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Message  Celeron02 Sam 26 Déc 2009 - 15:09

Amor 1

Il était une fois un banal enseignant. Un prof d’histoire sans histoires. Christophe était un professeur ordinaire, comme presque tous les autres, corrigeant avec la plus grande application ses copies et rédigeant avec minutie ses appréciations sur les bulletins en fin de trimestre ; sans véritable passion, outre mesure, mais non sans une conviction certaine ; il était persuadé d’apporter les éléments essentiels de sa matière, tout en regrettant que plusieurs élèves soient loin de s’y intéresser suffisamment, à son goût.

Ses élèves, cette année, lui semblaient presque « gentils », assez attentifs dans l’ensemble, en tout cas, pour lui apporter une grande satisfaction ; l’impression que son enseignement portait, les portait et le portait lui-même à s’améliorer ; en gros, il se réalisait dans son travail. Il n’éprouvait aucun manque ni regret. Son métier paraissait le combler.
Cependant, un petit détail venait obscurcir légèrement, dans un coin reculé du tableau, cette scène en tous points touchante : Christophe était célibataire, tout ce qu’il y a de plus endurci (en apparence, tout du moins). C’était la fine pointe par où sa carapace pouvait se fissurer. Le professeur en voie de maturité, mais encore jeune, dans les trente-cinq ans, avait donc une faille.

Il avait remarqué, dès la rentrée, une jeune collègue de mathématiques. Son physique lui plaisait. Elle avait les cheveux châtain clair, portait des lunettes assez épaisses en écailles. Son charme était plutôt discret, il faut le reconnaître ; mais sa poitrine petite, quoique peu haute et presque effacée, l’attirait. Ses joues, surtout, ses pommettes assez généreuses et blanches l’obnubilaient. Mais son domaine d’études ne le passionnait pas ; les chiffres l’avaient toujours rebuté. Fondamentalement, il détestait compter. Dont acte. Très vite, il n’y pensa plus.

Deux mois passèrent, avec les aléas propres à tout lycée ; l’absentéisme, la grippe A, les problèmes de bus ; quelques élèves à recadrer avec la CPE. Des commandes de livres au CDI qui n’aboutissaient pas ; quelques querelles minimes du côté de l’intendance ; mais aussi des élèves se faisant remarquer par leur brio ; des blagues mémorables en salle des profs ; des trajets joyeux et inoubliables à l’occasion du covoiturage, des travaux sur la route qui semblaient s’éterniser, et dont on ne voyait pas trop la finalité.

Un jour, à la cantine, la fameuse collègue de maths lui demanda de se joindre à sa table ; Marylou voulait que Christophe se joigne à un projet qu’elle avait élaboré : il s’agissait d’écrire un cours en collaboration avec elle, sur l’histoire de l’algèbre ; on y apprendrait comment les Arabes ont retransmis aux Grecs leurs connaissances en abstraction mathématique (ce qui n’a pas été sans conséquences sur la philosophie, la médecine, et la plupart des sciences).

Soudain, il comprit que ce visage qu’il avait devant lui, son grain de peau si fin, ses yeux dont il se rappelait étrangement qu’ils étaient verts, alors même qu’ils sont plutôt marron noisette, il eut la certitude enfin, qu’il l’aimait.

Cela le traversa de part en part, comme une évidence. Comme s’il avait toujours vécu auprès de ce visage, comme si, toute sa vie, il n’avait attendu qu’en guetteur de cette face adorée, de ce trésor vivant, conservant en éveil sa conscience dans le seul but d’être auprès, d’être en face, de lui. Il prit aussi toute la mesure de la grâce et de la finesse de ses mains, de la petitesse de ses épaules et de la troublante largeur de ses hanches. Pour lui, une féminité unique, inouïe venait de se faire jour en la femme qui lui souriait maintenant.

Et, tout d’un coup, il aima prodigieusement cette voix qui riait, ces chandails tout tâchés de fond de teint, ces lunettes un peu épaisses, mais qui résonnaient de toute sa personne, attributs d’une héroïne sans reproches. Sa maladresse même, il l’adora ; ses absences, son apparente indifférence, il s’en foutait désormais. Rien ne l’empêchait plus de venir auprès de son souvenir récent, s’endormir en son absence. L’émotion de quelques paroles échangées, de quelques sourires, de juste un signe de la main, toutes ces marques infimes et d’autres plus infimes encore tels que l’identité de son prénom à la radio, le remplissaient presque de larmes intérieures, tellement la passion l’envahissait, le structurait désormais tout entier.

C’est en murmurant des paroles imaginaires, des mots interdits, qu’il se refusait formellement à ne jamais prononcer en sa présence, sauf si l’extrême nécessité l’y contraignait, qu’il s’endormit, appelant de ses vœux les plus tendres le moindre rêve qui l’évoquerait. Au fond, quelque part cachée de son être à peine conscient désirait sourdement que rien ne soit révélé, afin qu’il soit absolument certain de ne pas mettre à l’épreuve, de ne pas défaire par l’évidence des faits, la légitimité de son sentiment amoureux naissant et furieusement précoce. Il fallait absolument que cet amour, non seulement reste platonique, pour qu’il dure à jamais, mais encore qu’il ne risque à aucun moment la moindre atténuation : la seule solution, selon lui, serait de ne jamais le révéler à l’intéressée, de ne jamais désirer même qu’il fût partagé ; bref, éviter – à tout prix – qu’il y ait le moindre soupçon qu’elle ne le puisse partager aussi, en le gardant seulement pour soi, comme une foi, comme une conviction absolument indicible et évidente à la fois.

