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Exo roman : De ta voix ne laisse que le silence antérieur

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Message  Lucy Jeu 26 Nov 2009 - 3:51

« Beauté noire, je t’aime tant »

Mojo pin, J. Buckley


1.



J’ai pris le train. Pour Paris. Je ne savais pas où aller alors j’ai dit Paris. L’homme du guichet voulait que je lui donne une destination. J’ai failli annoncer la couleur. Envoyez-moi sur la lune ! Mais je ne pense pas qu’il aurait apprécié. Donc, ce sera Paris. J’ai trente-six euros en poche. Trente-six euros plus vingt francs. Je ne sais pas pourquoi j’ai pris ce vieux billet, il ne me servira à rien. Je me suis seulement dit qu’il devait en avoir marre de traîner au fond de sa tirelire en fer. Il est comme moi après tout, on l’a condamné. On lui a fait comprendre qu’il était inutile. Pas la peine d’insister, on passe à l’euro. Toi, c’est du passé. J’ai trouvé ce billet ou plutôt, je l’ai gagné avant la fin du franc ; alors je me suis dit que je ne le dépenserai pas, que je le garderai. Oui, je l’ai gardé. Je me souviens de mes copains de l’époque qui me rabâchaient que j’étais conne. L’argent, ça se garde pas, ça se dépense ! Moi, ce billet je l’ai gardé ; eux, par contre, je les ai perdus. Comme quoi !



Saint-Lazarre. Terminus. Tout le monde descend ! Ça n’a pas été long mais j’ai failli m’endormir. Je ne sais pas par où commencer. C’est toujours comme ça, à Paris. Je prends l’air décidé de celle qui sait où elle va, pourtant je n’en sais vraiment rien. Je patiente deux minutes au premier arrêt de bus venu, puis me ravise. J’échoue dans le métro et me laisse porter. En passant, j’entends une fille tout de noir vêtue brailler « La Complainte de la butte » armée d’un accordéon, ses notes s’accrochent à mes pas :

La lune trop blême
Pose un diadème
Sur tes cheveux roux
La lune trop rousse
De gloire éclabousse
Ton jupon plein de trous

La lune trop pâle
Caresse l'opale
De tes yeux blasés…


Ça pour être blasés mes yeux, ils le sont et c’est d’ailleurs pour cette raison que je les emmène faire un tour dans la capitale, histoire qu’ils en prennent plein la vue.



Station « La Chapelle ». Je débarque. J’adore ce coin. C’est le quartier indien. La première fois que je suis venue là, il faisait un de ces froids ! J’étais avec une amie. Nous avons fait une boutique sur deux pour nous régaler de nouvelles découvertes autant que pour nous réchauffer. Tout ce que j’ai acheté ce jour-là avait un parfum d’encens, sauf mon sari. Le plus drôle, dans cet achat, a été le retour à la maison avec essayages. Pas facile quand on a deux mains gauches de mettre ça, d’autant plus quand on n’a pas la classe indienne. Ça ne s’apprend pas. On naît avec ou on naît sans. C’est une des rares choses qui ne s’apprennent pas, mais rien ne nous empêche de rêver. Je descends la rue du Faubourg Saint-Denis en direction d’une boutique où ils vendent de délicieux loukoums. Je n’ai pas trop la nausée aujourd’hui, alors je vais essayer d’en profiter.



Une heure plus tard, j’ai changé de coin. J’ai eu le temps de dévorer deux succulents loukoums à la fraise avant de me répandre sur le trottoir le plus proche. Deux gars se sont payé ma tête. Je suis partie un peu voûtée au début, puis j’ai réussi à m’enfuir, à prendre mes jambes à mon cou comme on dit. Bref, j’ai foutu le camp. Plus loin, je me suis engouffrée dans le métro le plus proche et je suis descendue dès que possible. « Châtelet les Halles » : j’aurais pu mieux tomber. Je décide de continuer à pied d’autant plus que la nausée guette. Pas deux fois dans la même journée ! Je m’aperçois que je tiens toujours ma boîte de douceurs dans la main gauche. Prêtes à être dévorées ? Tu parles ! Je les pose quelque part. J’ai horreur du gâchis, mais je sais que personne n’en voudra. Alors je les pose, là.
La marche me fait beaucoup de bien, même si la fatigue prend le pas sur ma bonne humeur. Il n’y a pas de vent, aujourd’hui ; c’est le début du printemps et il fait relativement doux. J’en profite. Une guitare électrique hurle dans le sac que je tiens en bandoulière. Maman ! C’est sa mélodie dédiée, je ne l’ai jamais autant entendue que ces derniers temps. Elle a peur pour moi. Toujours ! Elle a peur qu’il m’arrive quelque chose alors qu’elle n’est pas là. Je regarde l’heure à l’écran du téléphone portable, je ne mets jamais de montre. Il est près de midi. Elle rentre déjeuner à la maison à onze heures trente. Je suis en retard. Ne pas me trouver là où elle s’y attendait a dû la paniquer. J’ai pris la voiture pour me rendre à la gare. Elle ne veut plus que je conduise. Je fais souvent des malaises. C’est dangereux, dit-elle. Pourtant, je conduis. J’ignore le message et fourre le téléphone au fond de ma poche. J’appellerai tout à l’heure. Pas dans la rue.



Quand je raccroche, je suis démoralisée. Le mardi n’a jamais été mon jour et, en ce moment, c’est tous les jours mardi. Je suis à Paris ! Mais où ai-je la tête ? Et ça continue ! J’aurais mieux fait de mentir comme j’en avais tout d’abord eu l’intention. Elle va se soucier tout l’après-midi et moi je vais en entendre parler toute la soirée. Charmant ! Je décide de sauter le repas ; vu le résultat avec les loukoums et mes crampes d’estomac, je me dis que c’est décidément plus sage de renoncer à mes somen. J’aurais sûrement d’autres occasions de manger japonais. Je vais vers la Seine, admirer la Conciergerie. Je passerai le reste de l’après-midi sur l’île de la Cité. J’évite la cathédrale, aujourd’hui. Ça ferait trop fin de course.



Je regarde ses feuilles Elle est toute petite, encore. La femme qui la vendait m’a assuré qu’elle prospérerait si elle mangeait à sa faim. À moi les joies de la chasse aux mouches pour nourrir ma Vénus ! Je n’ai jamais trouvé ça très beau les plantes carnivores, cependant j’ai pensé que c’était un bon moyen de lutter, à ma façon, contre la maladie. C’est un mal qui me ronge et cette chose bouffe ce qu’elle peut. Tout ce qui passe à sa portée, en fait. Tout ce qui passe à sa portée et est trop bête pour se tirer, comme moi. J’ai l’air malin avec mon pot de fleur dans les bras à marcher, comme ça, sur les berges de la Seine. D’ailleurs, elle n’a pas non plus l’air ravi de se trouver là. Il fait un peu frisquet pour elle. Le vent s’est levé et il décoiffe méchamment. Faut croire que la belle saison s’est foutue de nous quand le soleil brillait ce matin ! Je voudrais la rassurer, ma beauté, mais je ne vais quand même pas me mettre à lui parler en public, en plein milieu de la rue. Je traverse un pont, encore un. Il y a un « batobus » qui vogue sous ce pont, alors je m’arrête pour le regarder passer. Ce n’est pas qu’il soit éblouissant mais il est là et je vais profiter du spectacle, rien qu’un peu. Je pose la plante bien en évidence pour qu’elle jouisse de la vue, elle aussi. Il était temps pour elle, parce que je m’évanouis.




La première chose à laquelle je pense en refaisant surface : la plante. Le brouillard m’environne. J’ai les oreilles qui bourdonnent. Mon crâne me fait un de ces mal ! Mal à en hurler. Ma tête est incroyablement lourde. J’ai la nuque broyée. Les migraines me prennent là, toujours. C’est comme si elles cherchaient à me saisir à la gorge, lâchement, par derrière, les traîtres ! Autre chose fait pression dans mon dos et ce n’est pas désagréable. Cela m’empêche de tomber, je le sens. Je commence à distinguer les bruits alentour. La ville ne s’est pas arrêtée de tourner pour moi. C’est comme si des tampons de coton qu’on m’aurait enfoncé dans les tympans commençaient à glisser de mes oreilles. Ce n’est pas trop tôt. Je me raccroche à quelque chose de chaud.
La lumière, aveuglante, est parsemée de taches sombres. Des taches mouvantes. Mes yeux sont humides. Je pleure toujours dans ces moments-là. Pas d’émotion, non ! de douleur. La douleur à l’état pur. Impossible à expliquer, il faut en passer par là pour comprendre. Je ne suis bonne qu’à ressentir les choses, pas à les décrire. De toute façon, la douleur anéantie les facultés mentales, c’est bien connu. L’éclat du jour m’éblouit. C’est lumineux comme le bout du tunnel qui mène à l’autre monde. Qui sait ? Je suis peut-être en train de passer de l’autre côté. La douleur qui me taraude, pourtant, me chante une autre chanson. Je suis coincée là, plongée dans un abîme de souffrance. Ouvre les yeux, bon sang ! Te laisse pas aller, c’est pas le moment. T’es dans la rue. Un peu de dignité !
J’ouvre les paupières pour découvrir un ange de miséricorde. Il faut dire que le soleil lui dessine une belle auréole et que je divague un peu en raison de mon vertige. Je le regarde un peu mieux et je ne vois plus qu’un homme. Vu son air renfrogné, je devine que la douceur et la compassion ne doivent pas faire partie de son vocabulaire. Mon « sauveur » m’aide à me relever sans trop de ménagement. Brisons là pour la miséricorde !
J’aimerais lui parler. Lui sortir un truc du genre : Je suis la fille sur le pont, c’est le remake d’un film. Tu es le héros et je suis l’héroïne. Mais comme j’ai les pieds sur terre, enfin, pour autant que cela soit possible sur un pont, je ne moufte pas. Il fronce les sourcils en me fixant sans mot dire. Je vois dans son regard que l’examen joue en ma défaveur. C’est pas de chance, on est mardi, je suis malade et je ne suis pas née jolie. Il va passer son chemin et, dans deux minutes ou moins, je vais m’effondrer parce que la migraine qui ne me lâche pas est aussi insoutenable que possible. J’ai envie de vomir et mes jambes me portent à peine. Pourtant, il me fait signe de le suivre. J’opine du chef, pas certaine de pouvoir m’exprimer de manière cohérente. Puis, de toute façon, je n’ai même pas entendu le son de sa voix, alors je lui rends la politesse.
Je m’aperçois vaguement que ma compagne végétale a disparu. Plus de plante. La bouche tordue et les paupières gonflées, c’est à travers un rideau de larmes que je suis mon sauveur qui vient de héler un taxi. Il me fait monter à l’arrière, donne une indication au chauffeur avec un peu d’argent, puis claque la portière sur moi, sans un mot. Je ne le quitte pas des yeux. Déjà, il me tourne le dos. La silhouette de l’inconnu se perd dans la foule et, bientôt, je ne vois plus que le pont.
Lasse de me démancher le cou pour tenter d’apercevoir mon lâcheur, je m’enfonce dans le siège arrière bien trop mou de ce véhicule qui m’emporte à travers les rues de la ville et je réfléchis. Si je devais l’écrire, cette histoire, comment je choisirais de commencer ? Je ne touche plus que des pages blanches depuis… Ha ! Ça ne sert à rien. Et le pont s’éloigne, et l’inconnu avec lui. Le pont qui s’éloigne. L’inconnu. Si je devais écrire à nouveau, ce serait :

Tout a commencé sur un pont, à Paris.




Les contraintes ( même si c’est tiré par les cheveux ) : la météo reflétant un état émotionnel / Un arrêt de bus / le personnage habillé en noir / Une lune rousse / Où il est question d'un retard / Une plante verte au choix

Désolée de remettre en ligne un texte qui l’a déjà été, mais c’était ça ou deux pages et demi d’un truc qui tient pas la route.


Puis merci à Grieg pour avoir lancé l'exo ! Merci à Easter pour ses conseils ! Et bon courage aux participants ( et aux relecteurs ! ) ^^
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Message  Invité Jeu 26 Nov 2009 - 6:54

J'aime beaucoup l'idée ! Cela dit, je trouve que le mystère est dévoilé trop tôt, j'ai commencé à comprendre en apprenant que la narratrice avait régulièrement des nausées. Avec le coup de fil de la mère, c'était plié. Le stream of consciousness m'a plu, il est sobre, vif, avec ce qu'il faut d'ellipse dans la description de l'environnement. J'aurai un bémol sur les phrases étonnamment courtes au moment du coup de fil, j'ai trouvé qu'elles brisaient un rythme.
La fin est très bonne, pour moi. Dans l'ensemble, le texte me paraît une réussite.

