Gonflage
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boc21fr
Rebecca
mentor
ptipimous
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Gonflage
“ et bla bla bla... bla bla... bla bla...”
Comment peut-on développer autant de rien en autant de temps ? Je devrais décidément veiller à ne pas déjeuner avec n’importe qui. C’est mon seul moment de vrai repos... et elle... ! J’ai les doigts comme des saucisses de Frankfort ! Heureusement, ces gens à parlote, tout occupés qu’ils sont à déblatérer d’eux-même, ne voient rien, pas même leur interlocuteur.
- ... bla... pour moi un bon motard est un motard mort !..”
Et hop ! Mes deux poignets enflent, deviennent aussi gros que mes bras. Je tente, j’essaie de ne pas l’entendre me dire pour la quatrième fois rigoureusement la même chose; mais... c’est à croire que mes pieds ont des oreilles ! Ils occupent tout l’espace sous la table !
- ... bla bla... pour moi, en dehors de Bach et Monteverdi, tous les autres sont des inexistences !..”
Eh ! Eh ! Toute l’oeuvre de Mozart tiendrait à présent dans mon pantalon. Vas-y, continue ma belle, je suis la dernière, la dernière qui te supportera. Mon escalope panée dans mon assiette me semble dérisoire. A peine de la taille d’un canapé. Je l’engloutit d’un coup de fourchette, elle tombe dans mon estomac profond comme un gouffre.
Et elle continue. Elle sait tout sur tout ! Elle sait surtout rien. Mais elle dit. Et ses mots sont autant de coups de pompe à vélo sous ma peau.
A présent, j’attends. J’attends la fin, j’attends le moment où tout mon corps dans un bel ensemble poussera, projettera la table du restaurant contre le mur en face. J’ai ma chaise coincée entre mes fesses. Elle me porte encore mais plus pour longtemps. Mes deux genoux poussent les pieds de la table. J’évite la dislocation en maintenant le plateau en place de deux doigts serrés comme des étaux de menuisier. Le plafond me gène, je ne peux plus me tenir droite. Mon assiette est à présent grosse comme un cachet d’aspirine.
- ... et bla bla... moi je serais toi, j’arrêterais cette jument et je la collerais à l’abattoir. Elle ne vaut rien et en plus, elle pourrait faire de mauvais poulains... c’est à hurler...
Et bien justement puisqu’on en parle... Mes reins se soulèvent et mon dos se colle au plafond. J’écarte les bras en stabilisateur le temps que mes jambes reprennent du volume encore et encore pour finir par retoucher le sol. Les tables et les chaises du restaurant se piquent dans ma peau sans parvenir à la percer. Les petites appliques murales pètent sous la pression, les unes après les autres. Cette fille, c’est du gros calibre. Si je la laisse faire, elle va me faire exploser l’immeuble. Et moi, j’aime bien cet endroit. Je n’ai pas envie de trop l’abimer. L’inconsciente est toujours là, son verre à la main, son mégot vissé au coin des lèvres, posée sur sa chaise qui se balance mollement sur mon quadriceps.
- et bla bla... si tu n’édites pas chez Gallimard, je ne lirais pas ton manuscrit. A la rigueur aux éditions de Minuit...
Le plafond va lâcher.
Je prends une bonne inspiration qui bouscule le comptoir du bar.
- Elisabeth ?
- Et bla bla, bla bla, bla bla...
- Eh ! Elisabeth.. !
- Hein ? Quoi ?
- Tu me gonfles !
Ma bouche s’ouvre, s’épanouit, s’élargit; mes lèvres glissent sur les cloisons, butent dans les angles et redescendent vers le sol. Tout se qui se trouve entre elles est irrémédiablement happé, broyé.
Silence.
Dans un rot sonore, je rejette les tables en stratifié comme des noyaux d’olives. C’est le synthétique, ça me donne des aigreurs !
La pression des murs se fait moins forte. D’ici un quart d’heure, tout sera rentré dans l’ordre. Il y aura juste un peu de ménage à faire. Mais... j’ai déjà fait le plus gros ! Et puis j’ai bien mangé !
- Evelyne ! Un café s’il vous plaît !
Comment peut-on développer autant de rien en autant de temps ? Je devrais décidément veiller à ne pas déjeuner avec n’importe qui. C’est mon seul moment de vrai repos... et elle... ! J’ai les doigts comme des saucisses de Frankfort ! Heureusement, ces gens à parlote, tout occupés qu’ils sont à déblatérer d’eux-même, ne voient rien, pas même leur interlocuteur.
- ... bla... pour moi un bon motard est un motard mort !..”
