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Le testament d'un monstre

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Message  Gobu Mar 2 Fév 2010 - 21:31

Le testament d'un monstre

La seule femme que j’aie jamais aimée d’amour onc n’a connu l’homme. Elle se réservait pour notre Seigneur Christ. Elle est morte, dit-on, en odeur de sainteté. Odeur de sainteté, moi je veux bien, mais avez-vous déjà vu brûler un fils ou une fille de l’homme ? Ca sent tout ce qu’on veut, mais pas la sainteté. Ou alors la sainteté pue : elle pue le cochon grillé. Je n’ai point vu brûler la Dame de mes pensées, bien qu’une légende apocryphe prétende le contraire, mais j’ai reniflé tant et plus le parfum de la chair humaine qui grésille. Après tout, ruine et incendie sont les deux mamelles de la guerre. Sans parler de menues distractions annexes telles que pilleries, meurtre et bien sûr forcement de tout ce qui porte cotillon, depuis la plus tendre jouvencelle jusqu’à la plus coriace vieille carne. Quant à moi, je ne becquetais pas de ce pain-là. Comme je l’ai déjà dit, la Dame de mon cœur entendait sa pureté conserver pour notre Sauveur, qui le lui rendit fort mal car je ne sache pas qu’Il ait fait quoi que ce fût pour La sauver, et en dehors d’Elle, ma foi, j’avais pris femelle en horreur.

Qu’on ne m’en blâme point. Ma mère, que je perdis à l’âge de douze ans, ne me prodigua mie la moindre marque de tendresse. Mariée par contrat à un homme pour qui elle n’avait aucune inclination, elle tourna vers sa progéniture le déprisement qu’il lui inspirait. Inutile de dire que lors qu’elle disparut, je n’en conçus que peu de chagrin et ne versai point de larmes sur sa tombe. Mon père, Guy II de Laval, lequel opportunément trépassa peu de temps après, ne m’inspirait pas plus d’affection ni de considération. Plus préoccupé de chicane avec ses voisins et de procès avec sa nombreuse parentèle que de l’éducation de ses enfants, il se vengea du mépris que je lui témoignais dès mon plus jeune âge en m’infligeant toute sorte de brimades et de vexations, me faisant donner les verges en public à la plus menue incartade, me réduisant au pain sec et à l’eau des semaines entières tandis qu’il banquetait avec ses hôtes, et allant jusqu’à m’imposer de porter des vêtements féminins pour mieux m’humilier. Les précepteurs qu’il avait choisis pour m’éduquer ne valaient guère mieux. Au lieu que de me former au métier des armes et me préparer à régenter le vaste domaine dont je serais un jour l’héritier, comme il était de coutume pour un seigneur de mon rang, il leur manda de m’enseigner, à grands coups de férule, le latin et le grec, comme si je me destinais à la cléricature, ainsi que la danse, la musique et le chant. Sans le savoir, il me fit de la sorte le plus beau des cadeaux. J’ai conservé toute ma vie le goût pour la musique et l’amour des belles voix.

Après la mort de mes peu regrettés parents, ce fut mon grand-père maternel, Jean de Craon, qui prit en main l’éducation de ses petits-enfants, et celui-là était gaillard d’une autre trempe. Taciturne, brutal et fort colérique, il ne s’en trouvait pas moins administrateur aussi avisé que guerrier redoutable. Après avoir jeté au feu le plumier, le parchemin et la viole que mes précédents maîtres m’avaient mis en entre les mains, il entreprit de m’éduquer comme il se doit. Qu’un chevalier connaisse des lettres, passe encore. Feu le Roy Charles V lui-même ne possédait-il pas la plus riche bibliothèque d’Occident ? Ce pourquoi on le nommait le Sage. Mais qu’il frétille du croupion comme garcette en chaleur ou bêle motets et psaumes tel un vulgaire moinillon crotté, cela était insufférable pour mon austère bisaïeul. Il me fit mettre cul en selle au débotté, sur une carne aussi vigoureuse que rétive, laquelle me jeta bas dès ma première monte, salué par les rires des varlets et des palefreniers. C’est ainsi que rentre le métier de cavalier. Piqué au vif, je remontais en selle, et à force d’entêtement et de coups de cravache, je parvins bientôt à la mettre au pas. Nul ne riait mie. Et nul ne rirait plus de moi, j’en fis le serment ce jour-là.