Mes remarques :
« alors je me suis dit que je ne le dépenserais (un conditionnel opur la concordance des temps : événement futur évoqué dans une anecdote au passé) pas, que je le garderais (idem) »
« J’aurai (et non « j’aurais » ; ici, en revanche, le récit étant au présent, je crois le futur préférable au conditionnel) sûrement d’autres occasions de manger japonais »
« des tampons de coton qu’on m’aurait enfoncés dans les tympans »
« la douleur anéantit les facultés mentales »
« Mais comme j’ai les pieds sur terre, enfin, pour autant que cela soit possible sur un pont, je ne moufte pas. » : très bon !

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Message  Sahkti Jeu 26 Nov 2009 - 9:16

Le début me paraît bon et intéressant dans l'idée que tu as décidé de creuser.

Toutefois, si bémol devait être émis, ce serait peut-être sur l'allure par moments frénétique de la narration, comme si la jeune femme voulait s'assurer d'être totalement comprise et en faisait trop dans ce but.
Par exemple dans cette phrase Il est comme moi après tout, on l’a condamné. On lui a fait comprendre qu’il était inutile. Pas la peine d’insister, on passe à l’euro, tu répètes trois fois la même idée, il y aurait sans doute moyen de ne le faire que deux fois.
Idem plus bas avec Pas facile quand on a deux mains gauches de mettre ça, d’autant plus quand on n’a pas la classe indienne. Ça ne s’apprend pas. On naît avec ou on naît sans. C’est une des rares choses qui ne s’apprennent pas, mais rien ne nous empêche de rêver.

On peut aussi se dire dans les premières phrases que la narratrice va l'emmener quelque part, loin de ses soucis ou de ses rêves et en fait, elle retourne à Paris où elle semble avoir de bonnes habitudes. Il n'y a pas incohérence mais ça relativise tout de même la décision du départ de partir, d'aller quelque part sans savoir où.
Ce serait presque dommage qu'elle retombe ainsi dans des travers connus.

Beaucoup de JE dans ce texte. Tu me diras, c'est normal, c'est elle qui raconte et qui parle d'elle, de ce qu'elle fait, mais justement, un peu trop à mon goût. Ça serait sans doute agréable tant pour le rythme que pour le lecteur de varier la manière de dire les choses, en optant par moments pour des passages marqués par le recul ou l'observation.

Idem pour ses explications sur la nausée, sur la douleur... elle le vit, elle l'a en elle. Faut-il pour autant qu'elle doivent tout expliquer de A à Z? Je ne le pense pas. Ce n'est pas un documentaire mais une histoire qui se passe avec elle et ses pensées, des réflexions qui sont dans sa tête et non oralement données à quelqu'un. Sans doute conviendrait-il de revoir un peu ces détails et d'en supprimer quelques-uns qui apportent peu. Ou alors de resserrer tout cela de manière à ce qu'en quelques mots, le lecteur puisse comprendre ce qui se passe dans sa tête sans qu'il soit obligé de préciser que la douleur, ça fait mal.


Ces remarques mises à part, j'aime cet univers que tu dépeins et ton histoire s'annonce prometteuse. Tu introduis le personnage central, tu laisses entrevoir certains éléments de sa vie et tu ouvres plusieurs pistes.
J'apprécie ta manière de placer le décor comme élément moteur du récit, pour guider les pas de la fille mais aussi créer un contexte, une toile de fond; c'est important.

Il ne reste plus qu'à attendre la suite ! Je m'en réjouis.
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Message  Invité Jeu 26 Nov 2009 - 14:49

J'ai beaucoup aimé et surtout admiré la façon dont c'est construit.
J'aime aussi le ton, et cette intrication du paysage et des réflexions de la narratrice, la métaphore de la plante carnivore ( ça m'a fait penser au nénuphar de Vian, mais n'en fais pas trop dans ce sens...)
Le personnage muet qui l'aide est intrigant.
J'ai envie de lire la suite.

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Message  conilas Jeu 26 Nov 2009 - 17:03

J'ai beaucoup aimé la première partie, la construction, le style. Beaucoup moins la seconde à partir de son évanouissement et de l'apparition de l'inconnu.
J'aurais aimé que tu développe plus la place de la plante carnivore.

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Message  Rebecca Jeu 26 Nov 2009 - 17:37

Tu m'as embarquée avec ton héroïne.
Je reviendrai prendre de ses nouvelles.
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Message  boc21fr Ven 27 Nov 2009 - 14:41

Lu, apprécié et beaucoup aimé...
Je ne vois pas trop quoi conseiller du coup...
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Message  grieg Sam 28 Nov 2009 - 13:02

J’aime beaucoup ce début, lucy. Beaucoup. C’est vivant, alerte, le personnage est fort.

Pour la forme :

Je dirais que la surabondance d’interjections et d’interrogations, me gêne un peu

J’aurais raccourci la chanson pour n’en laisser que les trois derniers vers

J’aurais eu besoin d’une transition, avant
Je regarde ses feuilles Elle est toute petite, encore. La femme qui la vendait m’a assuré qu’elle prospérerait si elle mangeait à sa faim.
Voilà, j’attends la suite

grieg

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Message  Invité Sam 28 Nov 2009 - 14:17

J'ai oublié de te dire que j'e trouve le titre excellent !

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Message  Kilis Dim 29 Nov 2009 - 16:00

• J’ai pris beaucoup de plaisir à te lire, Lucy.
• J’aime beaucoup le ton du texte, sa légèreté même quand il s’agit d’exprimer des choses désagréables.
• Le personnage qui monologue m’est éminemment sympathique dans sa volonté de poursuivre une vie normale. J’aime bien la distance qu’elle installe dans son attitude envers la maladie. Elle en constate les effets, de façon réaliste sans verser dans le larmoyant ni le nombrilisme.
• J’ai, comme d’autres, noté l’aspect un rien redondant de certains passages.
• « Elle va se soucier tout l’après-midi et moi je vais en entendre parler toute la soirée. » : Je pense que l’emploi du verbe se soucier sans complément d’objet n’est pas correct. Je verrais plutôt : elle va se tracasser ou se faire du souci.
• « Je ne sais pas par où commencer. » : Perso, j’enlèverai ce « pas » qui alourdit.
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Message  Chako Noir Dim 29 Nov 2009 - 21:54

Dans le doute, au regard de ta citation, j'ai lu avec Mojo Pin en fond sonore. Si y en a qui veulent :
https://www.dailymotion.com/video/x4pbr6_jeff-buckley-mojo-pin_music
J'ai eu un peu peur de tomber en même temps que la narratrice, mais ce sauveur providentiel a rattrapé ma lecture pour me donner envie de lire la suite, quand elle sera là. Et puis ce personnage est attachant : raison de plus.
Quant au titre, il est absolument fabuleux.
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Message  bertrand-môgendre Lun 30 Nov 2009 - 14:23

Une vie qui s'installe, s'ébroue, se remue.
Je les pose quelque part. J’ai horreur du gâchis, mais je sais que personne n’en voudra. Alors je les pose, là. La suite dans l'action me semble brouillée.
Attendons de voir.
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Message  Lucy Sam 12 Déc 2009 - 23:49

Le titre est tiré d’un poème du poète Portugais, Fernando Pessoa. J’aurais dû le noter avant le premier chapitre.

« Il ne faut pas pleurer, je pars
mais je reviendrai »
Good bye, je reviendrai, Christophe




2.




Essoufflée, elle arrive sur le palier du second étage. Plus que quelques pas et elle sera dans l’appartement. Décidément, elle ne s’habituera jamais, songe-t-elle en franchissant le seuil. Pourtant, tout a été refait du sol au plafond. Elle traverse le long corridor pour aller déposer ses clefs sur le petit crochet vissé au range-courrier, pendu au mur de la cuisine. Au passage, elle remarque les factures impayées. Plus tard, songe-t-elle. Elle ne peut contenir sa nervosité, mais il n’y a rien qu’elle puisse faire sinon attendre. Pour tromper l’ennui, elle se prépare un thé, attrape un magazine féminin quelconque et s’installe sur l’une des chaises de la minuscule arrière-cuisine. Elle commence à faire tourner, sans vraiment les regarder, les pages de papier glacé. Au fil du temps, l’inquiétude guette. Il est déjà dix-huit heures, bon sang ! Elle fait un bond et maudit en silence la sonnerie stridente de l’interphone qui a tout du son caverneux d’une corne de brume. À croire que la société chargée des logements souhaite provoquer des crises cardiaques chez les locataires ! Elle se lève en tremblant. Elle ne sait pas pourquoi, mais elle n’aime pas ça.



La femme n’a pas voulu entrer dans l’appartement. Michelle ne comprend pas. Elle se souvient vaguement de l’enseignante. Des années, déjà, depuis qu’elle a quitté leur ville pour partir s’installer dans le Sud de la France. « Je devais vous la remettre ce soir. Il fallait que je vienne. Si je m’étais contentée de l’envoyer, peut-être ne l’auriez vous pas lue. » La femme avait, ensuite, remis ses coordonnées à Michelle. Elle voulait savoir. Quand elle avait reçu la lettre, elle avait eu de sérieux doutes. Elle aurait dû vérifier. On n’en serait pas là, aujourd’hui.



La lettre, elle l’a lue et relue, tant et si bien que ses yeux rougis voient trouble. Sous l’abat-jour de la cuisine, debout contre le bahut en pin, elle a déchiffré les mots une première fois. L’appui donné par le petit meuble de bois clair avait été nécessaire pour qu’elle ne tombe pas. Elle revoit la femme lui remettre deux feuilles de papier soigneusement pliées. Elle avait dit avoir été l’institutrice de sa fille en CE2. Une maîtresse à la retraite. Michelle avait pouffé sans savoir pourquoi. La nervosité, sans doute.



Elle lit la lettre à la lumière de la lampe du salon, assise dans le fauteuil de cuir vert tendre où sa fille prenait place quand elle regardait la télé ou lorsqu’elle bouquinait. Finalement, elle lâche prise et pleure pour chasser la poussière dans l’œil qui la titille depuis plusieurs heures, déjà.



« Bonjour, c’est Paul à l’appareil. Je ne suis pas là pour le moment, mais laissez-moi un message et je vous rappellerai dès que possible. »
– Paul ? C’est moi. J’ai reçu un petit mot de notre fille et j’aimerais que tu me dises si tu sais quelque chose à propos de ce voyage à Paris. Il est… 19H20 et je commence à m’inquiéter. Elle n’est toujours pas rentrée et… Enfin, rappelle-moi, s’il te plaît ! Ce soir. J’attendrai.

