Soppha
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wald
M-arjolaine
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Soppha
La scène se déroule dans une salle de jeux. Les murs sont blancs, et la seule lumière de l'extérieur vient d'une petite fenêtre qui éclaire quelques jouets d'enfants en piteux état. Au centre de la pièce, assise à même le sol, Soppha, nue, caresse les cheveux d'une vieille poupée blonde. Son frère entre.
HERMES: Soppha ! Tu pourrais répondre quand je t'appelle ! Je t'ai cherchée partout!
SOPHHA ( sans le regarder ): Et finalement tu m'as trouvée sans que je ne te réponde. Bravo.
HERMES: Je voulais te dire au revoir... ( il la regarde avec peine, et vient s'asseoir à côté d'elle. Elle fond en larmes ) Soppha, Soppha, ma petite Soppha... ( il se rend compte qu'elle est nue, et la couvre de sa veste ). Nous allons nous revoir !
SOPPHA ( furieuse ) : Arrête! Tu n'as pas le droit d'être gentil ! Tu n'as pas le droit de m'aimer!
HERMES: Je n'ai pas le droit ?
SOPPHA: Non! Quand on était petits, tu ne m'aimais pas, c'était beaucoup mieux. Tu t'en souviens, non ? Dis moi que tu t'en souviens!
HERMES: Soppha, j'avais quatorze ans quand tu es née, ce n'est pas si lointain.
SOPPHA ( d'une voix très calme, sans sangloter ): Nos parents n'avaient aucune idée de ce qu'ils avaient fait. Ils pensaient t'avoir donné un compagnon de jeux, un confident pourquoi pas... Et ils étaient ravis parce que j'étais la crème des crèmes. Tu te souviens de mes dessins ?
HERMES: Et des cookies, et de la moitié de ton goûter que tu me donnais quand j'avais encore faim...
SOPPHA: Mais tu ne m'aimais pas: c'était absolument sublime! J'avais pris ta place de petit dernier de la famille, et ça ne t'a pas plu. Les frères et sœurs ont le droit de ne pas s'aimer. J'en jouais: tu étais la victime toute trouvée. Parce que tu ne m'aimais pas, je débordais d'amour à ton égard. On m'en félicitait. J'avais tous les éloges, et toi tous les blâmes. C'était une torture de petite fille. Les plus efficaces.
HERMES: Je ne suis plus fâché. Je ne te déteste plus.
SOPPHA: C'est bien le problème. Qui est ce que je peux torturer maintenant ? Sur qui est ce que je peux décharger mon trop-plein de cruauté ?
HERMES: Tu n'es pas cruelle.
SOPPHA: Nous le sommes tous, Hermès! Toi aussi tu es cruel! La preuve, c'est que tu vas partir. Tu vas me laisser toute seule.
HERMES: Je n'y prends aucun plaisir.
SOPPHA: Tu es déjà parti dans ma tête. Je ne te torture plus. Mais je pleure, je pleure... je ne peux plus faire sortir ma cruauté, alors elle se retourne toute entière contre moi. Je suis méchante, méchante, méchante! Tu n'as pas le droit de partir. Tu n'as pas le droit de me laisser me haïr !
HERMES: Tu ne me tortures plus depuis tellement longtemps, pourquoi mon départ changerait il quelque chose ?
SOPPHA: Je ne te torturais plus parce que tu t'étais mis à m'aimer. Ça me faisait plaisir: je n'avais plus besoin d'être cruelle. Maintenant, tu t'en vas, et tu ne m'aimeras plus. Sans amour, j'aurai à nouveau besoin d'être cruelle. Et comme il n'y aura plus personne sur qui déverser ma méchanceté, je la déverserai sur moi même. Et à la fin je mourrai. Je mourrai, et ce sera ta faute! Ne t'en vas pas...
HERMES ( en la prenant dans ses bras ) : Je t'aime toujours Soppha! Je t'aime de tout mon cœur ! Tu crois que ça ne va pas me faire mal de te laisser, surtout maintenant ? J'ai trente ans, et tu en as seize, tu vas avoir le cœur brisé par des tas et des tas de gens! Tu vas penser qu'ils ne t'aiment pas eux non plus, et comme je ne serai plus là pour te montrer que je t'aime, tu vas te laisser mourir.
SOPPHA ( rageuse ) : Tu vois, tu sais ce qu'il va se passer! Ce n'est pas le bon moment pour que tu t'en ailles! Ce n'est pas le bon moment! ( elle se lève, et la veste glisse de son corps. Elle est debout devant Hermès, stupéfiante de nudité, et très pâle ). Hermès, ne t'en vas pas. Je suis prête à tout pour que tu restes.
