Sur le pouce
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boc21fr
Rebecca
CROISIC
Plotine
Ba
9 participants
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Sur le pouce
- Marraine, c’est possible d’aller chez Tom ?
- Pour quoi y faire ?
- Pour jouer pardi !
- Ok, tu rentres à 7heures. Ta mère n’aime pas te savoir dehors la nuit.
- Je sais, je sais. Bye.
Claquement de porte au loin, petits pas pressés sur le gravier. Grincement du portail vert qui donne sur la rue. Qui donne quoi ? Rien qu’une gueule d’acier hérissée de dents pointues.
Alphonsine saute dans les dernières flaques de ciel. Reflets bousculés des lampadaires, des branches arides. Un grand sourire intérieur palpite. Tom, Tom ; tamtam des ventricules. Ramdam des nerfs. Pousse pousse du vent dans le dos.
Que de temps accordé jusqu’à 7heures, et quelle chance que les parents se soient barrés en week-end amoureux !
Quelle veine que Tom, alité, soit condamné à rester dans son petit lit marin.
Jouer au docteur est l’activité préférée d’Alphonsine, en particulier avec Tom, tu l’auras compris lecteur sensible aux jeux des enfants.
Encore mieux si l’intéressé est malade. Aubaine délicieuse.
Une journée de rêve déroule son tapis d’étoiles dans les yeux de la gamine. Sonnerie. Un temps.
Madame Reluit ouvre la porte.
- Ah, c’est toi !
- Il est là Tom ?
- Avec 38 de fièvre il ne peut guère être ailleurs, répond une voix de congélateur.
- Je peux ?
- Pas longtemps, d’autant qu’il y a déjà Rouge.
- Rouge ?
- Et Blanche aussi
- Blanche ? Merde alors !
- Si tu veux bien rester polie cela nous reposera les oreilles.
- ‘Scusez madame.
Alphonsine toute à son émotion violente, bouscule presque la mère.
Quatre à quatre les marches, vite, avant que les garces aient pris un temps d’avance.
Elle ouvre la porte.
Horreur ! Tom est dans les bras de Rouge. Blanche regarde par la fenêtre.
- Lâche-le !
- Quoi ?
- Je te dis de la lâcher, tu vas l’étouffer avec tes bras de morse !
- Eh dis donc la sardine, de quoi je me mêle ?
- De ce qui me regarde, il est à moi.
Rires de crécelle, Blanche se retourne vers Alphonsine cramoisie.
- A toi ? Regarde-là celle-là, moche comme un loup, bête comme un pied de cochon, qui prétend que le beau Tom est à elle. Tu t’es vue ? Tom est à nous.
Le ton monte avec la marée dans la pièce en surchauffe. Rouge et Blanche contre Alphonsine.
- Tom, dis-leur que c’est moi ta cop’s préférée
- Arrête de crier tu vois bien qu’il dort.
- Il dort le petit Tom, il fait un gros dodo grincent les cordes acides de Blanche
- Un gros dodo de petit enfant sage
- Sage comme une image
- Une image d’Epimal
Rouge câline le petit corps livide. Blanche sourit noir au-dessus d’elle.
- Nous jouons depuis ce matin, il est bien fatigué à présent, n’est-ce pas Blanche ?
- Bien fatigué le mignon.
Petits hoquets complices. Ces deux là ne savent pas rire. Ne savent plus rire depuis leur rencontre avec le bûcheron.
Alphonsine s’avance vers le lit, barrage de Rouge qui la fixe d’un œil creux.
- T’approche pas sac à poux, sinon, Blanche et moi jouerons avec toi aussi. A poupée chiffon.
- Vous n’aviez pas le droit.
- Ecoutez-la cette morveuse à deux dents. Lave ta culotte avant de parler, tu pues la pisse . On a tous les droits tu entends ? Tous . Et puis zut, tu me fatigues avec tes croche larmes.
Rouge repose le corps de Tom.
- Tu viens Blanche ? On doit aller jouer chez Cosette. Et puis peut-être qu’après, on ira chez Alphonsine. T’en penses quoi ?
- Que du bien ma chérie, que du bien.