*
* *


– Vous y êtes.
– J’y suis ?
– Si je vous le dis.
– Je vous entends, mais je ne comprends pas un traître mot de ce que vous me dites.
La chute a eu son petit effet. Depuis ce matin, l’impression de carburer à la caféine ou à un truc moins avouable m’avait presque donné des ailes. Faut croire que quelqu’un les aura plumées. Le chauffeur de taxi soupire. Il doit penser que sa « cliente » est une empotée. Il regarde son compteur, je l’imite. Fiou ! Vingt euros, ça réveille. Calculons…
– Écoutez, ma petite !
Nous y voilà. Ça faisait longtemps qu’on ne m’avait pas servi du « ma petite ».
– Le gars, là, m’a donné cette adresse et assez d’argent pour vous y conduire. Il a jamais été question de vous déposer ailleurs. Alors, si vous pouvez payer pour une autre course je vous emmènerais où vous voudrez, mais pour le moment…
– Et qu’est-ce qui vous permet de penser que je n’ai pas assez d’argent sur moi ?
Le fait que la fille assise à l’arrière du véhicule ne possède pas de sac à main doit y être pour quelque chose. Ce maudit sac ! J’ai dû le perdre en même temps que la plante carnivore.
– Vous en avez ?
Quelques pièces traînent dans le fond de mes poches. Insuffisant.
– Non, je dis à voix basse. Pourtant, j’aurais pu.
– Ouais ! En tout cas, voilà votre monnaie moins le pourboire.
– Carrément ! Vous ne vous embêtez pas, vous. Le pourboire. Depuis quand c’est une obligation d’en donner ?
– Et depuis quand c’est votre fric ?
Joues écarlates. Il a raison. Il a encore raison, et c’est très énervant. Quel toupet il a, quand même !
– Allez, vous devriez descendre, maintenant, reprend-il sur un ton qui se veut paternaliste.
Oui, je m’en vais. Pas le choix. Machinalement, je récupère la monnaie et claque la portière de la voiture. La honte ! Cette pièce or et argent qui brille d’un éclat sombre dans le creux de ma paume, c’est celle de ce type sur le pont. Ce n’est pas correct. Marcher aurait mieux valu. Dépendre de la générosité des autres me donne mal au ventre. Il s’agirait de se prendre en mains, ma petite. Côté face, l’ange avec sa flamme Olympique et sa bonne tête de vainqueur doit avoir l’habitude, lui, de se débrouiller tout seul. Attends un peu…
– Bon sang, c’est pas vrai ce bonhomme !
Il m’a refilé une pièce de dix francs. Malhonnête ! C’est vrai que c’est pas mon argent, mais quand même. Faisons un bref tour d’horizon. Un nom de rue, ce serait déjà un bon début. C’est quoi cet endroit devant lequel s’est arrêté le taxi ? Un hôtel, peut-être… Il commence à se faire tard, une fille qui tombe dans les vaps doit avoir besoin de dormir, c’est ce que mon sauveur a dû se dire. L’idée est rigolote. Pourtant, c’est pas tout ça, il va falloir songer à rentrer et sans le billet de retour resté dans ma besace. Frauder ? Pas le choix, encore une fois. En attendant, appeler maman me paraît la meilleure des choses à faire. Au fond, ils doivent avoir un téléphone à l’intérieur. Si je paye la communication, ça devrait le faire. J’entre. Le hall d’entrée est minuscule et un peu vieillot. Deux fauteuils dépareillés traînent autour d’une minuscule table sans âge. Des reproductions de Doisneau, encadrées dans des sous-verres bon marché, pendent de guingois sur un mur jaune citron. Des escaliers se profilent à main gauche, ses marches de traviole promettent un casse-gueule assuré, tandis qu’à main droite, un petit comptoir sur lequel est posée une foule de prospectus, un téléphone et un registre annoncent la réception. Cet endroit est sympa.
– Heu, il y a quelqu’un ?
– C’est pour une réservation ? demande un homme qui débouche de l’escalier pour rejoindre la dite réception.
– En fait, non. J’aimerais passer un coup de fil si c’est possible.
– France ? Étranger ?
– Ici… France, je veux dire. J’ai de quoi payer la communication. Mon sac…, il a disparu. C’est pour ça.
– Volé ?
Je dis oui. C’est ce qui a dû se passer. Un sac et une Vénus attrape-mouche : beau butin pour un voleur désespéré.
– Tenez, dit mon interlocuteur.
Faut croire que c’est ma journée. Le téléphone refuse l’appel. Même pas le temps de taper tous les numéros qu’un message automatique se met en route.
– Excusez-moi…
– Oui, un problème ?
– Bien, est-ce qu’il faut faire un numéro spécial comme le « 0 » pour sortir de la réception ou…
– Vous appelez à l’étranger ?
– Non, j’appelle à Rouen.
– Donnez votre numéro !
Notre tête-à-tête est interrompu par une bande de joyeux drilles qui vient d’arriver. Je m’écarte un peu, laisse le gars faire son boulot. Il dit qu’il en a pour deux minutes et qu’on va régler ça. Pas le temps de réfléchir à ce « régler ça », qu’un tout jeune homme vient vers moi. Il reste planté un moment, un sourire chaleureux plaqué sur le visage. Je m’attends presque à ce qu’il sorte : « On danse ? »
Beszélsz magyarul?
Une invitation à danser aurait mieux valu. Décodeur ?
Gyula-nak hivnak, és téged?
– Gyula!

Merci à l’ami de Dioula. Gentil le garçon, sûrement, à condition de comprendre ce qu’il dit. Mince, il revient à la charge.
Örülök hogy megismerhettelek. Szia!
– Ouais, euh, See you!
Les nouveaux venus s’engouffrent dans l’escalier, nous laissant seuls à nouveau. Le réceptionniste compose un numéro, me tend le récepteur, sonnerie.
– Merci !
Le gars hoche la tête en écrivant un truc dans son bouquin, tout en disant :
– C’est leur premier séjour ici. Ils sont heureux.
– D’où viennent-ils ?
– Budapest.
– Oh ! La Roumanie.
– Non, réplique mon vis-à-vis en souriant. En Hongrie.
Je rougis tandis que Maman ne décroche pas. Une boîte vocale se met en route. Bonjour, c’est Machin-Chose qui vous parle. Il n’est pas là et aimerait que vous lui laissiez un message afin de pouvoir vous rappeler. Et je lui dis quoi, moi, à Machin-Chose ? Je le connais même pas, pour commencer. Et pour finir, je tourne le téléphone vers moi, compose, me décompose, même truc que précédemment. J’essaie un autre numéro sous l’œil interrogateur et l’air vaguement impatient de mon vis-à-vis : même ritournelle. C’est juste pas drôle. Je lâche l’affaire.
– Désolé, petite !
– De quoi ? De m’avoir appelé « petite » ?
Il soupire, prend le ton paternaliste du chauffeur de taxi malgré ses vingt-deux, vingt-trois ans tout mouillés. Je lui collerais volontiers une baffe.
– Écoutez, je veux bien vous aider, mais je peux pas faire l’impossible.
– Je comprends.
Oui, ça je comprends même si je n’en ai pas l’air. C’est pas sa faute. Alors, pourquoi je lui en veux autant ? Je lui tends une pièce de deux. Il me dit que ce n’est pas la peine, qu’on n’a pas réussi à rejoindre le destinataire. La destinataire, je corrige mentalement. Il demande, ensuite, de quel pays elle vient, cette pièce. Une Allemande, je ne pense en jetant un coup d’œil au calendrier accroché sur le mur, derrière le comptoir. Je souris.
– Dites, il est un peu passé de date, votre truc.
Le gars se retourne, regarde le calendrier, me regarde, hausse les épaules.
– C’est Vivi qui change les mois. On est le 2, elle aura oublié.
– Changé de mois ?
Il a le sens de l’humour, y a pas à dire. Pince sans rire, mais drôle. Je sursaute. Un chat noir vient de me passer sous le nez et frotte son museau sur le menton du réceptionniste. Par la porte ouverte, on peut entendre des sirènes d’ambulance. Je porte la main à mon visage : senteur de métal, l’odeur de l’argent qui, comme les M&M’s ne fond pas sur les doigts. La tête me tourne. Le chat, les ambulances, l’odeur métallique du sang…
– Vous avez besoin d’une chambre ou pas ?
– Non, il faut que j’attrape un train.
– Si jamais vous changez d’avis.
Un bruit dans l’escalier attire notre attention. Une tête rouge et ébouriffée apparaît bientôt. Une fille supportant quelqu’un. Elle croise mon regard.
– Est-ce que ce serait trop demander un coup de main ?
Le gars de la réception est plus rapide que moi. Il se glisse sous le bras gauche du copain de la nouvelle venue. À deux, ils traînent le moribond jusqu’à l’un des fauteuils du petit hall. Il se réveille et demande à boire. Avisant une fontaine à eau, je vais remplir un gobelet de carton que je tends au type… qui me vomit dessus. La fille ne sait plus où se fourrer. Elle explique qu’il se sentait nauséeux. Essayant d’ignorer l’odeur infecte qui nous enveloppe, je demande :
– Il est malade ?
Là-dessus, la fille et le réceptionniste se mettent à rigoler de concert. J’enlève mon manteau.
– Il a surtout trop picolé. Pas vrai, Thomas ?
– Je me sens mieux, marmonne ce dernier.
– Tu m’étonnes, je lance.
– Thomas, on avait dit pas d’alcool dans les chambres.
– J’ai bu en ville. Suis sorti après le truc du feu de cette nuit. Qu’est-ce que tu veux faire d’autre à deux heures du mat’ ?
– Il faut dire qu’un exercice incendie en pleine nuit, c’est pas l’idéal. T’aurais pas pu faire ça à un autre moment, Jérôme ?
Jérôme dit que les exercices se font durant la nuit car personne n’est présent dans la journée. Il discute un moment avec ses deux clients pendant que je constate l’étendue des dégâts. Pas de fringues de rechange, pas d’argent pour en acheter, comment je fais ? La fille doit se rendre compte de la situation, parce qu’elle me propose de venir dans leur chambre où elle va me passer un change. On va porter les habits souillés dans une laverie toute proche, aux frais de Thomas, et je les récupérerai avant la nuit. Je la suis jusqu’au quatrième étage en trébuchant dans les marches inégales. Les choses ne se déroulent pas comme prévu, et c’est bien comme ça.




Contraintes : • Quelqu'un parle une langue qu'on ne reconnaît pas / • Il est question d’un feu / • On danse./ • Quelqu’un a la nausée
Contraintes supplémentaires : Un chat noir / L'odeur de l'argent / Des sirènes d'ambulance
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Message  Invité Dim 13 Déc 2009 - 8:27

Vraiment intéressant ! Du beau boulot.

Mes remarques :
« peut-être ne l’auriez-vous pas lue »
« si vous pouvez payer pour une autre course je vous emmènerai (et non « emmènerais », la concordance des temps impose ici le futur et non le passé simple) où vous voudrez »
« une fille qui tombe dans les vaps » (il semble que l’expression généralement admise soit plutôt « tomber dans les vapes »)[/b]

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Message  Invité Dim 13 Déc 2009 - 10:47

Des détails anodins mais bien pensés qui posent l'ambiance.

J'ai aussi relevé :

ladite réception (en un mot)

Une Allemande, je ne pense en jetant un coup d’œil au calendrier accroché sur le mur, derrière le comptoir.

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Message  bertrand-môgendre Dim 13 Déc 2009 - 10:52

Relevé :
Chapitre 1 :
... Tout ce que j’ai acheté ce jour-là avait un parfum d’encens, sauf mon sari. Le plus drôle, dans cet achat, a été le retour à la maison avec essayages... Surprenant.

Chapitre 2 :
... En attendant, appeler maman me paraît la meilleure des choses à faire. Au fond, ils doivent avoir un téléphone à l’intérieur... Les deux expressions ne s'accordent pas.
... auriez-vous... 19 h 20... flamme olympique... ladite... pince-sans-rire...
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Message  Rebecca Dim 13 Déc 2009 - 11:02

C'est prenant. Les dialogues sont surprenants de naturel. Les descriptions n'ennuient jamais.
En même temps un mystère plane en permanence. Je suis bien accrochée.
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Message  Kilis Dim 13 Déc 2009 - 11:06

Toujours beaucoup de plaisir à te lire. Tu accroches bien ton lecteur.
J’aime la relation qui s’installe entre les descriptions très réalistes et prosaïques du vécu et cette étrange atmosphère de doute qui s’insinue. Bravo Lucy !
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Message  boc21fr Mar 15 Déc 2009 - 2:12

J'ai bien aimé, avec un petit doute sur ces passages :
Des escaliers se profilent à main gauche, ses marches de traviole promettent un casse-gueule assuré, tandis qu’à main droite,
vingt-trois ans tout mouillés
je ne pense en jetant un coup d’œil au calendrier accroché sur le mur, derrière le comptoir

J'attends donc la suite, n'ayant pas encore de conseil à donner, mais me demandant pourquoi la narratrice est appelée "ma petite" avec insistance...
J'ai ma "petite idée" sur la question toutefois...
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Message  grieg Ven 18 Déc 2009 - 11:14

lu deux fois
apprécié
je prends mon temps pour les commentaires détaillés

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Message  maniak' Dim 20 Déc 2009 - 9:57

Beaucoup aimé la première partie. Un peu plus de mal avec la seconde que j'ai trouvé trop touffue (on va dire ça), trop précipitée. Bien écrite en tous cas.

Je sais, c'est pas très constructif... juste un ressenti.
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Message  Krystelle Dim 20 Déc 2009 - 12:21

J'aime ce personnage que tu parviens à poser en deux chapitres d'une façon à la fois énigmatique et prenante. Cette narratrice est attachante parce qu'on la sent fragile et audacieuse en même temps. Elle nous intrigue et nous donne envie de la suivre.
Néanmoins, la façon dont sont retracées ses pensées, cette manière d'expliquer ses réactions (cf "c’est ce que mon sauveur a dû se dire. L’idée est rigolote. Pourtant, c’est pas tout ça, il va falloir songer à rentrer et sans le billet de retour resté dans ma besace. Frauder ? Pas le choix...") casse le rythme du récit et donne une dimension trop explicite aux réflexions de ton personnage.
Pour le reste, c'est très agréable à lire, les dialogues sont vifs, les décors et tes autres personnages sont plantés de façon sobre, efficace.
Je lirai la suite avec intérêt.