Pourtant, deux mois passèrent et Marylou ne devint plus qu’un vague fantôme dans son esprit, à peine un souvenir. Il n’avait rien tenté, vraiment, pour la séduire ; et déjà il ne l’aimait plus. En réalité, elle l’indifférait prodigieusement après, un temps, l’avoir trouvée juste exaspérante ; laide, ridicule, et inintéressante au possible. Ses diatribes contre tel prof, son enthousiasme somptuaire, ses prétendues réussites éducatives inouïes et, évidemment, non reproductibles.

Petit à petit, aussi bizarrement, aussi incongrument qu’elle était née, péremptoire, insouciante et tyrannique, sa passion fut enterrée. Cette amourette imaginaire et univoque rejoignit à son tour, dans un coin de sa page blanche neuronale, un amas d’amours inachevés, parce que totalement incompris ou plutôt méconnus – en un mot, déniés. Christophe oublia. Il en vint à s'oublier, lui-même. Comme disait une chanson d’alors, à la mode : « Amour, à mort ».
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Message  Rebecca Dim 27 Déc 2009 - 9:43

"C’est en murmurant des paroles imaginaires, des mots interdits, qu’il se refusait formellement à ne jamais prononcer en sa présence, sauf si l’extrême nécessité l’y contraignait, qu’il s’endormit, appelant de ses vœux les plus tendres le moindre rêve qui l’évoquerait."

"Soudain, il comprit que ce visage qu’il avait devant lui, son grain de peau si fin, ses yeux dont il se rappelait étrangement qu’ils étaient verts, alors même qu’ils sont plutôt marron noisette, il eut la certitude enfin, qu’il l’aimait."

Je ne suis pas convaincue par ce texte que je trouve trés alambiqué dans ses formulations , lourd dans ses constructions.
Désolée pour cette fois ci.
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Message  Louis Dim 27 Déc 2009 - 10:19

Ça commence comme un conte. Un conte de salle des profs.
Le personnage principal, en effet, est un prof, comme tant d’autres. Il a mis toute son identité dans sa fonction d’enseignant, il croit se réaliser totalement dans sa tâche d’importance, il croit se suffire à lui-même dans l’exercice de sa haute fonction, en un état de plénitude (il se sent « comblé », sans « manque »).
Quand il rencontre sa collègue enseignante de mathématiques, il voit d’abord en elle sa fonction, comme il ne voit d’abord en lui-même que son rôle en lequel il s’identifie.
Il découvre la femme au-delà de l’enseignante, et il se découvre homme au-delà de l’enseignant. Il découvre le désir d’un « trésor vivant », le manque, le besoin d’une autre, d’un précieux amour.
La femme lui plaît. Un amour passion naît, une flamme s’allume, mais pour s’éteindre, de façon étonnante, très rapidement, alors même que le désir qu’il dure toujours est présent. La femme apparue à travers la prof s’efface de nouveau, pour ne laisser paraître que l’enseignante qui n’est pas aimée.
Oublier cette femme, c’est s’oublier soi-même. Il ne reste que deux profs indifférents l’un à l’autre.
Un prof masculin idéaliste qui croit que l’amour, c’est ce qui dure toujours ; qui croit que l’amour est éternel à la condition d’être platonique, de rester dans l’indicible et l’absence de réciprocité. Les faits racontés le démentent. Amour éphémère.
A se demander si, derrière l’apparence professorale de l’autre, ce qui est découvert, ce n’est pas l’autre tel qu’il est dans son authenticité, mais une autre apparence, un moment sublimée, objet d’une cristallisation à la Stendhal. Et cet amour qui semblait alors ouvrir sur l’autre ne découvrait en vérité que soi dissimulé sous l’habit du prof, soi et ses rêves, ce soi irréductible à son rôle d’enseignant, ce soi dont toute l’identité n’est pas dans sa fonction enseignante.

Le texte se termine par une ambiguïté. Amour à mort ! En quel sens ? A mort l’amour ? L’amour est mort ? L’amour ne peut que mourir, ne peut être que la mort, que l’ « amor ». Un peu facile cette fin ! Et peu claire.

Un texte intéressant, quoi qu’il en soit.

Bienvenue sur V.E.

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Message  Philomène Dim 27 Déc 2009 - 17:25

J'aime la boucle que forme ce "début". Le sujet du changement de perception me passionne; j'ai regretté qu'il soit un peu trop vite expédié dans ton texte : ça aurait pu être plus lent, plus subtil, ou alors provoquer un trouble ... (c'est mon côté "prise de tête" ou voyeur: j'aurais voulu voir par quels méandres de pensées passe ton personnage lorsque se modifie le regard qu'il porte sur sa collègue...)
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Message  mentor Dim 27 Déc 2009 - 22:41

je le plains un peu ce prof si versatile
s'il est comme ça toute sa vie, il ira de déboires en déboires, même si cela n'a pas trop l'air de le perturber
mais en fait on n'en sait trop rien puisque le narrateur ne nous livre pas le fond de sa pensée
le risque est qu'après une nouvelle passion, il se déclare et que cela aille très loin avant qu'il ne fasse subitement machine arrière, provoquant alors des dégâts aussi bien chez lui que chez sa "partenaire"

une phrase bancale, me semble-t-il :
Soudain, il comprit que ce visage qu’il avait devant lui, son grain de peau si fin, ses yeux dont il se rappelait étrangement qu’ils étaient verts, alors même qu’ils sont plutôt marron noisette, il eut la certitude enfin, qu’il l’aimait
"il comprit que", "que" quoi ? "il comprit que qu'il l'aimait" ? Tu vois ? ;-)

et puis aussi : beaucoup trop de mots à terminaisons en -ment, adverbes ou substantifs. Je n'ai pas compté, mais il y a pléthore

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Message  grieg Lun 28 Déc 2009 - 6:49

Autant je louais ton style, dans ton précédent texte, autant, là, je m’interroge et me demande où se trouve l’intérêt de ce récit. Pas dans l’écriture, trébuchante ; ni dans la psychologie des personnages, pas assez développée ; encore moins dans l’histoire, somme toute tristement banale…
Curieux de lire ton prochain texte pour me faire une idée.