HERMES ( soupirant ): Je sais Soppha... mais je suis amoureux. Je suis obligé de partir.
SOPPHA ( en recommençant à pleurer ): Qu'est ce qu'elle a de plus que moi ? Je suis plus jeune, plus jolie qu'elle! Je suis plus intéressante! Pourquoi est ce que tu me la préfères ?
HERMES ( surpris ): Parce que tu es ma sœur ! On ne vit pas avec sa sœur éternellement !
SOPPHA: Il y a des gens qui le font.
HERMES: Ça s'appelle de l'inceste. Entre nous, rien de cet ordre là.
SOPPHA: Entre nous c'est beaucoup plus fort! Elle te rendra malheureux un jour ou l'autre, jamais je ne te ferai pleurer! Jamais je ne te rendrai triste! Je suis jalouse, tu m'entends ? Jalouse, jalouse, jalouse !
HERMES: Tu as profité de moi pendant seize ans, ce n'est pas déjà beaucoup ?
SOPPHA: Je voulais profiter de toi pendant l'éternité!
( Un silence gêné s'installe. Ils ne se quittent pas du regard, et leurs visages expriment tant de choses à la fois qu'on ne sait s'ils sont fâchés, tristes, frustrés, satisfaits... Hermès baisse les yeux le premier, il ramasse sa veste, la pose sur les épaules de Soppha et lui embrasse la joue. )
HERMES: Je t'aime Soppha. Nous allons nous revoir.
SOPPHA ( le visage fermé ): Va-t-en.
Hermès s'approche de la porte, sans quitter sa petite sœur du regard. Il sort. Soppha continue de pleurer sans bruit. Rideau.
HERMES: Soppha ! Tu pourrais répondre quand je t'appelle ! Je t'ai cherchée partout!
SOPHHA ( sans le regarder ): Et finalement tu m'as trouvée sans que je ne te réponde. Bravo.
HERMES: Je voulais te dire au revoir... ( il la regarde avec peine, et vient s'asseoir à côté d'elle. Elle fond en larmes ) Soppha, Soppha, ma petite Soppha... ( il se rend compte qu'elle est nue, et la couvre de sa veste ). Nous allons nous revoir !
SOPPHA ( furieuse ) : Arrête! Tu n'as pas le droit d'être gentil ! Tu n'as pas le droit de m'aimer!
HERMES: Je n'ai pas le droit ?
SOPPHA: Non! Quand on était petits, tu ne m'aimais pas, c'était beaucoup mieux. Tu t'en souviens, non ? Dis moi que tu t'en souviens!
HERMES: Soppha, j'avais quatorze ans quand tu es née, ce n'est pas si lointain.
SOPPHA ( d'une voix très calme, sans sangloter ): Nos parents n'avaient aucune idée de ce qu'ils avaient fait. Ils pensaient t'avoir donné un compagnon de jeux, un confident pourquoi pas... Et ils étaient ravis parce que j'étais la crème des crèmes. Tu te souviens de mes dessins ?
HERMES: Et des cookies, et de la moitié de ton goûter que tu me donnais quand j'avais encore faim...
SOPPHA: Mais tu ne m'aimais pas: c'était absolument sublime! J'avais pris ta place de petit dernier de la famille, et ça ne t'a pas plu. Les frères et sœurs ont le droit de ne pas s'aimer. J'en jouais: tu étais la victime toute trouvée. Parce que tu ne m'aimais pas, je débordais d'amour à ton égard. On m'en félicitait. J'avais tous les éloges, et toi tous les blâmes. C'était une torture de petite fille. Les plus efficaces.
HERMES: Je ne suis plus fâché. Je ne te déteste plus.
SOPPHA: C'est bien le problème. Qui est ce que je peux torturer maintenant ? Sur qui est ce que je peux décharger mon trop-plein de cruauté ?
HERMES: Tu n'es pas cruelle.
SOPPHA: Nous le sommes tous, Hermès! Toi aussi tu es cruel! La preuve, c'est que tu vas partir. Tu vas me laisser toute seule.
HERMES: Je n'y prends aucun plaisir.
SOPPHA: Tu es déjà parti dans ma tête. Je ne te torture plus. Mais je pleure, je pleure... je ne peux plus faire sortir ma cruauté, alors elle se retourne toute entière contre moi. Je suis méchante, méchante, méchante! Tu n'as pas le droit de partir. Tu n'as pas le droit de me laisser me haïr !