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Message  grieg Lun 21 Déc 2009 - 6:41

la sonnerie stridente de l’interphone qui a tout du son caverneux d’une corne de brume
j’ai un peu de mal à imaginer la stridence caverneuse d’une corne de brume

Joues écarlates. Il a raison. Il a encore raison, et c’est très énervant. Quel toupet il a, quand même !
– Allez, vous devriez descendre, maintenant, reprend-il sur un ton qui se veut paternaliste.
Oui, je m’en vais. Pas le choix. Machinalement, je récupère la monnaie et claque la portière de la voiture. La honte ! Cette pièce or et argent qui brille d’un éclat sombre dans le creux de ma paume, c’est celle de ce type sur le pont. Ce n’est pas correct. Marcher aurait mieux valu. Dépendre de la générosité des autres me donne mal au ventre. Il s’agirait de se prendre en mains, ma petite. Côté face, l’ange avec sa flamme Olympique et sa bonne tête de vainqueur doit avoir l’habitude, lui, de se débrouiller tout seul. Attends un peu…
– Bon sang, c’est pas vrai ce bonhomme !
Il m’a refilé une pièce de dix francs. Malhonnête ! C’est vrai que c’est pas mon argent, mais quand même. Faisons un bref tour d’horizon. Un nom de rue, ce serait déjà un bon début. C’est quoi cet endroit devant lequel s’est arrêté le taxi ?
… comme précédemment, la surabondance d’interjections et d’interrogations me sort du récit

Marcher aurait mieux valu.
cette phrase a un petit côté yoda sympathique

– Est-ce que ce serait trop demandé un coup de main ?
Sinon, toujours un rythme entraînant, un personnage vivant, sympathique, une déambulation intrigante… Je n’ai pu m’empêcher de penser à « clair de femme » de gary, le côté loufoque qui dissimule le drame sous-jacent, peut-être…
Et je suis admiratif devant ton aptitude à provoquer l’empathie, à nous donner si vite ton personnage à aimer.

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Message  abstract Lun 21 Déc 2009 - 19:48

Ça tient la route et l’on a envie de comprendre ce qui se passe, tu es douée pour faire monter le suspens. Je suis donc ton exo avec beaucoup de plaisir. Comme remarque à faire, j’ai parfois l’impression que l’action est décrite de manière trop temporelle (elle fait ça, puis ceci, ensuite cela). Et je me demande comment tu vas tenir sur la longueur, car déjà énormément de choses ont été dites lors de ces deux premiers chapitres. Mais ça c'est une question que je me pose à moi-même également, comment tenir le coup .... J’aime beaucoup l’atmosphère étrange et brumeuse que tu dépeints, on ne sait pas si l’on est dans le réalisme ou si tout va plonger dans le surnaturel ou la science fiction. J’attends donc la suite avec impatience.
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Message  Lucy Lun 18 Jan 2010 - 1:05

J’évite de relire pour la millième fois, sinon il ne sera jamais posté. Des corrections, sur cette histoire, il y en aura. Des remaniements et tout le toutim, mais j’ai besoin d’une autre vision d’ensemble, une fois le tout achevé. Les chapitres 2 et 3 n’existaient pas dans l’autre version et c’est comme écrire quelque chose de nouveau puisque l’histoire ne se ressemble plus, et c’est tant mieux.
Pour les contraintes, j’ai juste suivi les deux proposées par Grieg pour faire un essai et, comme je tiens à mes libertés, je n’ai pas suivi celles qui étaient proposées pour ce chapitre. Désolée !
Les petits trucs tirés de chansons que vous voyez à chaque début de chapitre servent à me retrouver dans mes dossiers ordinateurs éparpillés comme pas vrai. Ce sont des petits plus. Libre au lecteur de les lire ou pas. Le titre est accompagné du nom du ou des interprètes et non de celui du ou des paroliers. C’est un choix raisonné. Je fais référence à cette version plutôt qu’à telle autre. Pour le moment, ce n’est pas important, en tout cas.
Voilà ! En ce qui concerne les commentaires, je les lis avec beaucoup d’attention et en tient compte le plus possible, cela va sans dire. Ne sachant plus où il est bon de leur répondre, étant un peu mêlée avec « le bon endroit », je me dis que ce serait mieux à l’endroit prévu à cet effet, dorénavant.
Et encore merci de vos lectures.




« À qui la faute elle est en avance pour son temps
Et sans retour en arrière pour s'enfuir en avant »
La machine à rattraper le temps, Indochine



3.

L’achat du billet. Deux jours passés. L’embarquement pour la lune. Dis, tu t’en souviens ? Le gars avait vendu toutes ses places, alors tu t’es rabattue sur Paris. C’est agréable de flâner dans la capitale, tu t’es dis. Un bon deal. Pour sûr que t’as fait un bon deal. Imagine… C’est mardi matin. Tu prends le train direction l’île de France. Sors de la gare. T’arrive sur un pont.
– C’est pas ça. Bon sang, réfléchis ma vieille !
Balader. Tu t’es baladée, as fait quelques achats, as gerbé devant témoins. Soupire pas, c’est ce qui s’est passé. Ensuite… Le métro. Non, ça c’était avant. Deuxième métro. La plante ? L’appel ? Oui, l’appel est venu avant la plante. Après ça… Après ça, c’était le pont et le sauvetage. Ne ris pas ! Il t’a quand même aidée. L’argent qu’il a donné pour le taxi t’as permis d’éviter de passer deux nuits à la rue. Il y a eu l’Auberge, le couple avec cette fille sympa et ce mec malade. Le calendrier. Les appels.
– Le chat noir.
Le retour à la case départ : gare Saint Lazarre. Arrête de réfléchir, ma fille ! Tout ce qui compte c’est que t’as nulle part où aller.
– Chez moi, c’est dans neuf ans. Si j’aurais su, j’aurais pas venu, comme disait l’autre.
Bon sang, si j’avais su…

*
* *

– Et t’es sûre de toi. Ça peut pas être un canular ou quelque chose du genre ?
– Non. C’est son écriture. C’est sa façon de s’exprimer. Je suis sûre de moi.
Cela fait presque une heure qu’ils débattent ensemble sur cette lettre. Lui qui aime lire des romans fantastiques, qui croie à tout un tas de trucs invraisemblables, qui n’a absolument pas les pieds sur terre, lui, son ex-mari, ne peut absolument pas imaginer qu’une telle chose puisse se produire : recevoir une lettre datée de juillet 1994, écrite par sa fille de dix-neuf ans ! Puis, quoi encore ?
– La vérité, Paul, c’est que tu n’as jamais cru que ta fille puisse mourir un jour.
– Et alors ? Ça te paraît donc tellement incroyable, hein ?
Il se lève et arpente la pièce de long en large.
– C’est dingue, ça ! Je devrais me résoudre à laisser ma fille crever…
Michelle soupire. Paul n’apprécie pas.
– Oui ! Y a pas d’autre mot : crever ! Je devrais me résigner parce qu’on peut pas faire autrement, c’est ça ? Mais dis-moi, Michelle, tu penses pas qu’on a assez donné de ce côté-là, non ? Un enfant, c’était pas suffisant ?
Michelle le coupe. Elle a horreur des grands discours et des mauvais souvenirs.
– Si tu l’aimais tellement, ta fille, tu viendrais la voir un peu plus souvent !
Paul a un rire amer.
– Si tu l’aimais, comme tu te plais à le dire, tu lui passerais des coups de fil au lieu de laisser ton portable ridicule sur messagerie !
Il lève les bras au ciel en secouant la tête. Ils n’ont jamais eu de scène de ménage du temps de leur mariage. Elle s’y opposait fermement. Elle disait qu’elle refusait d’infliger ça à leur enfant. Le problème c’est que, à force de nier l’évidence, ils s’étaient engagés dans une voie sans issue.
– Si tu l’aimais…
– Bon sang ! Mais tu vas la fermer !
Michelle, surprise par le ton autoritaire et la réplique grossière de son ex-mari, se trouve à court d’argument. Il ne lui a jamais parlé de cette façon. Qu’est-ce qui lui prend ?
– C’est vrai, ça. À t’entendre, je suis le pire des pères. Mais je l’aime. Tu m’entends ? Et je te permets pas d’en douter !
Là-dessus, il se laisse tomber lourdement sur le fauteuil. Il ne va quand même pas se mettre à pleurer... Paul a toujours eu tendance à se comporter comme un enfant. C’est d’une mère dont il a besoin, pas d’une épouse. Michelle se trouve prise au dépourvu. Il est 23h11, très exactement, et son ex-mari est avachi sur le cuir vert chlorophylle de son salon. Elle s’approche de lui, pose une main sur son épaule. Contre toute attente, il jette ses bras autour de sa taille et cale sa tête contre son ventre. Surprise, elle se raidit imperceptiblement. Elle pense à un mauvais film américain, l’une de ces romances sirupeuses qu’elle déteste. C’est une étrange étreinte entre lui, qui aura tout oublié dès qu’il aura franchi le seuil de l’appartement et elle, drapée dans sa froideur et vaguement ennuyée du comportement de cet homme. Elle n’a pas de temps à perdre. Ce qu’elle veut, maintenant, c’est retrouver sa fille. Savoir ce qu’elle est devenue, où elle a trouvé refuge et, surtout, auprès de qui.



24h05. Il est tard, mais elle ne travaille pas demain. Elle achève de se démaquiller. Elle n’a pu se résoudre à le faire avant l’arrivée de Paul. Exposer son visage privé de fard à l’homme qui a partagé sa vie lui semble intolérable. Scrutant ses traits fatigués dans le miroir, elle constate, amère, que l’examen ne joue pas en sa faveur. Les pates d’oies et les rides striant son front, elle tolère, par contre celles qui ornent sa lèvre supérieure, elle ne les digère pas. Si au moins elle avait été fumeuse, ça l’aurait consolée. Quant aux rougeurs au niveau du nez et des joues, elles ont tendance à la mettre en rogne. Rosacée, lui avait sorti le dermatologue.
– De l’acné à mon âge, on aura tout vu.
D’un geste rageur, elle retire le bandeau qu’elle utilise pour retenir ses cheveux en arrière lors des soins de peau quotidiens. Elle remet en place ses mèches aplaties de quelques vigoureux coups de peigne, en constatant qu’ils auraient bien besoin d’une couleur. Renonçant à prendre une douche pour ne pas ennuyer les voisins, elle remplit l’évier de la salle de bain et procède à ses ablutions. Souriant à son reflet dans la glace, elle se dit que, quand même, sa poitrine est pas si mal que ça pour ses presque cinquante ans.

*
* *

Il n’arrive pas à dormir. Il se dit qu’il s’est conduit comme un beau fumier. Il ne vaut pas mieux que lui, au bout du compte. Jetant un regard mauvais au paquet de JPS qui traîne sur le plancher, il décide de s’en griller une.
– T’es réveillé ?
– Ouais. J’ai besoin d’une cigarette. C’est okay ?
– Oui, si tu m’en donnes une.
La jolie brune se redresse, pose un cendrier entre eux sur le lit, prend la clope qu’il lui tend tout en souriant. Elle a un beau sourire, dommage qu’il ne parvienne pas à se rappeler de son nom. Elle s’est montrée plutôt intéressée et entreprenante. Il sourit en repensant à la nuit qu’ils ont passée tous les deux. Elle est musicienne et plutôt talentueuse. Autant dire qu’ils sont sur la même longueur d’ondes.
– C’était super, hier.
– Merci.
– Le concert, je veux dire.
Il se marre. Elle aussi. Elle a le sens de l’humour, c’est plutôt bien.
– L’after était pas mal, non plus.
Il acquiesce. Il fume tranquillement en s’appuyant contre l’oreiller. Il va passer chez Marc avant de rentrer, ils doivent absolument parler de cette nouvelle chanson. Il espère qu’il sera chez lui. Rien ne presse, il bosse seulement en début d’après-midi.
– Est-ce que tu vas rester ?
Il fait signe que non. La fille veut lui demander quelque chose et elle ne sait pas comment s’y prendre. Il le sent, alors il attend. Elle se lance en recrachant la fumée de sa blonde.
– Ton groupe, ça fait longtemps que t’en fais partie ?
– Huit mois. Ils avaient besoin d’un guitariste. Marc a proposé que ce soit moi.
Elle se couche sur le ventre, dos exhibé, tête reposant sur ses bras. Son regard se perd dans les draps.
– Rien de définitif, alors ?
Il fronce les sourcils.
– Tu pourrais quitter le groupe, si…
Il rit, se débarrasse du mégot de sa cigarette, se lève. Il doit trouver ses fringues.
– Attends ! T’es pas sans savoir qu’on rentre en studio dans quelques semaines. Notre guitariste est pas mauvais, mais les gars de la Major disent que ce serait une bonne idée si…
– Passez une annonce. Vous trouverez.
– On veut ce qu’il y a de mieux. Et c’est toi.
Il la regarde dans les yeux. Pour un peu, il y croirait. Seulement la musique de ce band et la sienne n’ont rien en commun. Il enfile son jean et son T-shirt avant de partir en quête de ses chaussures.
– Vous trouverez, se contente-t-il de répéter.
Il s’approche du lit pour un dernier baiser. Elle se détourne. Il prend son blouson et s’apprête à quitter l’appartement.
– Penses-y, entend-il en laissant la porte se refermer derrière lui.



Il est plutôt énervé. Il pensait trouver Marc chez lui, mais non ! Jamais là quand on a besoin de lui ! Il s’en veut d’être aussi remonté, pourtant rien ne va comme il le veut et cela le met en rage.
– Ça n’annonce rien de bon !
Il sent que quelque chose est sur le point d’arriver et il n’aime pas ça. Les bonnes surprises il ne connaît pas et il a eu son lot d’emmerdes, déjà.



