La nuit porte conseil

[noirame]

Bonjour ! J'ai écrit ce texte, et j'ai beau le travailler et le retravailler, je n'arrive pas à le trouver satisfaisant... Auriez-vous des conseils à me donner?



Je regarde le vent jouer doucement dans ses cheveux. Elle est si belle ainsi. Bien plus qu'éveillée, d’ailleurs. Lorsqu’elle ouvre les yeux, elle semble si tourmentée… Alors que là, c’est l’incarnation de la paix intérieure, assise dans cette chaise, les yeux clos, un demi sourire étirant ses lèvres.
Sa tête repose contre le cadran de la fenêtre entrouverte, ses cheveux cascadant sur ses épaules en un flot de boucles ébènes et brillantes, à la fois sauvage et raffiné. Un flot dans lequel je ne peux m’empêcher de passer la main afin de caresser cette matière douce et chaude. Ma main descend le long de son cou, effleure de l’index sa pommette pale. Je m’arrête là et me contente de déposer un long baiser sur sa joue. Je hume une ultime fois son parfum – une fragrance discrète qu’elle a achetée la semaine dernière-, puis m’écarte péniblement. Aussi ardente que sois ma passion à son égard, je ne pourrais jamais rien lui faire sans qu’elle en soit consciente. Je me relève donc, non sans laisser encore un peu mon regard errer le long de ses traits exquis. Elle a un visage fin, presque enfantin, agrémenté parfois de quelques taches de rousseurs en été, quand elle oublie d’appliquer sa crème solaire. Présentement, sa peau n’en comporte aucune. J’émets un soupir douloureux, et me laisse à nouveau absorber dans la contemplation de cette femme dont le cœur ne m’appartiendra jamais. Quel crève cœur…
Puis je me secoue. Il commence à se faire tard. Il faut que je la ramène chez elle. Je passe mon bras derrière son dos, saisi ses jambes et la soulève avec précaution. Là, doucement. Je la dépose à l’arrière de ma Peugeot en veillant à ne pas trop la secouer, puis, une fois installé derrière le volant, prend lentement la direction de sa maison. Lentement, car je ne veux pas aller trop vite. Plus longtemps nous resterons dans cette voiture, moins l’instant fatidique où nous nous retrouveront séparés arrivera vite. Mais le trajet est court, et nous finissons par arriver devant la bâtisse après quelques minutes.
En habitué des lieux, je grimpe les marches de l’escalier, et me rends directement dans sa chambre. Je la couche sur son lit et prends soin de bien remonter la couette jusqu’à son adorable menton. Qui sait, peut-être sa peau froide se réchauffera-t-elle sous toutes ces épaisseurs… Bon d’accord, je sais, c’est idiot d’entretenir de tels espoirs. A force de se bercer de mensonges, on peut devenir fou… Mais c’est plus fort que moi, je n’arrive pas à réaliser. Je suis du bout du doigt la ligne de son menton, puis, après avoir écarté les quelques mèches qui lui assombrissent le front, m’assoie au bord du matelas. Pourquoi ne se relève-t-elle donc pas ? Pourquoi ne rouvre-t-elle pas les yeux, et ne me lance-t-elle pas son habituel regard grave ? Je ferme les yeux et me force à contrôler ma respiration. Il faut que je me calme. Je lutte, sans parvenir à stopper la vague de panique qui m’envahit peu à peu. Elle me submerge, sape les fondations de mon esprit déjà malmené. Mon Dieu, mais qu’est-ce que je vais faire ? Je suis perdu sans elle ! Depuis des années, elle est le centre de mon existence, et là, là, il ne reste plus rien de ce qu’a été ma vie depuis des années… Lentement, je relève le côté du drap et prends sa main fluette, autrefois si soignée. Ses ongles sont à présent rongés jusqu’au sang, et son poignet poisse à cause du liquide vermeil qui le macule. Horrifié, je ne parviens plus détourner le regard du spectacle de cette plaie béante, dont les lèvres forment comme un sourire sardonique se moquant de mon infortune. Quel supplice. Je n’y tiens plus. Je laisse enfin échapper mes larmes et m’écroule sur le corps sans vie de la femme que j’ai chéri plus que de raison, seul, hoquetant, hurlant, dans le silence de la nuit.


Le lendemain apparut un petit entrefilet dans le journal local:
Aujourd’hui a été retrouvé le corps de Julia Mansini, jeune avocate de 25 ans disparue depuis une semaine. Il semblerait que la victime ait été harcelée avant son kidnapping, par un individu qui semblait lui vouer un certain fanatisme. En effet, d’après ses proches, « un homme l’appelait tous les jours et était devenu de plus en plus pressant dans les semaines précédant sa disparition » Ces appels avaient pris une telle tournure que depuis des mois, la jeune femme restait enfermée dans sa maison et ne sortait presque jamais, de peur de rencontrer l’auteur de ces coups de fils anonymes. C’est lors d’une sortie en ville organisée par sa mère pour lui faire « prendre l’air » que le kidnapping s’est produit.
La victime ne semble avoir subi aucune violence physique, et les médecins légistes affirment que la cause du décès semble être un suicide. En ce qui concerne son détracteur, les scientifiques ont déjà retrouvé un bon nombre d’empreintes disséminées à travers toute la maison de la victime, ainsi qu’un cheveu d’homme inconnu à la famille sur le lit de la défunte. Des recherches sont en cours afin d’identifier cet homme.