A suivre...
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Message  Invité Mar 2 Fév 2010 - 21:50

Gobu délaisse la sagesse orientale pour nous plonger dans les turpitudes gillesderaisiennes, voilà qui promet !
Ceci dit, les accents archaïques de la langue du monstre me semblent plus convenus que la savoureuse verdeur de celle du Maître.
Attendons la suite.

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Le testament d'un monstre Empty Vigueur.

Message  ubikmagic Mar 2 Fév 2010 - 22:00

Une langue médiévale à souhait. Je ne suis point connaisseur mais ça semble, pour un néophyte, convainquant.

Sur le fond, que dire ? C'est conforme, je pense, à ce qu'on s'attend à trouver dans ce genre de récits. Quoi qu'il en soit, c'est mené avec vigueur, presque tambour battant. En cohérence avec le propos.

Attendons donc la suite des turpitudes et tourments...

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Message  Sergei Mar 2 Fév 2010 - 22:21

La langue médiévale qui oscille entre la grossièreté moyenâgeuse et un style presque ampoulé me plait beaucoup. Le fond s'accorde parfaitement avec la forme de ce début très accrocheur. Soit dit en passant, le héros m'est sympathique!
J'ai simplement un doute sur la validité syntaxique de la phrase suivante, dans lequel le subjonctif ("sache") me parait venir comme un OVNI:
Comme je l’ai déjà dit, la Dame de mon cœur entendait sa pureté conserver pour notre Sauveur, qui le lui rendit fort mal car je ne sache pas qu’Il ait fait quoi que ce fût pour La sauver, et en dehors d’Elle, ma foi, j’avais pris femelle en horreur.
Mais je me trompe peut-être. Je n'ai pas le courage de fouiller le Grevisse...
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Message  Invité Mar 2 Fév 2010 - 23:03

Non, il me semble justement que "je ne sache pas" est une expression figée, admise, qui fait tout de suite classe. Rocard l'a employée lors de la première guerre du Golfe, pour plaider la participation de la France. "L'Irak, dont on ne sache pas que", machin. (Ou peut-être était-ce quelqu'un d'autre qui plaidait contre ladite participation, en tout cas je suis certaine du contexte et de l'emploi inusité du verbe.)

Je rejoins coline Dé : une fois qu'on a saisi le contexte, la langue est un poil trop attendue. C'est trop "ça" dans la moyenâgerie. Mais je boude mon plaisir, ce genre d'histoire me passionne et elle se présente fort bien troussée !

Une remarque :
« Ça sent tout ce qu’on veut »

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Message  midnightrambler Mer 3 Fév 2010 - 0:43

Bonsoir,

Mais je ne sache pas qu'ça profite à ces drôles
De jouer le jeu d' l'amour en inversant les rôles
Qu'ça confère à leur gloire une once de plus-value
Le crime pédérastique, aujourd'hui, ne paie plus.

... expression parfaitement admise puisque ce monstre sacré que socque devrait immédiatement identifier l'a utilisée !

Même muni de mon meilleur bâton de marche, j'ai dû renoncer sur le chemin rocailleux de cette écriture vieillie le long duquel mes yeux butaient sur chaque aspérité lexicologique.