Il en était sûr, il s’est planté de route à force de ruminer ses idées noires. Il n’a plus qu’à trouver la station de métro pour pouvoir rentrer chez lui. Si sa mémoire est bonne, c’est par là.



C’est elle ! Malgré les fringues ridicules qu’elle porte, il en mettrait sa main à couper, c’est la fille de l’autre jour. Elle a l’air misérable. Il a envie de savoir comment elle va. Il aurait pas dû la lâcher dans la nature comme il l’avait fait sans vérifier qu’elle était correcte. Qu’est-ce que ça lui coûtait de vérifier ? Après tout, il se sentait un peu responsable de cette gamine.

*
* *

Passer la nuit dans le métro. Trop peu pour moi. Mais alors, où je dois aller ? Les idées se font rares. Les deux nuits dans l’Auberge de Jeunesse aux frais de la princesse Jo, c’était un coup de chance. Sans fric, sans domicile, sans but, c’est le résumé de la situation. Pour faire simple et sans fioriture, disons que je suis dedans jusqu’au cou. Prendre le train en fraude, c’est possible. Pour aller où ?
– Panique pas ! Panique pas !
Le cœur qui cogne un peu trop fort, la migraine, la vue brouillée par les larmes : trop tard. Il faut dire, aussi, qu’elle est pas commune la situation. J’ai les mains qui tremblent et je crève de faim. Les voyages creusent, mais je doute qu’ils forment la jeunesse.
– Qu’est-ce que je vais faire ?
– Tu pourrais, déjà, éviter de parler toute seule.
Je pique mon fard. C’est une habitude de penser à voix haute, mais quand je suis toute seule dans l’habitacle de la voiture, sous la douche ou, accessoirement, dans les toilettes. Lève le nez, ma fille, c’est trop tard pour inventer une explication plausible, alors fais front. Comme je dégage ma tête de mes mains, je visualise bien la situation. Le pantalon trop large et trop long malgré les revers gouttières d’une rare élégance, les bottines rescapées de l’apocalypse et pas du tout adaptées aux fringues que je porte, puis cette horrible veste façon « you’re in the army now », sans oublier le T-shirt jaune. Jo est plus grande et plus charpentée que moi et nos styles ont fusionné de bien étrange façon. Pour faire court, j’ai l’air d’un clown. Le type qui m’a parlé avec son accent bizarre, je vais le regarder bien dans les yeux et lui dire de me foutre la paix.
– Il me semblait bien. C’est tes cheveux, il fait en montrant ma tignasse mal coiffée.
– Oh, je dis d’une voix éteinte.
J’imagine le tableau. Il a suffit de deux jours pour que tout change et s’effondre et merde royalement. Le gars du pont, pas impressionné, s’assoit à côté de moi. Comment il m’a retrouvée ? Je le saurai bien assez tôt. Un métro entre dans la station. D’autres sont entrés, de la même manière, avant lui. J’ai arrêté de les compter.
– Où veux-tu aller ? demande-t-il.
Je dois réfléchir. J’ai soif.
– J’aimerais boire quelque chose.
– Besoin d’un remontant ? argue-t-il, malicieux.
– Non ! C’est juste que j’ai soif, dis-je en baissant les yeux.
Il n’insiste pas. Il m’entraîne sur le quai bondé. Je me fonds dans la masse. On s’engouffre avec les autres passagers dès que les portes s’ouvrent. Je m’accroche où je peux. Il pose sa main juste au-dessus de la mienne. Je me dis, comme ça, que ma main est trop petite pour la sienne. Pour tuer le temps, je revois tout ce que je m’étais imaginé lui faire si l’occasion m’était donnée de le revoir, mais ça me paraît bien loin tout ça. C’était il y a deux jours. Il y a neuf ans. Tuer le temps…
What’s so funny?
Il a raison, qu’est-ce qui peut bien être drôle au point que je me bidonne toute seule dans ces fringues trop grandes, agrippée à la barre métallique du compartiment pour ne pas tomber ? Suivre ce type que je ne connais pas sans me poser la moindre question, ou l’idée d’avoir voyagé si loin pour une somme aussi ridicule.
– Si tu savais comme ça fait du bien, je dis entre deux éclats de rire.
I guess, grommelle-t-il.



Nous ne parlons pas. Je sirote ma menthe à l’eau, lui, son café. Ce silence, s’il vient à s’éterniser, va finir par me tuer à petit feu. Il m’observe. J’évite de croiser son regard. Ai-je l’air d’une folle échappée de l’asile ? Quelles questions peut-il bien se poser sur mon compte ? Moi, j’en ai une, de question.
– Pourquoi es-tu revenu ?
– T’avais besoin de quelqu’un, alors je suis là.
Rien de plus. Pas facile d’engager une conversation dans ces conditions. À vue de nez, je lui donne vingt-quatre, vingt-cinq ans. Comme je ne veux pas le regarder en face, je me focalise sur ses mains. Elles sont abîmées. Il doit avoir un travail plutôt physique. En même temps, ces mains-là sont très fines et toujours en mouvement. On dirait qu’il pianote un clavier. J’ai la quasi certitude que ce gars est un musicien et que c’est bien plus qu’un passe-temps. Pendant que je me pose tout un tas de questions à son sujet, il me sort à brûle-pourpoint :
– Te fais aucune espèce d’illusion ! J’ai pas fait ça pour tes beaux yeux. Je te cruise pas, tu sais.
Je m’arrache un « merci, quand même » un peu forcé. Certains mots font plus plaisir que d’autres, voilà tout. Puis, « crouzer » je ne sais pas ce que ça veut dire, alors je ne peux que le croire. Après avoir quitté le petit bar, je m’apprête à rentrer. À nouveau, l’angoisse m’étreint. Je ne sais pas où je vais bien pouvoir passer la nuit. Pourtant, je dois trouver quelque chose.
– Alors, au revoir et merci pour tout !
Merci pour quoi, d’ailleurs ? Le merveilleux compliment qu’il vient de me faire sur mes « beaux yeux » ? Je n’attends pas sa réponse et tourne les talons.
– Tu vas où là ?
Je montre vaguement une direction bidon. Je ne le sais pas, où je vais, mais plutôt crever que le reconnaître. Il me rejoint sans me laisser le temps de répliquer.
– Viens !
– Où çà ?
– Chez moi ! dit-il sans l’ombre d’un sourire. T’as un plan B ?
Vite, j’essaie de trouver quelque chose d’intelligent qui va lui clouer le bec.
– Non.
Il m’indique la route d’un coup de menton, enfonce ses mains de pianiste dans ses poches, part à grandes enjambées. J’ai rien d’autre à faire, alors je le suis.
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Message  boc21fr Lun 18 Jan 2010 - 1:22

Toujours aussi sympa et un peu énigmatique...
Je ne comprends toutefois pas l'utilité de ce passage dans la narration :

Il n’arrive pas à dormir. Il se dit qu’il s’est conduit comme un beau fumier. Il ne vaut pas mieux que lui, au bout du compte. Jetant un regard mauvais au paquet de JPS qui traîne sur le plancher, il décide de s’en griller une.
– T’es réveillé ?
– Ouais. J’ai besoin d’une cigarette. C’est okay ?
– Oui, si tu m’en donnes une.
La jolie brune se redresse, pose un cendrier entre eux sur le lit, prend la clope qu’il lui tend tout en souriant. Elle a un beau sourire, dommage qu’il ne parvienne pas à se rappeler de son nom. Elle s’est montrée plutôt intéressée et entreprenante. Il sourit en repensant à la nuit qu’ils ont passée tous les deux. Elle est musicienne et plutôt talentueuse. Autant dire qu’ils sont sur la même longueur d’ondes.
– C’était super, hier.
– Merci.
– Le concert, je veux dire.
Il se marre. Elle aussi. Elle a le sens de l’humour, c’est plutôt bien.
– L’after était pas mal, non plus.
Il acquiesce. Il fume tranquillement en s’appuyant contre l’oreiller. Il va passer chez Marc avant de rentrer, ils doivent absolument parler de cette nouvelle chanson. Il espère qu’il sera chez lui. Rien ne presse, il bosse seulement en début d’après-midi.
– Est-ce que tu vas rester ?
Il fait signe que non. La fille veut lui demander quelque chose et elle ne sait pas comment s’y prendre. Il le sent, alors il attend. Elle se lance en recrachant la fumée de sa blonde.
– Ton groupe, ça fait longtemps que t’en fais partie ?
– Huit mois. Ils avaient besoin d’un guitariste. Marc a proposé que ce soit moi.
Elle se couche sur le ventre, dos exhibé, tête reposant sur ses bras. Son regard se perd dans les draps.
– Rien de définitif, alors ?
Il fronce les sourcils.
– Tu pourrais quitter le groupe, si…
Il rit, se débarrasse du mégot de sa cigarette, se lève. Il doit trouver ses fringues.
– Attends ! T’es pas sans savoir qu’on rentre en studio dans quelques semaines. Notre guitariste est pas mauvais, mais les gars de la Major disent que ce serait une bonne idée si…
– Passez une annonce. Vous trouverez.
– On veut ce qu’il y a de mieux. Et c’est toi.
Il la regarde dans les yeux. Pour un peu, il y croirait. Seulement la musique de ce band et la sienne n’ont rien en commun. Il enfile son jean et son T-shirt avant de partir en quête de ses chaussures.
– Vous trouverez, se contente-t-il de répéter.
Il s’approche du lit pour un dernier baiser. Elle se détourne. Il prend son blouson et s’apprête à quitter l’appartement.
– Penses-y, entend-il en laissant la porte se refermer derrière lui.



Il est plutôt énervé. Il pensait trouver Marc chez lui, mais non ! Jamais là quand on a besoin de lui ! Il s’en veut d’être aussi remonté, pourtant rien ne va comme il le veut et cela le met en rage.
– Ça n’annonce rien de bon !
Il sent que quelque chose est sur le point d’arriver et il n’aime pas ça. Les bonnes surprises il ne connaît pas et il a eu son lot d’emmerdes, déjà.



Il en était sûr, il s’est planté de route à force de ruminer ses idées noires. Il n’a plus qu’à trouver la station de métro pour pouvoir rentrer chez lui. Si sa mémoire est bonne, c’est par là.



Pour te parler vrai façon socque "on se fout un peu de savoir quel type de nana l'homme du pont a pu honorer avant de retrouver la piste de la narratrice". J'ajouterais que toute information sur ce personnage, qui ne serait pas connu de la narratrice, nous empêche de nous identifier à elle à chaque fois qu'ils se croisent...
Au plaisir de lire la suite de ton histoire...
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Message  Invité Lun 18 Jan 2010 - 6:59

Les personnages sont très touchants, je trouve, et je m'attache de plus en plus à eux ! Cela dit, je trouve assez invraisemblable de retomber deux jours plus tard, en plein Paris, sur la même personne... par ailleurs, la date de la lettre de la fille aux parents indique-t-elle que cette lettre a été envoyée il y a longtemps ? Je ne crois pas, mais c'est l'impression que ça donne, je trouve.

Mes remarques :
« T’arrives sur un pont »
« L’argent qu’il a donné pour le taxi t’a (et non « t’as ») permis d’éviter »
« Lui qui aime lire des romans fantastiques, qui croit à tout un tas de trucs invraisemblables »
« C’est d’une mère dont il a besoin » : le « d’ » et le « dont » sont redondants, tu as le choix entre « C’est une mère dont il a besoin » ou « C’est d’une mère qu’il a besoin »
« Les pattes d’oies »
« dommage qu’il ne parvienne pas à se rappeler (pas te « te » ici, on se rappelle quelqu’un ou quelque chose) son nom »
« Il aurait pas dû la lâcher dans la nature comme il l’avait fait sans vérifier qu’elle était correcte » : « correcte » dans cet emploi, pour dire que la fille allait assez bien, me paraît curieux
« Il a suffi (et non « suffit ») de deux jours »

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Message  Invité Lun 18 Jan 2010 - 10:00

En fait, mêmes remarques que Boc et socque respectivement : trois points à revoir, on dirait.
Sinon, ça roule, j'aime bien ta façon de lâcher juste quelques bribes d'info pour mettre le puzzle en place, mais pas trop pour continuer à intriguer le lecteur.

Remarque (répétition) :
Souriant à son reflet dans la glace, elle se dit que, quand même, sa poitrine est pas si mal que ça pour ses presque cinquante ans.

*
* *
Il n’arrive pas à dormir. Il se dit qu’il s’est conduit comme un beau fumier.

Aimé le trait d'humour ici (surtout parce que je me reconnais dans le même genre de situation ! )
T’as un plan B ?
Vite, j’essaie de trouver quelque chose d’intelligent qui va lui clouer le bec.
– Non.