Et hop ! Mes deux poignets enflent, deviennent aussi gros que mes bras. Je tente, j’essaie de ne pas l’entendre me dire pour la quatrième fois rigoureusement la même chose; mais... c’est à croire que mes pieds ont des oreilles ! Ils occupent tout l’espace sous la table !
- ... bla bla... pour moi, en dehors de Bach et Monteverdi, tous les autres sont des inexistences !..”
Eh ! Eh ! Toute l’oeuvre de Mozart tiendrait à présent dans mon pantalon. Vas-y, continue ma belle, je suis la dernière, la dernière qui te supportera. Mon escalope panée dans mon assiette me semble dérisoire. A peine de la taille d’un canapé. Je l’engloutit d’un coup de fourchette, elle tombe dans mon estomac profond comme un gouffre.
Et elle continue. Elle sait tout sur tout ! Elle sait surtout rien. Mais elle dit. Et ses mots sont autant de coups de pompe à vélo sous ma peau.
A présent, j’attends. J’attends la fin, j’attends le moment où tout mon corps dans un bel ensemble poussera, projettera la table du restaurant contre le mur en face. J’ai ma chaise coincée entre mes fesses. Elle me porte encore mais plus pour longtemps. Mes deux genoux poussent les pieds de la table. J’évite la dislocation en maintenant le plateau en place de deux doigts serrés comme des étaux de menuisier. Le plafond me gène, je ne peux plus me tenir droite. Mon assiette est à présent grosse comme un cachet d’aspirine.
- ... et bla bla... moi je serais toi, j’arrêterais cette jument et je la collerais à l’abattoir. Elle ne vaut rien et en plus, elle pourrait faire de mauvais poulains... c’est à hurler...
Et bien justement puisqu’on en parle... Mes reins se soulèvent et mon dos se colle au plafond. J’écarte les bras en stabilisateur le temps que mes jambes reprennent du volume encore et encore pour finir par retoucher le sol. Les tables et les chaises du restaurant se piquent dans ma peau sans parvenir à la percer. Les petites appliques murales pètent sous la pression, les unes après les autres. Cette fille, c’est du gros calibre. Si je la laisse faire, elle va me faire exploser l’immeuble. Et moi, j’aime bien cet endroit. Je n’ai pas envie de trop l’abimer. L’inconsciente est toujours là, son verre à la main, son mégot vissé au coin des lèvres, posée sur sa chaise qui se balance mollement sur mon quadriceps.
- et bla bla... si tu n’édites pas chez Gallimard, je ne lirais pas ton manuscrit. A la rigueur aux éditions de Minuit...
Le plafond va lâcher.
Je prends une bonne inspiration qui bouscule le comptoir du bar.
- Elisabeth ?
- Et bla bla, bla bla, bla bla...
- Eh ! Elisabeth.. !
- Hein ? Quoi ?
- Tu me gonfles !
Ma bouche s’ouvre, s’épanouit, s’élargit; mes lèvres glissent sur les cloisons, butent dans les angles et redescendent vers le sol. Tout se qui se trouve entre elles est irrémédiablement happé, broyé.
Silence.
Dans un rot sonore, je rejette les tables en stratifié comme des noyaux d’olives. C’est le synthétique, ça me donne des aigreurs !
La pression des murs se fait moins forte. D’ici un quart d’heure, tout sera rentré dans l’ordre. Il y aura juste un peu de ménage à faire. Mais... j’ai déjà fait le plus gros ! Et puis j’ai bien mangé !
- Evelyne ! Un café s’il vous plaît !
Re: Gonflage
très visuel, très original, tout ça à partir de l'expression "tu me gonfles" ! une belle imagination et une écriture qui la sert bien
plaisant
plaisant
Re: Gonflage
A peine exagéré, il existe de telles personnes. C'est assez drôlement raconté même si, sur la forme, j'ai le sentiment diffus d'un texte plutôt rapidement écrit, sans vrai travail de fond.
Invité- Invité
Re: Gonflage
Une prose réjouissante qui finit en ptose. La blablatérite aigüe qui nous laisse sur le carreau.
Rebecca- Nombre de messages : 12502
Age : 65
Date d'inscription : 30/08/2009
Re: Gonflage
Oui, bien vu et bien craché ! J'ai particulièrement aimé l'idée de la bavarde imperturbable qui continue à dégoiser, en équilibre instable sur le bras de la "gonflée"...