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Message  roudorack Mar 29 Déc 2009 - 9:14

J'ai bien aimé, surtout le caractère bancal de l'écriture, un peu syncopée, qui traduit assez exactement le caractère du personnage. Il y a là, entre le style et l'idée, un écho qui me plait assez.

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Message  Invité Mar 29 Déc 2009 - 9:29

Sur le plan du récit pur, j'ai aimé ce texte, sincère et parfaitement crédible. En revanche, sur le plan de l'écriture il laisse à désirer. Tu assènes, tu affirmes, tu ne laisses pas le lecteur se construire son propre récit. Il me semble que tu pourrais récrire ce texte, le laisser respirer, je veux dire un vrai mouvement de respiration, pour insuffler de la vie à ces personnages, trop statiques, figés. J'aimerais beaucoup lire l'évolution des sentiments de Paul (? j'ai oublié son nom), comment il en arrive à trouver sa collègue ennuyeuse. Et elle, qu'a-t-elle ressenti, qu'a-telle pensé tout ce temps ?

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Message  Invité Mer 30 Déc 2009 - 21:20

Comme souvent, d'accord avec Easter(Island) : l'argument m'a plu, mais le texte ne m'a pas laissé de place pour développer ma propre histoire, ma propre interprétation des faits...

Une remarque :
"ces chandails tout tachés (et non "tâchés") de fond de teint"

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Message  Celeron02 Ven 8 Jan 2010 - 23:00

Amor 2

Christophe était devenu accro de Marylou, littéralement dépendant de son image, de son odeur, de sa voix ; de son nom, même ; jusqu’à une vague ressemblance dans la presse.

Un jeudi qu’elle se pavanait en salle des profs, un peu performeuse sur les bords, assise sur une table, les jambes croisées et vite décroisées et rebelote, certes en jeans mais quand même, allumeuse, faisant des ronds de sa bouche – il craqua. De son côté, il jouait avec sa petite bouteille d’eau, mimant peut-être un objet de désir, mécaniquement, machinalement, en faisant juste glisser ses doigts sur elle, substitut de plastique, posée justement, en biais, sur cette table. Et lui, les jambes glissées dessous, il désirait. Interdit de jouir, il quitta donc la salle ; plus brutalement sans doute qu’il l’aurait souhaité.

Au plus vite, il voulut soudain l’oublier entièrement, quitter ce monde compliqué des sentiments, pour se consacrer uniquement à son travail. Sublimer. Gagner à nouveau l’état d’impassibilité que le sage était censé ne jamais quitter – quoiqu’il fût fort loin d’être sage. Ses cours l’occupèrent à nouveau, le contact d’avec ses élèves le réconforta – il se sentait d’autant plus soutenu, qu’il donnait plus de matière à ses explications, plus de précision et de clarté à ses documents.

Vint le soir ; elle était toujours là, dans la salle (bien qu’elle n’ait absolument pas cours de la journée), à faire la majorette en civil ; trois collègues mâles, assis en rangs d’oignons sur un banc (tous mariés, et donc n’en manquant pas une miette) l’écoutaient religieusement, en écarquillant les yeux. La scène avait quelque chose de risible et, pourtant, aveuglé par le désir, il n’en éprouva que de la peine ; sans un mot, il allait passer devant les trois gugusses en pâmoison, quand il obliqua légèrement de manière à toucher épaule de Marylou ; il voulait juste sentir, un instant, sa peau contre la sienne, lui qui brûlait de la serrer dans ses bras, mais qui ne le pouvait pas ; cependant, il avait mal calculé sa vitesse, ou la distance, si bien qu’il y eut un léger choc, le contact fut agréable, mais trop brutal à son goût (et au sien… comment le savoir ?). Elle ne cilla même pas, comme si rien ne s’était passé.

Peu de temps après, une surveillante le bouscula ; Jacqueline : cette fille avait un air de famille avec une femme qu’il avait connue, et qu’il avait dû laisser tomber, « plaquer » comme on dit sauvagement, sans regrets mais non sans honte, puisqu’il s’était trompé, puisque ça ne pouvait pas marcher ; de même, Christophe fit celui qui n’avait rien remarqué ; la différence, c’était qu’elle lui avait fait mal ; bêtement, il avait mal à l’épaule.

Il crut comprendre un lien, fit le rapprochement ; il décida d’aller la voir, dans sa salle ; Marylou y était retranchée pour la soirée, à bidouiller ses ordinateurs, faire ses sauvegardes. Il allait s’excuser. Finalement il n’osa pas ; il se trouva particulièrement ridicule, et laid ; il s’excusa seulement d’un vague email qu’il lui avait envoyé et qui ne voulait rien dire. Jamais d’ailleurs, pas la moindre seconde, il n’avait envisagé de se déclarer. Elle lui reprocha, cependant, une main sur l’épaule, juste avant le déjeuner ; il ne s’en souvenait plus ou, plutôt, était tellement ému du contact de son épaule, de son bras, qu’il en avait feint de l’avoir déjà touchée, et donc d’avoir tant désiré son contact, derechef. Il lui sembla pourtant qu’ils se quittèrent en bons termes. Et cela lui suffit, oui, à cet instant précis, quand leurs regards se lâchèrent à travers l’entrebâillement de la porte, juste avant qu’il ne la refermât, après un banal « bonne soirée », cela lui suffit pleinement pour être heureux, à nouveau, illuminé qu’il était de ses yeux.