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Message  abstract Lun 18 Jan 2010 - 20:20

Je suis toujours, elle me plait bien cette histoire aux confins de l’étrange. Ça va très vite, je me demande comment tu vas tenir la route à cette allure, mais après tout ce n’est pas mon problème, je me laisse conduire.
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Message  Rebecca Lun 18 Jan 2010 - 22:25

intriguée, je suis....dans les deux sens du terme....
j'aime bien...narration bien menée...personnages qu'on a envie de mieux connaitre...
mêmes questions que les collègues (la date de la lettre et la rencontre avec le même type à deux jours de distance)
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Message  grieg Mar 19 Jan 2010 - 11:31

Il ne va quand même pas se mettre à pleurer... Paul a toujours eu tendance à se comporter comme un enfant. C’est d’une mère dont il a besoin, pas d’une épouse.
Trop explicite… J’aurais préféré que tu me le montres, plutôt que michelle me l’affirme


elle se dit que , quand même, sa poitrine est pas si mal que ça pour ses presque cinquante ans.
*
* *


Il n’arrive pas à dormir. Il se dit qu’il s’est conduit comme un beau fumier.
Trop rapprochés, tu pourrais trouver une autre formule


Tes personnages sont forts. Le mec mériterait peut-être un peu plus, pour atteindre le niveau empathique des autres, mais ça fonctionne bien.
L’écriture est sèche, mais inventive, plaisante

Si ce que je pressens est vrai, tu t’engages sur un chemin tortueux, difficile, pour l’instant tu gères, mais ne nous balade pas trop, jouer avec le temps, l’espace, est compliqué, plus tu rajouteras de personnages, d’interventions croisées, plus tu risqueras de nous perdre (d’autant plus que les lectures sont espacées)

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Message  Kilis Mar 19 Jan 2010 - 13:07

Je reste impatiente de connaître la suite même si je me suis sentie par moment quelque peu égarée. Beaucoup de sauts abrupts dans le temps et l'espace, une impression d'éclatement... mais peut-être cette fragmentation du récit est-elle voulue et se justifiera-t-elle par la suite. Je pense aussi que l'écriture se relâche un peu, elle me paraissait plus convaincante au début.
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Message  Lucy Mar 16 Fév 2010 - 20:07

Trois premiers chapitres revus et corrigés. Un jour de retard. Je fais au mieux pour le quatrième.



« Beauté noire, je t’aime tant »
Mojo pin, J. Buckley


1



J’ai pris le train. Pour Paris. L’homme du guichet avait besoin d’une destination. Je ne savais pas où aller, alors j’ai dit Paris. J’ai failli annoncer la couleur : « Envoyez-moi sur la lune ! » Mais je ne pense pas qu’il aurait apprécié. Donc, ce sera Paris. J’ai trente-six euros en poche. Trente-six euros plus vingt francs. Ce vieux bout de papier, il ne me servira sans doute à rien, pourtant il devait en avoir marre de traîner au fond de sa tirelire en fer. J’ai trouvé ce billet ou plutôt l’ai gagné avant la fin du franc ; alors je me suis dit que je ne le dépenserais pas, que je le garderais. Oui, je l’ai gardé. Je me souviens de mes copains de l’époque qui me rabâchaient que j’étais conne. L’argent, ça se garde pas, ça se dépense. Moi, ce billet je l’ai gardé ; eux, par contre, je les ai perdus. Comme quoi !



Saint-Lazare. Terminus. Tout le monde descend ! Ça n’a pas été long, mais j’ai failli m’endormir. Je ne sais par où commencer. C’est toujours comme ça, à Paris. Je prends l’air décidé de celle qui sait où elle va, pourtant je n’en sais vraiment rien. Je patiente deux minutes au premier arrêt de bus venu, me ravise, puis échoue dans le métro et me laisse porter.


Station « La Chapelle ». Je débarque. J’adore ce coin. C’est le quartier indien. La première fois que je suis venue là, il faisait un froid terrible. J’étais avec une amie. Nous avons fait une boutique sur deux pour nous régaler de nouvelles découvertes autant que pour nous réchauffer. Tout ce que j’ai acheté ce jour-là avait un parfum d’encens, sauf mon sari. Quant aux essayages, pas facile quand on a deux mains gauches de mettre ça, d’autant plus quand on n’a pas la classe indienne. C’est une des rares choses qui ne s’apprennent pas, mais rien ne nous empêche de rêver. Je descends la rue du Faubourg Saint-Denis en direction d’une boutique où ils vendent de délicieux loukoums. Je n’ai pas trop la nausée aujourd’hui, alors je vais essayer d’en profiter.


Une heure plus tard, j’ai changé de coin. J’ai eu le temps de dévorer deux succulents loukoums à la fraise avant de me répandre sur le trottoir le plus proche. Deux gars se sont payé ma tête. Je suis partie un peu voûtée au début, puis j’ai réussi à m’enfuir, à prendre mes jambes à mon cou comme on dit. Plus loin, je me suis engouffrée dans le métro le plus proche et suis descendue dès que possible. « Châtelet les Halles » : j’aurais pu mieux tomber. Je décide de continuer à pied d’autant plus que la nausée guette. Pas deux fois dans la même journée ! Je m’aperçois que je tiens toujours ma boîte de douceurs dans la main gauche. Prêtes à être dévorées ? Tu parles ! Je les pose quelque part. J’ai horreur du gâchis. Je sais que personne n’en voudra, alors je les pose, là.


La marche me fait beaucoup de bien. Il n’y a pas de vent, aujourd’hui ; c’est le début du printemps et il fait relativement doux. J’en profite. Une guitare électrique hurle dans ma besace. Maman ! C’est sa mélodie dédiée, je ne l’ai jamais autant entendue que ces derniers temps. Elle a peur pour moi. Toujours ! Elle a peur qu’il m’arrive quelque chose alors qu’elle n’est pas là. Je regarde l’heure à l’écran du téléphone portable, je ne mets jamais de montre. Il est près de midi. Elle rentre déjeuner à la maison à onze heures trente. Je suis en retard. Ne pas me trouver là où elle s’y attendait a dû la paniquer. J’ignore le message et fourre le téléphone au fond de ma poche. J’appellerai tout à l’heure. Pas dans la rue.


Quand je raccroche, je suis démoralisée. Le mardi n’a jamais été mon jour et, en ce moment, c’est tous les jours mardi. Je suis à Paris ! Mais où ai-je la tête ? Et ça continue. J’aurais mieux fait de mentir comme j’en avais tout d’abord eu l’intention. Elle va se faire du souci tout l’après-midi et je vais en entendre parler toute la soirée. Charmant ! Je décide de sauter le repas. Vu le résultat avec les loukoums et mes crampes d’estomac, il est décidément plus sage de renoncer à mes somen. J’aurai sûrement d’autres occasions de manger japonais. Je vais vers la Seine, admirer la Conciergerie. Je passerai le reste de l’après-midi sur l’île de la Cité, en prenant soin toutefois d’éviter la cathédrale. Ça ferait trop fin de course.


Je regarde ses feuilles Elle est toute petite, encore. La femme qui la vendait m’a assuré qu’elle prospérerait si elle avait de l’eau en suffisance et quelques friandises. À moi les joies de la chasse aux mouches pour nourrir ma Vénus ! Je n’ai jamais trouvé ça très beau les plantes carnivores, cependant j’ai aimé l’idée que cette chose bouffe tout ce qui passe à sa portée et est trop bête pour se tirer. Comme moi. J’ai l’air malin avec mon pot de fleur dans les bras à marcher, comme ça, sur les berges de la Seine. D’ailleurs, elle n’a pas l’air ravi de se trouver là, elle non plus. Il fait un peu frisquet pour elle. Le vent s’est levé et il décoiffe méchamment. Faut croire que la belle saison s’est foutue de nous quand le soleil brillait ce matin ! Je voudrais la rassurer, ma beauté, mais je ne vais quand même pas me mettre à lui parler en public, en plein milieu de la rue. Je traverse un pont, encore un. Il y a un « batobus » qui vogue sous ce pont, alors je m’arrête pour le regarder passer. Ce n’est pas qu’il soit éblouissant, mais il est là et je vais profiter du spectacle, rien qu’un peu. Je pose la plante bien en évidence pour qu’elle jouisse de la vue, elle aussi. Il était temps pour elle, parce que je m’évanouis.



La première chose à laquelle je pense en refaisant surface : la plante. Le brouillard m’environne. J’ai les oreilles qui bourdonnent. Mon crâne me fait un de ces mal ! Mal à en hurler. Ma tête est incroyablement lourde. J’ai la nuque broyée. Les migraines me prennent là, toujours. On dirait qu’elles cherchent à me saisir à la gorge, mais par derrière, en traître. Autre chose fait pression dans mon dos et ce n’est pas désagréable. Cela m’empêche de tomber, je le sens. Je commence à distinguer les bruits alentour. La ville ne s’est pas arrêtée de tourner pour moi. C’est comme si je retrouvais peu à peu l’usage de mes sens et ce n’est pas trop tôt. Je me raccroche à quelque chose de chaud.
La lumière, aveuglante, est parsemée de taches sombres. Des taches mouvantes. Mes yeux sont humides. Je pleure toujours dans ces moments-là. Pas d’émotion, non ! de douleur. La douleur à l’état pur. Impossible à expliquer. Je ne suis bonne qu’à ressentir les choses, pas à les décrire. L’éclat du jour m’éblouit. C’est lumineux comme le bout du tunnel qui mène à l’autre monde. Je suis peut-être en train de passer de l’autre côté. La douleur qui me taraude, pourtant, me chante une autre chanson. Je suis coincée là, plongée dans un abîme de souffrance.
J’ouvre les paupières pour découvrir un ange de miséricorde. Il faut dire que le soleil lui dessine une belle auréole et que je divague un peu en raison de mon vertige. Je le regarde mieux et je ne vois plus qu’un homme. Vu son air renfrogné, je devine que la douceur et la compassion ne doivent pas faire partie de son vocabulaire. Mon « sauveur » m’aide à me relever sans trop de ménagement. Brisons là pour la miséricorde !
J’aimerais lui parler. Lui sortir un truc du genre : Je suis la fille sur le pont, c’est le remake d’un film. Tu es le héros et je suis l’héroïne. Mais comme j’ai les pieds sur terre, enfin, pour autant que cela soit possible sur un pont, je ne moufte pas. Il fronce les sourcils en me fixant sans mot dire. Je vois dans son regard que l’examen joue en ma défaveur. C’est pas de chance, on est mardi, je suis malade et je ne suis pas née jolie. Il va passer son chemin et, dans deux minutes ou moins, je vais m’effondrer parce que la migraine qui ne me lâche pas est aussi insoutenable que possible. J’ai envie de vomir et mes jambes me portent à peine. Pourtant, il me fait signe de le suivre. J’opine du chef, pas certaine de pouvoir m’exprimer de manière cohérente. Puis, de toute façon, je n’ai même pas entendu le son de sa voix, alors je lui rends la politesse.
Je m’aperçois vaguement que ma compagne végétale a disparu. Plus de plante. La bouche tordue et les paupières gonflées, c’est à travers un rideau de larmes que je suis mon héros qui vient de héler un taxi. Il me fait monter à l’arrière, donne une indication au chauffeur avec un peu d’argent, puis claque la portière sur moi, sans un mot. Je ne le quitte pas des yeux. Déjà, il me tourne le dos. La silhouette de l’inconnu se perd dans la foule et, bientôt, je ne vois plus que le pont.
Lasse de me démancher le cou pour tenter d’apercevoir mon lâcheur, je m’enfonce dans le siège arrière bien trop mou de ce véhicule qui m’emporte à travers les rues de la ville et je réfléchis. Si je devais l’écrire, cette histoire, comment je choisirais de commencer ? Je ne touche plus que des pages blanches depuis… Ha ! Ça ne sert à rien. Et le pont s’éloigne, et l’inconnu avec lui. Le pont qui s’éloigne. L’inconnu. Si je devais écrire à nouveau, ce serait :

Tout a commencé sur un pont, à Paris
.
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Message  Lucy Mar 16 Fév 2010 - 20:15

2.



Essoufflée, elle arrive sur le palier du second étage. Plus que quelques pas et elle sera dans l’appartement. Décidément, elle ne s’habituera jamais, songe-t-elle en franchissant le seuil. Pourtant, tout a été refait du sol au plafond. Elle traverse le long corridor pour aller déposer ses clefs sur le petit crochet vissé au range-courrier, pendu au mur de la cuisine. Au passage, elle remarque les factures impayées. Plus tard, songe-t-elle. Elle ne peut contenir sa nervosité, mais il n’y a rien qu’elle puisse faire sinon attendre. Pour tromper l’ennui, elle se prépare un thé, attrape un magazine féminin quelconque et s’installe sur l’une des chaises de la minuscule arrière-cuisine. Elle commence à faire tourner, sans vraiment les regarder, les pages de papier glacé. Au fil du temps, l’inquiétude guette. Il est déjà dix-huit heures, bon sang ! Elle fait un bond et maudit en silence la sonnerie stridente de l’interphone qui tient davantage de la corne de brume. À croire que la société chargée des logements souhaite provoquer des crises cardiaques chez les locataires ! Elle se lève en tremblant. Elle ne sait pas pourquoi, mais elle n’aime pas ça.



