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Le Duc d'Essoir

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Message  Sergei Mer 18 Nov 2009 - 14:09

Bonjour à tous!

Je tiens simplement à préciser que ce texte n'est pas un tout, que c'est le début d'une éventuelle nouvelle (qui probablement ne fera pas long feu non plus^^). Je vous laisse appréhender la chose.

--------------------------------------------------------------------------

Je n'étais pas retourné à Rocade depuis l'époque oubliée de ma tendre enfance. Mais en cet instant décisif, alors que je faisais face à la Blanche Basilique dominant de sa splendeur la ville endormie, ce passé enfoui remontait en mon esprit comme la lumière remontait le long de ces murs blancs. A vrai dire, ils n'étaient plus aussi blancs qu'avant, car les tâches des dernières pluies témoignaient du désintérêt progressif des Républicains pour nos symboles religieux.

Alors que les rayons bondissaient désormais entre les ornements de la façade, la nostalgie d'une période révolue m'étreignait peu à peu. Et à mesure que la Basilique tentait vainement de se faire belle pour moi, je ne pouvais retenir une vaine colère contre le monde. J'aurais voulu que la pluie lave cette bâtisse séculaire en même temps que nos péchés passés, que la ville toute entière se réveille pour de bon, chasse les fantômes de notre violente monarchie et les affres actuels de la république. Car affres il y avait, quoi qu’on puisse en dire.

Aussi je ne m’attardai pas devant le monument qui me faisait atrocement souffrir. Il représentait tout ce que je vomissais de ma jeunesse, les affronts et les humiliations. Je me rendais compte qu’en effet, je n’étais pas prêt à affronter de nouveau cette ville monstrueuse. Dans toute sa langueur Rocade m’énervait, m’effrayait même. Je voyais les vieux quartiers changés en champs de foire, les églises démantelées. En vingt ans de république, la cité avait eu le temps de se métamorphoser. Chaque pierre monarchique était désormais la clé de voûte de la passion républicaine, que les capitoles et les tribunaux en tous genres représentaient efficacement à mes yeux.

La vision de mon ancienne demeure m’asséna le coup de grâce. Elle fourmillait de monde, les gens s’entassaient dans des étages successifs, des portes avaient été posées partout. L’immense manoir que j’avais connu était aujourd’hui le lieu de vie tronqué d’une horde de populeux grouillants. Et le lierre qui se dressait autrefois fièrement dans l’embrasure de la porte cochère, ce même lierre que ma mère entretenait chaque matin avec l’amour et la dignité de la notable qu’elle était, ne daignait évidemment plus pousser, se refusait aux nouveaux locataires.

Je grimpais dans une diligence pour me rendre à mon rendez-vous, et par la même occasion fuir ces terribles visions. Le long des rues les échoppes se multipliaient, les cabarets s’étalaient de toute leur perversité, et les chaussées corrompues ruisselaient d’une eau aux relents de vaisselle dont les vapeurs éphémères tapissaient un ciel nauséabond. Rocade n’était plus qu’une grosse motte paysanne aux allures de calvaire, que la Blanche Basilique rappelait sans cesse à l’ordre sans qu’on l’entende, bien qu’elle n’ait rien perdu de sa présence.

Enfin les rues tortueuses autrefois liserées de plantes exotiques et de ruisseaux agrémentés me menèrent à la résidence de mon ami Mikhine. Ce dernier m’accueillit sans une once d’excitation, bien que notre dernière rencontre remontât à plus d’un an, lorsqu’il était venu me rendre visite en province. Sa demeure comme la mienne avait été amputé de nombreux étages que les partisans républicains s’étaient octroyé. Mikhine vivait désormais dans un simple rez-de-chaussée et avait également un bureau à l’étage supérieur. Il était comme moi habité d’une profonde amertume. Aussi, une fois installé dans son salon – soit dit en passant relativement sobre par rapport à celui qu’il occupait pendant la glorieuse époque qui me manque tant – je m’empressai de lui faire part de mes premiers ressentiments quant à mon retour à Rocade.

Mais les choses avaient définitivement changé depuis l’indépendance de Rocade. Les monarchistes n’existaient plus, la république trompait tout le monde, jusqu’à gangréner même mes souvenirs d’enfance, la Rue des Cèdres, le magasin exotique du Duc de Trague, la Blanche Basilique, les cabarets interdits, les plantes et les ruisseaux, Mikhine, Mikhine. Mikhine. Je ne perdis pas de temps. Le lendemain je rentrai à Essoir. Rocade toute entière était une grande trahison.
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Message  Invité Mer 18 Nov 2009 - 14:37

Oui, un début qui me donne envie de connaître la suite !