< Celeron02, vous pouvez poster les épisodes suivants dans le même fil, ce sera mieux au niveau du catalogue de VOS ECRITS, cela vous permettra aussi, éventuellement, d'en poster plus souvent qu'une fois par semaine.
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Message  boc21fr Sam 9 Jan 2010 - 4:10

Amor 1

Et bien je vais donner un avis fort consensuel !
A savoir que je suis d'accord avec presque tout le monde :
Dans l'ensemble j'ai bien aimé ce texte où l'on peut suivre le comportement d'un prof de philo dans une sphère émotionnelle où il fait montre d'une inexpérience peu commune, illustrant bien malgré lui cette parole de la marquise de Merteuil dans "les liaisons dangereuses" (qui doit ressembler à ceci) :
"Il est fort intelligent, et comme toutes les personnes fort sages, il fait montre en ce domaine d'une incroyable stupidité".
Qu'un prof de philo censé représenter aux yeux du public la sagesse et -ad minima- une certaine harmonie entre vie intérieure/réalité, idéal et altérité, se retrouve paradoxalement plongé en plein chaos émotionnel semble de prime abord difficile à penser (et en devient donc parfaitement crédible).
Toutefois, tout comme Easter, je trouve que littérairement, il pourrait être perfectionné, et surtout se montrer plus "hésitant".
A ce titre, l'usage d'un narrateur interne au récit qui dirait "je" et déploierait ses maladresses et sentiments contradictoires au présent serait bien plus adéquat, à mes yeux, qu'un "auteur jugeant" la situation sommes toutes du dessus comme un observateur omniscient.
Il convient de faire vivre ce récit, effectivement, car il est déjà parfaitement crédible.
Reste donc, et c'est toute la difficulté de se mettre dans la peau de ce personnage, à taire les conclusions qui ne sont pas les siennes, et simplement décrire ce qu'il voit, éprouve, fait...
Au lecteur de se faire une idée...

Une mention spéciale à Louis dont j'admire le commentaire (et le petit Kant à Soi Jungien ;o) )
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Message  Invité Sam 9 Jan 2010 - 9:20

Hum, j'ai trouvé l'ensemble assez confus... (Ce qui correspond à l'état du narrateur, soit.) Pas convaincue cette fois.

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Message  Invité Sam 9 Jan 2010 - 9:22

Ça me rappelle, ça me rappelle....qui ? Je l'ai sur le bout de la mémoire.... Michon, peut-être ? Et la sensualité exacerbée parce que retenue de ses personnages ? L'absence de dialogues aussi...
J'ai beaucoup aimé ce nouveau texte avec ses non-dits cruciaux, tout le jeu du langage corporel.
Bravo pour le passage sur la bouteille, un détail d'apparence insignifiant qui donne du poids au texte.

Quelques maladresses dans l'écriture, parfois un peu trop elliptique, il me semble :

"jusqu’à une vague ressemblance dans la presse." peu clair je trouve, isolé ainsi
"Elle lui reprocha, cependant, une main sur l’épaule, juste avant le déjeuner"
ici, j'enlèverais les deux virgules après "reprocha" et "cependant". Ainsi formulée, la phrase m'a donné à comprendre qu'elle avait posé la main sur son épaule tout en lui reprochant quelque chose à l'instant précis de leur conversation. C'est l'absence de complément qui m'a fait voir mon erreur d'interprétation. Je suggère donc : "Elle lui reprocha cependant une main sur l'épaule, juste avant le déjeuner" ;

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Message  Louis Sam 9 Jan 2010 - 16:22

Il manque, me semble-t-il, une transition entre ce nouvel épisode et le précédent. On en était resté à une passion éteinte et à un oubli. La passion se rallume au début de cette nouvelle partie. Comment ? En quelles circonstances ? Tu n’en dis rien. On a l’impression d’une passion clignotante, qui s’allume aussi vite qu’elle s’éteint, sans que l’on sache comment.
Il y a dans cette histoire de bousculades qui clôt le texte, comme une volonté de la part de Christophe de "bousculer" une situation, mais paradoxalement, sans heurts.
Ces premiers contacts, ces premiers touchers corporels émouvants, ne me semblent pas clairement rendus.
Puisque tu évoques l’attitude idéale du sage, en contraste avec le comportement de fait du personnage, il me semble dommage que tu ne développes pas plus le thème. Tu fais référence à l’impassibilité et à l’indifférence du sage, mais pourquoi ne pas montrer la difficulté de réaliser l’idéal, la faiblesse humaine devant des idéaux difficilement accessibles ? Pourquoi ne pas enchaîner sur la maîtrise de soi, autre aspect de la sagesse traditionnelle, et en montrer, là aussi, les difficultés ? Pour ne pas verser dans une banale histoire d’amour, il me semble qu’il faudrait donner plus de contenu et de richesse au texte, en jouant ici justement sur l’écart entre les idéaux de sagesse qu’enseigne quotidiennement le prof, et ce qu’il peut vivre dans la réalité.

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Message  Philomène Sam 9 Jan 2010 - 17:52

Je ne l'ai pas lu comme une suite mais comme une variation sur un même thème... je n'ai donc pas vu d'incohérence.

J'ai beaucoup aimé ce dernier texte, que je trouve subtil et bien mené.
Il y a juste cette phrase que je trouve un peu confuse

ou, plutôt, était tellement ému du contact de son épaule, de son bras, qu’il en avait feint de l’avoir déjà touchée, et donc d’avoir tant désiré son contact, derechef.
Le point de vue du personnage me semble beaucoup mieux rendu dans ce texte que dans le premier:
l’état d’impassibilité que le sage était censé ne jamais quitter – quoiqu’il fût fort loin d’être sage
(bien qu’elle n’ait absolument pas cours de la journée)
et l'usage des parenthèses en général,
la réminiscence que provoque la surveillante
la bouteille d'eau
la description des collègues "mâles"...
tout cela nous plonge dans la subjectivité du narrateur.
Du coup, je trouve que le premier gagne en profondeur à la lumière de celui-ci.
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Message  roudorack Dim 10 Jan 2010 - 10:24

De fait, à mon sens il s'agit d'une très bonne suite. Il faudrait que celeron en écrive d'autres, suivant l'inspiration, avant de tout reprendre afin de faire des choix narratifs qui permettront de maîtriser définitivement la nouvelle et de lui donner forme.
Franchement, j'aime bien, même si, de fait, je ne comprends pas trop cette manie de tout faire pour éviter le réel. Mais bon, moi et mon prosaïsme viscéral...

