Mon petit écrit matinal
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boc21fr
Arielle
CROISIC
Roz-gingembre
Ba
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Mon petit écrit matinal
Bonjour ma feuille originale, je le sens, enfin je le veux.
Levée de bonne heure, telle un Victor hardi, face à la marée du silence, je vais prendre un joli stylo en ivoire et le poser là.
Devant moi.
Tout nu.
J’attends, rivée au calme sous-marin, que monte la marée basse de mes tripes personnelles que j’entortille de névroses à l’insu des gréements.
Je ne peux pas être en peau d’écriture si je ne triture pas mes boyaux de vivante à l’ombre des « pleurs en fleurs, des râles et abandons successifs » qui ont fait de ma vie une série syntaxique heurtée, mouvementée, houleuse, crevante.
En moi.
Toute chaude.
Postée en sifflotant n’interpelle rien.
Le vent passe en remuant le derrière.
C’est tout. Canard à col ouvert sur la mare d’espérance.
Que vais-je devenir si je ne parviens pas à lâcher l’encre sèche ? Qui me lira ? Qui posera la science exacte de sa critique positive si je ne puis « résilier » le constat de mes souffrances ?
J’ouvre fébrile les pages de mes livres entassés en strates poussière cultivée avec soin, au hasard. Bien intentionnée.
J’omets les virgules, suspends les points dans la figure des interlignes, croque deux trois vers, deux trois pensées, rêve au « grand livre blanc ».
Ah, que ne suis-je…
Le saule balaye devant sa porte, régulier et tenace.
J’aperçois un marronnier qui le surveille en ricanant, le pompon torve.
Les arbres se détestent depuis qu’ils ont compris à quoi les destinaient nos rognures créatives. L’un se trouve plus noble que son voisin rabaissé au rang de tronc pète.
L’autre, arrogant dans sa verticalité céleste, dresse son aura bien au-delà du couronnement des fascicules.
Tremblez radicelles !
Dans l’herbe sauvage, les pissenlits racornis s’interpellent, se convoquent aux assises des enfants de bohème, se jurent de rester unis dans l’adversité, de lutter contre les déjections canines, félines, humaines. Perspectives de réunions à la racine carrée.
Je souris en les voyant s’agiter.
Je crois me reconnaître dans l’un d’eux plus excité que les autres, qui pousse du col près du nain de jardin endormi.
J’entends enfin quelques syllabes maigres se cogner dans le noir de mes sinus infectés :
- Poussez pas, y’en aura pour tout le monde.
- Dis-donc madame ce n’est pas la carte verte qui vous donne le droit de passer devant ma synérèse
- Mais enfin monsieur, je ne suis pas la consonne que vous croyez !
- Parlez pour vous, ça fait une heure qu’on fait la queue dans ce trou à rats.
- Vous en avez de bonnes, nous ça fait trois jours !
- Pour finir dans la poubelle orange
- Ce n’est pas une vie vous savez, que de vieillir dans de telles conditions anarchiques
- Aucune structure
- Aucune recherche
- Aucun style, on nous entasse en dépit du bon sens
- Vous pouvez le dire : en vrac !
- Réflexion à court terme
- Réflexion ? Je ne sais pas où vous la voyez…
- Pardonnez-lui, elle est aveugle
- Je préfère…
Je voudrais bien leur dire de se taire, mais tu sais ce que c’est lecteur agile, quand la discussion s’envenime il ne reste plus qu’à tourner la page.
Voilà.
Mon « je » de papier peut enfin se coucher et se vautrer dans ces jeux d’eau, il n’agitera jamais qu’une peau de fiction sans importance.
Levée de bonne heure, telle un Victor hardi, face à la marée du silence, je vais prendre un joli stylo en ivoire et le poser là.
Devant moi.
Tout nu.
J’attends, rivée au calme sous-marin, que monte la marée basse de mes tripes personnelles que j’entortille de névroses à l’insu des gréements.
Je ne peux pas être en peau d’écriture si je ne triture pas mes boyaux de vivante à l’ombre des « pleurs en fleurs, des râles et abandons successifs » qui ont fait de ma vie une série syntaxique heurtée, mouvementée, houleuse, crevante.
En moi.
Toute chaude.
Postée en sifflotant n’interpelle rien.
Le vent passe en remuant le derrière.
C’est tout. Canard à col ouvert sur la mare d’espérance.
Que vais-je devenir si je ne parviens pas à lâcher l’encre sèche ? Qui me lira ? Qui posera la science exacte de sa critique positive si je ne puis « résilier » le constat de mes souffrances ?
J’ouvre fébrile les pages de mes livres entassés en strates poussière cultivée avec soin, au hasard. Bien intentionnée.
J’omets les virgules, suspends les points dans la figure des interlignes, croque deux trois vers, deux trois pensées, rêve au « grand livre blanc ».
Ah, que ne suis-je…
Le saule balaye devant sa porte, régulier et tenace.
J’aperçois un marronnier qui le surveille en ricanant, le pompon torve.
Les arbres se détestent depuis qu’ils ont compris à quoi les destinaient nos rognures créatives. L’un se trouve plus noble que son voisin rabaissé au rang de tronc pète.
L’autre, arrogant dans sa verticalité céleste, dresse son aura bien au-delà du couronnement des fascicules.
Tremblez radicelles !
Dans l’herbe sauvage, les pissenlits racornis s’interpellent, se convoquent aux assises des enfants de bohème, se jurent de rester unis dans l’adversité, de lutter contre les déjections canines, félines, humaines. Perspectives de réunions à la racine carrée.