HERMES: Tu ne me tortures plus depuis tellement longtemps, pourquoi mon départ changerait il quelque chose ?
SOPPHA: Je ne te torturais plus parce que tu t'étais mis à m'aimer. Ça me faisait plaisir: je n'avais plus besoin d'être cruelle. Maintenant, tu t'en vas, et tu ne m'aimeras plus. Sans amour, j'aurai à nouveau besoin d'être cruelle. Et comme il n'y aura plus personne sur qui déverser ma méchanceté, je la déverserai sur moi même. Et à la fin je mourrai. Je mourrai, et ce sera ta faute! Ne t'en vas pas...
HERMES ( en la prenant dans ses bras ) : Je t'aime toujours Soppha! Je t'aime de tout mon cœur ! Tu crois que ça ne va pas me faire mal de te laisser, surtout maintenant ? J'ai trente ans, et tu en as seize, tu vas avoir le cœur brisé par des tas et des tas de gens! Tu vas penser qu'ils ne t'aiment pas eux non plus, et comme je ne serai plus là pour te montrer que je t'aime, tu vas te laisser mourir.
SOPPHA ( rageuse ) : Tu vois, tu sais ce qu'il va se passer! Ce n'est pas le bon moment pour que tu t'en ailles! Ce n'est pas le bon moment! ( elle se lève, et la veste glisse de son corps. Elle est debout devant Hermès, stupéfiante de nudité, et très pâle ). Hermès, ne t'en vas pas. Je suis prête à tout pour que tu restes.
HERMES ( soupirant ): Je sais Soppha... mais je suis amoureux. Je suis obligé de partir.
SOPPHA ( en recommençant à pleurer ): Qu'est ce qu'elle a de plus que moi ? Je suis plus jeune, plus jolie qu'elle! Je suis plus intéressante! Pourquoi est ce que tu me la préfères ?
HERMES ( surpris ): Parce que tu es ma sœur ! On ne vit pas avec sa sœur éternellement !
SOPPHA: Il y a des gens qui le font.
HERMES: Ça s'appelle de l'inceste. Entre nous, rien de cet ordre là.
SOPPHA: Entre nous c'est beaucoup plus fort! Elle te rendra malheureux un jour ou l'autre, jamais je ne te ferai pleurer! Jamais je ne te rendrai triste! Je suis jalouse, tu m'entends ? Jalouse, jalouse, jalouse !
HERMES: Tu as profité de moi pendant seize ans, ce n'est pas déjà beaucoup ?
SOPPHA: Je voulais profiter de toi pendant l'éternité!
( Un silence gêné s'installe. Ils ne se quittent pas du regard, et leurs visages expriment tant de choses à la fois qu'on ne sait s'ils sont fâchés, tristes, frustrés, satisfaits... Hermès baisse les yeux le premier, il ramasse sa veste, la pose sur les épaules de Soppha et lui embrasse la joue. )
HERMES: Je t'aime Soppha. Nous allons nous revoir.
SOPPHA ( le visage fermé ): Va-t-en.
Hermès s'approche de la porte, sans quitter sa petite sœur du regard. Il sort. Soppha continue de pleurer sans bruit. Rideau.
Re: Soppha
Je prends ça comme un exercice de style et si c'est le cas, je pense qu'il est réussi. Vous avez parfaitement réussi à retranscrire un certain ton théatral, jusque dans les didascalies, la première étant particulièrement réussie (j'enlèverais le "de l'extérieur").
wald- Nombre de messages : 84
Age : 46
Date d'inscription : 06/03/2009
Re: Soppha
A part une longueur ici, une répétition en fait :
SOPPHA: C'est bien le problème. Qui est ce que je peux torturer maintenant ? Sur qui est ce que je peux décharger mon trop-plein de cruauté ?
HERMES: Tu n'es pas cruelle.
SOPPHA: Nous le sommes tous, Hermès! Toi aussi tu es cruel! La preuve, c'est que tu vas partir. Tu vas me laisser toute seule.
HERMES: Je n'y prends aucun plaisir.
SOPPHA: Tu es déjà parti dans ma tête. Je ne te torture plus. Mais je pleure, je pleure... je ne peux plus faire sortir ma cruauté, alors elle se retourne toute entière contre moi. Je suis méchante, méchante, méchante! Tu n'as pas le droit de partir. Tu n'as pas le droit de me laisser me haïr !
