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Des-illusions / Emma

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Des-illusions / Emma Empty Des-illusions / Emma

Message  Enyo Dim 6 Sep 2009 - 14:12

Le Motorola vibrait sur la table basse du salon. Un appel de lui. Le téléphone trembla jusqu'à tomber par terre. A quelques mètres de là, Emma plaquait ses mains au mur et les déclina lentement jusqu'à effleurement du parquet. Elle répétait la performance qu'elle exécuterait au cours de la soirée dans l'une des vitrines de la galerie Michel Journiac. 16h48. L'appareil s'agitait à nouveau. Un tantinet énervée, Emma s'arrêta pour empoigner brutalement son motorola et l'éteindre. Silence. Un soupir plus tard, la jeune fille dévisagea la petite note sur carton-plume laissée en vrac sur la surface en osier : "Avec tout mon amour. Jonas.". Elle tourna les yeux en direction d'un stylo plume dentelle Oberthur : "Comme c'est d'un banal ...".


Les portes de la Fnac Montparnasse s'ouvraient sur la rue de Rennes. 17h13. Jonas déchirait l'emballage des piles rechargeables qu'il venait d'acheter pour les mettre dans son Finepix. Il prendrait des photos d'elle dans la vitrine cette nuit. Tout en marchant, il espérait que cette petite attention de sa part plairait à Emma. Ces derniers temps, elle devenait distante. Il la questionnait mais ses interrogations restaient sans réponse. Pour la première fois depuis le début de leur relation, Jonas semblait s'inquiéter pour Emma. Il tenta de la rappeler mais tombait immédiatement sur la messagerie vocale. 17h15. Jonas s'engouffrait dans le métro Saint Placide.


A l'Imprévu, Adèle fermait une copie qu'elle venait d'annoter de la manière suivante : "Analyse insuffisante des personnages : vous ne faites que survoler leur psychologie sans entrer dans le détail.". 17h26. Tandis qu'elle finissait son café, le serveur faisait de l'ombre sur la copie :
- Alors ? Tu lui as mis quelle note à celle-là ?
- Ca mérite un 9. C'est à se demander si elle a lu le bouquin.
- Et tu leur fais lire quoi en ce moment ?
- Sébastien Japrisot.
Le serveur retourna derrière son comptoir. Un jeune brin s'installa en face d'Adèle :
- Ne me dis pas que tu les bassines avec Un long Dimanche de fiançailles !
- Oui Martin ! J'ai choisi de leur imposer celui-là.
- Tu as conscience que la plupart de tes élèves se sont contentés uniquement de voir le film ? Enfin, si on peut appeler ça un film. Alain Bergala ne serait pas de cet avis. Est-ce que je t'ai dis que je n'aimais pas cette idiote d'Audrey Tautou ?
- Oui Martin, je me doute bien que certains n'ont fait que voir le film. Ca n'enlève rien à l'écriture de Japrisot et la manière dont il structure ce récit : découvrir la vérité sur Manech et les événements arrivés au no man's land à travers les points de vue de chaque soldat. Je trouve ça intéressant. Les éléments qui s'avèrent vrais avec l'un deviennent faux pour l'autre. Tout se mélange et peut prêter à confusion pour Mathilde dans sa recherche.
- Comme quoi, chapitrer par personnage, ça ne date pas de Skins et encore moins de Lost ! Quoique, Boomtown, c'était pas mal.
- Et cette année dans une de mes classes j'ai une étudiante qui s'appelle Mathilde Etcheverry, comme l'héroïne. J'avais dans l'idée de contacter Japrisot pour lui demander de venir assister à un de mes cours mais il n'a pas donné suite à mes appels ...
- Ahlala, sacré Jean-Baptiste va. Je préfère quand même L'été meurtrier. Ou La Dame dans l'auto. Thomas ? Tu peux me servir un verre de vin rouge s'il te plaît ?
- Je t'apporte ça !
- Ca parle de Japrisot à ce que j'entends !
- Tiens ! Voilà le ma"rais" de Mademoiselle Blanc-Sec.
Mikhail donna une tape sur la tête de Martin puis embrassa Adèle :
- Tu as passé une bonne journée ?
- Plutôt longue à vrai dire. Elle sera terminée lorsque j'aurai fini de corriger mes 120 copies. Sans parler des 40 dictées ou des 64 rédactions.
- Traduction : tu passes encore dans un tunnel jusqu'à nouvel ordre.
- C'est tout à fait ça oui.
- Martin ? Tu sais pourquoi mon frère nous a donné rendez-vous à l'Imprévu alors qu'Emma fait sa performance à 20h ?
- D'après ce que j'ai compris, Jonas veut nous parler d'Emma avant ce soir. Il a demandé à Sacha de tous nous faire venir ici.