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Message  Celeron02 Ven 15 Jan 2010 - 4:13

Amor 3

Christophe se sentait nul, vidé, désespéré ; Marylou – très discrètement, très simplement - sortait désormais avec Blanchon, un savant assez illustre ; et, quant à sa tout autre possibilité d’amour, et non moins inattendue, Sibylline, elle avait rendez-vous avec le meilleur ami de Christophe, Frataire (comment être absolument – y compris du point de l’inconscient - certain si c’était pour plaider sa cause, au nom de l’amitié, ou bien plutôt pour tenter sa propre chance auprès de l’âme esseulée ? Et même si ses intentions étaient « pures », n’allait-il pas, involontairement, indirectement, détourner le désir, cette force qui manipule les âmes, le faire diverger en tous cas ?). De tous côtés, il était lâché, foulé au pied. Sa seule envie fut de creuser un grand trou, très profond, et de s’y enfouir à jamais. Au fond, la souffrance lui paraissait si intolérable, que le fait même de mourir l’effrayait moins, et même, plutôt, l’attirait. La mélopée du suicide le fascinait. Il commença une lettre d’adieu :
« Chers tous,
Croyez-moi, je vous ai tant aimés ! Ô combien eussé-je préféré vivre heureux auprès de vous !
Mais je suis définitivement las de cette vie. Mon idéal le plus puissant, le plus généreux, si tant est qu’on puisse parler de générosité d’une simple motivation, aussi forte et ancrée soit-elle, et finalement pas du tout désintéressée, cet idéal est bafoué. L’amour est, pour moi, vaincu, mort et enterré. Il m’a été révélé, comme n’étant que le pire mensonge jamais créé. Des mots dont on a plein la bouche et qui ne veulent rien dire. Une horreur qui ne fonctionne jamais, sauf à vous faire pleurer toutes les larmes de votre corps, et souffrir tout le reste de votre vie – et cela, cette peine, ça marche à tous les coups.
Mon amour le plus grand, le plus pur, se donne à une figure de l’Université quoiqu’il, je l’avoue, ne le démérite aucunement ; au contraire, il vaut cent mille fois mieux que moi, misérable vermisseau que je suis ; mon autre pseudo-amour, plus amical, plus intellectuel encore, beaucoup moins passionnel, plus raisonnable aussi, donc, dans les faits, se donne à mon meilleur ami. Marylou et Sibylline, que ferai-je sans vous ? Cette dualité de la double attraction, de la double demande de prestance, elle-même, était une torture – et je ne l’avais pas demandée - jamais !
Aucune joie, aucun espoir même, ne me sera jamais plus possible – vivre n’a plus aucun goût ni saveur pour moi.
Ô amis, parents, ne m’accablez pas ! Je ne pars pas pour vous nuire, mais purement prendre une certaine avance sur le Lieu de nos retrouvailles !
Marylou, tu es la plus belle femme du monde ; je ne t’oublierai jamais. »
Il relut sa lettre, hocha la tête trois fois – puis reposa la feuille de papier sur la table ; un immense dégoût de tout le submergea ; « à quoi bon ? », se dit-il.
Par bêtise et manque de courage, pris d’une fatigue immense qui le faisait larmoyer, tituber, se cogner dans ses meubles, il mit sa lettre à brûler dans l’évier, et alla se coucher.
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Message  Zenati Ven 15 Jan 2010 - 6:01

Belle écriture... j'ai bien aimé ce texte , j'ai suivi avec interet le comportement d'un prof de philo en France.. Celui qui est décrit vit dans une sphère émotionnelle où il fait montre d'une inexpérience peu commune
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Message  Invité Ven 15 Jan 2010 - 8:19

Je n'ai pas du tout accroché à cette troisième partie, je n'ai pas vu l'intérêt... Désolée.

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Message  Invité Ven 15 Jan 2010 - 10:32

Je dirais que humainement le sujet m'intéresse, ô combien ! En revanche, sur le plan littéraire... je ne vois pas énormément d'intérêt à ces lignes, sinon comme un exercice de style (variations sur un même thème).
Toutefois - et cela prouve qu'il y a finalement peut-être bien un intérêt littéraire à ce passage- j'ai remarqué une coquetterie : "[il] hocha la tête trois fois" ; ce "trois fois" me semble superflu, voire ostentatoire - je veux dire pour faire de l'effet - et enlève de la crédibilité à la description.
La phrase de fin, avec son ironie sous-jacente, sa dérision, relève l'ensemble même si je trouve la succession de verbes un peu outrancière ("larmoyer, tituber, se cogner dans ses meubles").

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Message  Arielle Ven 15 Jan 2010 - 11:50

pris d’une fatigue immense qui le faisait larmoyer, tituber, se cogner dans ses meubles, il mit sa lettre à brûler dans l’évier, et alla se coucher.
Et je crois qu'il a fort bien fait !
Désolée mais ces aternoiements et ces larmoiements m'insupportent au plus haut point. Ni l'histoire ni l'écriture ne me semblent d'un intérêt quelconque.

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Message  Celeron02 Ven 15 Jan 2010 - 17:47

Amor 4

Le lendemain, les merles chantaient. L’un dans la cour, un autre au bout de la rue. Christophe avait froid, il ne voulait pas se lever, se fit une raison en se représentant un bon bol de café. Cette volonté le décida à l’action.