[Invité]

A mon avis, votre texte souffre à la fois d'un excès d'explicitation (j'ai relevé deux exemples que je vous indique ci-dessous), et d'un manque de description des circonstances : en l'occurrence, je m'explique mal comment une jeune femme prisonnière a pu se tuer sans essayer d'employer son arme contre son ravisseur. Mais, après tout, peut-être l'a-t-elle fait, on n'en sait rien parce que rien n'est dit des circonstances de son enlèvement... Sinon, j'ai bien aimé l'écriture, la voix du narrateur m'a plu.

Mes remarques :
“un demi-sourire” (je crois bien, mais je ne sais pas si le trait d’union est considéré comme “obligatoire”)
“sa pommette pâle”
“Aussi ardente que soit ma passion à son égard” (je trouve ce “à son égard” un peu froid comme expression, pour une passion)
“Quel crève-cœur”
“saisis ses jambes”
“prends lentement la direction de sa maison”
“nous nous retrouverons séparés”
“m’assois”
“la femme que j’ai chérie plus que de raison”
“semblerait que la victime ait été harcelée avant son kidnapping, (je pense qu’il serait préférable ou bien de mettre “avant son kidnapping” entre deux virgules, de créer ainsi une incise complète, ou bien de supprimer celle-ci, parce que cette espèce de demi-incise, selon moi, déséquilibre la phrase) par un individu qui semblait lui vouer un certain fanatisme”
“En ce qui concerne son détracteur” : je pense que le mot “détracteur” est ici mal employé, un détracteur étant quelqu’un qui critique sévèrement, publiquement, une autre personne ou une chose, cf. le TLFi


“Plus longtemps nous resterons dans cette voiture, moins l’instant fatidique où nous nous retrouveront séparés arrivera vite.” : je trouve l’explicitation inutile, la phrase précédente me paraît assez claire
“Le lendemain apparut un petit entrefilet dans le journal local:” : ceci aussi, l’extrait en italique se suffit à lui-même

[Ba]

Que dire ? Cela me rappelle les textes que je produisais du temps d'une jeunesse impuissante qui en profitait pour zigouiller tous les objets de son désir.
Il est vrai qu'à la longue on peut saturer de la femme sacrifiée parce qu'inaccessible. Gautier l'a pas mal traité ce sujet sauf que la morte revenait aimer son amant.
Là visiblement au XXIème siècle il ne lui reste plus que le sac poubelle, le frigo, la décharge publique, la valise fermée au mieux.
Syndrome Chattam ou Grangé ?
Je laisse aux spécialistes le soin de disséquer la prose; je m'en retourne dans le catalogue de Théo pour le thème.

[Invité]

Malgré ses imperfection, j'ai plutôt bien ressenti ce coté poisseux du texte.
L'atmosphère est bien rendue. Reste à repenser un peu l'histoire elle même, selon les indications données par socque. Encourageant.

[Invité]

Ça m'évoque très fort le roman de John Fowles The collector paru en français sous le titre L'obsédé et dont Wyler a fait un film...

contre le cadran de la fenêtre ?

La première partie a une progression dans la découverte de ce dont il s'agit qui est grandement abîmée par le côté explicatif de la 2e
Il vauadrait mieux à mon avis que l'entrefilet du journal fasse seulement état de recherches se poursuivant quant à la disparition de la jeune femme, laissant au lecteur le soin d'additionner 2+2

[conselia]

Que dire de plus ? Ou plutôt comment le dire autrement ?
Plus de précision et de détail dans la mise en scène et moins d’indications quant à la nature du drame. Laissez le lecteur ajouter à ce que vous dîtes, plutôt que le guider, tel un malvoyant, jusqu’à une conclusion logique. Et après tout, quand bien même il n’y parviendrait pas, ou pas à la même que vous, ne serait-ce pas là la liberté que vous lui accordez et qui lui donnera goût pour votre écriture, très agréable par ailleurs ?

Coline Dé a écrit :

Ça m'évoque très fort le roman de John Fowles The collector paru en français sous le titre L'obsédé et dont Wyler a fait un film...

J’en garde un souvenir ému d’adolescent. En effet, c’est de la même veine, mais y manque la victime, qui n’a pas eu le temps de s’exprimer avant que de disparaître.

[Invité]

Je regarde le vent jouer doucement dans ses cheveux. Elle est si belle ainsi. Bien plus qu'éveillée, d’ailleurs. Lorsqu’elle ouvre les yeux, elle semble si tourmentée… Alors que là, c’est l’incarnation de la paix intérieure, assise dans cette chaise, l.[/i]

Je trouve que " d'ailleurs" et "lorsque" si proches, surtout suivis de "alors que" alourdissent ce début

[noirame]

Toutd'abord, merci d'avoir pris le temps de me lire et de me commenter ! Vos remarques m'ont beaucoup aidé à retravailler ce texte !

Il vauadrait mieux à mon avis que l'entrefilet du journal fasse seulement état de recherches se poursuivant quant à la disparition de la jeune femme, laissant au lecteur le soin d'additionner 2+2

Très bonne idée! C'était justement un des aspects qui me dérangeait...

Sinon, je vais aussi éliminer la surbondance de mots de liaisons qui alourdissent le texte... et aussi régler le problème de la seconde partie un peu trop explicite...

[Sahkti]

Je suis partagée car je trouve que le début manque d'intensité pour que la seconde partie soit vraiment utile. Elle est certes là pour éclairer ce qui la précède mais rien à faire, elle a peu de choses à dire vu tout ce qui a déjà été éventé avant qu'elle n'arrive. Pas de conseil précis à donner pour vivifier le début mais je crois qu'il faut être plus concis, plus percutant aussi afin que la tension s'emparer du lecteur, le saisisse à la gorge puis le laisse pantois lorsqu'il découvre l'explication finale.

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