A la station Odéon, Jonas sortit son Nokia de sa poche et appela Emma. 17h31. Une sonnerie. Deux sonneries. Bonjour. Vous êtes sur la messagerie vocale de. Emma. Veuillez laisser un message après le bip sonore.


Martin écrasait une lucky strike rue Quimcampoix. 17h33. Lin arriva :
- Que l'on ne me parle plus de papier-toilette !
- Oulà ! Toi tu as passé une sale journée encore. Non ?
Ils entrèrent dans l'Imprévu et allèrent rejoindre Adèle et Mikhail qui discutaient avec Warren et Elena. Alors qu'ils se frayaient un chemin jusqu'à leur table, Lin expliqua les causes de sa mauvaise humeur :
- C'est ce foutu dialogue. Aujourd'hui, cette chère Marie n'a rien trouvé de mieux à faire que d'utiliser les toilettes de son amie Li Yu. Mais attention ! Le papier-toilette est introuvable ! Et où est-il rangé le papier-toilette ? Sur le lit bien sûr ! C'est bien connu : on range toujours le papier-toilette sur le lit !!
- En même temps c'est ta première année. Tu devais t'y attendre d'avoir des textes de ce genre non ?
- Oui je sais. Mais bon, comme je parle déjà le Mandarin, imagine à quel point je m'ennuie en cours !!
- Tu as pas un amphi d'histoire ? C'est intéressant ça non ?
- Mouais. J'ai plus vite fait d'ingurgiter Le monde chinois de Gernet.
Martin et Lin s'installèrent autour de la table :
- Bon, j'espère que je ne suis pas venue pour rien, j'ai encore 100 idéogrammes à faire semblant d'apprendre d'ici la semaine prochaine, déclara Lin.
- Elena ? Tu peux bouger ta boîte à chaussures ? demanda Martin sur un ton moqueur. Elle gène le passage.
Elle le fusilla du regard et ne prit même pas le temps de lui répondre. 17h42. Warren fixait sa montre :
- Vos pronostics sur l'heure d'arrivée de Sacha ? 19h ? 22h ?
- Il faut dire que ces temps-ci, Sacha a beaucoup à faire : satisfaire un frère et une soeur, ça demande deux fois plus de temps ! stipula Adèle en ricanant.
- Ah non mais là, c'est du gros dossier qu'on a cette fois sur lui. Il atteint des sommets ! pensa Martin.
- Mais c'était clair comme de l'eau de roche qu'il n'aimait pas celui-là, confessa Warren. Dans le meilleur des cas, Sacha aurait vite rompu. Mais il aime tel-le-ment se compliquer la vie qu'il choisit toujours le pire scénario. Et là, cerise sur le gâteau, il a couché avec la soeur de son mec actuel, histoire de rendre la chose encore plus glauque.
- Et Alex dans tout ça ? demanda Thomas.
- Oulà, ça devient trop difficile à suivre là. C'est qui déjà Alex ? Sacha ne pourrait pas se contenter d'une relation simple avec une personne ? s'insurgea Elena.
- Mon frère est trop cyclothymique et timoré pour ça, répondit Mikhail. Il veut tout et son contraire. Le jour où il saura ce qu'il voudra ...
- D'après ce que Sacha en disait, Alex pourrait lui plaire, non ? rétorqua Thomas.
Silence.

