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Chroniques de Zgandar (Une suite à "Marek")

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Arielle
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maniak'
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Message  maniak' Ven 18 Déc 2009 - 11:56

Après une longue interruption et pour une reprise de l'écriture, j'ai eu envie d'écrire une suite à Marek, de donner un peu plus d'épaisseur à Skol... et d'intégrer d'autres personnages à l'histoire.

Donc voila. Je ne sais pas où je vais avec ce texte, je n'ai pas réellement de scénario en tête, mais bon... donc, si vous avez des remarques...

...


Lothar Stasius n’avait pas toujours été un sale type. A une époque on aurait même pu le considérer comme quelqu’un de correct. Correct… Ce n’était déjà pas si mal non ?... Pour un flic.

Bien sûr, même avant cette saleté de guerre, il n’avait pas toujours refusé les cadeaux, les enveloppes. Mais il s’était toujours fixé des limites. En comparaison avec la plupart de ses collègues, à cette époque il faisait presque figure d’enfant de chœur. Depuis, les choses avaient changé.

Du regard il balaya la pièce éclairée uniquement par la lumière du dehors… Les étagères encombrées et poussiéreuses, les monceaux de papiers, froissées et empilés sans soin, le vieux ventilateur fixé au plafond auquel il manquait une pale et qui de toute façon ne fonctionnait plus depuis bien avant le début du conflit…Le grand luxe.

D’un geste las, il attrapa le paquet de brunes sans filtres qui traînait sur le sous-main posé devant lui. Des Stranias, les seules cigarettes qu’on pouvait encore trouver à Zdangar pour un prix abordable et qui n’avaient plus que le nom de commun avec celles qu’il fumait à l’époque. L’usine tournait encore, là-haut, dans le quartier Nord. On récupérait tout le papier qui pouvait l’être un peu partout dans la ville et Lothar n’osait se demander à quoi pouvait bien être mélangé le peu de tabac qui arrivait à entrer dans la ville.

Il aspira pourtant avec délice la fumée acre qu’il expulsa par les narines en se levant.

C’était un homme d’une cinquantaine d’années, de petite taille et au crâne dégarni. Son costume beige et froissé, qu’il portait sur une chemise jaune pâle ouverte sur sa poitrine glabre, était constellé de taches à l’origine douteuse.

Lothar Stasius, l’inspecteur Lothar Stasius, n’avait rien d’une gravure de mode. Même à l’époque de Lella, sa défunte femme, il ne s’était jamais préoccupé réellement de son apparence. Ça avait toujours été elle qui avait pris soin de choisir ses vêtements et de s’en débarrasser quand elle les jugeait trop défraichis. Depuis son décès accidentel, le policier avait repris ses habitudes vestimentaires de célibataire.

Une série d’explosions retentit dans le lointain, probablement du côté de Galesty, à une trentaine de kilomètres à l’est du fleuve. Et puis le silence retomba sur la ville. C’était devenu tellement habituel, tellement courant, qu’il y prêta à peine attention.

De son pas un peu lourd, il traversa le bureau jusqu’à la fenêtre donnant sur l’extérieur et écarta les lames du store vénitien, inspectant la rue déserte à cette heure de couvre-feu. Il frotta ses mains moites sur son pantalon. Il était à la fois impatient de voir arriver Milena et inquiet, comme toujours, à l’idée de la présence de Skol à ses côtés.

Skol. Le sergent Oktav Skol. Responsable de l’intendance du camp de réfugiés de Zilach sous les ordres de cette marionnette de lieutenant Kwals et dont on disait qu’il avait participé aux combats de reconquête des collines de Galesty.

On racontait qu’il avait servi dans les brigades spéciales, avec le fameux sergent Drogan et tout ce que cela pouvait impliquer en termes de réputation.

L’inspecteur tira nerveusement sur sa cigarette en pensant à ce gars, Nikoliz, qu’on avait retrouvé au fond d’une impasse, derrière le Bar Kaliska, le ventre ouvert à la baïonnette du pubis au sternum. Le nom de Skol avait été cité dans cette affaire. Bien sûr, et comme d’habitude, il n’y avait pas eu de suites. Qui pouvait bien se soucier d’une bagarre entre ivrognes ? Personne. Surtout en ces temps troublés et quand la victime était une brute prédestinée à une fin aussi violente.

Skol n’avait pas été inquiété. Il avait simplement été renvoyé au front. Et quand Drogan avait été tué, il l’avait remplacé au pied levé et avec la même sauvagerie.