......« Paris, 3 Juillet 1994… »



La femme n’a pas voulu entrer dans l’appartement. Michelle ne comprend pas. Elle se souvient vaguement de l’enseignante. Des années, déjà, depuis qu’elle a quitté leur ville pour partir s’installer dans le Sud de la France. « Je devais vous la remettre ce soir. Il fallait que je vienne. Si je m’étais contentée de l’envoyer, peut-être ne l’auriez-vous pas lue. » La femme avait, ensuite, remis ses coordonnées à Michelle. Elle voulait savoir. Quand elle avait reçu la lettre, elle avait eu de sérieux doutes. Elle aurait dû vérifier. On n’en serait pas là, aujourd’hui.



......« Je me suis souvenue de votre adresse… »



La lettre, elle l’a lue et relue, tant et si bien que ses yeux rougis voient trouble. Sous l’abat-jour de la cuisine, debout contre le bahut en pin, elle a déchiffré les mots une première fois. L’appui donné par le petit meuble de bois clair avait été nécessaire pour qu’elle ne tombe pas. Elle revoit la femme lui remettre deux feuilles de papier soigneusement pliées. Elle avait dit avoir été l’institutrice de sa fille en CE2. Une maîtresse à la retraite. Michelle avait pouffé sans savoir pourquoi. La nervosité, sans doute.



......« Rue Passepoil. J’avais ris, ce jour-là. J’ai mauvaise mémoire, vous savez. Oui, vous savez. J’étais votre élève, après tout et j’ai bien peu changé. L’enfant esquisse, en quelques coups de crayons, l’adulte à venir. Vous la connaissez, ma petite tête de pinceau usé. Pourtant, rue Passepoil, ça ne s’oublie pas… »



Elle lit la lettre à la lumière de la lampe du salon, assise dans le fauteuil de cuir vert tendre où sa fille prenait place quand elle regardait la télé ou lorsqu’elle bouquinait. Finalement, elle lâche prise et pleure pour chasser la poussière dans l’œil qui la titille depuis plusieurs heures, déjà.



......« Dis à Papa que… »



« Bonjour, c’est Paul à l’appareil. Je ne suis pas là pour le moment, mais laissez-moi un message et je vous rappellerai dès que possible. »
– Paul ? C’est moi. J’ai reçu un petit mot de notre fille et j’aimerais que tu me dises si tu sais quelque chose à propos de ce voyage à Paris. Il est… 19 h 20 et je commence à m’inquiéter. Elle n’est toujours pas rentrée et… Enfin, rappelle-moi, s’il te plaît ! Ce soir. J’attendrai.

*
* *

– Vous y êtes.
– J’y suis ?
– Si je vous le dis.
– Je vous entends, mais je ne comprends pas un traître mot de ce que vous me dites.
La chute a eu son petit effet. Depuis ce matin, l’impression de carburer à la caféine ou à un truc moins avouable m’avait presque donné des ailes. Faut croire que quelqu’un les aura plumées. Le chauffeur de taxi soupire. Il doit penser que sa « cliente » est une empotée. Il regarde son compteur, je l’imite. Fiou ! Vingt euros, ça réveille. Calculons…
– Écoutez, ma petite !
Nous y voilà. Ça faisait longtemps qu’on ne m’avait pas servi du « ma petite ».
– Le gars, là, m’a donné cette adresse et assez d’argent pour vous y conduire. Il a jamais été question de vous déposer ailleurs. Alors, si vous pouvez payer pour une autre course je vous emmènerai où vous voudrez, mais pour le moment…
– Et qu’est-ce qui vous permet de penser que je n’ai pas assez d’argent sur moi ?
Le fait que la fille assise à l’arrière du véhicule ne possède pas de sac à main doit y être pour quelque chose. Ce maudit sac ! J’ai dû le perdre en même temps que la plante carnivore.
– Vous en avez ?
Quelques pièces traînent dans le fond de mes poches. Insuffisant.
– Non, je dis à voix basse. Pourtant, j’aurais pu.
– Ouais ! En tout cas, voilà votre monnaie moins le pourboire.
– Carrément ! Vous ne vous embêtez pas, vous. Le pourboire. Depuis quand c’est une obligation d’en donner ?
– Et depuis quand c’est votre fric ?
Joues écarlates. Il a raison. Il a encore raison, et c’est très énervant.
– Allez, vous devriez descendre, maintenant, reprend-il sur un ton qui se veut paternaliste.
Oui, je m’en vais. Pas le choix. Machinalement, je récupère la monnaie et claque la portière de la voiture. Cette pièce or et argent qui brille d’un éclat sombre dans le creux de ma paume, c’est celle de ce type sur le pont. Ça le fait pas. Dépendre de la générosité des autres me donne mal au ventre. Il s’agirait de se prendre en mains, ma petite. Côté face, l’ange avec sa flamme olympique et sa bonne tête de vainqueur doit avoir l’habitude, lui, de se débrouiller tout seul. Attends un peu…
– Bon sang, c’est pas vrai ce bonhomme !
Il m’a refilé une pièce de dix francs. Malhonnête ! C’est vrai que c’est pas mon argent, mais quand même. Faisons un bref tour d’horizon. Un nom de rue, ce serait déjà un bon début. Le taxi m’a déposé devant un hôtel ou ce qui y ressemble. Il commence à se faire tard, il va falloir songer à rentrer et sans le billet de retour resté dans ma besace. Frauder ? En attendant, appeler maman me paraît la meilleure des choses à faire. Ils doivent avoir un téléphone à l’intérieur. Si je paye la communication, ça devrait marcher.
Le hall d’entrée est minuscule et un peu vieillot. Deux fauteuils dépareillés traînent autour d’une minuscule table sans âge. Des reproductions de Doisneau, encadrées dans des sous-verres bon marché, pendent de guingois sur un mur jaune citron. Des escaliers se profilent à ma gauche, ses marches de traviole promettent un casse-gueule assuré, tandis que sur ma droite, un petit comptoir qu’on devine à peine sous une foule de prospectus, un téléphone et un registre annoncent la réception. Cet endroit est sympa.
– Heu, il y a quelqu’un ?
– C’est pour une réservation ? demande un homme qui débouche de l’escalier pour rejoindre ladite réception.
– En fait, non. J’aimerais passer un coup de fil si c’est possible.
– France ? Étranger ?
– Ici… France, je veux dire. J’ai de quoi payer la communication. Mon sac…, il a disparu. C’est pour ça.
– Volé ?
Je dis oui. C’est ce qui a dû se passer. Un sac et une Vénus attrape-mouche : beau butin pour un voleur désespéré.
– Tenez, dit mon interlocuteur.
Faut croire que c’est ma journée. Le téléphone refuse l’appel. Même pas le temps de taper tous les numéros qu’un message automatique se met en route.
– Excusez-moi…
– Oui, un problème ?
– Bien, est-ce qu’il faut faire un numéro spécial comme le « 0 » pour sortir de la réception ou…
– Vous appelez à l’étranger ?
– Non, j’appelle à Rouen.
– Donnez votre numéro !
Notre tête-à-tête est interrompu par une bande de joyeux drilles qui vient d’arriver. Je m’écarte un peu, laisse le gars faire son boulot. Il dit qu’il en a pour deux minutes et qu’on va régler ça. Pas le temps de réfléchir à ce « régler ça », qu’un tout jeune homme vient vers moi. Il reste planté un moment, un sourire chaleureux plaqué sur le visage. Je m’attends presque à ce qu’il sorte : « On danse ? »
Beszélsz magyarul?
Une invitation à danser aurait mieux valu. Décodeur ?
Gyula-nak hivnak, és téged?
Gyula!
Merci à l’ami de Dioula. Gentil le garçon, sûrement, à condition de comprendre ce qu’il dit. Mince, il revient à la charge.
Örülök hogy megismerhettelek. Szia!
– Ouais, euh, See you!
Les nouveaux venus s’engouffrent dans l’escalier, nous laissant seuls à nouveau. Le réceptionniste compose un numéro, me tend le récepteur, sonnerie.
– Oh, merci !
Le gars hoche la tête en écrivant un truc dans son bouquin, tout en disant :
– C’est leur premier séjour ici. Ils sont heureux.
– D’où viennent-ils ?
– Budapest.
– Oh ! La Roumanie.
– Non, réplique mon vis-à-vis en souriant. En Hongrie.
Je rougis tandis que Maman ne décroche pas. Une boîte vocale se met en route. Bonjour, c’est Machin-Chose qui vous parle. Il n’est pas là et aimerait que vous lui laissiez un message afin de pouvoir vous rappeler. Et je lui dis quoi, moi, à Machin-Chose ? Je le connais même pas, pour commencer. Et pour finir, je tourne le téléphone vers moi, compose, me décompose, même truc que précédemment. J’essaie un autre numéro sous l’œil interrogateur et l’air vaguement impatient de mon vis-à-vis : même ritournelle. C’est juste pas drôle. Je lâche l’affaire.
– Désolé, petite !
– De quoi ? De m’avoir appelé « petite » ?
Il soupire, prend le ton paternaliste du chauffeur de taxi malgré ses vingt-deux, vingt-trois ans tout mouillés. Je lui collerais volontiers une baffe.
– Écoutez, je veux bien vous aider, mais je peux pas faire l’impossible.
– Je comprends.
Oui, ça je comprends même si je n’en ai pas l’air. En dédommagement, je lui tends une pièce de deux. Il me dit que ce n’est pas la peine, qu’on n’a pas réussi à rejoindre le destinataire. La destinataire, je corrige mentalement. Il demande, ensuite, de quel pays elle vient, cette pièce. Une Allemande, je pense en jetant un coup d’œil au calendrier accroché sur le mur, derrière le comptoir. Je souris.
– Dites, il est un peu passé de date, votre truc.
Le gars se retourne, regarde le calendrier, me regarde, hausse les épaules.
– C’est Vivi qui change les mois. On est le 2, elle aura oublié.
– Changé de mois ?
Il a le sens de l’humour, y a pas à dire. Pince-sans-rire, mais drôle. Je sursaute. Un chat noir vient de me passer sous le nez et frotte son museau sur le menton du réceptionniste. Par la porte ouverte, on peut entendre des sirènes d’ambulance. Je porte la main à mon visage : relents de métal. La tête me tourne. Le chat, les ambulances, l’odeur métallique du sang…
– Vous avez besoin d’une chambre ou pas ?
– Non, il faut que j’attrape un train.
– Si jamais vous changez d’avis…
Le gars s’interrompt pour saluer un couple qui descend l’escalier. Encore une langue étrangère. Ils rient fort. Ils s’agitent. Je bascule. Et ils parlent, parlent. Ça résonne dans l’espace, se répercute sur les murs gondolés. Ils me bousculent, s’excusent. Je penche dangereusement. Une main sur mon épaule, je sais pas si c’est Il ou Elle. J’en peux plus. Il faut que je sorte. Là-dessus, la fille et le réceptionniste se mettent à rigoler de concert. Je dois sortir.



Sortir…
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Message  Lucy Mar 16 Fév 2010 - 20:24

3.



C’est un jour nouveau qui commence. Et il fait froid, comme dans toute histoire tragique qui se respecte. Quoique je pencherais pour du tragi-comique, vu que c’est moi l’héroïne. Dans un drame, vous auriez Isabelle Adjani, jeune, sur un scénario de Jean-Baptiste Rossi dit Japrisot qui épouserait un gars dans un village paumé où il fait toujours beau. Un gars nommé Pin Pon. Forcément, un nom pareil, c’est dramatique que pour celui qui le porte. Mais je ne vais pas vous raconter leur histoire, ça a déjà été fait. Au risque de paraître égoïste, je ne parlerai que de moi et de ce jeudi matin sur lequel le soleil se lève péniblement.
Vous dire… Cela fait deux nuits consécutives que je ne dors pas. Il m’a fallu cela pour me rendre compte que ce manteau d’hiver n’en est pas un et que Paris, bah ! c’est pas le paradis, mais pas l’enfer non plus. L’estomac dans les talons, je vagabonde le long des rues. En bonne trouillarde que je suis, je n’ai pas osé prendre le train. J’ai vu des types avec des casquettes et des sacoches qui m’avaient tout l’air d’être des contrôleurs et ça m’a coupé mon envie de monter. Nom ? Adresse ? Date de naissance ? Que des questions auxquelles je ne pourrais plus répondre si je me faisais prendre.
Hier – soit mercredi –, j’ai somnolée dans un parc. Le soleil de midi, en ce début de printemps, offrait quelques promesses des chaleurs à venir. Sommeiller sur un banc, je n’aurais jamais pensé, mais ce n’est pas si désagréable. Les cris et les rires des enfants, les aboiements lointains des chiens, les voix étouffées des gens, formaient une berceuse improvisée. Paris by night, je n’en ai profité que pour ne pas être terrorisée par le fait de me retrouver à marcher seule dans la rue à la nuit tombée. Pour le reste, je vagabonde entre la gare et l’hôtel, explorant ce qui se trouve alentour, n’osant pas me perdre. Encore.
Mercredi, de nuit, c’était moins plaisant. Ce jour qui s’ouvre à moi, j’avoue, j’aimerais ne pas le voir. J’essaie de ne pas penser que j’ai de plus en plus faim.