17h51. Sacha entrait à l'Imprévu : "Bonsoir tout le monde !". En lui faisant la bise, son frère lui murmura à l'oreille : "Tu as les yeux tout rouge ...". Il s'était fumé un joint avant de venir. Sacha pouvait répondre au groupe qu'il avait une conjonctivite ou encore une poussière dans l'oeil, mais Mikhail n'était pas dupe. Elena l'observait l'air gênée :
- Tu sais Sacha, je n'arrive pas encore à digérer ce que tu nous as lâché l'autre jour...
- De toute façon, je compte en finir dès demain.
- Tu tomberas amoureux de quelqu'un une fois ? s'interrogea Adèle.
- Et quand est-ce que tu vois Alex ? demanda Warren.
- Je ne sais pas. Vous m'emmerdez avec vos questions à la con ! Et puis ce n'est pas de moi qu'on doit parler aujourd'hui. On est là pour voir le copain d'Emma.
- Jonas, soupira Lin, je l'avais presque oublié celui-là. Il est si ... ennuyeux !
- Si vous voulez mon avis, je ne leur donne pas plus d'une semaine, surenchérit Martin.
- Vos gueules les commères, ordonna Thomas, le voilà ...
Jonas s'assit en face du groupe et donna accidentellement un coup de pied dans l'étui d'Elena : "Mon violon !! Attention quand même ...". Martin la dévisagea et sans dire un mot, elle comprit qu'il se riait des mésaventures de sa "boîte à chaussures". Jonas prit une longue inspiration puis s'adressa à tout le monde :
- Si je vous ai demandé de venir ici, c'est qu'en ce moment avec Emma ça va pas très fort. Elle ne me parle plus. Quand je suis avec elle, j'ai l'impression qu'elle n'est pas là, toujours l'air songeuse, ailleurs. Hier on regardait un dvd et elle ne m'a pas regardé de la soirée. Elle vous a dit quelque chose ? Sacha ! Tu vis avec elle toi ! Tu devrais savoir ce qui la préoccupe, non ?
- C'est le fait qu'elle ne t'ait pas regardé toi ou qu'elle ne te parle pas qui te dérange ? Après tout, continua Martin, ça devrait t'arranger qu'elle ne parle pas, un souci en moins à régler ...
Lin frappa un des tibias de Martin pour qu'il cesse d'injurier Jonas. Elle non plus n'appréciait guère Jonas mais elle trouvait que Martin allait trop loin dans les reproches.
- Je sais que j'ai tendance à être égoïste, mais ... regardez ... je pense à elle ... je sais qu'elle écrit et je lui ai offert le plus beau stylo plume que j'ai trouvé ... et ... là je reviens de la Fnac où j'ai acheté des piles rechargeables pour mon appareil photo ... ce soir je photographierai toute la performance ... ça lui plaira ...
Jonas continua sa complainte un temps. Martin faisait mine de l'écouter mais en réalité il se moquait éperdument des pseudo états d'âmes du garçon. Lin baissait les yeux et faillit s'endormir. Elena dédaignait le Finepix de Jonas en pensant qu'il aurait pu trouver un appareil de meilleure qualité s'il cherchait vraiment à lui faire plaisir. En entendant parler d’écriture, Adèle considérait qu'il valait mieux lui offrir Les mots et les choses ou encore De la grammatologie plutôt qu'un vulgaire stylo. Et avec ce stylo, qu'était censée faire Emma ? Jouer la diariste du dimanche ? A d'autres.
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Message  Enyo Dim 6 Sep 2009 - 14:13

...

Emma fouillait dans la buanderie à la recherche d’un pantalon à enfiler. Peu lui importait la forme. De toute manière, elle serait nue dans la vitrine. 18h22. Une fois habillée, Emma se fit un chignon puis consulta sa messagerie : ”Bonjour. Vous avez un nouveau message. Aujourd’hui. A 18h. Bonsoir Emma c’est ta mère. Je t’appelai pour te souhaiter bon courage ce soir, on t’embrasse fort. A bientôt. Fin du nouveau message”. Emma raccrocha puis s’écroula sur son lit. Un soupir. Elle fixait le plafond en réfléchissant tout bas : “Cette nuit, à quoi penseront les jeunes femmes ? La prof de français qui n’a plus le temps de faire l’amour parce qu’elle croule sous ses copies, la jeune violoniste qui à 23 ans enchaîne déjà les concerts dans tout Paris, la chinoise de la rue Saint-Jacques qui lit Genet et Jullien et ne fait rien d’autre parce qu’elle préfère s’enfermer dans son appartement bourgeois ... Et moi, à quoi je pense, qu’est-ce que je pense d'ailleurs …”. Tout devenait flou dans sa tête, Emma ne savait plus vers quoi se tourner pour avancer. Une nuit d’insomnie, Sacha s’était allongé à côté d’elle et suite à une longue conversation, il lui dit ceci : “Que signifie cela un philosophe rendant hommage à l’idéal ascétique ? Il veut se délivrer de sa torture. Médite là-dessus. Bien sûr, je te laisse deviner de qui provient la citation. Même si elle n’est pas du goût de Martin.” 18h36. Après s’être rappelé cela, Emma se leva du lit et jeta le stylo offert par Jonas à la poubelle avant de claquer la porte de l’appartement. Dans la cage d’escalier, elle rencontra une voisine de palier :
- Salut ! Tu vas où habillée comme ça ? demanda la voisine.
- Je vais exécuter une performance à ma fac.
- Ah … une performance tu dis … hm … ça doit être cool ça. En tout cas, moi je vais au concert de Madonna ce soir. WOUHOU !! Ca va être d’enfer. J’te laisse, je dois aller me préparer.