Stasius avait « enquêté » sur l’affaire Nikoliz. En réalité, il s’était contenté de constater et d’enregistrer le décès du colosse avant de clore le dossier. Une affaire parmi d’autres. Il se souvenait pourtant d’avoir été impressionné par la froideur et la cruauté dont l’assassin avait visiblement fait preuve. L’homme avait été proprement éventré de façon à ce que sa mort soit longue et douloureuse.

Oui, Skol, malgré son jeune âge, lui faisait froid dans le dos.

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Message  Invité Ven 18 Déc 2009 - 12:51

Un début solide ! J'attends la suite.

Mes remarques :
« les monceaux de papiers, froissés (et non « froissées ») et empilés »
« de brunes sans filtres (filtre ?) »
« Il aspira pourtant avec délice délices ?) la fumée âcre »
« quand elle les jugeait trop défraîchis »

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Message  Invité Ven 18 Déc 2009 - 16:38

Grand plaisir à retrouver tes personnages ; ça démarre fort.

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Message  maniak' Lun 21 Déc 2009 - 13:02

Bon, ben... la suite.


Milena Okoliz. C’est son nom.

Dans une autre vie elle a été une femme mariée… Et heureuse.

Avant la guerre, elle vivait avec son époux à Omgrod, à une quinzaine de kilomètres au sud-est de Galesty. Un village paisible qui abritait une importante communauté slakich. Cela ne leur posait aucun problème. Malgré leurs religions différentes, peu de choses les distinguaient les uns des autres finalement. Ils avaient grandi ensembles dans les collines, avaient usé leurs fonds de culottes sur les mêmes bancs des mêmes écoles… Et surtout, ils vivaient loin de Zdangar et Mlinach où les leaders des deux ethnies se disputaient le pouvoir avec une férocité toujours plus grande.

Bastian avait bien l’air un peu soucieux de temps à autre. Parce que, au fur et à mesure que les articles traitant des débats et controverses qui agitaient l’assemblée et le parlement se rapprochaient de la première page des journaux, une tension de plus en plus palpable se créait entre les communautés.

Il y eut d’abord le lynchage en règle d’un slakich dans une usine à Griesk. Puis, en représailles dans deux ou trois villages de l’est, le massacre de plusieurs familles chlostniks.

Malgré tout, ils se pensaient à l’abri dans leurs collines, dans leur village perdu au milieu des bois.

Il lui arrive d’envier son sort à Bastian. Et même parfois de lui en vouloir. Sa mort a été si rapide qu’il n’a probablement même pas réalisé qu’une guerre commençait. Le jour du soulèvement, il est simplement sorti dans le jardin et a marché vers le portillon que venaient de franchir Miros et ses deux fils armés de fusils de chasse. Il s’est adressé à eux comme on s’adresse à un homme qu’on connaît depuis plus de trente ans et à des gamins qu’on a vu grandir. Parce que, à cette époque, qui aurait pu prévoir la suite des évènements ?

- Mais qu’est-ce qui se passe bon Dieu ! Pourquoi ces armes ?

Elle entend encore la voix de Miros, la haine qu’il se forçait probablement à éprouver pour justifier ce qu’il envisageait de faire.

- Chlostnik de merde !

Il était à moins de deux mètres de son mari quand il a tiré. Elle était encore assise dans la véranda, une tasse de thé à la main et elle se souvient que, sur le moment, elle n’a pas pris conscience du caractère définitif de ce qui venait de se passer sous ses yeux. C’était tellement incroyable que ça ne pouvait tout simplement pas être vrai.

Miros ? Le gros Miros ? Abattre Bastian comme ça ? De sang froid ? Il avait été invité à leur mariage tout de même ! Et le moins qu’on puisse dire c’est qu’il y avait mis de l’ambiance !

De ce moment tragique il lui reste un vide. Une espèce de manque. Celui de n’avoir pas eu le temps de pleurer son mari, de n’avoir pas pu s’approcher de son corps inerte, de ne pas même avoir eu l’occasion de lui dire adieu.

Miros et ses fils étaient encore des guerriers débutants et c’est sûrement à cela qu’elle doit de n’avoir pas été tuée sur le champ. La notion d’impunité n’était pas encore ancrée dans l’esprit des hommes armés qui allaient se multiplier au cours des semaines suivantes, au fil des représailles et des contre-représailles qui allaient secouer la région de Galesty. La colère, l’indignation et l’esprit de revanche sont très certainement les meilleurs agents recruteurs qui soient.



