L’Embryon erre

[Ba]

Je suis mort à ma naissance dans la poche sanglée d'une kangourou ivre de douleur. Elle n'en voulait pas de cette vie rouge qui allait grossir les rangs des animaux de boucherie. Déjà le vieux Serge avait repéré la grossesse et supputé les avantages à en tirer.
Carolo, le directeur des abattoirs, vous fait un bon prix de la viande saine non traitée par les virus mutants. L’aubaine.
Moi, je voulais connaître les abattoirs. J'en rêvais depuis le rayonnement fossile gardien des mémoires.
Tout le monde m'avait prévenu, mis en garde, menacé.
Que voulez-vous que ça me fasse ?
J’aime l’aventure et surtout Carolo le magnifique, tout droit descendu de Laurent. Je m’étais dit, pendant la période de stagnation pliée, que si j’avais la chance de caler sur ce tas de cailloux bleus, j’irais direct chez qui vous savez. Malchance ou verdict des spécialistes, on me propulsa chez la kangourou, du lotissement Carnegie, célibataire, volage et superficielle. Qu’elle ait été la maîtresse délaissée de Carolo et du vieux Serge a causé bien des tourments au voisinage ; et je ne suis pas loin de subodorer quelque cause à effet dans ma situation. La question demeure : qui est le père ?
La réponse également : on l’ignore.
Passons.
Ma mère m’a laissé au vieux Serge dès que l’avis d’expulsion est tombé dans sa boîte aux lettres sous forme de télégramme : « Arrivée imminente de l’embryon 21520. Stop. Prière de préparer le bocal. Stop. Orientation labo master communication. Stop ».
Tu parles d’un master de communication…
Le vieux n’aimant ni les marsupiaux, ni les embrouilles me refila à Carolo.
Mon rêve enfin !
Si vous aviez pu voir le bonheur dans mes prunelles baies d’automne, si vous aviez pu entendre les battements de la pendule dans ma cage à poumons, et voir, voir le tremblement dans mes petites mains moites quand il s’approcha de moi.
J’ai tendu ma bouche de nénuphar, lancé mes menottes à bisous, lustré mes prunelles au mieux de leur éclat muet.
Rien.
Pas un regard, pas un mot.
Il m’a choppé par les pattes arrières, suspendu à l’esse droite de la quatrième rangée mécanique, ouvert la gorge juste sous ma lèvre inférieure rose, la plus photogénique.
Depuis je goutte paisiblement avec des potes de hasard, au-dessus d’un bac en kevlar 49 saturé.
Il paraît que nous sommes bien meilleurs préparés au sang froid contrairement à certains de mes camarades qui prennent toute leur saveur au court-bouillon.
Mais trêve de considérations culinaires, je dois vous laisser car j’entends le bruit de la…

Nous sommes dans l’obligation de suspendre ce témoignage en direct des abattoirs de Sydney notre correspondant vient de tomber dans le hachoir à lame hélicoïdale.

La semaine prochaine reportage sur les pompes funestes dans le cadre de notre dossier : Quel avenir pour notre passé ?

[Invité]

Très violent et acerbe ! Trop obscur pour que j'apprécie vraiment, cela dit. Carolo, c'est un humain, non ? Qui est ce Laurent dont il descend ? J'ai eu l'impression que la mère du mort-né était humaine, pourtant on parle de kangourou... mais alors comment a-t-elle fait pour avoir une boîte aux lettres ? Je comprends bien que la confusion est voulue et entretenue, mais, en l'occurrence, elle m'a gênée. C'est mon côté rationnel à tous crins.

[Invité]

Fou fou fou, tu nous avais prévenus avec le texte précédent (que j'avais préféré, l'humour me semblant à la fois plus féroce et plus accessible, ici j'ai l'impression d'une écriture plutôt contrainte)

Je n'ai pas tout suivi, notamment dans ce paragraphe, où j'ai l'impression d'avoir loupé une subtilité :

J’aime l’aventure et surtout Carolo le magnifique, tout droit descendu de Laurent. Je m’étais dit, pendant la période de stagnation pliée, que si j’avais la chance de caler sur ce tas de cailloux bleus, j’irais direct chez qui vous savez. Malchance ou verdict des spécialistes, on me propulsa chez la kangourou, du lotissement Carnegie, célibataire, volage et superficielle.

[Invité]

Carolo descend de Laurent le Magnifique, même famille, même profil !

Sinon, j'ai pas pané ( mot socquien) les cailloux bleus ...

Aimé beaucoup.

[Arielle]

Sinon, j'ai pas pané ( mot socquien) les cailloux bleus ...

Aimé beaucoup.

Itou ! Itou too pour les cailloux bleus.
La cruauté se marie bien avec un certain mystère, les questions qu'on se pose noircissent encore le tableau. A frémir !

[silene82]

Le ton me plairait assez, mais j'aime être sûr du sens pour m'esbaubir parfaitement; cela dit, c'est une marque de fabrique chez toi, je ne vais donc pas jouer le client déconcerté "- mais comment, mais vous me Ba ladez...
- enfin monsieur, vous savez bien que de tout temps ici on Ba tifole...
- vous me la Ba yez belle! Imaginez, s'il débarquait, la tronche de Ba rdamu! Il en resterait Ba ba, comme un gros Ba llot Ba lourd; enfin, pendu à l'esse, on doit bien se Ba lancer....

[Ba]

Bon, ma longue réponse est partie dans les limbes, tant pis.
Merci tout de même pour vos remarques et euréka pour Laurent le Magnifique !

[Invité]

Exit les cailloux bleus ?

[Ba]

Coline, les " cailloux demeurent bleus comme l'orange " bien sûr. Je dois dire qu'après avoir lu certaine prose hier, j'ai filé les oreilles basses réfléchir dans mon trou.
Cela m'arrive, sisissisisisi, de réfléchir.

[Sahkti]

J'ai dû relire certaines parties afin de mieux comprendre, mais ceci ne m'a pas empêchée de me laisser emporter par le tourbillon des mots et des idées, très riches dans ce texte, qui change de ton registre habituel (et c'est très bien, tu nous surprends).
Pas mal d'humour, de vivacité, un format qui me paraît tip top adapté au thème, bref... impecc ba !

[bertrand-môgendre]

Rien compris à l'histoire ah si, une chose : l'auteur prend plaisir à écrire et ça c'est un ravissement.

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