Dans la rue des Bergers, Lin s’allumait une gauloise blonde tout en posant sa main droite sur la hanche. Elle expira la fumée qui s’envola en volutes diffuses dans l’air. 19h41. Martin la regardait avec un léger sourire :
- Tu sais que tu as la même attitude que Marina Vlady là ?
- Je t’emmerde.
- Comme tu es vulgaire, et si … indifférente ! s’enchantait-il.
Lin le toisa de bas en haut puis se mit à rire. Martin avait le chic pour l’agacer et ça l’amusait. Warren vint les rejoindre :
- Il n’y a que des trucs bio à leur buffet. Je me suis rabattu sur des tomates cerises.
- Et le violon d’Elena, vous pensez qu’il est bio ?
Lin explosa de rire :
- Tu sais que t’es con quand tu t’y mets.
Martin lui tira la langue puis se tourna vers Warren :
- Et alors ? Ce soir tu vas où après ?
- J’irai faire un tour à l’Eagle sans doute.
- C’est pas la boite avec une backroom ? demanda Lin.
- Oui.
- Et tu comptes quand même y mettre les pieds ?
- Oui.
- Non mais laisse tomber Lin, suggéra Martin. Il est dans sa période Erik Rémès. Tu verras, bientôt il expérimentera le Dépôt et il appellera toutes ses relations d’un soir Babar.
- C’est ta pensée du moment ? Je bande donc je suis, c’est ça ?
- On peut voir ça comme ça.

En coulisses, Emma s’impatientait légèrement. 19h50. Elle sortit de son sac les deux masques qu’elle mettrait sur son visage. Une jeune femme entra dans la pièce le corps peint en rouge :
- Bonsoir. C'est toi qui fera la performance dans la vitrine d'à côté ?
- Oui.
- Solène. Enchantée.
- Moi c'est Emma.
- T'es étudiante ici ?
- Oui, en deuxième année. Et toi tu viens d'où ?
- Je suis étudiante à Paris 8 en section danse. Je peux voir tes masques ? Ils sont sympa.
- Oh, je les ai trouvé dans une boutique du 13eme arrondissement. Je les ai choisi pour leurs traits démoniaques à vrai dire.
- Est-ce que tu savais qu'en Chine le masque était une manière de se manifester à l'autre ? Je veux dire, il servait d'exutoire en quelque sorte, comme pour libérer des tendances sataniques. Durant les représentations théâtrales, les acteurs masqués entraient dans une espèce de transe frénétique où l'on se demandait presque s'ils n'était pas dépossédés d'eux-mêmes, de leurs corps.
- C'est étrange, ça me fait penser à la cruauté existentielle dont parle Artaud dans son livre : il voulait redonner la primauté sacrée à la mise en scène, comme si on l'avait perdue.
- Je vois. Ah ! Ca va être à nous ! Au fait, est-ce que tu as vu les premières série photo d'Orlan ?
- Non, pourquoi ?
- Ca pourrait t'être utile, si tu souhaites accoucher de toi-m'aime. Allez ! Bon courage !
- Merci. Toi aussi !