Il avait tout le temps de repenser à ses billevesées passées. En sirotant son café, distraitement accompagné de France Info, il se rappela certains faits des années quatre-vingt dix. Il était alors un adolescent attardé, incertain de son avenir, plutôt prétentieux et idéaliste ; alors qu’il paraissait aux yeux d’autrui sans le sou, il dépensait en réalité presque tout son argent de poche – très généreux – en disques compacts. Cette passion semblait le consoler de ses affres en tout genre.
Plus particulièrement, il se rappelait Val. Elle était une jeune fille sportive ; blonde, comme on dit, de « type caucasien », avec les pommettes un peu saillantes et généreuses ; les yeux bleu-vert ; une championne de tennis, et une sorte d’égérie des pistes de dance et des concerts pop. Sa silhouette musclée, sa voix un peu grave, ses manières un peu brusques, et sa coupe ultra-courte, au carré, parfois teintée orange, tous ces caractères de garçonne auraient dû le prévenir : Val aimer « les deux », et de plus en plus, préférait les filles. Il se rappela le geste de l’index et du majeur, en forme de découpe de ciseaux, un mouvement très rapide et cependant gracieux, qui indiquait si bien son ambivalence. Il l’avait rencontrée lors d’un concert de Pulp, avec Menswear en première partie ; ce devait être en novembre 1995. Elle était assise carrément sur la scène, les jambes ballantes au-dessus de la fosse ; elle fumait ; elle ne l’avait pas d’abord remarqué ; ce fut pour lui demander si elle connaissait les groupes qu’il lui parla ; elle répondit qu’elle venait d’un concert de Lush, dont elle était fan, et qu’elle était ici la première. Ce fut à peu près tout. Il la rencontra de temps à autre, en boîte, avec des amis, dont Angeline, sa petite amie du moment. A d’autres concerts, il parla davantage avec elle. Puis elle vient aux soirées que Christophe organisa, comme DJ, des espèces d’afters pop. Cela eut un certain succès – au début – les mardis soir. Il se lia un peu avec elle, et avec certains de ses amis. L’un d’entre eux lui raconta qu’elle était sortie avec son frère ; or celui-ci se suicida en se jetant d’un immeuble du centre-ville ; il sut par lui l’endroit. Depuis, ce copain en question (c’est ce qu’il sembla à Christophe) entretenait une relation bizarre avec Val : à la fois une forte attirance physique et une quasi-haine, touchant à la misogynie. Mais il se taisait, chaque fois qu’elle arrivait – mettant toujours fin à leur conversation. Ils parleraient d’autre chose… Christophe se rappela aussi un jour de l’an auquel il fut invité, chez elle. Elle vivait dans un tour un peu sur le pourtour du centre, sur les boulevards, pas loin de la gare. Elle y vivait seule, car orpheline. Sa mère était décédée deux ans auparavant. Au menu : blancs de dinde, coquillettes et moult vin. La musique était forte ; il ne tenait pas bien. Il alla s’endormir plus tôt que les autres, trois filles outre Val et deux garçons. La nuit, il fut réveillé. Des gémissements provenaient d’une des chambres. Il n’osa approcher, se contenta d’aller aux toilettes, mais buta sur un corps, lors du retour au canapé. Il eut aussi l’impression qu’une fille était venue le tâtonner, mais il ne sut jamais si cela avait été réel ou bien simplement un rêve, un fantasme. Depuis cette expérience un peu bizarre, un peu décalée et insatisfaisante, il fut cependant très amoureux de Val. Au point d’écrire des poèmes, d’errer dans le quartier, de boire, de n’écouter que les albums qu’elle écoutait, de parler comme elle, de faire les gestes qu’elle avait, de porter des baskets comme elle, etc. Il guettait sa voiture dans les rues, à la fac. Bref il ne vivait plus ; une sorte d’automate amoureux ; un pantin sentimental, une loque du cœur. Bien sûr elle ne l’aimait pas ; il le savait dès le début. Et, pourtant, il continua sa cour inefficace et absurde ; il lui laissait des messages téléphoniques la nuit, venant sonner chez elle, quémandait de monter, puis – quand cela lui fut refusé – entra à la suite des gens, frappa à la porte de son appart, fit le paillasson vivant ; dormit dans le hall. Cela ne suffisait pas, qu’elle le repousse, qu’elle le jette ; il ne voulait pas comprendre. Aussi, devant son café, toute cette histoire lui revenait en un flash halluciné et ultra-réaliste.
Ivre, une nuit, il avait trouvé un moyen de monter sur le toit de sa tour ; d’abord il ne faisait que s’étendre sur le toit plat, sorte de terrasse couverte de cailloux blancs. Il y buvait, regardait les étoiles, se chatonnait des chansons. Il croyait pouvoir parler aux satellites, aux esprits. Enfin, un après-midi, il était monté – oui, en plein jour - vraiment atteint, il se mit à s’approcher du bord du toit. Il avait mis ses jambes dans le vide. C’étaient les siennes qui ballottaient dès lors au-dessus de la foule absente. Mais les gens vinrent. Il savait qu’il ne pourrait sauter ; ses scrupules affectifs, familiaux, plus que son instinct de conservation remarquablement perfectible, le lui interdisaient (sans doute aussi un manque de courage). Les pompiers le récupérèrent sur un rebord de béton, plus bas que le bord du toit, où il croyait pouvoir se cacher. Tout le chemin vers le sol, dans l’ascenseur, avec ces gars en vestes de cuir, il eut un gros chagrin – non pas du tout d’avoir le désespoir de sa vie, de n’être pas aimé, etc. mais seulement d’avoir été démasqué et empêché dans son fantasme. On l’emmena à l’hôpital, ironiquement situé juste en face, d’où il s’échappa très facilement puisqu’on ne s’occupait pas du tout de lui – il y a avait des cas sérieux en priorité.