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Message  boc21fr Mer 3 Fév 2010 - 0:59

Ça commence bien !
Je sens que l'on va encore bénéficier de cette touche ironique et distanciée qui est ta marque, même au milieu des grillades inquisitrices et des seigneurs à l'âme aussi fétide que leur haleine...
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Message  Lucy Mer 3 Fév 2010 - 3:29

Des airs de moyen français pour un texte qui s'annonce prometteur. J'attends la suite, comme les petits copains.
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Message  Invité Mer 3 Fév 2010 - 7:43

midnightrambler : Brassens, Les trompettes de la renommée. Suis-je bête ! (Un vrai amoureux de la langue, le grand Georges.)

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Message  Arielle Mer 3 Fév 2010 - 9:23

Tentant, ô combien, de glisser entre les serres du monstre cette douce inclination pour la Pucelle. Gilles et Jeanne, un couple qu'on rêve de mettre en scène. Bon courage Gobu, je te suivrai avec intérêt sur les marches glissantes de cette fin de Moyen-Age !

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Message  demi-lune Mer 3 Fév 2010 - 11:02

Comme Sergei, je trouve le mélange grossièreté/Style recherché très évocateur de la langue moyenâgeuse et j'aime bien. J'ai plutôt lu le texte comme une "mise en place" d'autre chose avec les évidentes contraintes des présentations de base, donc on s'attend à en savoir plus sur ce qui est évoqué entre les lignes du début et ... on attend la suite !
meurtre et bien sûr forcément
La sauver, et en dehors d’Elle
même s'il s'agit d'une sainte, n'y a t'il pas que Dieu qui ait droit à sa majuscule selon les normes de la langue française ?
lors qu’elle disparut,
"lorsqu'elle" non ? Pour moi, "lors qu'elle" signifie "alors que" mais même au sens de "dès lors que", ça ne me parait pas coller avec "je n'en conçus..."
en m’infligeant toutes sortes de brimades
insufférable
me parait un peu "trop" même pour du langage recherché... (j'aurais plutôt vu une proposition avec "endurer", mais c'est perso, hein ?)
les rires des varlets
un p'tit 'r' qui s'est incrusté...
à la mettre au pas
le nom attaché au pronom "la" me parait bien loin, même si on comprend qu'il s'agit de la carne qu'il chevauche.

Voila... mais je viendrai lire la suite !
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Message  Sergei Mer 3 Fév 2010 - 13:41

midnightrambler a écrit:Bonsoir,

Mais je ne sache pas qu'ça profite à ces drôles
De jouer le jeu d' l'amour en inversant les rôles
Qu'ça confère à leur gloire une once de plus-value
Le crime pédérastique, aujourd'hui, ne paie plus.

... expression parfaitement admise puisque ce monstre sacré que socque devrait immédiatement identifier l'a utilisée !

Même muni de mon meilleur bâton de marche, j'ai dû renoncer sur le chemin rocailleux de cette écriture vieillie le long duquel mes yeux butaient sur chaque aspérité lexicologique.

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C'est bon à savoir, cette jolie formule :-) Merci pour vos précisions, socque et Midnightrembler!
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Message  Invité Mer 3 Fév 2010 - 18:07

Je me demande juste si ça va tenir la route, linguistiquement parlant surtout... Et j'ai le sentiment que oui, Gobu ne se lancerait pas à là-dedans sans savoir où il va, would he ?

Note :
la viole que mes précédents maîtres m’avaient mis en entre les mains,

Piqué au vif, je remontais en selle, (là, je serais tentée, au vu de ce qui précède et suit, d'utiliser un passé simple)

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Message  Gobu Mer 3 Fév 2010 - 22:28