19h58. Jonas lisait à voix haute le prospectus présentant les deux performances de la soirée :
- Le diable au corps - A travers la performance, le spectateur est convié à (re)découvrir une possible incarnation du sacré. A mi-chemin entre le simulacre d'une danse animiste et le dévoilement d'un corps devenu autre, les vitrines exposeront un retour au sensible et à sa violence dans l'idée de réveiller l'inconscient et par là de le provoquer dans son usure. Je ne sais pas vous mais moi je n'ai rien compris ...
- C'est une mise en scène du manifeste d'Artaud sur le théâtre, expliqua Adèle. Ca vise à retrouver une atmosphère ardente que l'on retrouve dans les Happening ou encore le caractère vif des manifestations de rue. Si tu veux, c'est en cherchant à capter cette violence que l'on parvient à nous faire décoller de notre siège, une action qui nous agresse mais de manière fictive. En fin de compte, les performances que l'on verra essayeront d'interroger la passion, qu'elle soit perçue comme cruelle, guerrière, ou folle. On pousse le corps dans son dernier retranchement, à l'extrême, il lutte afin de se délimiter si tu préfères.
- Véronique Supervielle, sors de ce corps ! ricana Martin.
- Bon ...
Adèle sentit que Jonas ne saisissait que faiblement la démarche. Elle soupira intérieurement puis décela que son discours n'avait pas laissé de marbre Sacha, et même si Martin feintait encore une raillerie, elle savait que de sa part, se faire traiter de Véronique était plutôt un compliment, certes masqué, mais bien présent. Elle se blottit contre Mikhail qui l'étreignit. C'était sa manière de manifester son ardeur pour elle. 20h. Des spots s'allumèrent à l'intérieur des deux vitrines. Les performances allaient commencer.

Sur la gauche, Solène entrait silencieusement et toisa d'une manière insolente le public. Elle chemina une trajectoire latérale de son espace dans une salopette grise affublée d'un débardeur, dernière trace humaine, cachant sa peau carnée d'un rouge vif. Sur la droite, la porte fut violemment poussée par une Emma dénudée et au visage masqué. Elle vint se coller au mur qu'elle arpentait à taton les mains tendues. Le lion en cage se jeta contre la vitrine qu'il tentait de briser en frappant dessus à plusieurs reprises. Puis il se calma pour laisser place à des positions plus méditatives.

De son côté, Solène ôtait son débardeur puis s'en servit pour fouetter la vitrine. Après cette légère secousse, elle reprit sa lente démarche, en fixant de temps à autre un spectateur pour lui lancer un défi du regard. Elena restait béate devant la scène, instinctivement effrayée à l'idée de se faire foudroyer par l'une d'entre elles tout en étant hypnotisée par leur prestance. Solène enleva délicatement son soutien-gorge et le fit claquer sur le verre près d'Elena qui sursauta légèrement.

Emma se redressa soudainement puis alla s'asseoir dans un angle de la vitrine. Comme prise d'une rage inouïe, elle se frotta frénétiquement les jambes, les bras puis le ventre. Les frottement devinrent des grattements inquiétants. Par endroit, sa peau vira rouge. Quelques griffures s'inscrivirent dans sa chair. Quelques saignements même. Brusquement, Emma arrêta de se mutiler puis dans un dernier effort s'allongea en diagonale et ralentit sa respiration, feintant alors sa propre mort. De l'autre côté, une salopette valdingua contre la paroi de verre. Solène posa ensuite ses mains sur la vitre et les fit glisser horizontalement. Peu à peu, les tracés rougeâtres occupèrent tout l'espace jusqu'à pratiquement effacer Solène. Il devenait difficilement possible de capter ses mouvements. Cette dernière sembla retirer son dernier vêtement puis, les mains jointes sur la tête, elle leva le visage en direction du plafond, l'air apaisée. Les lumières s'éteignirent ...

Le discours du commissaire d'exposition passé, Jonas et les autres cherchaient où était passée Emma. 21h25. Solène sortit de la foule : "Elle vient de partir au métro. Elle disait qu'elle était fatiguée.". Jonas se mit à courir pour tenter de la rattraper. Lin l'observa cavaler la rue des Bergers : "Hmpf ! On lui fait l'honneur de notre présence et elle ne nous attend même pas ?! Je suis irritée.". Lin rentra chez elle sans tarder. Elena la suivit. Tandis que Thomas et Martin discutaient avec Solène, Mikhail et Adèle se dirigèrent vers le buffet. Warren se tourna vers Sacha : "Bon bah moi je file à Châtelet ! Ciao". 21h27. Jonas descendit en quatrième vitesse les escaliers de la station Charles Michel. Il scruta les passagers qui attendaient sur le quai. Au loin, une jeune fille aux cheveux blonds s'asseyait sur un banc : "Emma !!". Jonas accouru jusqu'à elle. Arrivé à son niveau, la jeune fille le dévisagea : "Vous cherchez quelqu'un ?".