Quelques remarques :
« les taches (une tache est une souillure, une tâche un boulot à faire, comme expliquer la différence entre tache et tâche) des dernières pluies »
« désintérêt progressif des Républicains » : je ne passe pas que, dans ce contexte, « républicains » prenne une majuscule, sauf si vous parlez des membres du parti Républicain aux États-Unis qui, c’est vrai, ne doivent pas beaucoup s’intéresser aux monuments religieux français
« les affres actuelles de la république »
« La vision de mon ancienne demeure m’assena »
« Je grimpai (et non « grimpais », je pense qu’ici le pasé simple est préférable à l’imparfait) dans une diligence »
« Sa demeure comme la mienne avait été amputée de nombreux étages que les partisans républicains s’étaient octroyés » (c’est marrant, comment on vole un étage ? Est-ce que les républicains y habitent, auquel cas la demeure n’a pas été amputée, mais son propriétaire spolié, ou bien les ont-ils démontés pour les reconstruire, ce qui étonne un peu ?)
« jusqu’à gangrener »

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Message  Sergei Mer 18 Nov 2009 - 14:54

Merci pour ces remarques constructives socque
Merci pour la précision sur tâche et tache qui m'a toujours fait défaut.
Je me doutais que le coup de la demeure passerait moyen. En fait, la demeure était toute entière la propriété de Mikhine à l'origine. Depuis le régime républicain, elle a été divisée en étage qui ont eux-mêmes été attribué à des habitants de la ville, à la façon des immeubles que nous connaissons.
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Message  Sergei Mer 18 Nov 2009 - 14:55

Toutes les fautes que je fais. C'est pas possible.
En étages / attribués
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Message  Invité Mer 18 Nov 2009 - 15:23

Un excellent début, avec deux personnages attachants d'emblée (le narrateur et Mikhine) ; c'est vraiment très bien écrit, d'une écriture généreuse, fluide et simple, j'aime beaucoup et ce n'est pas un mince compliment parce que le récit historique m'attire normalement peu.

Une réserve toutefois sur le passage de l'avant-dernier paragraphe au dernier paragraphe, avec la répétition de Rocade très audible, et une transition qui grince de toute façon à mes oreilles, parce que je ne vois pas trop le lien d'une phrase à l'autre ; c'est presque comme si un maillon manquait entre les deux :

je m’empressai de lui faire part de mes premiers ressentiments quant à mon retour à Rocade.

Mais les choses avaient définitivement changé depuis l’indépendance de Rocade.


Par ailleurs, je me disais que pour la cohérence de la rédaction ce serait bien d'utiliser le même temps avec la même structure, surtout ici ou les deux phrases ne sont pas très éloignées l'une de l'autre :

bien qu’elle n’ait rien perdu de sa présence.
bien que notre dernière rencontre remontât à plus d’un an


Finalement, je me demande s'il n'y a pas une faute d'accord ici (socque, qu'en penses-tu ?) :

Sa demeure comme la mienne avait été amputé de nombreux étages que les partisans républicains s’étaient octroyés (?).

(à vérifier.)

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Message  Sergei Mer 18 Nov 2009 - 15:38

C'est très agréable ce que tu me dis là Easter(Island), ça fait très plaisir, d'autant que j'appréhendais quelque peu de poster ce texte qui en soit tout seul ne vaut pas grand chose.

En effet la répétition est très désagréable, je n'y avais pas fait attention. Je ne lis pas assez mes textes à haute voix.

Pour octroyé je ne sais vraiment pas. Je comptais justement sur vos lumières ^^
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Message  Invité Mer 18 Nov 2009 - 15:40

Ben, Sergei, si vous relisez mon commentaire, vous verrez qu'à mon avis il faut effectivement écrire "octroyés" ; les étages que les méchants républicains se sont octroyés.

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Message  Invité Mer 18 Nov 2009 - 15:41

Oups, socque, je n'avais pas vu ! Merci !!

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Message  Sergei Mer 18 Nov 2009 - 15:43

Oups, pardonnez-moi socque, j'ai raté le petit "s"en gras.
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Message  Roz-gingembre Mer 18 Nov 2009 - 17:11

Faut-il avoir peur du communisme?
Je blague bien sûr, même si je me souviens avoir lu de telles scènes dans les romans de Troyat que je dévorais jeunette.
Sur le style je le trouve un peu empesé mais pourquoi pas après tout.
A lire la suite donc.
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Message  Sergei Dim 6 Déc 2009 - 20:34

Bonsoir.

Je vous présente la suite de cette petite nouvelle.

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Quelques jours passèrent avant qu’une lettre de bon augure ne me parvint. Le style empesé et le flegme du poignet me renseignèrent bien vite sur le destinateur. Il n’était autre qu’Herman Brauher, ancien général, mais surtout très vieil ami de mon défunt père. La nouvelle était de taille.
Le vieil homme fatigué, s’étant depuis longtemps retiré dans son domaine d’Arcadie, ne m’avait pas rendu visite depuis près de quinze ans. J’étais très jeune encore en cette époque, c’est pourquoi le souvenir que je conservais de cet homme restait relativement nébuleux. Mais je n’allais pas tarder à redécouvrir la splendeur de ce charismatique vieillard qui prévoyait de me rendre visite très prochainement.