Rires secs dans les escaliers, le lecteur sait entendre le craquement particulier des marches de bois, le vol des pas légers propres aux fillettes, les voix au loin derniers saluts, politesse et porte qui se referment. Et puis le grand silence plein dont l’intensité se tait.
- Pour quoi y faire ?
- Pour jouer pardi !
- Ok, tu rentres à 7heures. Ta mère n’aime pas te savoir dehors la nuit.
- Je sais, je sais. Bye.
Claquement de porte au loin, petits pas pressés sur le gravier. Grincement du portail vert qui donne sur la rue. Qui donne quoi ? Rien qu’une gueule d’acier hérissée de dents pointues.
Alphonsine saute dans les dernières flaques de ciel. Reflets bousculés des lampadaires, des branches arides. Un grand sourire intérieur palpite. Tom, Tom ; tamtam des ventricules. Ramdam des nerfs. Pousse pousse du vent dans le dos.
Que de temps accordé jusqu’à 7heures, et quelle chance que les parents se soient barrés en week-end amoureux !
Quelle veine que Tom, alité, soit condamné à rester dans son petit lit marin.
Jouer au docteur est l’activité préférée d’Alphonsine, en particulier avec Tom, tu l’auras compris lecteur sensible aux jeux des enfants.
Encore mieux si l’intéressé est malade. Aubaine délicieuse.
Une journée de rêve déroule son tapis d’étoiles dans les yeux de la gamine. Sonnerie. Un temps.
Madame Reluit ouvre la porte.
- Ah, c’est toi !
- Il est là Tom ?
- Avec 38 de fièvre il ne peut guère être ailleurs, répond une voix de congélateur.
- Je peux ?
- Pas longtemps, d’autant qu’il y a déjà Rouge.
- Rouge ?
- Et Blanche aussi
- Blanche ? Merde alors !
- Si tu veux bien rester polie cela nous reposera les oreilles.
- ‘Scusez madame.
Alphonsine toute à son émotion violente, bouscule presque la mère.
Quatre à quatre les marches, vite, avant que les garces aient pris un temps d’avance.
Elle ouvre la porte.
Horreur ! Tom est dans les bras de Rouge. Blanche regarde par la fenêtre.
- Lâche-le !
- Quoi ?
- Je te dis de la lâcher, tu vas l’étouffer avec tes bras de morse !
- Eh dis donc la sardine, de quoi je me mêle ?
- De ce qui me regarde, il est à moi.
Rires de crécelle, Blanche se retourne vers Alphonsine cramoisie.
- A toi ? Regarde-là celle-là, moche comme un loup, bête comme un pied de cochon, qui prétend que le beau Tom est à elle. Tu t’es vue ? Tom est à nous.
Le ton monte avec la marée dans la pièce en surchauffe. Rouge et Blanche contre Alphonsine.
- Tom, dis-leur que c’est moi ta cop’s préférée
- Arrête de crier tu vois bien qu’il dort.
- Il dort le petit Tom, il fait un gros dodo grincent les cordes acides de Blanche
- Un gros dodo de petit enfant sage
- Sage comme une image
- Une image d’Epimal
Rouge câline le petit corps livide. Blanche sourit noir au-dessus d’elle.
- Nous jouons depuis ce matin, il est bien fatigué à présent, n’est-ce pas Blanche ?
- Bien fatigué le mignon.
Petits hoquets complices. Ces deux là ne savent pas rire. Ne savent plus rire depuis leur rencontre avec le bûcheron.
Alphonsine s’avance vers le lit, barrage de Rouge qui la fixe d’un œil creux.
- T’approche pas sac à poux, sinon, Blanche et moi jouerons avec toi aussi. A poupée chiffon.
- Vous n’aviez pas le droit.
- Ecoutez-la cette morveuse à deux dents. Lave ta culotte avant de parler, tu pues la pisse . On a tous les droits tu entends ? Tous . Et puis zut, tu me fatigues avec tes croche larmes.
Rouge repose le corps de Tom.
- Tu viens Blanche ? On doit aller jouer chez Cosette. Et puis peut-être qu’après, on ira chez Alphonsine. T’en penses quoi ?
- Que du bien ma chérie, que du bien.