...Mais point ne suffit à un noble de se tenir sur un cheval. Après tout, n’importe quel manant grandi au milieu des bêtes en sait faire autant, de même que la plupart des gens de guerre, des coursiers et même des voyageurs suffisamment garnis pour s’offrir une monture. Mon grand-père tenait à ce que j’apprenne le plus promptement possible le métier des armes, le seul qu’un homme de ma naissance pût exercer sans déchoir. La tâche n’était point aisée. En effet, non seulement mon père m’en avait toujours tenu à distance, mais il avait fait tout son possible pour me maintenir débile et souffreteux. Aussi, à douze ans, avais-je peine à courir, sauter une haie ou grimper aux arbres ainsi que le faisait le premier fils de gueux. On confia le soin de mon exercice à son propre écuyer, un soldat couvert de blessures et de gloire qui se nommait Ghislain de Beauvillé, mais que tous appelaient Ghislain le Balafré, pour ce qu’il avait reçu à la bataille d’Azincourt un coup de hache d’armes qui lui avait profondément ouvert la face depuis l’œil gauche jusqu’au menton. Non seulement il y survécut, mais il parvint avant de se faire prendre à transpercer de part en part le vaunéant qui l’avait navré de la sorte. Mon grand-père avait raqué sans barguigner la rançon de mille écus qu’en réclamait le maudit anglois qui l’avait fait prisonnier. L’or ne lui manquait point, mais les compagnons de cet acabit n’étaient point légion.

C’est entre les mains de cet homme terrible que me remit mon grand-père, afin qu’il fît de moi un combattant digne de chevaucher à ses côtés, et, un jour qu’il espérait prochain, d’être armé chevalier. Il s’y employa avec diligence. Levé dès la pointe du jour, je me devais laver tout nu à l’eau glacée du puits, puis vêtir de pied en cap avant que d’être autorisé à prendre ma repue du matin. Après messe en notre chapelle, cela va de soi. Jean de Craon prêchait qu’il ne fallait rien aimer que Dieu et rien craindre que le Diable. Pour le reste il n’aimait ni ne redoutait personne en ce bas-monde. Après le déjeuner, que j’étais autorisé à prendre en sa compagnie, le Balafré me venait quérir pour l’exercice. Depuis le matin jusqu’au soir, il me fallait m’entraîner au maniement de l’épée, bien sûr, mais aussi à celui de toutes les autres armes que l’ingéniosité humaine a créées pour occire le plus proprement du monde son prochain. C’est ainsi que j’appris à fendre les crânes d’une hache d’armes, broyer les épaules avec une masse, transpercer les torses d’une courte pique au fer dentelé ou encore briser les jambes d’un moulinet de fléau d’armes en traître. Il m’enseignait itou comme il faut user de son écu pour dévier les coups de l’adversaire et de son épée pour parer ses attaques. Mais plus encore que l’épée, l’arme par excellence du chevalier était la longue lance qu’on utilise à cheval lors de ces charges furieuses qui jettent l’une contre l’autre deux corps d’armée hérissés d’oriflamme, dans un grand charivari de cris de guerre, de hennissements et de cliquetis de fer. Voilà comme se bat un chevalier, le reste est bon pour la piétaille.

Ce n’était que le soir, lors que j’avais peine à me tenir debout tant trémulaient de faiblesse mes jambes, que j’étais autorisé à me dépouiller de mes vêtements trempés de sueur et parfois de sang pour revêtir, après vêpres naturellement, culotte de soie et pourpoint de velours que mon état m’autorisait à porter pour le souper. Celui-ci était le plus souvent somptueux. Jean de Craon avait beau être austère, il n’était point chiche-face, et n’en savait pas moins tenir son rang. Le repas onc ne comptait moins de six services, chacun composé de quatre plats différents. On servait rôts et ragoûts, potages et entremets, mais surtout le mets de choix des gens bien nés, la venaison. Gigues de biche, daubes de sanglier, cuissots de chevreuil, mais itou faisans braisés au chou, cailles en cocotte aux raisins de Smyrne, perdreaux ou ortolans bardés en brochette et même parfois cygnes ou paons dressés en éventail, bien que ces volatiles eussent une texture huileuse, une chair coriace et un fumet des plus déplaisants. Inutile de dire qu’à cet ordinaire, je me remplumais jour après jour et que j’eus tôt fait de déperdre ce teint hâve et cette langueur que les privations infligées par mon père m’avaient donnés…
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Message  Lucy Jeu 4 Fév 2010 - 0:23

Je suis toujours...
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Message  boc21fr Jeu 4 Fév 2010 - 0:42

Je me disais aussi...
Il m'aurait été étonnant que le jeune seigneur -en dépit de sa spartiate jeunesse- eusse été à la diète dans un écrit de Gobu ;o)
Très sympa...
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Message  Invité Jeu 4 Fév 2010 - 6:56

Oui, c'est passionnant !