Zilach… Le camp de réfugiés de Zilach. Un immense alignement de tentes de toile grise sur un terrain boueux et clôturé de barbelés.

Milena se souvient de cette crispation au creux de son estomac. De cette peur qui l’a submergée au moment où, du sommet de la colline, elle a découvert l’endroit… et de la pression de la main de Sol, son fils, dans la sienne. De la panique dans son regard d’enfant et du sentiment d’impuissance qu’elle a éprouvé.

Elle sent encore l’odeur qui régnait dans la grande tente, celle dans laquelle étaient placés les nouveaux arrivants. Une odeur de sueur, de crasse et de misère humaine. Elle entend les cris, les pleurs, les sanglots. Elle voit la douleur.

Oui. De tout cela elle se souvient avec netteté. Comme du contact de la lame sur sa gorge qui l’a tirée du sommeil la première nuit, de la pression de cette main calleuse sur sa bouche, de l’haleine chargée d’alcool de l’homme penché sur elle et du son de sa voix.

- Ferme ta gueule si tu veux pas que ton fils se réveille…Si tu cries on s’occupera aussi du gosse… Tu vas crier ?

Elle n’a pas crié.

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Message  Invité Lun 21 Déc 2009 - 13:49

La guerre, cette guerre, par le petit bout de la lorgnette. Même si quelque part ça me dérange, j'avoue adorer lire la guerre ainsi racontée. Grande sobriété, et l'émotion qui en découle. C'est beau.

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Message  Rebecca Lun 21 Déc 2009 - 15:11

Atroce et implacable. Comme la réalité. Donc dérangeant et réussi.
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Message  Arielle Lun 21 Déc 2009 - 15:48

Ravie de te retrouver maniak' avec tes personnages si profondément humains et crédibles jusque dans leur plus grande noirceur.

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Message  maniak' Lun 21 Déc 2009 - 18:27

Bon, je sais pas si c'est ici que je dois répondre. J'ai essayé de le faire dans le fil "réponses aux commentaires" la dernière fois, mais je trouve ça vachement froid quand même... Donc, tant pis si je me fais taper sur les doigts.

Merci de m'avoir lu et commenté. Pour ceux qui ont lu "Marek", trouvez-vous que ça s'emboite bien avec la première partie ? J'ai peur que ça fasse un peu "rapporté"... si vous voyez ce que je veux dire.

Merci encore en tous cas pour les coms.
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Message  Lucy Mar 22 Déc 2009 - 3:48

*Sifflement admiratif*
J'attendais un peu avant de lire cette suite. Du bon, très bon boulot ! Que dire d'autre ?
Ah, oui ! Prochain épisode ?
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Message  outretemps Mar 22 Déc 2009 - 10:04

Bien content de te retrouver, surtout en pareille veine! Tu es fait pour ce genre d'écriture, cela m'a remis direct en mémoire tes écrits d'avant. C'est tragiquement juste. Un peu de mal avec les noms, mais pour l'heure, comme on n'a pas encore ce bordel chez nous, ça aide pour l'ambiance.

Je trouve le"format" de tes textes parfait. J'en sais quelque chose. Faire trop long rebute et du coup, peu de commentaires! Aussi, je pense désormais faire plus court, comme toi qu'es à mon avis parfaitement dans les clous.
Si je peux me permettre, garder le rythme, pas plus d'un par semaine, ça fait plaisir d'attendre, ça devient comme un feuilleton. Si t'en fais plus, tu submerges vires soupe et perd l'intéret même si les textes sont parfaits. Y a trop à lire par ailleurs.

D'autre part, le fait d'en pondre qu'un permet d'ouvrir à chaque fois un nouveau fil, (quitte à garder le titre avec des numéros, ce qui rend plus clair les épisodes et donc les critiques. D'autre part, cela préviens mieux tes lecteurs de la parution des suites. J'ai essayé, en enfiles, fiasco!

Quatrième point, je suis tout à fait d'accord avec toi, les "commentaires" on devrait être autorisés à les faire quand le texte "est remonté", première place, car, dans le fil de "réponse aux commentaires" tout s'entremèle et c'est bien rare de s'y retrouver, à moins d'être parmi les habitués. Alors, quand t'as à répondre tu attends et comme ça tu ne perturbes pas et au moins tune loupes pas de répondre à "critiqueurs"qui se donnent la peine de te commenter.

