aime bien le chagrin d’amour qui disparaît dans le milieu du texte, dans l’ivresse du narrateur, pour revenir à la fin (du narrateur).
J'aime bien, aussi, l'ironie du titre !

Quelques remarques :
- « dansant entre mes phalanges écorché », écorchées.
- « je la laisse à m’envahir », à en trop.
- « sept trainée ocre », pluriel.
- Dans « sept trainée ocre d’où s’écoulent ma vie, ma peine, ma souffrance, mon ressentiment », il m’aurait semblé joli, quitte à partir dans l’énumération, qu’elle compte sept membres.
- « Elle se reflète macabrement sur les trainées rouges qui entourent mon bras », traînées, et je ne suis pas sûr que macabrement existe, il m’accroche (Hali ?).
- « le liquide continu à s’écouler de moi comme le temps qui coule », la formulation me semble malhabile.

[Sahkti]

J'ai personnellement trouvé qu'il y avait déséquilibre entre les émotions ressenties et la manière de les raconter. D'un côté, le coeur saigne; de l'autre le ton est précieux, presque trop, avec des tournures figées et manquant de spontanéité.

Il y a également l'impression d'une idée identique ressassée à outrance, étirée dans tous les sens pour faire, non pas de la longueur, mais des effets et ça contribue certainement à ce ressenti artificiel évoqué plus haut.

Mais le travail est là, le soin apporté au texte également alors... bonne continuation !

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