Quelques erreurs de langue :
“déblatérer d’eux-mêmes” (je crois bien ; par ailleurs, me semble-t-il, "déblatérer" a une connotation négative, et j'imagine mal ce genre de personne disant du mal d'elle-même)
“Toute l’œuvre de Mozart”
“Je l’engloutis d’un coup de fourchette,”
“Le plafond me gêne”
“Eh bien justement”
“Je n’ai pas envie de trop l’abîmer”
“si tu n’édites pas chez Gallimard, je ne lirai (et non “lirais”, le futur s’impose ici et non le conditionnel) pas ton manuscrit”
Quelques erreurs de langue :
“déblatérer d’eux-mêmes” (je crois bien ; par ailleurs, me semble-t-il, "déblatérer" a une connotation négative, et j'imagine mal ce genre de personne disant du mal d'elle-même)
“Toute l’œuvre de Mozart”
“Je l’engloutis d’un coup de fourchette,”
“Le plafond me gêne”
“Eh bien justement”
“Je n’ai pas envie de trop l’abîmer”
“si tu n’édites pas chez Gallimard, je ne lirai (et non “lirais”, le futur s’impose ici et non le conditionnel) pas ton manuscrit”
Invité- Invité
Re: Gonflage
Je n'ai aucune réserve sur ce texte qui a un punch et une aisance à faire visualiser les évènements que d'autres ont déjà relevé avant moi.
Je me suis amusé comme un petit fou à vous lire, et pas qu'un peu...
Le mieux, ce serait de placer deuxpétasses femmes de ce genre face à vous : une qui vous gonfle et l'autre qui vous pompe l'air, et les laisser ainsi se gonfler et s'asphyxier à loisir...
Je me suis amusé comme un petit fou à vous lire, et pas qu'un peu...
Le mieux, ce serait de placer deux
boc21fr- Nombre de messages : 4770
Age : 53
Localisation : Grugeons, ville de culture...de vin rouge et de moutarde
Date d'inscription : 03/01/2008
Re: Gonflage
lol... quel misogyne tu es !
Très bon texte, très bonne idée de prendre les expression au pied de la lettre.
Très bon texte, très bonne idée de prendre les expression au pied de la lettre.
Plotine- Nombre de messages : 1962
Age : 81
Date d'inscription : 01/08/2009
Re: Gonflage
^)^
Une bonne façon de commencer le dimanche ! J'ai le sourire. Merci !
Une bonne façon de commencer le dimanche ! J'ai le sourire. Merci !
Lucy- Nombre de messages : 3411
Age : 46
Date d'inscription : 31/03/2008
Re: Gonflage
merci de tous vos retours sur ce texte déjà ancien. Pour répondre à Socque :
C'est vrai que ce serait plus clair avec "déblatérer pour eux-mêmes" dans le sens dire des saloperies en général pour personne en particulier !
je n'ai pas de "e" dans "o" sur mon ordi (ou alors je n'ai jamais trouvé le bouton !) mais je crois que les deux orthos sont tolérées.
Les accents... Ah les accents !
je suis ok avec le futur.
Par contre le quadriceps est le muscle de la cuisse ! Sa chaise se balance donc sur sa jambe et non sur son bras !
Mais je suis meilleure en anatomie qu'en orthographe !
Merci encore.
C'est vrai que ce serait plus clair avec "déblatérer pour eux-mêmes" dans le sens dire des saloperies en général pour personne en particulier !
je n'ai pas de "e" dans "o" sur mon ordi (ou alors je n'ai jamais trouvé le bouton !) mais je crois que les deux orthos sont tolérées.
Les accents... Ah les accents !
je suis ok avec le futur.
Par contre le quadriceps est le muscle de la cuisse ! Sa chaise se balance donc sur sa jambe et non sur son bras !
Mais je suis meilleure en anatomie qu'en orthographe !
Merci encore.
Re: Gonflage
Pardon pour le coup du quadriceps... Pour "oeuvre", vous avez raison, je viens de vérifier (et même, le TLFi ne connaît que cette graphie). Merci, j'ai appris quelque chose !
Invité- Invité
Re: Gonflage
C'est bien rendu, plus que bien même
(même si, je chipote un peu, tu aurais pu jouer davantage sur la tension qui croît et l'intensité du gonflage en question). C'est assez parlant, on a tous ressenti ça un jour ou l'autre je pense :-)
Tu n'en fais pas trop et tu réussis à ménager les effets de manière à ce qu'aucune longueur ne soit à déplorer.
(même si, je chipote un peu, tu aurais pu jouer davantage sur la tension qui croît et l'intensité du gonflage en question). C'est assez parlant, on a tous ressenti ça un jour ou l'autre je pense :-)
Tu n'en fais pas trop et tu réussis à ménager les effets de manière à ce qu'aucune longueur ne soit à déplorer.
Sahkti- Nombre de messages : 31659
Age : 50
Localisation : Suisse et Belgique
Date d'inscription : 12/12/2005
Page 1 sur 1
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