Enfin, c'est jamais qu'un avis et ce que je dis; c'n'est pas pour t'inciter "à la débauche", mais peut-être y aurait-il un moyen à trouver pour simplifier?
Je ne sais ce qu'en pensent les autres.
J'espère n'être pas mal interprêté dans mes propos, sans quoi, on sera deux à se faire taper dessus. Bien content vraiment d'avoir retrouvé ton talent dépouillé et ton efficacité.
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Message  Celeron02 Ven 25 Déc 2009 - 18:56

bonsoir... ça me plaît aussi beaucoup -- le découpage en très courts paragraphes déroute un peu, mais cela facilite la lecture, surtout sur un écran d'ordinateur -- cela m'évoque du Pierre Bordage, ou bien encore la bande dessinée Simon du Fleuve.

je te souhaite beaucoup d'inspiration et de plaisir (et de courage) pour terminer ton récit !
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Message  maniak' Sam 26 Déc 2009 - 20:42

Merci pour vos commentaires. N'hésitez pas à me signaler si vous remarquez des invraisemblances ou des contradictions.

Je poste la suite sur le même fil, je sais pas si je peux... Y a qu'à me dire et j'ouvrirai un post pour le prochain épisode.

La suite donc.





< Pas de souci pour les textes à épisodes multiples dans le même fil.
La Modération >





- Ils m’ont violée.

Le sergent Skol est assis sur un tabouret métallique en équilibre sur deux pieds, le dos calé contre le mur du baraquement en préfabriqué qui lui tient lieu de bureau. Il porte un maillot de corps kaki et un pantalon de treillis. Son visage est juvénile. Il doit avoir vingt-deux ou vingt-trois ans tout au plus et ses cheveux, ras et clairs, illuminés par la lumière du soleil printanier qui entre par la fenêtre ouverte, dessinent une auréole autour de son crâne. Un ange,… ou presque.

Un ange aux épaules de catcheur.

- Ils étaient trois… Ils étaient trois et ils m’ont violée !

Skol décolle son dos du mur et vient poser ses coudes sur la vieille table en bois encombrée de bons de livraisons, de demandes d’achat, et de tout un tas d’autres formulaires qu’il n’a pas pris la peine d’examiner et dont il n’a pas grand-chose à faire de toute façon.

- Ils m’ont violée ! En plein centre de cette tente… Au milieu de tous ces gens qui ont regardé ailleurs ! Et mon fils dormait à moins d’un mètre…



La vérité c’est que cette femme me dérange. Je n’ai pas encore avalé mon café du matin. Si on peut appeler café le breuvage épais et amer qu’on nous sert à la cantine du camp. Quoi qu’il en soit, si je devais me préoccuper de tout les cas de viol, de racket et de prostitution dans ce petit coin de paradis qu’est Zilach…

Elle est jolie cette fille. Et elle a une certaine classe. Un petit exploit après ce qu’elle vient de vivre. On devine tout de suite qu’elle a eu un niveau de vie confortable avant la guerre, et qu’elle croit qu’il existe encore des règles, une justice. J’en sourirais presque. C’est mon côté Drogan. Un héritage que m’a laissé cet enfant de putain. Une capacité à encaisser le pire sans broncher. Une sorte de malédiction.

Comment elle a dit qu’elle s’appelait déjà ? Okoliz,… Milena Okoliz,… un truc dans le genre. Je ne suis pas surpris en tous cas. Si j’avais assisté à son arrivée dans le camp, j’aurais pu prévoir ce qui allait lui arriver à plus ou moins court terme : une femme seule, plutôt jolie et sans protection… Une proie idéale pour les gars qui fournissent de la viande fraîche aux casques bleus de la ligne de démarcation.
Les soldats de l’ONU sont jeunes pour la plupart, et privés de femmes depuis de longues semaines… Ils sont grassement payés par rapport au revenu moyen de la population locale qui crève de faim et ils n’ont quasiment pas de frais. Partant de là, nul besoin d’être un économiste de haut vol pour voir qu’il y a là un marché au moins aussi lucratif que la contrebande de cigarettes… et nettement moins risqué.

D’autant moins que les filles exploitées par les charognards qui hantent le camp sont souvent étrangères à Zdangar, et donc peu susceptibles d’avoir des connaissances haut placées qui pourraient leur venir en aide. Facteur aggravant, celle-ci a un enfant à charge sur lequel les proxénètes pourront faire peser une menace constante en cas de désobéissance de sa part.