Christophe rêva, du coup, au jour de l’an de cette année, au cours duquel lui et Sibylline passèrent non loin de cet hôpital – où, lui disait-elle, elle avait fait des séjours, son traitement progressait, et même pourrait bientôt être arrêté – ils y marchèrent le long, au petit matin ; et plusieurs merles chantaient ; Sybilline ne les avait jamais entendus, et s’étonna de la beauté d’un tel chant, en canon, qu’on juge ordinairement si inférieur à celui des rossignols.
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Message  Celeron02 Ven 15 Jan 2010 - 18:02

[pardon, corrections de dernière minute] Il faudrait lire : "Val aimait les deux" - et "se chantonnait des chansons"
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Message  Invité Ven 15 Jan 2010 - 18:07

Ben, pareil, je ne vois pas l'intérêt. L'histoire en forme de catastrophe avec Val pourrait m'intéresser, mais elle n'est qu'esquissée, racontée à grands traits indifférents... Les personnages ne vivent pas, pour moi, je n'ai rien à faire de ce qu'il peut leur arriver, qui n'est, finalement, que fort banal. En tant que lectrice, je pourrais m'intéresser à ce banal si les personnages avaient de l'épaisseur, ce que je n'ai pas ressenti.

Mes remarques :
« Val aimait « les deux », »
« Puis elle vint (et non « vient », le texte étant au passé) aux soirées »
« Elle vivait dans une tour »
« se chantonnait des chansons. »
« et même pourrait bientôt être arrêtée (c’est bien de Sybilline qu’il est question ?) »

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Message  Philomène Ven 15 Jan 2010 - 18:21

Ce dernier manque de profondeur à mon goût; même s'il s'agit d'un souvenir, il me semble que tu tombes dans la facilité d'une narration superficielle qui tue l'introspection du personnage, et même son point de vue sur les faits racontés (alors qu'il s'agit de son prorpre souvenir! Il ne me semble pas que le processus du souvenir, sauf artifice littéraire que je trouve désuet au moins depuis Proust, voire Chateaubriand, puisse se dérouler de façon linéaire; il faudrait des analogies, des distorsions, des marques de subjectivité du narrateur!)
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Message  Claire d'Orée Ven 15 Jan 2010 - 21:49

C'est le récit d'un événement somme toute assez banal mais qu'on lit avec plaisir.
Amicalement
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Message  Invité Ven 15 Jan 2010 - 23:16

J'ai trouvé celui-ci brouillon, à la fois sur le fond et sur l'écriture.
Dense aussi d'une certaine façon, comme si tu avais écrit dans l'urgence, pour te libérer mais sans retravailler. Ne m'a pas convaincue Val, pas plus que les aventures de Christophe, alors que cela aurait pu, avec un peu plus de soin apporté au personnage et à l'anecdote.

Remarque : j'ai l'impression que tu entends en fait par "type caucasien", type slave (blondes, pommettes saillantes, yeux clairs). Le type caucasien désigne une "personne de race blanche" (sic).

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Message  boc21fr Sam 16 Jan 2010 - 1:43

Je reprendrais l'avis donné précédemment, à savoir que je militte pour la disparition pure et simple du caractère impersonnel de la narration, ce qui n'est pas visiblement un avis isolé !
Du "je" non de Dieu ! ;o)
Les éléments donnés sont crédibles, puisque le personnage se rapproche de la femme qu'il aime d'une manière parfaitement singulière (s'habiller comme elle, faire une tentative de suicide analogue à celle de son frère...) et terriblement maladroite.
Tu fais bien de ne pas expliquer, analyser, reste à réussir à rendre la narration plus vivante, et aussi à nous donner les moyens d'avoir les réponses à nos questions (pourquoi le narrateur a-t-il été éconduit la première fois ) sous forme d'indices...
Mais ce n'est que mon ressenti...
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Message  outretemps Dim 17 Jan 2010 - 18:01

A boc au sujet au sujet "d'amor"
Qu'un prof de philo censé représenter aux yeux du public la sagesse et -ad minima- une certaine harmonie entre vie intérieure/réalité, idéal et altérité, se retrouve paradoxalement plongé en plein chaos émotionnel semble de prime abord difficile à penser
Je parierais fort que t'as jamais connu de psy! Moi, des psy j'en ai fréquenté,du moins possible, certes, mais un paquet comme copains!
Pas un à n'avoir pas merdé sa vie. L'ennui à l'état pur ... des bonnes femmes pimbêches frigides et des mômes à brûler!
Alors prof de philo ou de gym, quand on se trouve face à des demandeuses...toutes les excuses et plus. D'ailleurs aucun philosophe contemporain ne conseillerait plus la sagesse. Nous vivons dans l'urgence et vivant en perspectives plus qu'incertaines, le raisonnable n'est-il pas de ne plus l'être trop?
Ceci dit, j'en sais foutre rien de ce qu'ils pensent, les philosophes l
Par contre, pour l'écriture, ça sent le vite fait. C'est pas assez animé, trop descriptif pour accrocher. C'est un avis comme un autre. Tu mets un peu de super dans la burette et tu vas voir comme ça peut donner.
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Message  outretemps Lun 18 Jan 2010 - 11:27

Ceci dit, j'en sais foutre rien de ce qu'ils pensent, les philosophes l
J'entendais par là: aucune idée de comment vivent les philosophes. J'en ai jamais fréquenté en vie courante.

Ce que j'aimerais dire, pour tes textes, Céléron, faut que tu t'impliques plus. On te dirait en retrait timide, presqu'à t'excuser. Ecrire avec les tripes et risquer plus! Quoi, d'ailleurs ? D'autant que t'as toute la matière qu'il faut.
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Message  Celeron02 Sam 23 Jan 2010 - 7:27

Je m’appelle Christophe, j’ai 37 ans. Je suis professeur d’histoire, au Lycée René Descartes, à Cabourg-sur-Marne.