*
* *

– Et tu es sûre de toi. Ça ne peut pas être un canular ou quelque chose du genre ?
– Non. C’est son écriture. C’est sa façon de s’exprimer. Je suis sûre de moi.
Cela fait presque une heure qu’ils débattent ensemble sur cette lettre. Lui qui aime lire des romans fantastiques, qui croit à tout un tas de trucs invraisemblables, qui n’a absolument pas les pieds sur terre, lui, son ex-mari, ne peut absolument pas imaginer qu’une telle chose puisse se produire : recevoir une lettre datée de juillet 1994, écrite par sa fille de dix-neuf ans ! Puis, quoi encore ?
– La vérité, Paul, c’est que tu n’as jamais cru que ta fille puisse mourir un jour.
– Et alors ? Ça te paraît donc tellement incroyable, hein ?
Il se lève et arpente la pièce de long en large.
– C’est dingue, ça ! Je devrais me résoudre à laisser ma fille crever…
Michelle soupire. Paul n’apprécie pas.
– Oui ! Y a pas d’autre mot : crever ! Je devrais me résigner parce qu’on ne peut pas faire autrement, c’est ça ? Mais dis-moi, Michelle, tu penses pas qu’on a assez donné de ce côté-là, non ? Un enfant, c’était pas suffisant ?
Michelle le coupe. Elle a horreur des grands discours et des mauvais souvenirs.
– Si tu l’aimais tellement, ta fille, tu viendrais la voir un peu plus souvent !
Paul a un rire amer.
– Si tu l’aimais, comme tu te plais à le dire, tu lui passerais des coups de fil au lieu de laisser ton portable ridicule sur messagerie !
Il lève les bras au ciel en secouant la tête. Ils n’ont jamais eu de scène de ménage du temps de leur mariage. Elle s’y opposait fermement. Elle disait qu’elle refusait d’infliger ça à leur enfant. Le problème c’est que, à force de nier l’évidence, ils s’étaient engagés dans une voie sans issue.
– Si tu l’aimais…
– Bon sang ! Mais tu vas la fermer !
Michelle, surprise par le ton autoritaire et la réplique grossière de son ex-mari, se trouve à court d’argument. Il ne lui a jamais parlé de cette façon. Qu’est-ce qui lui prend ?
– C’est vrai, ça. À t’entendre, je suis le pire des pères. Mais je l’aime. Tu m’entends ? Et je ne te permets pas d’en douter !
Là-dessus, il se laisse tomber lourdement sur le fauteuil. Il ne va quand même pas se mettre à pleurer... Venant de Paul, cela n’aurait rien d’étonnant. Michelle se trouve prise au dépourvu. Il est 23 h 11, très exactement, et son ex-mari est avachi sur le cuir vert chlorophylle de son salon. Elle s’approche de lui, pose une main sur son épaule. Contre toute attente, il jette ses bras autour de sa taille et cale sa tête contre son ventre. Surprise, elle se raidit imperceptiblement. Elle pense à un mauvais film américain, l’une de ces romances sirupeuses qu’elle déteste. Elle n’a pas de temps à perdre. Ce qu’elle veut, maintenant, c’est retrouver sa fille. Savoir ce qu’elle est devenue, où elle a trouvé refuge et, surtout, auprès de qui.

*
* *

Quand est-ce que ça a dérapé ? La plante ? L’appel ? Le sauveur improvisé, l’argent qu’il a donné pour le taxi, si seulement je l’avais eu en mains, à ce moment-là. J’aurais su, à ce moment-là. Le calendrier dans l’Auberge de Jeunesse, c’était après. Le gars n’avait pas l’air surpris de l’année, mais du jour. Je devrais y retourner. Il me reste neuf ans pour trouver dans quelle galère je me suis fourrée.
– Neufs ans, bon sang !

*
* *

24h05. Il est tard, mais elle ne travaille pas demain. Elle achève de se démaquiller. Elle n’a pu se résoudre à le faire avant l’arrivée de Paul. Exposer son visage privé de fard à l’homme qui a partagé sa vie lui semble intolérable. Scrutant ses traits fatigués dans le miroir, elle constate, amère, que l’examen ne joue pas en sa faveur. Les pattes d’oies et les rides striant son front, elle tolère, par contre celles qui ornent sa lèvre supérieure, elle ne les digère pas. Si au moins elle avait été fumeuse, ça l’aurait consolée. Quant aux rougeurs au niveau du nez et des joues, elles ont tendance à la mettre en rogne. Rosacée, lui avait sorti le dermatologue.
– De l’acné à mon âge, on aura tout vu.
D’un geste rageur, elle retire le bandeau qu’elle utilise pour retenir ses cheveux en arrière lors des soins de peau quotidiens. Elle remet en place ses mèches aplaties de quelques vigoureux coups de peigne, en constatant qu’ils auraient bien besoin d’une couleur. Renonçant à prendre une douche pour ne pas ennuyer les voisins, elle remplit l’évier de la salle de bain et procède à ses ablutions. Souriant à son reflet dans la glace, elle se dit que, quand même, sa poitrine n’est pas si mal que ça pour ses presque cinquante ans.

*
* *

Encore quelques mètres et j’y suis. J’espère que ce sera quelqu’un d’autre à l’accueil, aujourd’hui. Il va finir par croire à un canular le gars de l’autre jour. J’ai les mains qui tremblent et je crève de faim. Les voyages creusent, mais je doute qu’ils forment la jeunesse. La porte est ouverte, aussi je reste plantée comme une idiote à fixer les fauteuils dépareillés dans le fond du corridor. Les cadres sont toujours plantés de travers. Je pose un pied dans l’entrée, entre au ralenti – la fatigue ? – prends une inspiration et me lance. Un coup d’œil en coulisse me confirme qu’il n’y a personne. Soulagement. J’avance, un peu guindée, vers le comptoir, pose les avant-bras sur les prospectus, m’accroche au rebord comme une noyée à sa branche et tente de distinguer le mois et l’année. 1994, je ne peux pas le louper, il apparaît en rouge et en caractères gras. Au bout d’un moment, je déchiffre péniblement un mois et un jour. J’apprends que nous ne sommes pas Jeudi. Ce que c’est que de voyager dans le temps, on en perd le compte des jours. Le 19 mars 1994 est un samedi. Un bruit de pas me fait sursauter. Dans le mouvement, les prospectus tombent sur le plancher. Fébrile, je les ramasse à la va-vite, les balance en tas près du téléphone et sors précipitamment.
Wait!
Comme si je vais attendre. La voleuse de vent se met à courir malgré ses jambes en coton sans aller bien loin, pour autant. En forme et bien nourri, mon poursuivant n’a aucun mal à me rattraper. Frustrée, je lui fais face.
– Il me semblait bien. C’est tes cheveux, il fait en montrant ma tignasse mal coiffée.
– Oh, je dis d’une voix éteinte.
L’homme du pont demande si je dors là depuis mardi. Je mens. Il n’a pas besoin de savoir. Je demande ce qu’il fait dans le coin. Avec son accent bizarre, il répond qu’il a voulu s’assurer que ça roulait pour moi. Rien que ça. Il essaie de se donner des airs quand il parle, mais il ne trompe que lui. Sa grammaire est bancroche, ses expressions imagées semblent tout droit sorties d’une BD ou d’une série télé. Quant à moi, j’ai l’air de ce que je suis : une paumée qui n’a pas pris de douche depuis deux jours. Je suis tentée de me renifler. Pas devant lui, quand même.
– Tu veux boire quelque chose ? demande-t-il.
Je dois réfléchir. J’ai soif, c’est vrai. Faim, surtout.
– Je mangerais bien un truc, si ça te dérange pas.
Là, je me sens bête. Est-ce que ça s’appelle mendier ? Je pique mon fard, lui demande de laisser tomber, tourne les talons.
– Non, il dit. C’est correct. Café-croissant. C’est ça ?
– C’est ça, je confirme, le cœur à deux doigts du sourire.
Quand on a faim, les sentiments passent par la nourriture.



Le ventre un peu plus plein, les idées presque claires, je le remercie de ses bontés en essayant de ne pas penser à ce qui va suivre. Vivre au jour le jour, dans mon état ce n’est pas conseillé. Pourtant, ça me fait me sentir vivante. Nous avons peu parlé, dans le café. J’étais trop occupée à manger, lui à se taire. J’ai quand même demandé :
– Pourquoi es-tu revenu ?
– T’avais besoin de quelqu’un...
Sa phrase reste en suspens. Il est temps, pour moi, de partir. Je remercie, salue bien poliment, souris pour marquer le coup, pars me perdre près de la gare.
– Tu vas où ?
Je montre vaguement une direction bidon. Je ne le sais pas, où je vais, mais plutôt crever que le reconnaître. Il me rejoint sans me laisser le temps de répliquer.
– Viens !
– Où çà ?
– Chez moi ! dit-il sans l’ombre d’un sourire. Plan B ?
Vite, j’essaie de trouver quelque chose d’intelligent qui va lui clouer le bec.
– Non.
Il m’indique la route d’un coup de menton, enfonce ses mains dans ses poches, part à grandes enjambées. Je n’ai rien d’autre à faire, alors je le suis.



On se retrouve sur un quai bondé, puis on s’engouffre avec d’autres passagers dès que les portes du métro s’ouvrent. Je m’accroche où je peux. Il pose sa main juste au-dessus de la mienne. Je me dis, comme ça, que ma main est trop petite pour la sienne. Je saurai, bien assez tôt, si j’ai eu raison de le suivre.
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Message  Invité Mar 16 Fév 2010 - 21:25

Très agréable de lire trois chapitres d'une traite, cela met bien le récit en place. Vu le changement dans le 3. C'est bien, Lucy, on attend la suite.
Ci-dessous, quelques remarques :

1)
J’étais avec une amie. Nous avons (je mettrais : "nous avions" pour la concordance des temps) fait une boutique sur deux pour nous régaler de nouvelles découvertes autant que pour nous réchauffer.

C’est une des rares choses qui ne s’apprennent pas, mais rien ne nous empêche de rêver. ("rien n'empêche de rêver" ? plus général )

Ça ferait trop fin de course. ? (pas compris dans le contexte)

cependant j’ai aimé l’idée que cette chose bouffe tout ce qui passe à sa portée et est (le son !)trop bête pour se tirer.
Faut croire que la belle saison s’est foutu de nous quand le soleil brillait ce matin !
Autre chose (très bizarre ce "autre chose" comme sujet de la phrase : "il y a /je sens autre chose qui fait/faire pression.." ?) fait pression dans mon dos et ce n’est pas désagréable.

La ville ne s’est pas arrêté de tourner pour moi.
J’opine du chef (superflu, non ?), pas certaine de pouvoir m’exprimer de manière cohérente.

2)
Rue Passepoil. J’avais ri, ce jour-là
L’enfant esquisse, en quelques coups de crayon (un crayon), l’adulte à venir.

Depuis ce matin, l’impression de carburer à la caféine ou à un truc moins avouable m’avait presque donné des ailes. Faut croire que quelqu’un les aura ("avait" pour la concordance des temps ?) plumées.

Il s’agirait de se prendre en main, ma petite.

– Désolé, petite !
– De quoi ? De m’avoir appelée « petite » ?

3
Mais je ne vais pas vous raconter leur histoire, ça a ("ç'a" ?) déjà été fait
Hier – soit mercredi –, j’ai somnolé dans un parc.

Le sauveur improvisé, l’argent qu’il a donné pour le taxi, si seulement je l’avais eu en main, à ce moment-là.

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Message  Kilis Mer 17 Fév 2010 - 11:12

Je viens de lire l'ensemble des chapitres retravaillés. C'est beaucoup mieux.
J'attends la suite bien sûr.
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Message  Invité Sam 20 Fév 2010 - 12:03

Je le remonte non seulement parce que c'est bien mais aussi parce qu'il faut rendre hommage au travail minutieux et de longue haleine que tu apportes à la rédaction de ce roman.

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Message  grieg Sam 20 Fév 2010 - 17:18

je relis ton roman dans la semaine, lucy

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Message  grieg Sam 27 Fév 2010 - 7:13

relu
beau, grand travail de remise en forme
j'aimerais lire la suite, lucy

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