Comment résister ? En général, les pauvres filles n’osent même pas venir se plaindre à moi par peur des représailles. Et quand elles le font, en admettant que ce soit après mon premier café de la matinée, je les laisse croire à une intervention prochaine des autorités du camp en attendant qu’elles se fassent à leur nouvelle situation.

Drogan m’a appris un jour, au fond d’une impasse dans un village perdu des collines de Galesty, que la guerre était une saloperie et que je n’étais définitivement pas l’homme que je croyais être. Surtout pas un héros capable d’influer sur le cours des évènements.

Alors cette pauvre Milena Okoliz,… son cas ne m’intéresse pas plus que celui des centaines de prostituées de la ville.

Je lève les fesses de mon tabouret et m’étire en baillant. Décidemment, je ne suis pas bon à grand-chose avant mon café du matin… même coupé à la farine de poix chiche.

- Ecoute, je vais voir ce que je peux faire avec la description de ces types. En attendant ne fais pas de vagues et occupe toi de ton fils. D’accord ?

Son regard me rappelle un peu celui de Marek au moment où nous sommes montés dans le camion. Le message est très proche en tous cas : « Tu n’es qu’une merde Skol et tu ne te mouilles pas. Encore une fois, tu vas laisser pisser… »

J’assume… Et alors ? Qui a dit que je devais changer le monde ? Marek lui-même n’y a pas réussi finalement... Non ?

Milena ne m’a pas répondu, elle s’est retourné et a quitté mon bureau à grandes enjambées. Appuyé au chambranle, je la regarde s’éloigner en direction de la grande tente.

Cette fois c’est bon, je vais pouvoir aller boire mon café.

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Message  maniak' Mer 30 Déc 2009 - 19:17

Une petite suite.



...


Le problème avec les gens comme Milena, ou Marek, c’est qu’ils ne font rien comme tout le monde. Ils refusent obstinément de rentrer dans le rang, de céder. C’est ce qui les rend imprévisibles.

Non… Ce qui les rend réellement imprévisibles c’est cette espèce de distorsion, cet écart entre leur apparente douceur, leur faiblesse physique, et leur force de caractère. Les brutes s’attendent rarement à ce qu’un avorton leur résiste.

J’aurais dû comprendre. Ce regard,… celui de Marek… Il faut croire que je suis un peu lent. Pourtant, ce regard, je le connais par cœur. Il ne se passe pas une journée sans que je ne me repasse les images de cette journée de merde, là-bas, dans ce trou boueux… Pas une nuit où je ne me réveille en sueur, tremblant et les doigts crispés sur le manche de ma baïonnette, celle-là même qui m’a servi à éventrer Nikoliz… Pas une.

Malgré tout, je n’ai pas su voir ce qu’il y avait de Marek dans cette petite femme indignée. En même temps, ça n’aurait probablement pas changé grand-chose. Je veux dire que, même si j’avais reconnu cette force en elle, je ne serais certainement pas intervenu.

Non. Ce qui m’a précipité dans cette sordide histoire c’est cette petite silhouette maigrichonne qui s’est découpé à contre-jour dans l’encadrement de la porte de mon bureau en fin d’après-midi.

Le gosse devait avoir neuf ans,… dix au plus. Il était fluet pour son âge, même en se référant à la moyenne de Zilach où les règles de nutrition ne favorisaient pas la meilleure des croissances. Blond, les cheveux dressés en épis, les yeux clairs écarquillés par la peur et pleins de larmes, les mains crispées, serrées l’une dans l’autre… Comment aurais-je pu résister à ça ? Je crois bien que même Drogan n’aurait pas pu.

Et puis, pour être tout à fait honnête, quand je me suis levé de mon tabouret pour marcher vers lui, je ne savais pas encore à quoi je m’engageais. Après, il a été trop tard pour reculer.

C’est comme ça avec Sol. Il a un truc ce gosse. Un pouvoir au fond de ses yeux gris qui fait qu’on est pris comme un lapin dans le faisceau d’un projecteur. Piégé. C’est le mot exact. La sensation que j’ai eue à l’instant même où il m’a regardé.

Merde ! Une telle détresse, une telle douleur, un tel désarroi… ça retournerait les tripes de n’importe qui. Même celles d’un enfant de salaud comme moi.

- Sergent Skol ? C’est toi le sergent Skol ?

Sa voix chevrotait, ses mains tremblaient… et je me suis dit que quelqu’un devait payer pour ça.



