Lupa

[High_Voltage]

La lune vagabonde éclairant son destin
Sur les remous de l'onde envoyait son image ;
De singuliers corbeaux au ténébreux plumage
Voltigeaient au flambeau que soutenait sa main.

Le prodigieux vicaire errait dans les alpages,
Tel l'ombre d'un sicaire aux funestes desseins ;
Sous sa robe luisait un outil d'assassin :
Le poignard aiguisé comme un triste apanage.

Par une pluie câline et de tortueux chemins,
Le plus affreux sourire étirait son visage ;
Il la voyait mourir sous tant de sang carmin !

Quelle grâce opaline, et quel somptueux carnage !
J'aurai trente deniers pour payer des putains,
Le Jugement Dernier pour tout aréopage.

[Invité]

Beau classicisme ample, mais trop d'adjectifs à mon goût.

[Ento]

Même jugement que socque.

J'ajouterai quand même que les deux synérèses successives imposées par l'alexandrin, sur "tortueux" d'abord puis sur "somptueux", auraient dû être contournées; la poésie dite classique n'accepte généralement pas les pirouettes de ce genre, surtout lorsqu'elles sont difficiles à la scansion (ce qui, la plupart du temps, est synonyme de cacophonique). Bien sûr, rien n'empêche de faire fi de tout ça, d'autant que, malgré la rigidité de la forme, le fond du poème ne fait, lui, pas dans la dentelle ("Il la voyait mourir sous tant de sang carmin !", "J'aurai trente deniers pour payer des putains,"...), mais c'est toujours plus agréable d'avoir des vers qui coulent, sans nous demander le moindre effort de prononciation... (oui, je suis un lecteur fainéant!^^).

[Claire d'Orée]

Magnifique sonnet ! D'une perfection formelle absolue.
Amicalement
Claire d'Orée

[Hellian]

je n'aime pas trop ce poème maniéré et surchargé.

Certaines expressions « tirent un peu à la ligne ou à la rime» :

«...outil d'assassin :
Le poignard aiguisé comme un triste apanage »

«outil d'assassin», bof !
Et merci de me préciser pourquoi « apanage ».
En quoi le poignard aiguisé aurait-il valeur d'apanage ?
Certes, parfois les impératifs de la rime appellent à l'audace, mais il faut garder un sens, une cohérence, ce qui ne m'apparaît pas être vraiment le cas ici.

«Par une pluie câline et de tortueux chemin... »

Une pluie câline ? Intéressant, mais est-ce bien justifié dans ce décor lugubre encombré de sinistres personnage, si ce n'est par le souci de la rime intérieure entre les premiers vers de chaque tercet (câline/opaline).

Oui, surabondance d'épithètes à l'évidence,dont certains me paraissent un peu hasardeux.

[Arielle]

On ne décroche pas la lune, en poésie, avec l'application de règles suivies à la lettre. S'il s'agissait d'une science exacte, cela se saurait.
Je ne reviendrai pas sur le commentaire d'Hellian qui met l'accent sur la surabondance des adjectifs et le choix de termes "pour la rime à tout prix"
J'ajouterai que je ne ressens aucune émotion particulière à la lecture de ce sonnet qui aurait pu être inquiétant, voire angoissant mais brille seulement par les défauts de ses qualités et la froideur qui en ressort.

[Invité]

Ample, parfait, triste, médiéval , et , à chier. Je comprends en lisant la tienne , ta méfiance pour la poésie.

[Sahkti]

J'apprécie le classicisme de l'ensemble, je le trouve agréable à l'oreille et élégant. Cependant, j'émets quelques réserves à propos de la présence de l'un ou l'autre adjectif, comme la lune que l'on voit si souvent vagabonde ou le vicaire dont je me demande pourquoi il est prodigieux, sans parler des corbeaux dont le plumage est par nature ténébreux.
Je me demande aussi en quoi un poignard est un apanage ou pourquoi la pluie est câline au milieu de tout cela.
Si je reconnais de nombreuses qualités à ce texte, je lui trouve tout de même quelques défauts, notamment la présence de termes pas toujours judicieusement choisis.

[Chako Noir]

Je n'ajouterai pas grand chose à ce qui a été précédemment dit.
Très agréable à l'oreille, certaines sonorités sont particulièrement savoureuses, malgré des vers parfois surchargés :

Par une pluie câline et de tortueux chemins

Indigestion adjectivale, quand même. De même, je ne saisis pas en quoi ce vicaire est prodigieux : il vient d'assassiner une pute, grande gloire. (remplacement possible : silencieux, correspond plus au caractère d'assassin)
Les alexandrins sont impeccables, le rythme bon, la lecture orale confirme : seuls bémols, le vecteur émotionnel demeure relativement bancal, et la présence de certains éléments ne paraît pas justifiée (hormis le prodigieux vicaire, je citerais le dernier vers).
J'aime bien le titre, cependant, même si je trouve que tu aurais pu jongler sur cette image de louve pour qualifier ta putain, quoiqu'elle ne se retrouve agnelle dans ton dessein, mais j'attendais un peu d'animalité.

[Peter Pan]

Bonjour High_Voltage,

je te donne mes impressions sur ce poème, mais je suis loin d'être un expert en la matière... (ça n'a rien à voir, mais c'est pas à cause qu'on s'engueule parfois sur VE qu'il faut arrêter d'y venir, sinon ça ferait bien longtemps qu'il n'y aurait plus personne !)

En te lisant, je me suis dit que t'avais un certain potentiel pour écrire un (ou des) chouette (s) sonnet (s), mais que tu cherchais trop à te prouver que tu en étais capable au détriment du lecteur... (désolé de ne pas être aussi probant que toi dans mes commentaires ! :-)))

J'ai bien aimé la recherche de rimes à l'hémistiche, mais je trouve qu'elles auraient eu encore plus de force si tu les avais travaillées en ABBA comme les rimes finales, genre : vagabonde/corbeaux-flambeau/onde

« De singuliers corbeaux au ténébreux plumage »

Quelque chose m'échappe sûrement, mais j'ai eu du mal à me représenter ce que pouvaient avoir de singuliers des corbeaux au ténébreux plumage... un corbeau au plumage vert peut-être, mais un corbeau noir...

J'ai personnellement vu dans « outil d'assassin » une métaphore de l'attribut qu'un homme a entre les jambes (puisque ce poème est selon moi une allégorie de la sodomie ; désolé si j'ai rien compris !) et j'ai donc trouvé le « apanage » cohérent... (cela n'engage que moi !) tout comme la pluie câline représente à mes yeux « La semence »...

J'ai trouvé dommage de reprendre dans les deux tercets les mêmes rimes que dans les deux quatrains...

« Quelle grâce opaline, et quel somptueux carnage ! »

En plus d'avoir pensé à du papier Sopalin gras par la sonorité, je crois bien qu'il y a 13 pieds dans ce vers...

Dans l'ensemble, j'ai trouvé ce poème pas si mal, mais je pense que tu peux faire mieux encore...

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