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Au bout du monde §7

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Au bout du monde §7 Empty Au bout du monde §7

Message  Gév Sam 10 Oct 2009 - 14:11

Pour faire suite (encore et toujours) au chapitre précédent :
- Au bout du monde § 6




Au bout du monde §7

Je poursuivis mes promenades quotidiennes. Quand j'eus arpenté les sentiers proches, je fis l'acquisition d'une vieille voiture pour aller voir ceux qui cheminent plus loin sur la côte. Le soir, je regagnais ma demeure et dévorais des livres parlant de spiritualité, d'énergie et de toutes ces visions du monde que j'avais jusqu'alors négligées. Ces lectures m’imprégnaient, diffusaient dans mon corps une sève à laquelle je n’avais encore jamais gouté. On pourrait dire que j’étais enivré.

Un jour, je découvris un lieu que j'identifiai immédiatement comme une porte donnant sur un autre monde. Quelques mois auparavant, j'aurais ri d'une personne disant une chose aussi subjective. Comment peut-on affirmer d'une part qu'un autre monde existe, d'autre part qu'il y a des portes qui permettent d'y accéder ? Je ne me posais plus la question, je ressentais, et j'avais déjà compris, de façon encore diffuse, que c'était le principal. C'était au bout de la presqu'île Saint Laurent, le sentier fait une boucle sur la lande, il y a deux grands monticules de roches, l'un est surplombé d'une ancienne construction, probablement une baraque qui servait jadis à scruter la mer. Entre ces deux murailles, il y a un étroit passage, au début on ne le voit pas, on pense qu'il n'y a là qu'une falaise tombant dans la mer, mais, quand on s'approche, on découvre une langue d'herbe verdoyante, comme un petit balcon naturel qui s'ouvre sur l'océan.

J'ai eu une éducation scientifique. Depuis mon plus jeune âge, mon père s'est employé à m'expliquer le monde. Plus tard, je me suis logiquement lancé dans des études de physique, je ne me voyais pas faire autre chose. Et, il y a encore peu de temps, je travaillais dans un laboratoire. Pourtant tout cela me semblait déjà loin, enfoui dans le passé. Débout dans ce lieu magique, la science n'avait pas sa place, ou peut-être une autre science, une science qui ne s'intéresserait plus exclusivement à la matière mais prendrait en compte la signification des objets et des évènements, ou quelque chose d’approchant, je ne savais alors pas exactement. C'est à ce moment-là, précisément, quand ses pensées ont défilé dans mon cerveau, que ma découverte m'est revenue en tête, cinglante comme un éclair, diffuse comme un brouillard. Cette idée m'avait tant excité quelques mois auparavant ! Et elle touchait très exactement au même sujet : le sens des choses… Je restai quelques secondes à regarder l’horizon pour me remettre du choc. Je ne ressentais plus maintenant la même excitation. Je sentais qu’il y avait quelque chose, un lien devait se tisser, mais je savais aussi que les choses allaient calmement suivre leur cours. Plus généralement, j’essayais de ne plus fuir le monde en m’enfermant dans mes pensées comme je le faisais si souvent à l’époque, je voulais être là, présent, sur ce bout de lande.

L'entrée était étroite, j’ai dû contourner une grosse pierre ronde qui semblait symboliser un point de passage, une sentinelle. Je me suis avancé sur l'herbe verte et je me suis tout de suite senti à l'aise. Je me sentais aussi ailleurs, comme si j’avais passé un sas et refermé une porte vitrée sur le monde habituel. Je suis descendu un peu, le lieu n'était pas très grand, et je suis allé m'asseoir sur le côté, moitié sur l'herbe, moitié sur un rocher. Le ciel était gris ce jour-là, mais j'étais tout de même frappé par sa beauté, par les volutes sombres des nuages qui se chevauchaient dans une mêlée indescriptible. Quand mon regard se porta sur la falaise qui me faisait face, je crus y voir toute une vie pétrifiée, une vie d'animaux fantastiques, de géants, de magiciens et de fées.