Je souris en les voyant s’agiter.
Je crois me reconnaître dans l’un d’eux plus excité que les autres, qui pousse du col près du nain de jardin endormi.
J’entends enfin quelques syllabes maigres se cogner dans le noir de mes sinus infectés :
- Poussez pas, y’en aura pour tout le monde.
- Dis-donc madame ce n’est pas la carte verte qui vous donne le droit de passer devant ma synérèse
- Mais enfin monsieur, je ne suis pas la consonne que vous croyez !
- Parlez pour vous, ça fait une heure qu’on fait la queue dans ce trou à rats.
- Vous en avez de bonnes, nous ça fait trois jours !
- Pour finir dans la poubelle orange
- Ce n’est pas une vie vous savez, que de vieillir dans de telles conditions anarchiques
- Aucune structure
- Aucune recherche
- Aucun style, on nous entasse en dépit du bon sens
- Vous pouvez le dire : en vrac !
- Réflexion à court terme
- Réflexion ? Je ne sais pas où vous la voyez…
- Pardonnez-lui, elle est aveugle
- Je préfère…
Je voudrais bien leur dire de se taire, mais tu sais ce que c’est lecteur agile, quand la discussion s’envenime il ne reste plus qu’à tourner la page.
Voilà.
Mon « je » de papier peut enfin se coucher et se vautrer dans ces jeux d’eau, il n’agitera jamais qu’une peau de fiction sans importance.
Ba- Nombre de messages : 4855
Age : 71
Localisation : Promenade bleue, blanc, rouge
Date d'inscription : 08/02/2009
Re: Mon petit écrit matinal
Le ton désabusé de ce texte ne cache en aucun cas tes talents d'écriture et cette manière bien à toi de désarticuler les signifiants, ce qui te donne une réelle signature.
Roz-gingembre- Nombre de messages : 1044
Age : 61
Date d'inscription : 14/11/2008
Re: Mon petit écrit matinal
Même sans l'avatar, j'aurais deviné que c'était vous Ba, l'auteur de ce texte qui explique délicieusement les affres qui sont miennes aujourd'hui.
Re: Mon petit écrit matinal
Un petit écrit matinal dont une gorgée chaque matin au réveil nous ensoleillerait la journée.
Pour aujourd'hui, je retiens particulièrement :
Pour aujourd'hui, je retiens particulièrement :
Merci !Je ne peux pas être en peau d’écriture si je ne triture pas mes boyaux de vivante à l’ombre des « pleurs en fleurs, des râles et abandons successifs » qui ont fait de ma vie une série syntaxique heurtée, mouvementée, houleuse, crevante.
Re: Mon petit écrit matinal
Joli Ba...
Très jolie manière de mettre en scène vos doutes.
Très jolie manière de mettre en scène vos doutes.
boc21fr- Nombre de messages : 4770
Age : 53
Localisation : Grugeons, ville de culture...de vin rouge et de moutarde
Date d'inscription : 03/01/2008
Re: Mon petit écrit matinal
Et moi je choisis celle-là :
La forme sert le fond avec originalité.Ba a écrit:J’attends, rivée au calme sous-marin, que monte la marée basse de mes tripes personnelles que j’entortille de névroses à l’insu des gréements.
Zou- Nombre de messages : 5470
Age : 62
Localisation : Poupée nageuse n°165, Bergamini, Italie, 1950-1960
Date d'inscription : 12/12/2005
Re: Mon petit écrit matinal
La narratrice pratique l'auto-dérision comme une expression de son humilité.
Pour un peu, je dirais que c'est tout toi, Ba.
Je me permets toutefois de t'indiquer que j'ai préféré la première partie du texte à la deuxième, je préfère quand tes mots font courir mon imagination, quand j'ai du mal à les attraper.
Pour un peu, je dirais que c'est tout toi, Ba.
Je me permets toutefois de t'indiquer que j'ai préféré la première partie du texte à la deuxième, je préfère quand tes mots font courir mon imagination, quand j'ai du mal à les attraper.
Invité- Invité
Re: Mon petit écrit matinal
Moi ce qui m'a mise en joie, c'est ce vent qui passe en remuant le derrière ! ^^
Voiilà le genre de truc capable de m'ensoleiller une journée entière, merci Ba !
Voiilà le genre de truc capable de m'ensoleiller une journée entière, merci Ba !
Invité- Invité
Re: Mon petit écrit matinal
une belle introspection
j'ai adoré :
Le saule balaye devant sa porte, régulier et tenace.
J’aperçois un marronnier qui le surveille en ricanant, le pompon torve.
j'ai adoré :
Le saule balaye devant sa porte, régulier et tenace.
J’aperçois un marronnier qui le surveille en ricanant, le pompon torve.
Re: Mon petit écrit matinal
J'aime ce mélange d'interrogations quai existentielles avec ces dialogues un brin absurdes qui voudraient relativiser tout en cela, en prenant parallèlement conscience du problème soulevé.
C'est joliment et habilement décliné, avec des tournures agréables et de belle facture, un humour dosé avec justesse et une fraîcheur d'âme qui file le sourire.
Tu as décidément la plume belle et riche, Ba, bravo.
C'est joliment et habilement décliné, avec des tournures agréables et de belle facture, un humour dosé avec justesse et une fraîcheur d'âme qui file le sourire.
Tu as décidément la plume belle et riche, Ba, bravo.
Sahkti- Nombre de messages : 31659
Age : 50
Localisation : Suisse et Belgique
Date d'inscription : 12/12/2005
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