Mes remarques :
« Mon grand-père tenait à ce que j’apprenne » : eu égard au parfum archaïsant du texte, peut-être un subjonctif imparfait amené par la concordance des temps serait-il de bonne venue ici ?
« le maudit anglois » : Anglois ?
« hérissés d’oriflammes »

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Message  demi-lune Jeu 4 Fév 2010 - 8:34

Toujours très agréable à lire. J'ai juste buté sur le dernier verbe "m"avaient donné". Je ne sais pas ... Y'a un truc qui me gêne, mais quoi ?
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Message  Plotine Jeu 4 Fév 2010 - 8:49

Houla Gobu tu te lances dans une sacrée aventure !
Non seulement il va te falloir tenir le style - tu le fais merveilleusement d'ailleurs - jusqu'au bout, ce qui n'est pas facile, mais je sens que tu es complètement dedans et je ne serais pas étonnée que tu en sois à parler le françois dans la vie de tous les jours... mais le récit s'annonce plein de péripéties.
J'ai toujours été fascinée - comme beaucoup - par cette histoire.
Quelle est la part de la responsabilité de la sainte en question sur la suite des évènements ?
Ou n'y en a-t-il eu aucune ?
Faut-il chercher dans l'enfance de ton héros ? Au passage dire que certains envient l'enfance des gosses de riches... alors que, même encore de nos jours, ils sont souvent élevés de façon cruelle.
Ou est-ce le choc de la mort de sa soeur d'armes bien aimée qui l'a conduit à de telles atrocités ?
J'espère connaître ta version dans les prochains chapitres.
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Message  Arielle Jeu 4 Fév 2010 - 9:31

Rude école que celle des armes pour les jeunes nobles de l'époque !
Je me régale.

Mais plus encore que l’épée, l’arme par excellence du chevalier était la longue lance qu’on utilise à cheval lors de ces charges furieuses qui jettent l’une contre l’autre deux corps d’armée hérissés d’oriflamme, dans un grand charivari de cris de guerre, de hennissements et de cliquetis de fer. Voilà comme se bat un chevalier, le reste est bon pour la piétaille.
L'imparfait me gêne un peu dans ce passage au présent.

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Message  Invité Jeu 4 Fév 2010 - 18:10

Je voudrais juste attirer l'attention un petit détail technique dans cette phrase :

Après le déjeuner, que j’étais autorisé à prendre en sa compagnie, le Balafré me venait quérir pour l’exercice.

où je trouve que le "sa" de "sa compagnie" est équivoque ; tel quel, il pourrait tout aussi bien renvoyer au Balafré qui suit qu'à Jean de Craon loin devant.

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Message  Gobu Ven 5 Fév 2010 - 15:25

Si la chère était abondante et goûteuse en ces soupers, la boisson n’était point servie moins libéralement. Mon grand-père, lequel onc ne s’enivrait, était pourtant grand connaisseur ès vins et boissons fortes, et quant aux nombreux convives qu’il traitait fastueusement en l’une ou l’autre de ses demeures, on peut sans offense les tenir pour les plus francs buveurs et les plus fiers ripailleurs du Royaume de France, ce qui n’est point peu dire. On présentait, dans de grandes carafes d’argent, de vermeil ou même d’or pur, de prime naturellement les vins produits sur les vastes domaines familiaux, comme muscadet ou gros plant, dont l’acidité sied si émerveillablement aux huîtres, aux poissons d’eau douce comme de mer ainsi qu’aux crustacés. Mais itou l’on proposait toute sorte de crus et de breuvages en provenance des quatre coins du Royaume et même de plus loin. Vins des papes de Châteauneuf, cabernets d’Anjou, qui étaient propriété royale, crus de Guyenne tombés entre les griffes de l’Anglois, schiedam de Hollande et brandevin du Palatinat. Les plus prisés étaient cependant les vins de la Côte d’Or, qui faisaient partie du fief de Jean 1er, Duc de Bourgogne.