Comment retrouver une femme dans un endroit comme Zilach un soir d’automne et parmi des milliers de réfugiés qui finissent par tous se ressembler ? Comment répondre à l’inquiétude d’un gamin que sa mère, poursuivie par des charognards, a juste eu le temps d’envoyer se réfugier dans votre bureau avant de disparaître dans ce vaste enchevêtrement d’allées tortueuses et de cahutes de toile ?

Je marche d’un pas rapide, me frayant un passage à coups d’épaules dans la foule de fantômes grisâtres qui errent sans but. J’avance d’un pas tendu, faisant gicler la boue sous la semelle de mes brodequins. Mes mains sont crispées au fond de mes poches. Je suis nerveux.

Et pas seulement parce que je sais ce que je risque de trouver en cherchant Milena dans ce fouillis inextricable de tentes, d’allées mal éclairées et de tas de déchets de toutes sortes. Non. Car ce ne sera pas une découverte.

Comment expliquer ça de façon honnête ? Si tant est que j’en sois capable, moi qui ai été formé par la pire ordure qu’il m’a été donné de croiser sur cette terre. Probablement, le peu de conscience morale que m’a laissé cet enfoiré de Drogan, cette espèce de petite lueur que le regard de Marek a empêché de s’éteindre un jour, est-il la cause de ma nervosité…

En fait non. Ce serait mentir que d’écrire cela. Trop facile… Car, s’il est vrai que le petit garçon tremblant que j’ai laissé sous la garde d’une des infirmières du camp m’a touché, si, pour la première fois depuis très longtemps, j’ai décidé de me préoccuper du sort de quelqu’un d’autre que moi, il est tout aussi vrai que je suis inquiet des conséquences que pourrait avoir cette décision sur les affaires que je mène ici.

Dans un endroit comme Zilach, les opportunités sont nombreuses pour un homme comme moi. Il existe toutes sortes de pratiques qui, pour prospérer, nécessitent la bienveillance d’un sous-officier peu regardant et conscient du fait qu’il a accompli bien pire que le fait d’accepter une enveloppe bourrée de billets.

Quand vous avez, comme moi, abattu de sang froid un type sans défense et pétant de trouille en le regardant dans les yeux, quand vous avez tranquillement regardé crever Nikoliz après l’avoir étripé, alors même qu’il vous considérait comme un frère d’arme… Quand vous avez fait ça et que vous arrivez à vivre avec, la liasse que glisse un contrebandier dans la poche de votre treillis alors que vous inspectez son pick-up, en comparaison, on peut considérer que c’est négligeable non ?

La prostitution, le racket, ça existe partout… Et, très honnêtement, même si j’étais un modèle de vertu, qu’est-ce que je pourrais y faire ? J’aurais aimé l’y voir moi, Marek, avec sa convention de Genève et ses grands principes ! L’honneur, et toutes ces conneries… Zilach, c’est pas le pays des merveilles.

Alors oui, les trois types qui en ont après Milena, je les connais. Un peu que je les connais ! Surtout le plus vieux des trois : Milan Caliz. Un grand maigre aux yeux de fouine, mauvais comme une teigne. Un ancien des milices chlostniks. Il a commencé par casser du slakich bien avant le début de la guerre. A l’époque, d’après ce qu’on raconte, il était membre du club de supporter du F.C. Mlinach. Et dans le monde du gars Milan, les erreurs d’arbitrage se corrigent à coups de manche de pioche. Surtout quand le club d’en face est slakich.

Ensuite, au début du conflit, il s’est enrôlé dans les milices, avec tout ce que ça peut impliquer de saloperies. Peu de combats et beaucoup d’exactions. Les types comme Milan Caliz s’attaquent rarement à plus fort qu’eux. La méthode, c’était de tomber sur un village de paysans slakich au lever du jour, de violer, torturer, massacrer tout ce qu’il était possible en très peu de temps, de charger les véhicules de tout ce qui avait un peu de valeur et de déguerpir en brûlant ce qui restait avant une éventuelle réaction de leurs homologues du camp adverse.

Les milices ont peu à peu disparu au fur et à mesure que le conflit a viré à la guerre civile. Une ligne de front s’est créée et les groupes indépendants ont rapidement rencontré une opposition réelle chez l’ennemi. Après deux ou trois confrontations sanglantes, il y a eu beaucoup moins de « patriotes » pour aller risquer de se retrouver pendu par les couilles à un sapin au milieu des collines.

Beaucoup de miliciens se sont alors engagés dans l’armée régulière, histoire d’aller au casse-pipe de façon plus organisée. Pas Caliz. Hors de question pour lui de servir de chair à canon. Le gars Milan, c’est un rat. Pas du genre à se sacrifier pour une cause quelle qu’elle soit.