Rires secs dans les escaliers, le lecteur sait entendre le craquement particulier des marches de bois, le vol des pas légers propres aux fillettes, les voix au loin derniers saluts, politesse et porte qui se referment. Et puis le grand silence plein dont l’intensité se tait.
Ba- Nombre de messages : 4855
Age : 71
Localisation : Promenade bleue, blanc, rouge
Date d'inscription : 08/02/2009
Re: Sur le pouce
Oh quelle horreur ! Une merveille de conte noir, horriblement grinçant et désespérant !
Invité- Invité
Re: Sur le pouce
C'est positivement monstrueux mais les personnages sont bien campés et c'est bien pour cette raison que ça fait froid dans le dos.
Plotine- Nombre de messages : 1962
Age : 81
Date d'inscription : 01/08/2009
Re: Sur le pouce
Pour la lectrice sensible aux jeux d'enfants que je suis.....c'est délicieusement monstrueux.
Re: Sur le pouce
Horriblement délicieux ces jeux interdits...
Rebecca- Nombre de messages : 12502
Age : 65
Date d'inscription : 30/08/2009
Re: Sur le pouce
je parlais des deux Iseut...Easter(Island) a écrit:Il y a du Tristan et Iseut dans ce texte faussement naïf, dérangeant.
Invité- Invité
Re: Sur le pouce
Ah mais il est horrible ce texte !
Pauvres gosses...
Ba des fois vous êtes vraiment trop macabre ;o)
Je plaisante évidement, c'est à mon sens excellent...
Pauvres gosses...
Ba des fois vous êtes vraiment trop macabre ;o)
Je plaisante évidement, c'est à mon sens excellent...
boc21fr- Nombre de messages : 4770
Age : 53
Localisation : Grugeons, ville de culture...de vin rouge et de moutarde
Date d'inscription : 03/01/2008
Re: Sur le pouce
Les contes ont toujours fait trembler les enfants ... Celui-là fait trembler les grands. Superbe ambiance très actuelle et pourtant intemporelle, une vraie réussite, Ba !
Re: Sur le pouce
Haaaa cette cruauté enfantine !
Encore un bon moment passé grâce à toi Ba, avec quelques accents à la Tim Burton, teinté de Neil Gaiman, pour dépeindre un univers inquiétant et séduisant à la fois. Une attirance certaine se dégage de tout ceci alors que la gamine devrait fuir, crier, que sais-je mais non… le magnétisme est plus fort que tout, tout comme le mimétisme.
Y a pas à dire, t'es douée !
Encore un bon moment passé grâce à toi Ba, avec quelques accents à la Tim Burton, teinté de Neil Gaiman, pour dépeindre un univers inquiétant et séduisant à la fois. Une attirance certaine se dégage de tout ceci alors que la gamine devrait fuir, crier, que sais-je mais non… le magnétisme est plus fort que tout, tout comme le mimétisme.
Y a pas à dire, t'es douée !
Sahkti- Nombre de messages : 31659
Age : 50
Localisation : Suisse et Belgique
Date d'inscription : 12/12/2005
Re: Sur le pouce
Dire que je t'ai laissé monté dans ma voiture !!
Blague à part, une belle petite nouvelle qui demanderait peut-être un petit débroussaillage et épurage pour les lecteurs néophytes.
Blague à part, une belle petite nouvelle qui demanderait peut-être un petit débroussaillage et épurage pour les lecteurs néophytes.
Manu(manisa06)- Nombre de messages : 1928
Age : 53
Localisation : Côte d'usure
Date d'inscription : 11/04/2008
Re: Sur le pouce
"Blanche sourit noir au-dessus d’elle."
Toujours des trouvailles géniales à vous envier...
Court et percutant, excellent en somme. Mais, comme toujours, je me dis "et plus long, ce serait comment ?". Et toujours je me réponds (je suis comme ça, moi) "mieux que bien, à n'en pas douter."
Toujours des trouvailles géniales à vous envier...
Court et percutant, excellent en somme. Mais, comme toujours, je me dis "et plus long, ce serait comment ?". Et toujours je me réponds (je suis comme ça, moi) "mieux que bien, à n'en pas douter."
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