Il me faut dire quelques mots de ce puissant personnage et de sa maison, tant ils jouaient et joueront un rôle malfaisant dans mon histoire propre comme celle du Royaume. Descendant direct des premiers rois capétiens, comte de Flandre, d’Artois et de Charolais, le Duc Jean était surnommé Jean Sans Peur, tant pour sa bravoure au combat que pour son tempérament belliqueux. Il fut en 1396 fait prisonnier par le Sultan des Ottomans Bayazid, dit la Foudre, à la bataille de Nicopolis, et son père Philippe le Hardi point ne rechigna à verser pour sa libération une rançon exorbitante de 200 000 florins, qu’il fut contraint d’emprunter à un coquin de banquier lombard. Dès la mort de son père, Jean prit possession de ses fiefs et n’eut dès lors de cesse d’accroître son immense apanage et brouiller à son profit les affaires du Royaume. A la déchéance du pauvre Roy Charles le sixième, il s’acoquina avec sa catin d’épouse, la reine Isabeau de Bavière, laquelle aux Anglois vendait pièce par pièce le plus gras du Royaume, et il n’hésita point à faire traîtreusement occire en 1407 le propre frère du Roy, Louis d’Orléans, lequel avait eu le front de se mettre en travers de son chemin. C’est pourtant aux commis de cet homme de peu de foi que mon grand-père achetait le plus gros des barriques dont il emplissait ses caves, tant les vins vendangés en ses vignobles surpassaient tous les autres en bouquet comme en vigueur.

Point ne faut croire que l’on avait son content de banqueter et s’enivrer au cours de ces soirées. Bien qu’ayant lui-même peu d’inclination pour les arts, Jean de Craon avait à cœur d’honorer ses hôtes en faisant venir en son logis, pour leur divertissement, toute sorte de baladins, ménestrels et autres saltimbanques qui égayaient le souper de leurs fabliaux, leurs chants et leurs facéties. Des cracheurs de feu faisaient, tels les dragons des légendes, jaillir de leurs bouches de longues traînées de flammes, des jongleurs peuplaient l’air de balles qui semblaient suspendues entre terre et ciel, tant était grande leur habileté, des bulgares aux visages hérissés de barbe faisaient faire mille tours à des ours d’aspect terrifiant, et de souples bohémiennes dansaient lascivement au son du luth et du tambourin, ce qui ne manquait point d’offusquer notre chapelain. Lors qu’on fêtait quelque saint d’importance, ou à l’occasion d’une victoire du parti Armagnac auquel mon grand-père appartenait, il n’hésitait pas à ouvrir les portes à ses gens, depuis les plus gras des bourgeois de ses villes jusqu’aux familles des plus pauvres laboureurs, auxquels il offrait si bonne chère et bel accueil qu’à ses invités les plus titrés. C’est ainsi, m’enseignait-il, qu’un grand seigneur en doit user avec sa gent pour qu’elle clame en tous lieux sa munificence et sa bonté. On l’aura entendu : Jean de Craon, plus encore que de haute naissance, était riche, immensément riche.