Je ne sais comment j'ai pu oublier cet événement, cette découverte inscrite en chiffres, entre deux autres lignes de chiffres. Elle devait être trop originale par rapport à mon schéma de pensée, je n'ai pas pu l'intégrer dans la représentation du monde que j'avais alors l'habitude de manipuler. Il a fallu plusieurs expériences, ces illuminations successives devant la beauté et l'étrangeté du monde, pour que je lui trouve enfin une place. Assis sur ce carré d'herbe, au bord de la mer houleuse, je commence seulement à discerner un nouveau panorama, grandiose et extraordinairement logique. Tout n'est pas encore très clair, il reste du travail, mais je pressens déjà l'harmonie de l'ensemble. Je me vois à l'entrée d'un nouveau chemin, avec une foule de choses à découvrir. Le monde étriqué dans lequel je vis, déjà bien ébranlé depuis mon arrivée sur la côte, vole maintenant en éclats, et les morceaux épars d'une vision trop matérialiste disparaissent, rapidement absorbés dans une conception plus large. Je sens déjà que je pourrais réinterpréter ma vie entière, tous les évènements qui m'ont accompagné jusque-là, sous l'angle de cette nouvelle représentation du monde.

Je suis resté longtemps assis dans l'herbe ce soir-là, presque jusqu'à la tombée de la nuit. Le regard perdu dans les méandres des nuages, dans les circonvolutions de la pierre torturée, je me demandais ce que tout cela pouvait bien me dire, vers quelle réalité ultime j'étais en train de me diriger. Je ne voyais pas un monde magnifique, je voyais le monde tel qu'il est, tout à la fois confortable et dangereux, beau et tragique. Je sentais la pluie gonflant les nuages bas, prête à se jeter sur moi, quelques éclairs aussi, possibles, qui auraient pu venir me foudroyer sans pitié. Mais je me sentais avant tout totalement légitime, un homme sur la terre, debout au milieu de ce chaos, infime être physique pris dans la tourmente des éléments, mais aussi un être spirituel, créateur, peut-être capable d'orchestrer la symphonie.
Quand le jour s'en fut presque allé, je suis revenu dans la pénombre sur le sentier, et je suis rentré chez moi. Je suis encore resté des heures sur la terrasse, insensible à la fraîcheur de la nuit, attendant paisiblement que toutes ces idées veuillent bien trouver une place dans mon cerveau.
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Message  Invité Sam 10 Oct 2009 - 14:14

J'avoue que j'avais décroché lors du chapitre précédent... Là, pareil ; c'est trop mystique pour moi, tout ça.

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Message  Invité Sam 10 Oct 2009 - 20:07

Je crains que l'on verse peu à peu dans quelque chose qui m'intéresse moyennement à lire, la relation spirituelle de l'être à la nature, le naturalisme, voire le mysticisme. C'est un gros morceau auquel je ne suis pas sûre, à ce stade, de vouloir être confrontée. Maintenant, s'il s'agit d'un passage obligé, c'est autre chose. Je lirai le prochain chapitre.

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Message  Invité Ven 16 Oct 2009 - 1:51

J'ai beaucoup aimé le propos du scientifique : fait-il la découverte de la poésie ? En tout cas, le passage contient une info essentielle. L'arrêt de la fuite.

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Message  Rebecca Sam 17 Oct 2009 - 17:54

Je suis intriguée. Les choses vont-elles réellement calmement suivre leur cours? Quelle est donc cette découverte inscrite en chiffres ?
A quoi correspond ce bouillonnement du cerveau? Je ne lache pas le morceau.
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Message  bertrand-môgendre Mar 20 Oct 2009 - 22:24

Mince alors.
J'ai la nette impression de me sentir abandonné sur le bord du chemin. J'ai l'impression d'être replongé dans le livre de Krishnamurti se libérer du connu.
Dommage.
Mais comme Rebecca, je ne lache pas encore.
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Message  Sahkti Jeu 29 Oct 2009 - 22:03

La quête spirituelle m'intéresse, les errances qu'elle engendre et puis ce sentiment d'enfermement que je reprochais au personnage trouve ici une autre voie, plus ouverte. Cette recherche spirituelle lui permet de franchir une étape importante et de recommencer à avancer autrement.

Si ce message m'intéresse au plus haut point, je suis également consciente qu'il est difficile à faire passer par écrit, clairement, sans devoir être noyé sous des masses d'explications. Deux possibilités existent: on décrit tout et c'est lourd. On suggère et c'est incompris. Un juste milieu est à trouver me semble-t-il pour recréer une empathie au personnage (et au lecteur).

Je lis en tout cas ce récit avec plaisir, Gev !
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