Lâcher de guirlandes
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silene82
Rebecca
Arielle
Ba
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Lâcher de guirlandes
Le magnifique traineau du père fouettard glissa dans un ravin le 24 juin au soir.
La cause ?
Un verglas immonde déposé par des rennes jaloux des coups de trique de René (prénom du père…).
Une plainte fut déposée dans l’urne funéraire de Zaccaro, superviseur au grand Fourretout :
Cher Zaccaro,
Moi, Noël sain de corps et de luge, déclare sur l’honneur que René, père fouettard de fils en fils, a délibérément trafiqué ma crotteneige.
Deux témoins l’ont vu…
Je sens qu’il y a quelque chose qui ne tourne pas rond dans cette narration, mais quoi ?
- Albert, un autre verre de blanc s’il te plaît !
- Tu es sûr Rinette ?
- Sûre, j’écris une aventure !
- ?
- L’aventure du bonhomme à chapeau
- ?
- Mais oui, à chapeau, avec des bêtes à cornes qui le cornaquent dans le blanc des cieux. Albert, ne fais pas l’idiot, tu vois très bien de qui je veux parler. Tu le connais comme ma poche. C’est un vieux qui traine les soirs d’hiver. De bar en bar. Entre deux tournées. Même que la dernière fois il t’a laissé un sac en caution.
- C’est vrai, je m’en souviens maintenant. Il n’a jamais récupéré le sac.
- Ah, je ne suis complètement bourrée alors !
- Non, mais si tu continues tu vas finir dans la hotte.
- La honte tu veux dire ?
- La hotte.
- C’est comme tu voudras. Et mon verre ?
Laissons Rinette continuer de siroter son poison à foie, et refermons la porte du bistrot. J’ignore si Zaccaro, cet étourdi, recevra la lettre de doléances, je vois mal Rinette la terminer dans l’état où elle se trouve.
Et puis, rien ne tient debout. Nous sommes le 24 juin, il n’y a pas de crotteneige en cette saison estivale, pas plus que de père Fouettard dans les chaussons d’Alphonsine.
De surcroît, je me suis laissé dire par ma voisine de palier, que les rennes étaient en voie d’extinction depuis que la civilisation gréco-porcine s’obstine à foutre des colliers d’ampoules aux oliviers au prétexte qu’ils l’avaient exigé pour le confort de leurs olives.
On nous prend vraiment pour des…
A cela s’ajoute le fait vérifié par toutes les souris de bibliothèque : le verglas n’existe plus depuis le grand réchauffement de 2020.
Les ours polaires, les renards blancs ?
Crevés.
Les Inuits et les Lapons ?
Réfugiés en Afrique du Sud.
Le père Noël ?
Disparu corps et biens avec la cagnotte du Noëlthon ! Sans la mère Noël, trop vieille, trop moche, trop grosse, trop rouge.
Il aurait fichu le camp en Patagonie en compagnie d’un de ses ouvriers…
- Rinette ?
- Hein ?
- Réveille-toi, je vais fermer.
- Quoi, déjà ?
- Il est minuit ma vieille.
- Oh ?
Hâtons-nous plume agile, il est temps à la veille du grand départ, de terminer cet assemblage de pièces détachées.
Où en étais-je ? Ah oui, « d’un de ses ouvriers », voilà, «d’un de ses ouvriers ». Et alors ?
Ben quoi « et alors? » je voudrais t’y voir lecteur critique, avec tes petits yeux obstinés qui cherchent le travers, le sens, la rectitude des faits, la complétude de l’existence en papier mâché.
C’est embrouillé ? Que veux-tu, j’en suis à mon énième puits de blanc éclusé sans merci, forcément les personnages en prennent un coup, sans compter les faits, les évènements, les éléments perturbateurs, les hiatus et les tire-d’aile indépendants.
On m’a dit « fais un lâcher de guirlandes », je fais. Maintenant il ne faut pas se plaindre qu’elles soient dans tous les sens, forcément au-dessus du vide les guirlandes tiennent moins bien.