« May, je l’aime ; je l’aime, mais elle ne m’aime ».

Voilà, c’est assez simple, non ? Et pourtant, je ne lui déplais pas, je le sais, ça aussi ; je lui plais sans qu’elle m’aime, et peut-être moi-même, ne l’aimai-je pas, mais seulement la désirai-je, la veux. Ou encore, j’imagine que je l’aime, moi qui ne l’aimais pas, lorsque je l’ai rencontrée ; d’abord, j’ai bêtement cru qu’elle était la copine du prof d’arts plastiques ; ensuite, j’ai tout de suite vu qu’elle me faisait de l’œil, qu’elle pouvait prendre du plaisir, pas qu’un peu, qu’elle était une sacrée allumeuse, même que ça lui plaisait et - en même temps - que ça n’irait pas plus loin, jamais ; « trop belle pour toi », m’étais-je dit ; je l’ai rayée de mes listes ; pas assez nettement, en fait ; et j’ai oublié la leçon, je crois qu’il y a deux trois mois, j’ai cédé ; j’ai foncé ; j'suis parti ; je ne sais où, d’ailleurs.

Pas facile de revenir ; mais c’est possible ; faut comprendre ; ce serait super chiant, de mon point de vue de pseudo-macho (ultra-sensible, en vérité, quasi féminin), d’avoir une fille collée à mes basques, toute la sainte journée, que je n’aimerais pas et qui m’aimerait, qui me ferait des « bonjour ! » qui se voudraient enjôleurs, alors qu’ils sont juste pathétiques, avec des trémolos dans la voix, des incohérences, des scansions bizarres, des syncopes… comment supporterais-je, à sa place, serais-je aussi gentil, patient ? M’excuserais-je même, d’être « brusque » ? Non, probablement je m’en fouterais, serais méchant, ou pire ; ou, encore plus probablement, je me la serais « faite », sans remords, sans rien donner en échange, j’aurais tout pris, tout joui, et laissé le cadavre aux orties. Quand on a quitté, une fois, on peut le refaire. Avant, je n’osais pas quitter une femme ; désormais je n’y penserai plus, ce sera dans l’instant que je le décide ; je suis passé de l’autre côté. Et je ne sais toujours rien ; elles savent, et je n’ai rien appris des femmes.
Autre argument, évident ; je la connais à peine ! Juste quelques mots échangés, ce que je sais d’elle tient d’une réputation, d’un ouï-dire, plutôt que d’une réelle fréquentation ; d’autres hommes plus familiers d’elle, seraient tellement plus légitimés à s’en faire aimer ! Si je la connaissais vraiment, l’aimerais-je encore ? N’est-elle pas qu’un rêve, un fantasme ? Une illusion de désir pathétique ? Un pathos artificiel né du vide de mes flancs ?

Alors, l’aimer, vraiment, c’est quoi : c’est mouler ta fraise, ne rien dire, maintenant ; filer droit, faire ton job ; elle veut juste des « relations cordiales entre collègues » ; mais c’est cool, elle veut te voir encore ! Faut pas pleurer, t’es con. Arrête, là t’es franchement ridicule. Non, mais tu as vu ta tronche ? Oui, tu sais bien, il y a une île des Caraïbes, où les gens sont franchement objectivement « factuellement », tellement plus malheureux… L’amour est comme un tremblement de cœur, il y un choc tellurique qui te tue, après tu revis, mais il y a des répliques qui blessent… Par-dessus lesquelles il faut repasser ; tiens bon ; tu t’en sors, pas si mal, déjà.
Oui tu as raison, j’ai déjà cessé tout mail (mél ?) pour elle ; je tiens ! Merci l’écriture en ligne ; mieux que Nicorette ; je me sèvre à l’écrit, et je ne lui écris plus ; je suis mauvais dans la « doucerie », dit-elle ; que veut-t-elle après tout, aimer, non ? Comment peut-elle aimer un plouc qui lui demande trois fois par jour si elle va « bien » ? A qui ça peut plaire des conneries pareilles ? Alors faut continuer en ce sens, l’ignorer pour mieux la connaître, l’esquiver pour mieux la toucher. Trop beau ce film, L’Esquive, d’ailleurs. Jouer pour être sérieux, dissimuler pour faire advenir le vrai. Ne pas prendre mon visage pour un livre où les autres pourraient lire mes secrets. Je suis un coffre, un coffre suisse, un tombereau étanche à moins dix-mille mètres – même si tout le lycée sait, croit savoir, sait plus que n’importe qui et que la vérité elle-même. Tant pis, je ferai mentir la vérité. Je serai plus fort que mon amour, je serai plus grand que l’amitié. Je resterai fidèle à mes convictions, à ma « cordialité », à mes engagements. Oui, je tiendrai et j’apprendrai, encore et encore. Et il faut qu’elle me connaisse, tel que je suis, pas tel que je me rêve – pas tel que je LA rêve, ‘ELLE’. Non elle n'est pas "extra-ordinaire".

Et moi... je veux juste être un dépassement de mes tripes, être un collègue et juste un collègue ORDINAIRE comme les autres ou presque, qui pense, qui donne à penser, sans volonté de retour, sans mesquine arrière-pensée de rétribution ; produire du sens. Pas de rêve, mais des merveilles. Oui, enseigner. Donner à apprendre, pour le plaisir autant que par devoir. Être juste moi ici et maintenant ; pas un reflet, pas un songe, pas de rêverie béate ; seulement un maître fidèle, comme une construction solide et droite, intègre. Pour ma mission, de progrès et d’échange. Mon enseignement, lui, doit être extraordinaire. Pour l’émerveillement.