HERMES: Tu ne me tortures plus depuis tellement longtemps, pourquoi mon départ changerait il quelque chose ?
SOPPHA: Je ne te torturais plus parce que tu t'étais mis à m'aimer. Ça me faisait plaisir: je n'avais plus besoin d'être cruelle. Maintenant, tu t'en vas, et tu ne m'aimeras plus. Sans amour, j'aurai à nouveau besoin d'être cruelle. Et comme il n'y aura plus personne sur qui déverser ma méchanceté, je la déverserai sur moi même. Et à la fin je mourrai. Je mourrai, et ce sera ta faute! Ne t'en vas pas...
j'ai beaucoup aimé ce texte, le personnage de Sophha m'a touchée. Rien d'autre à dire sur la qualité littéraire du texte, je me contente de l'émotion qu'il a suscitée en moi.
SOPPHA: C'est bien le problème. Qui est ce que je peux torturer maintenant ? Sur qui est ce que je peux décharger mon trop-plein de cruauté ?
HERMES: Tu n'es pas cruelle.
SOPPHA: Nous le sommes tous, Hermès! Toi aussi tu es cruel! La preuve, c'est que tu vas partir. Tu vas me laisser toute seule.
HERMES: Je n'y prends aucun plaisir.
SOPPHA: Tu es déjà parti dans ma tête. Je ne te torture plus. Mais je pleure, je pleure... je ne peux plus faire sortir ma cruauté, alors elle se retourne toute entière contre moi. Je suis méchante, méchante, méchante! Tu n'as pas le droit de partir. Tu n'as pas le droit de me laisser me haïr !
HERMES: Tu ne me tortures plus depuis tellement longtemps, pourquoi mon départ changerait il quelque chose ?
SOPPHA: Je ne te torturais plus parce que tu t'étais mis à m'aimer. Ça me faisait plaisir: je n'avais plus besoin d'être cruelle. Maintenant, tu t'en vas, et tu ne m'aimeras plus. Sans amour, j'aurai à nouveau besoin d'être cruelle. Et comme il n'y aura plus personne sur qui déverser ma méchanceté, je la déverserai sur moi même. Et à la fin je mourrai. Je mourrai, et ce sera ta faute! Ne t'en vas pas...
j'ai beaucoup aimé ce texte, le personnage de Sophha m'a touchée. Rien d'autre à dire sur la qualité littéraire du texte, je me contente de l'émotion qu'il a suscitée en moi.
Invité- Invité
Re: Soppha
Pas emballée cette fois ci, désolée.
A la prochaine fois!
A la prochaine fois!
Rebecca- Nombre de messages : 12502
Age : 65
Date d'inscription : 30/08/2009
Re: Soppha
Je suis un peu d'accord avec Madame Socque je ne suis pas allé jusqu'au bout non plus, ce texte est un peu confus. Mais avec un peu de travail je crois que tu peux t'ameliorer.
Bon courage !
Hey mini joe !
Bon courage !
Hey mini joe !
mini joe- Nombre de messages : 109
Age : 35
Localisation : 52eme étage. Tour de Djakarta.
Date d'inscription : 01/11/2009
Re: Soppha
y en a d'autresmini joe a écrit: avec un peu de travail je crois que tu peux t'ameliorer.joe !
Re: Soppha
pas emballé mais admiratif du rendu théâtral
très visuel en effet, et touchant, somme toute, personnages attachants
donc une réussite
très visuel en effet, et touchant, somme toute, personnages attachants
donc une réussite
Re: Soppha
Et bien, j'ai trouvé ça superbement mené ! J'ai plus d'une fois eu le sentiment de me trouver devant une véritable pièce de théâtre, j'entendais les dialogues, je visualisais les personnages... tout cela me paraît réussi.
J'ai également aimé ce mélange de rage et de résignation qui se développe au fil du récit, c'est dosé avec justesse.
Le personnage de Soppha me paraît crédible dans toute sa détresse et cette forme de repli sur soi que tu esquisses sans tomber dans le pathos.
Bref, tu as compris, j'ai aimé :-)
J'ai également aimé ce mélange de rage et de résignation qui se développe au fil du récit, c'est dosé avec justesse.
Le personnage de Soppha me paraît crédible dans toute sa détresse et cette forme de repli sur soi que tu esquisses sans tomber dans le pathos.
Bref, tu as compris, j'ai aimé :-)
Sahkti- Nombre de messages : 31659
Age : 50
Localisation : Suisse et Belgique
Date d'inscription : 12/12/2005
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