Je sais, tu aurais voulu connaître la suite des amours de machin avec bidule, si le traineau avait vraiment été trafiqué, s’ils allaient se marier et avoir beaucoup de…
Tu feras avec.
Ou sans.
Comme dans la vie.
La situation se dénoue bien à la fin, non ? Et tu n’es jamais là pour le voir puisque tu es la chute de l’histoire.
Allez, salut, à la prochaine, je file sinon Albert va encore me demander d’effacer l’ardoise.
La cause ?
Un verglas immonde déposé par des rennes jaloux des coups de trique de René (prénom du père…).
Une plainte fut déposée dans l’urne funéraire de Zaccaro, superviseur au grand Fourretout :
Cher Zaccaro,
Moi, Noël sain de corps et de luge, déclare sur l’honneur que René, père fouettard de fils en fils, a délibérément trafiqué ma crotteneige.
Deux témoins l’ont vu…
Je sens qu’il y a quelque chose qui ne tourne pas rond dans cette narration, mais quoi ?
- Albert, un autre verre de blanc s’il te plaît !
- Tu es sûr Rinette ?
- Sûre, j’écris une aventure !
- ?
- L’aventure du bonhomme à chapeau
- ?
- Mais oui, à chapeau, avec des bêtes à cornes qui le cornaquent dans le blanc des cieux. Albert, ne fais pas l’idiot, tu vois très bien de qui je veux parler. Tu le connais comme ma poche. C’est un vieux qui traine les soirs d’hiver. De bar en bar. Entre deux tournées. Même que la dernière fois il t’a laissé un sac en caution.
- C’est vrai, je m’en souviens maintenant. Il n’a jamais récupéré le sac.
- Ah, je ne suis complètement bourrée alors !
- Non, mais si tu continues tu vas finir dans la hotte.
- La honte tu veux dire ?
- La hotte.
- C’est comme tu voudras. Et mon verre ?
Laissons Rinette continuer de siroter son poison à foie, et refermons la porte du bistrot. J’ignore si Zaccaro, cet étourdi, recevra la lettre de doléances, je vois mal Rinette la terminer dans l’état où elle se trouve.
Et puis, rien ne tient debout. Nous sommes le 24 juin, il n’y a pas de crotteneige en cette saison estivale, pas plus que de père Fouettard dans les chaussons d’Alphonsine.
De surcroît, je me suis laissé dire par ma voisine de palier, que les rennes étaient en voie d’extinction depuis que la civilisation gréco-porcine s’obstine à foutre des colliers d’ampoules aux oliviers au prétexte qu’ils l’avaient exigé pour le confort de leurs olives.
On nous prend vraiment pour des…
A cela s’ajoute le fait vérifié par toutes les souris de bibliothèque : le verglas n’existe plus depuis le grand réchauffement de 2020.
Les ours polaires, les renards blancs ?
Crevés.
Les Inuits et les Lapons ?
Réfugiés en Afrique du Sud.
Le père Noël ?
Disparu corps et biens avec la cagnotte du Noëlthon ! Sans la mère Noël, trop vieille, trop moche, trop grosse, trop rouge.
Il aurait fichu le camp en Patagonie en compagnie d’un de ses ouvriers…
- Rinette ?
- Hein ?
- Réveille-toi, je vais fermer.
- Quoi, déjà ?
- Il est minuit ma vieille.
- Oh ?
Hâtons-nous plume agile, il est temps à la veille du grand départ, de terminer cet assemblage de pièces détachées.
Où en étais-je ? Ah oui, « d’un de ses ouvriers », voilà, «d’un de ses ouvriers ». Et alors ?
Ben quoi « et alors? » je voudrais t’y voir lecteur critique, avec tes petits yeux obstinés qui cherchent le travers, le sens, la rectitude des faits, la complétude de l’existence en papier mâché.
C’est embrouillé ? Que veux-tu, j’en suis à mon énième puits de blanc éclusé sans merci, forcément les personnages en prennent un coup, sans compter les faits, les évènements, les éléments perturbateurs, les hiatus et les tire-d’aile indépendants.