Aussi cette nouvelle raviva ma joie de vivre alors engourdie. La perspective de m’entretenir avec ce mastodonte militaire, ce fervent défenseur de la monarchie, m’enchantait considérablement. Ce serait l’occasion de déterrer un passé trop longtemps enfoui, que je n’avais pu partager avec personne, même pas avec Mikhine que les tourments de la république avaient corrompu.

Comme pour mieux apprécier ce futur instant de bonheur intense, je me replongeai dans l’histoire du pays, dans les conquêtes de la monarchie, appréciant les victoires militaires et les faits d’armes d’un certain Herman Brauher. Ces pages jaunies et décharnées, qui singeaient l’ancienneté à la perfection – seule ma négligence était en fait en cause – frôlaient mes doigts trop pressés, brûlaient mes yeux trop avides de conquérir le savoir comme Brauher avait conquis l’Arcadie.

Je m’appliquais également à faire de mon domaine un lieu chaleureux et hospitalier. Les serviteurs étaient gagnés eux aussi par l’euphorie que j’exhalais généreusement. Avec zèle, ils polissaient les poignets et les miroirs, reprenaient les tapis et les fourrures, enfin, frottaient les armes et les blasons. Le manoir reprenait sa fougue perdue, et, juché sur la colline de l’Essoir comme un conquérant, le front ouvert et le torse bombé, il scrutait l’horizon avec plus de bienveillance qu’il ne l’avait jamais fait. Au loin, le village d’Essoir lui répondait de mille signaux scintillants.

Un soir enfin une lumière se détacha du village. Elle avança prudemment sur le chemin cahoteux qui menait au domaine. Dans l’ombre, une silhouette équestre se détacha, puis celle d’un homme enveloppé, puis sous l’homme enveloppé les contours d’un fiacre tremblant. L’air de la nuit était lourd, le silence pesant, et le crissement rouillé de la ferraille annonçait lui-même au silence le retour des tambours militaires. La voiture avait désormais traversé le jardin du domaine, et, lentement, affronté la pente qui grimpait la colline, avant de s’arrêter devant la porte du manoir. Le cheval hennit, le cocher s’essuya le front, la porte du fiacre grinça. Un homme réduit, emmitouflé dans ses fourrures blanches, sauta du marchepied. Un homme réduit.

Herman Brauher n’était pas la figure imposante retranscrite dans mes livres. C’est ce que je me suis lamentablement dit lorsque je l’ai rencontré ce soir-là. Mais j’avais tort. Herman Brauher était cet homme chétif et diminué. Il était Herman Brauher. Pendant qu’il admirait les tentures du hall, je couru dans la bibliothèque. Les mêmes ouvrages jaunis n’affichaient aucune photo, aucune description du personnage. Mon espoir avait inexorablement imprimé les pages de mes souhaits, de mes attentes. Entre les lettres et les lignes s’étaient dessinés les contours imposants d’un homme de guerre debout face au combat, le visage fouetté par le vent et l’armure luisant sous les rayons lunaires. Pourtant il n’y avait rien d’autre dans cet ouvrage que des dates froides, une neutralité corrosive, une distance irritante.
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Message  Invité Dim 6 Déc 2009 - 21:56

Une écriture dont la raideur convient fort bien au sujet... J'attends la suite, l'histoire m'intéresse.

Mes remarques :
« Quelques jours passèrent avant qu’une lettre de bon augure ne me parvînt »
« le destinateur » : l’expéditeur, non ?
« je courus dans la bibliothèque »

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Message  Lucy Lun 7 Déc 2009 - 1:13

J'admire cette plume, on te sent ( vous ? ) à l'aise dans ce registre.
J'ai particulièrement aimé cette dernière partie, relatant la désillusion du narrateur. Bien amenée et bien vue !
Je guette la suite.
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Message  Sahkti Sam 17 Avr 2010 - 10:11

On te sent à l'aise dans ce registre, l'écriture se fait ample et maîtrisée, tout en conservant une certaine rigueur bienvenue pour dépeindre lieux et personnages. Des personnages qui me paraissent intéressants dès leur apparition, tout comme l'intrigue du récit. Tu réussis à intriguer, à créer une certaine tension tout en plantant habilement le décor.
De surcroît, tu déposes de ci de là quelques détails, mais pas trop, qui permettent de donner à l'ensemble une bonne configuration; c'est visuel.
Ça donne évidemment envie de connaître la suite de l'histoire, au-delà de ces deux morceaux proposés.
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