Or, et il n’avait de cesse de me le répéter, un jour, tout cela serait mien. Souventes fois, il me faisait grimper avec lui jusqu’au sommet du donjon, et embrassant du geste la campagne et les bois à l’entour, il me faisait admirer l’étendue de mon futur fief, qui s’étendait bien au-delà de l’horizon. De mes parents, j’avais hérité des forteresses de Champtocé, Machecoul et Tiffauges, mais aussi des seigneuries de Saint-Étienne-de-Mer-Morte, La Bénate, Pornic, Princé, Vue, Bouin, Ingrandes et autres lieux. Appartenant à la maison de Laval-Montmorency, j’étais de par ce fait allié aux plus hauts lignages du royaume, et surtout baron de Rais, un titre qui remontait aux rois carolingiens et que moult de ses détenteurs avaient illustré de leurs hauts faits d’armes. Itou m’avait couché Jean de Craon sur son testament, me faisant ainsi l’héritier putatif de ses nombreux fiefs, de ses hôtels de Nantes, Vannes et Lorient, ainsi, surtout, que de sa fortune qui passait pour l’une des premières du Royaume. Seuls sans doute les ducs de Bourgogne et de Bretagne étaient plus garnis que lui, encore étaient-ils le plus souvent jusqu'au col endettés, tant leur coûtaient intrigues et guerres qu’ils menaient sans répit ni repos...
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Message  Invité Ven 5 Fév 2010 - 15:57

Un style très luide, qui fait très bien passer des observations nécessaires sans doute, pour camper le personnage, mais un poil lassantes à mon goût...

Remarques :
« des bulgares (« Bulgares », s’il s’agit de gens originaires de la Bulgarie ; mais peut-être le sens est-il autre en cette période ?) aux visages hérissés de barbe »
« Seuls sans doute les ducs de Bourgogne et de Bretagne étaient plus garnis que lui, encore étaient-ils le plus souvent » : la répétition se voit, je trouve

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Message  Invité Ven 5 Fév 2010 - 16:40

Ceci :

"il s’acoquina avec sa catin d’épouse, la reine Isabeau de Bavière, laquelle aux Anglois vendait pièce par pièce le plus gras du Royaume, et il n’hésita point à faire traîtreusement occire en 1407 le propre frère du Roy, Louis d’Orléans, lequel avait eu le front de se mettre en travers de son chemin."

et cela :

émerveillablement

que je ne connaissais pas ; si beaaauuuuu.

Sinon, je suis, j'avance pas à pas au long de ce texte lent, qui prend le temps de poser des repères.

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Message  Rebecca Ven 5 Fév 2010 - 17:29

Merci. Je découvre qu'un récit historique peut n'être point ennuyeux.
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Message  Arielle Ven 5 Fév 2010 - 18:12

Nous entrons céans dans le vif du sujet ...

il me faisait admirer l’étendue de mon futur fief, qui s’étendait bien au-delà de l’horizon.
... un peu répétitif dans la même phrase, cher seigneur ;-)

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Message  Arielle Lun 15 Fév 2010 - 19:43

Qu'est-ce qu'il devient notre Barbe-Bleue, Gobu ???

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Message  Gobu Sam 27 Fév 2010 - 16:02

...J’ai jà dit que mon grand-père était de naturel austère, sombre de tempérament et si dur à la peine que peu enclin aux plaisirs. Cependant, il s’en trouvait un auquel il prenait une délectation extrême, au point qu’il s’en confessait chaque matin comme d’un péché à son chapelain, qui lui en baillait absolution d’autant plus volontiers que son pénitent le traitait sur un pied de seigneur, chose rare s’agissant d’un simple curé de campagne. Ce plaisir était la chasse, et dès que je fus en état de galoper dignement à travers taillis, clairières et fourrés, il m’y convia à ses côtés si souventes fois que possible. Ce n’étaient point bois ne friches qui faillaient en ses domaines autant que dans ceux de mes parents, et le gibier, à poil comme à plume, y grouillait tant que nos manants eussent pleuré le plus gras de leurs récoltes si nous avions cessé de l’exterminer avec assiduité.