Aller casser du slakich en prenant peu de risques c’est un peu comme une partie de pêche, presque un loisir. Se faire trouer la paillasse par obligation, pour obéir aux ordres d’un quelconque galonné, est une toute autre chose. D’ailleurs, Milan Caliz, les ordres, il préfère quand c’est lui qui les donne.

Comment il a échoué à Zilach, comment il s’est accoquiné avec ce flic marron, l’inspecteur Stasius, comment il a réussi à faire son trou et à monter son bizness en toute impunité, je ne saurais le dire avec précision. Mais je suis payé pour savoir qu’en arrosant les bonnes personnes on peut tout obtenir dans le sanglant bordel qu’est devenu ce pays.

Et donc oui, Milan Caliz, je le connais bien. Disons que c’est une relation d’affaires.

C’est ça qui me rend nerveux.

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Message  Invité Mer 30 Déc 2009 - 21:49

Bravo ! C'est sobre et efficace, j'aime beaucoup.

Mes remarques :
"comme on s’adresse à un homme qu’on connaît depuis plus de trente ans et a des gamins"
"m’étire en bâillant. Décidément"
"la farine de pois chiche"
"occupe-toi de ton fils"
"elle s’est retournée"
"cette petite silhouette maigrichonne qui s’est découpée"

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Message  Lucy Jeu 31 Déc 2009 - 4:07

Une suite plus que bien foutue. J'ai hâte de lire ce qui va venir.
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Message  Invité Jeu 31 Déc 2009 - 9:16

Je ne dirais jamais assez combien cette écriture carrée et parafaitement maîtrisée m'impressionne. On sent que tu connais ton sujet sur je bout des doigts.

Juste une légère réserve ici, où je trouve la transition entre les deux paragraphes un peu maladroite, pas très fluide. Peut-être que l'ajout d'un mot, du genre "en fait" ("Non... en fait, ce qui..") aiderait. Mais c'est vraiment un détail sans réelle importance.

Le problème avec les gens comme Milena, ou Marek, c’est qu’ils ne font rien comme tout le monde. Ils refusent obstinément de rentrer dans le rang, de céder. C’est ce qui les rend imprévisibles.

Non… Ce qui les rend réellement imprévisibles c’est cette espèce de distorsion, cet écart entre leur apparente douceur, leur faiblesse physique, et leur force de caractère. Les brutes s’attendent rarement à ce qu’un avorton leur résiste.

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Message  Invité Jeu 31 Déc 2009 - 22:47

Du beau boulot !

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Message  Arielle Ven 1 Jan 2010 - 17:01

Toujours aussi juste et terriblement "vécu".
La sincérité de tes personnages est désarmante et laisse la lectrice que je suis toute engluée dans des sentiments contradictoires à leur égard. bravo!

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Message  Rebecca Ven 1 Jan 2010 - 17:18

Bravo pour ctte écriture percutante et remarquable.
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Message  maniak' Jeu 11 Fév 2010 - 19:09

Bon. J'ai trouvé un peu de temps pour m'y remettre.

Une suite qui ne me plaît pas réellement. Mais bon, c'est souvent le cas quand c'est fraichement écrit. Dites-moi ce que vous en pensez.

Merci d'avance et merci pour vos commentaires.






Milan Caliz leva les yeux sur Ferrius. Il n’aimait pas qu’on le dérange à cette heure là. C’était le moment où il se détendait devant une bouteille d’eau de vie, où il faisait le bilan de sa journée, le point sur ses affaires.

- Milan, y a Skol qui veut te causer… L’est juste là, … dans la ruelle.

Caliz avala une gorgée de gnole. Plus pour se donner une contenance que par besoin réel de boire. Skol était un type inquiétant. Imprévisible. Et il n’aimait pas ce qui était imprévisible.

Dans le genre d’affaires qu’il menait, il fallait que les choses soient simples. Les intérêts de toutes les parties devaient être évidents. Le pouvoir, l’appât du gain, les vices quels qu’ils soient… drogue, sex,… ce genre de choses. Skol, lui, semblait hermétique à tout. Bien sûr, il acceptait son enveloppe comme les autres sous-officiers du camp. Mais il en faisait quoi se son fric ? Il ne buvait pas ou peu, ne se droguait pas et on ne lui connaissait pas de petite copine attitrée.