On m’a dit « fais un lâcher de guirlandes », je fais. Maintenant il ne faut pas se plaindre qu’elles soient dans tous les sens, forcément au-dessus du vide les guirlandes tiennent moins bien.
Je sais, tu aurais voulu connaître la suite des amours de machin avec bidule, si le traineau avait vraiment été trafiqué, s’ils allaient se marier et avoir beaucoup de…
Tu feras avec.
Ou sans.
Comme dans la vie.
La situation se dénoue bien à la fin, non ? Et tu n’es jamais là pour le voir puisque tu es la chute de l’histoire.
Allez, salut, à la prochaine, je file sinon Albert va encore me demander d’effacer l’ardoise.
Ba- Nombre de messages : 4855
Age : 71
Localisation : Promenade bleue, blanc, rouge
Date d'inscription : 08/02/2009
Re: Lâcher de guirlandes
Ah, Ba-rinette ! J'aime quand tu me causes comme ça après m'avoir emmêlé toutes les guirlandes ...
Même un 24 juin ça clignote, pétille et trucule de mille petites chandelles et c'est délicieux !Ben quoi « et alors? » je voudrais t’y voir lecteur critique, avec tes petits yeux obstinés qui cherchent le travers, le sens, la rectitude des faits, la complétude de l’existence en papier mâché.
Re: Lâcher de guirlandes
Merci merci ça me plait d'être une chute, je prends même pas de parachute!
Rebecca- Nombre de messages : 12502
Age : 65
Date d'inscription : 30/08/2009
Re: Lâcher de guirlandes
Au moins le lecteur critique sait à quoi s'en tenir et n'ira pas chercher " le travers, le sens, la rectitude des faits, la complétude de l’existence en papier mâché." Pas besoin de tout façon, tout se tient parfaitement, forme et fond, jusqu'à l'ardoise "ineffacée" de la fin.
Invité- Invité
Re: Lâcher de guirlandes
Si vous avez l'humeur morose, rien de tel qu'un bon lâcher de guirlandes par une Rinette de bonne volonté, dans un bistrot, en période noëllesque !
Bravo et merci.
Bravo et merci.
Invité- Invité
Re: Lâcher de guirlandes
Quel joli texte, Ba tifolante, merci! C'est un chapelet de bulles qui s'échappe, et c'est de l'oxygène. Je ne suis jamais trop fichu de commenter et le fond et la forme, mais là, l'originalité du propos, les détours saisissant se conjuguant à la pertinence des termes utilisés donnent une composition irrésistible et brillante, encore merci.
silene82- Nombre de messages : 3553
Age : 66
Localisation : par là
Date d'inscription : 30/05/2009
Re: Lâcher de guirlandes
Mention pour le titre et " la cagnotte du Noëlthon ". Il y en a plein, des comme ça, et elles sont savoureuses.
Lucy- Nombre de messages : 3411
Age : 46
Date d'inscription : 31/03/2008
Re: Lâcher de guirlandes
Bien la première fois que je me fais enguirlander avec autant de plaisir !
Invité- Invité
Re: Lâcher de guirlandes
Excellent! et climatiquement renversant.Que veux-tu, j’en suis à mon énième puits de blanc éclusé sans merci, forcément les personnages en prennent un coup,
outretemps- Nombre de messages : 615
Age : 77
Date d'inscription : 19/01/2008
Re: Lâcher de guirlandes
Un lâcher de guirlandes, c’est sûr. Des guirlandes aux lucioles animées et clignotantes. S’allume d’abord l’ampoule Rinette. Un peu ronde, la lampe Rinette toute blanche, pas étonnant, avec les lampées de vin blanc qu’elle avale, ce qui lui donnera bientôt des couleurs, avant d’être toute grisée. Elle est ronde, c’est pourquoi son récit, lui, ne tourne pas rond. En tout cas, elle est allumée, ce soir, Rinette, c’est pourquoi elle écrit. Faut être un peu allumé, pour écrire ! Faut croire que l’on puisse donner de la lumière ! Que l’on puisse éclairer un lecteur. Lui donner une lueur de sens. Illuminer son esprit épineux et résineux. Mais Rinette écrit dans un style non ampoulé, elle n’est pas encore ronflante.
