J'écrirai jamais plus

[silene82]

Je ne devrais même pas oser poster, après les chatoiements d'Arielle, et de quelques autres belles pièces -oui embellie, toi aussi-; mais j'aime Arielle, c'est comme ça, et en plus je l'ai vue, ce qui ne gâte rien. Néanmoins, mon histrionisme compulsif, qui ne recule devant aucune clownerie, me pousse à brâmer cette petite chose. Dans quelques milliers de vies, il n'est pas exclu que j'arrive à trousser quelques vers acceptables.

J'écrirai jamais plus, j'ai trop mal à ma plume
Elle avait jusque là rien fait que se musser
Brassant des mots le flot en agitant l'écume
Comme si l'on pouvait et s'épandre et amasser

J'écrirai jamais plus, tu m'as vraiment fait mal
Quand tu as de ton chef décidé le départ
Quand tu as balayé en un geste fatal
L'édifice élevé où je n'ai plus de part

J'écrirai jamais plus, ça puerait de la gueule
Ça crierait du goulot, ça cocotterait raide
Ça chierait le dégoût et d'autres machins veules
Et pour ça merci bien, je n'ai pas besoin d'aide

J'écrirai jamais plus,sinon sur toi, salope
Tu sais pas que tu m'as amputé en partant?
Tu m'as crevé un œil, à moi qui était myope
Je suis comme un dauphin échoué sur le flanc

J'écrirai jamais plus, sinon sur ma disgrâce
Sur le partage enfui, sur mon poids de malheur
J'évoquerai amer ces longs moments de grâce
Où je ne savais pas qu'ils finiraient en pleurs

J'écrirai jamais plus, sinon mon épitaphe:
Il ne s'est pas remis d'un grand rhume du cœur
Le naïf embaumé dessous ce cénotaphe
Mais sache, ô passant, qu'il gît plein de rancœur

je me tâte pour installer un distributeur de kleenex; peut-être à pièces, finalement, avec Rachel Silensberg pour surveiller...

[Invité]

Je trouve que le poème s'affirme à partir de la troisième strophe, il se met à avoir de la gueule et une bonne hargne sympa ; avant, le ton me paraît bridé, il se cherche. L'ensemble est marrant et pas mal foutu. Mais quand même, faire rimer grâce et disgrâce ou cœur et rancœur, faut pas chier la honte ! Malheur/pleurs, c'est un peu craignos aussi à mon avis (mots trop proches par association d'idées). Enfin, dans :
"ces longs moments de grâce
Où je ne savais pas qu'ils finiraient en pleurs", je pense qu'un "Dont" serait plus correct comme relatif, le "Où" ne convient pas selon moi.

Je te signale les vers qui, selon moi, ne comportent pas leurs douze papattes réglementaires :
Com-me-si-l'on-pou-vait-et-s'é-pan-dre et-a-ma-sser (13 syllabes)
Mais-sa-che ô-pa-ssant-qu'il-gît-plein-de-ran-cœur (11)

[Invité]

J'aime beaucoup la dernière strophe, les trois derniers vers, le tout dernier surtout (j'affine...) qui résument bien à mon avis tout ce que ce qui (!) précède exprime de déception, de dérision, d'amertume.

[Ba]

Et Arielle
Qu'en dit-elle ?

[Rebecca]

"ces longs moments de grâce
Où je ne savais pas qu'ils finiraient en pleurs"

D'accord avec socque ...le "où" choque...
Mais je préfère proposer un "quand "

"ces longs moments de grâce
Quand je ne savais pas qu'ils finiraient en pleurs

Sinon quelqu'un qui est prêt à gésir plein de rancoeur
Aurait tort de ne plus rédiger que son épitaphe
Cette rancoeur t'honore et ce serait dommage de gâcher une si belle matière première

[Arielle]

Et Arielle
Qu'en dit-elle ?

Arielle, elle rougit comme une nymphe surprise au bain et bise le silène qui ne pue pas de la gueule ni ne refoule du goulot, non, non, je peux l'affirmer en toute connaissance de cause !
Après le galop d'essai des deux premiers quatrains on sent se déployer la verve panique et toute personnelle de l'auteur qui n'est pas sans faire un clin d'oeil à l'auteur des Amours jaunes
Même réserve que socque pour les deux alexandrins claudiquants

[Sahkti]

Un registre qui ne te convient pas si mal Silène. Il y a bien quelques hésitations et maladresses dans le rythme, mais de manière générale, tu as eu tort d'avoir peur. Il y a pas mal de gouaille et de force dans tout ceci, qui pourrait certes être affiné mais est déjà un bon potentiel.

[Invité]

Ah ! Le mélange des registres et l'oubli volontaire des négations comme dans certains poèmes pour le jeune public qui m'agacent profondément ! Enfin, nous sommes un cran au-dessus, il faut l'avouer. Nous sommes là dans un poème pour adulte... Cependant, même en volant un peu plus haut, je n'accroche pas.

[loic]

bluffé par la puissance et la hargne que ce texte prend au fil de son histoire

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