Quadrichromie du temps qui passe…

[mychelc]

Bonjour à tous,

C'est ma première participation sur votre forum
ce texte est très long, trop sans doute ...
Mais il me tient à coeur ... et je voulais qu'il soit lu ...




- I –

Voici que le Temps œuvre, à pas lents, à chaque heure
Et, peintre mécontent, prend encor son pinceau
Gommant à notre insu de sa toile où ils meurent
D’un été finissant, feuillages et rinceaux.

Des restes flamboyants, plus gris à chaque aurore,
De la plaine enfiévrée par tant de jours radieux
Il mêle patiemment les tons qu’il décolore
En un brouillard humide au pastel harmonieux.

Aux beaux jours triomphants, tout rayonnants de gloire
Qui fleuraient bon un air d’oisive liberté
Il tisse sans pitié, un linceul d’or que moirent
Les rosées dans le creux des chemins désertés.

Et, pâlissant le ciel, en artiste implacable
Il dessine l’automne, un peu plus chaque soir
L’été déjà s’estompe et sa lumière aimable
Cède à regret le pas aux cieux tristes et noirs.


- II -

Un clocher me berce de sa douce oraison
Le chant du temps qui va, du fond de sa vallée
Et mon regard se perd sur un vague horizon
Où ma jeunesse, hélas enfuie, s'en est allée.

Voici l'automne encor, et son cortège noir
De pluies qui font germer les mauvaises pensées
Quand demain me parait un tortueux couloir
Où je crains de me perdre à toutes les croisées.

Que ne puis-je garder, serré comme un trésor
Tous mes élans d'avant, si chers à ma mémoire !
Je n'étais qu'un enfant, rieur et sans remord
J'aimais très fort la vie, si simple et sans histoire.

Et comme une terre qu’on ne reverra plus
Qui s’amoindrit au loin, tout au bout de la vague,
Je ne vois déjà plus tout ce que j’ai vécu
Dans la brume, Avalon se fait un peu plus vague.


- III -

O ! Temps impatient qui nous force à marcher
Saison après saison, année après année
Tu pousses le troupeau comme fait un vacher
Se moquant des espoirs de nos âmes damnées.

Ainsi nous cheminons inexorablement
Sans que nous puissions, jamais, faire une pause
Laissant derrière nous nos vies aux quatre vents,
Les restes d'un festin que l’oubli décompose.

Il nous faut avancer, sur des chemins cachés
Et faire deuil, sans fin, de ce qu'un jour nous fûmes
Et la minute intense et les instants gâchés
Tout se brouille et se mêle en ces égales brumes.

Mais qu'espérais tu donc, éternel insouciant ?
La ronde des saisons est la valse mortelle
Qui t'aveugle et te grise et t'entraîne inconscient
Aux portes du Néant, quand s’éteint la chandelle.

- IV -

Et je me suis lassé de contempler ce monde
Qui sans fin fait volter le bien avec le mal
Je suis las de danser cette infernale ronde
Puisque la Mort, toujours, est invitée au bal.

J'ai trop souvent écrit des mots bien douloureux
Qui avaient les accents d'implorantes prières
La Muse avait pour moi des regards langoureux
Dès lors que, l’écoutant, je peignais mes misères

Mais je veux le printemps, le chant, la renaissance
Secouer ma torpeur, et le joug de l’ennui
Je veux sentir souffler la brise de l’enfance
Hier, demain ne sont rien, rien ne vaut aujourd’hui.

Alors, tournez, Saisons ! Colorez les feuillages
Blanchissez mes cheveux, brouillez mes souvenirs
Et soyez tour à tour gaies, ou sombres ou volages
Tournez ! Je valserai, sans craindre l’avenir.

Mychelc
26 janvier 2010

[Invité]

Un ton très lamartinien ! J'ai aimé cette évocation mélancolique, le volontarisme de la fin et ces beaux alexandrins. Toutefois, vous me paraissez un auteur perfectionniste, c'est pourquoi je vous signale ci-dessous quelques problèmes.

Bienvenue sur Vos Écrits, à vous lire bientôt !

Mes remarques :
« Un clocher me berce de sa douce oraison » : je trouve dommage la césure après une syllabe faible, cela rend le vers difficile à scander selon moi
« Quand demain me paraît un tortueux couloir »
« rieur et sans remords (le mot prend un « s » au singulier) »
« Et comme une terre qu’on ne reverra plus » : même remarque sur la césure que ci-dessus
« Et faire deuil, sans fin, de ce qu'un jour nous fûmes
Et la minute intense et les instants gâchés » : un peu dommage, je trouve, les « Et » entamant deux vers consécutifs, ça fait cheville
« Mais qu'espérais-tu donc »

[Rebecca]

Du talent incontestablement !

[Invité]

mychelc, ce n'est jamais trop long quand c'est bien écrit.
J'ai lu avec plaisir ton poème romantique, et j'ai bien aimé la fin.
Merci et bienvenue sur VE.

[Iryane]

un poeme, un vrai, un classique,
tout en alexandrin,
mais qui malgré le carcan academique,
laisse passer le chagrin.

le temps qui passe inexorablement,
un beau sujet, ici bien décrit,
tres agreable à lire !

[Arielle]

Voilà une poésie dont les beaux accents classiques ne me sont pas inconnus ... Ravie de vous retrouver ici Mychelc et bienvenue parmi nous !

Lisez attentivement les conseils aux nouveaux inscrits. Vous y verrez qu'il est conseillé de ne pas répondre aux commentaires dans son propre fil (sauf s'il est en haut de page) mais qu'il est préférable de le faire dans "réponses aux commentaires". C'est une habitude à prendre et que nous respectons pour un soucis d'égalité dont vous comprendrez vite le fonctionnement.

Avec les mêmes remarques que celles de socque, j'ai lu votre poème avec plaisir et j'en ai apprécié la note volontairement optimiste des derniers vers.

[Sahkti]

C'est long, oui, mais pas trop, non; aucun souci à se faire de ce côté, tant tout s'écoule avec grâce et fluidité. Voilà ce que c'est quand on maîtrise à ce point ses classiques, c'est un vrai morceau de plaisir avec de belles et grandes images, des déclinaisons agréables à l'oreille et un bon choix de vocabulaire.
Au plaisir de te/vous relire !

[valérie catty]

J'ai beaucoup aimé cette ronde des saisons qui m'inspire moi aussi.
Ton poème n'est pas trop long, car il est très agréable du point de vue musical..

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