La clarté qu’elle diffuse est vacillante, comme un traineau de père fouettard prêt à chuter dans un ravin.
Une luciole s’allume ensuite, quand Rinette s’éteint. Hotte toi de là ! Le bistrot ferme, le narrateur se met sous les feux. Il prendrait bien les rennes de l’histoire, mais elles sont en voie d’extinction depuis que les guirlandes clignotantes sont lâchées, à en parer les oliviers comme des colliers pour tenir en laisse, probablement, et par les rennes, toutes les huiles littéraires.
Albert clignote un instant, pour annoncer l’extinction des feux.
Le narrateur finit la série clignotante, par un clignement, un clin d’œil au lecteur. Histoire d’éclairer l’absence d’histoire. Histoire de dire que les guirlandes clignotent au-dessus du vide. A quoi tient une histoire, hein ? Entre deux ampoules, c’est un néant. Des petits riens. Ou un peu de fil à retordre, peut-être. Peut-être pas. Ou un fil brisé. Mais pas d’ouvrier pour la réparation, il s’est barré, raturé d’un coup, en agonie, en Patagonie même, avec le Père Noël. Hotte–toi de là qu’on lui a dit.
Un texte de Ba, dans un Bar, avec un Barmen, et un Père Noël, barré.
Bah, quoi ! un texte super. Un super texte bien allumé ! Au sens clignotant.
La clarté qu’elle diffuse est vacillante, comme un traineau de père fouettard prêt à chuter dans un ravin.
Une luciole s’allume ensuite, quand Rinette s’éteint. Hotte toi de là ! Le bistrot ferme, le narrateur se met sous les feux. Il prendrait bien les rennes de l’histoire, mais elles sont en voie d’extinction depuis que les guirlandes clignotantes sont lâchées, à en parer les oliviers comme des colliers pour tenir en laisse, probablement, et par les rennes, toutes les huiles littéraires.
Albert clignote un instant, pour annoncer l’extinction des feux.
Le narrateur finit la série clignotante, par un clignement, un clin d’œil au lecteur. Histoire d’éclairer l’absence d’histoire. Histoire de dire que les guirlandes clignotent au-dessus du vide. A quoi tient une histoire, hein ? Entre deux ampoules, c’est un néant. Des petits riens. Ou un peu de fil à retordre, peut-être. Peut-être pas. Ou un fil brisé. Mais pas d’ouvrier pour la réparation, il s’est barré, raturé d’un coup, en agonie, en Patagonie même, avec le Père Noël. Hotte–toi de là qu’on lui a dit.
Un texte de Ba, dans un Bar, avec un Barmen, et un Père Noël, barré.
Bah, quoi ! un texte super. Un super texte bien allumé ! Au sens clignotant.
Louis- Nombre de messages : 458
Age : 68
Date d'inscription : 28/10/2009
Re: Lâcher de guirlandes
On a encore le droit de dire Joyeux Noël ena vril ? :-))
Moi, Noël sain de corps et de luge, déclare sur l’honneur que René, père fouettard de fils en fils, a délibérément trafiqué ma crotteneige
Dès le départ, j'éclate de rire et la bonne humeur ne pas lâchée tout au long de ma lecture. Ce que tu es douée, Ba, pour manier humour et absurdité dans des histoires abracadabrantes et frénétiques.
Je me susi bien marrée, j'ai trouvé ça rudemment bien mené et jamais pesant. Une réussite !
Moi, Noël sain de corps et de luge, déclare sur l’honneur que René, père fouettard de fils en fils, a délibérément trafiqué ma crotteneige
Dès le départ, j'éclate de rire et la bonne humeur ne pas lâchée tout au long de ma lecture. Ce que tu es douée, Ba, pour manier humour et absurdité dans des histoires abracadabrantes et frénétiques.
Je me susi bien marrée, j'ai trouvé ça rudemment bien mené et jamais pesant. Une réussite !
Sahkti- Nombre de messages : 31659
Age : 50
Localisation : Suisse et Belgique
Date d'inscription : 12/12/2005
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