Emma ferma la porte de son appartement et s'affala sur son lit. 22h14. Elle fronça les sourcils puis se dirigea vers la bibliothèque du salon. Elle fouilla l'étagère de Sacha puis en sortit une monographie sur Orlan. Elle la feuilleta en diagonale. Tentative pour sortir du cadre ... Orlan masquée se moque du monde ... Corps-sculpture avec masque ... Corps-sculpture dit batracien sur fond noir ... cherche à vaincre. Le corps debout joue et pose avec des masques grotesques ou tribales. Cette danse cathartique s'apaise peu à peu et Orlan, parvenue à s'extraire du cadre, emprunte l'escalier, sort dans la rue. Les yeux d'Emma se plissèrent. Ses joues rougirent et sa respiration se bloqua. Elle tourna une autre page. ... fait suite à l'adoption d'un autre nom, un "nom de guerre" : Orlan ... prend conscience qu'elle signe ses chèques du nom de "Morte".


23h24. Sacha rentrait à son tour et se dirigea vers la chambre de son amie : "Emma ? Tu sais que tu as foutu une trouille bleue à Jonas ? Tu aurais pu le prévenir que tu ...". Sacha fit tomber son trousseau de clés sur le sol. Il se précipita vers Emma gisant nue sur le lit, les jambes entaillées. Il les recouvrit avec les draps du lit et avec fit pression sur les cuisses ensanglantées de son amie. Emma tourna la tête et lui sourit. Sacha la fixait l'air désemparé : "Mais qu'est-ce qui t'as pris bon sang !! Tu as pensé à Jonas ?! Tu as conscience qu'il t'aime ?!". "Il en a rien à foutre de moi. Moi non plus d'ailleurs. Je le sais et tu le sais.". "Emma... je... tu... pourq...". "Tout à l'heure, j'ai croisé la voisine. Elle avait l'air tellement heureuse d'aller à ce concert. Sur le trajet, j'ai réfléchi à ce qui me rendait heureuse. Je ne suis pas heureuse avec Jonas. Je ne suis pas heureuse de ne pas trouver ce qui me fait envie. Je n'étais même pas heureuse d'aller faire cette performance. Je n'ai pas l'impression d'être là. Je suis ... comme morte. Lorsque j'ai compris ça, je voulais savoir si j'étais réellement morte. Maintenant je sais.".
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Message  Invité Dim 6 Sep 2009 - 14:26

J'ai trouvé intéressante cette mise en scène de la vacuité ; les dialogues sonnent vrai pour moi, avec ce mélange d'absurde et d'obscur des conversations surprises... La fin m'a d'abord irritée, mais elle remet en perspective tout ce qui a été dit avant.
Donc, dans l'ensemble, le texte me paraît réussi, il me parle, même si, tout au long de la lecture, je l'ai trouvé futile. Il ne l'est pas, je crois.

Vous avez un peu de mal avec les temps du passé, j'ai remarqué quelques imparfaits et passés simples mal employés (j'ai la flemme de relever), et une phrase qui commence au plus-que-parfait pour continuer au passé simple, ce qui fait vraiment bizarre.

Bienvenue sur Vos Ecrits, à vous lire bientôt !

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Message  Invité Dim 6 Sep 2009 - 16:42

Très chic.

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Message  Invité Dim 6 Sep 2009 - 18:44

Je n'ai pas fini, trop de détails, trop de précisions, j'ai décroché. Désolée.
Sur le fond, le sentiment d'un monde fermé, un certain élitisme, un côté mondain moderne qui m'ont irritée. Il est fort possible que je me trompe.

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Message  Sahkti Jeu 24 Sep 2009 - 14:41

J'aime ces fragments de conversations, cet essentiel qui tourne autour du vide et fait du quotidien l'immense acteur d'une pièce qui s'articulerait autour du creux des existences qu'on remplit de 1001 choses.
Tout ceci est décliné avec une fluidité certaine, de la limpidité aussi et pas mal d'attachement pour ces personnages qui évoluent à pas bruyants, comme si le boucan devait les aider à affronter le néant qui les habite.
En dressant ainsi une galerie de portraits intéressants de banalité, tu traces les lignes d'une grande histoire, avec tout ce qu'elle peut avoir d'étrange, de mesquin, de triste et drôle aussi.
Bien ficelé Enyo !
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Message  Invité Jeu 24 Sep 2009 - 18:11

hop pour demain.

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