Et c’était un putain de tueur… Comme tous ces enfoirés des brigades spéciales.

Milan alluma une Strania et inspira profondément. Il voulait quoi Skol ? C’était pas son genre de se pointer comme ça,… en pleine nuit.

- Y t’as dit ce qu’y voulait ?

Ferrius gratta sa joue rugueuse de barbe. C’était un type épais aux cheveux gras et au ventre proéminent. Il suivait Caliz comme son ombre depuis l’époque des milices. Incapable de décider par lui-même de quoi que ce soit, il avait trouvé une espèce de guide en lui, un modèle, un maitre à penser. Bien que penser ne soit pas la spécialité du colosse. Non. Ferrius ne pensait pas, ou alors juste le nécessaire. Il fonctionnait plutôt comme un animal, à l’instinct. Et, à tort ou à raison, Milan Caliz s’y fiait le plus souvent.

- Non. L’a juste dit qu’y voulait te causer.

Bon. Causer… Ce n’était pas si alarmant non ? Pourtant, Milan n’aimait pas ça. Et la phrase que prononça son homme de main ne le rassura pas :

- L’est pas seul. Y a un gars à lui au coin de la rue.

Milan se leva et écrasa sa cigarette dans la boite de sardines qui faisait office de cendrier. Il n’était pas encore temps de s’affoler. Pour l’instant, Skol faisait juste une petite entorse à ses habitudes en se présentant à cette gargote qui lui tenait lieu de quartier général. Peut-être qu’il avait simplement besoin d’une petite rallonge,… ou d’un service quelconque. Le fait qu’il ne soit pas seul prouvait simplement qu’il était prudent. C’était son métier après tout.

Le proxénète décida que, prudent, il valait mieux qu’il le soit aussi.

- Appelle Silas. Dis-lui que j’ai besoin de lui tout de suite.



Il fait sombre dans cette ruelle. C’est le blackout depuis des mois sur Zdangar. Ça me fait sourire. Comme si ça pouvait empêcher les bombardements, comme si la technologie moderne avait besoin des lumières de la ville, comme si les slakich positionnés sur les collines, de l’autre côté du fleuve, ne savaient pas exactement où nous sommes… comme s’ils n’avaient pas eu toute la journée pour régler leurs tirs.

Il a recommencé à pleuvoir depuis quelques minutes. Une pluie fine et glacée qui trempe mon bonnet de laine et qui dégouline dans mon cou. Je ne la sens pas. Je suis concentré.

Je suis venu discuter avec Caliz. Simplement discuter… Mais on ne sait jamais avec ce genre de type. Là-bas, au coin de la rue, je distingue la silhouette de Bogdan. Il porte, comme moi, un bonnet noir des forces spéciales et une grosse parka sombre. Il a l’air d’un ours comme ça, un peu pataud, un peu lent. Je sais, pour l’avoir vu au combat, là-haut dans les collines, que ce n’est qu’une apparence et que le sous-estimer peu coûter très cher à ses ennemis. Sa présence me rassure.

Je n’ai pas peur. Pas vraiment. Encore une fois, je suis venu discuter. La colère que j’ai ressentie dans mon bureau quelques heures plus tôt, devant les larmes et le désarroi du petit Sol, s’est estompée. Si j’ai survécu jusqu’à aujourd’hui dans ce pays déchiré, c’est bien parce que je sais faire la part des choses. Les émotions, si on ne peut pas en faire totalement abstraction, il faut savoir les contrôler, les repousser, et en aucun cas les laisser influer sur vos décisions. C’est ce que m’a appris Drogan. Et cette ordure était le meilleur soldat de la Terre.

Alors, pendant que j’arpentais sans succès les allées du camp à la recherche de Milena Okoliz, j’ai eu le temps de réfléchir, de mesurer les conséquences d’actions violentes qui seraient forcément néfastes à mes affaires. J’en suis arrivé à la conclusion qu’avant de commettre quelque chose d’irréparable, mieux valait tenter de négocier avec ce salopard de Caliz.

Seulement il y a le visage de ce gamin en larmes, sa petite voix chevrotante :

- Dis, tu vas la retrouver ma maman ? Hein, tu vas la retrouver…

Et, malgré moi, ma main se crispe sur le manche de ma baïonnette…
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Message  Claire d'Orée Jeu 11 Fév 2010 - 20:29

Pour ceux dont je ne fais pas partie qui aiment les romans policiers. Mais le commencement est toujours facile, le plus dur est de continuer.
Amicalement
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