Nous courrions sus cerfs et chevreuils, sangliers et lièvres, mais itou loups et renards qui menaient vie dure aux troupeaux et poulaillers de nos gens. Jean de Craon, tout méprisant qu’il fût envers les clercs, selon lui gent de palabre et de chicane, n’en savait pas moins des lettres tout comme moi, et il avait pour livre de chevet le fameux Livre de Chasse du non moins fameux comte de Foix Gaston Fébus, homme exécrable et vil, mais chasseur émérite et seigneur munificent. Il possédait de cet ouvrage un exemplaire magnifiquement enluminé par les miniaturistes les plus renommés, dont on dit qu’il avait appartenu à la bibliothèque royale, et il m’en faisait parfois lecture au coin du feu. Jean de Craon aimait toutes les formes de chasse, et en particulier à courre, pour laquelle il n’entretenait pas moins de trois meutes, l’une de dogues, la seconde d’épagneuls, et la troisième de bassets, incomparables pour traquer la bête rousse aux défenses acérées. Cependant, il tenait pour la plus noble de toutes, comme le comte de Foix, la fauconnerie. Il possédait plus de dix oiseaux de proie dressés pour la chasse au bas vol comme au haut vol, dont un magnifique sacre, ou faucon sacré de Jérusalem, qu’il avait acheté 3000 écus à Jean sans Peur, lequel l’avait reçu du Sultan ottoman à sa libération. Ce méchant duc, maugré ses immenses possessions était parfois si fort désargenté qu’il ne renâclait point à vendre, à prix d’or, les présents qu’on lui avait fait.

Pour moi, je n’avais que peu d’appétence pour la fauconnerie, si noble que fût cet art. Ce ne fut que plus tard, lors que je fus entré en pleine possession de mes domaines, que j’acquis à mon tour une grande volière, et plus pour l’illustration que par inclination personnelle. Par contre, dès mes premières chasses, j’avais furieusement pris le goût du dépistage de l’animal, de sa longue traque à travers bois et prairies, les jambe serrées autour des flancs de ma monture, de son forçage au mitan des abois de la meute, et surtout de sa mise à mort...
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Message  Lucy Dim 28 Fév 2010 - 3:06

Par contre, dès mes premières chasses, j’avais furieusement pris le goût du dépistage de l’animal, de sa longue traque à travers bois et prairies, les jambe serrées autour des flancs de ma monture, de son forçage au mitan des abois de la meute, et surtout de sa mise à mort...
Ah ! Nous y voilà ! Comme ceci est habilement amené.
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Message  Invité Dim 28 Fév 2010 - 21:08

On comprend que tu postes peu sur ce texte, j'ai l'impression qu'il doit falloir un temps infini pour formuler ces phrases et sans doute faire les recherches adéquates. Ok, je suis toujours.

Deux coquilles :

Ce n’étaient point bois ne friches qui faillaient en ses domaines autant que dans ceux de mes parents,

les jambe serrées autour des flancs de ma monture,

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Message  Invité Dim 28 Fév 2010 - 21:22

Je suivais au début, parce que je trouvais que c'était bien mené, original...
Mais il n'y a pas à dire : maintenant j'ai du mal à suivre. Ce style, malgré sa fluidité indéniable, ... me rebute un peu. Je reconnais le travail de recherche derrière, mais les récits historiques ne m'attirent généralement pas, et si c'était bien parti, je décroche.
Je m'efforcerai quand même de vous (te?) relire une prochaine fois, parce que cela en vaut la peine.

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Message  demi-lune Dim 28 Fév 2010 - 22:05

Toujours solide et travaillé. La mise en place est certes longue mais je gage qu'elle en vaut la peine !
Easter, à mon avis, ceci n'est point une coquille
Ce n’étaient point bois ne friches
mais une tournure ancienne.
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Message  Arielle Mar 2 Mar 2010 - 9:06

Je te suis Gobu, langue pendante -ah, la langue !- à travers taillis, clairières et fourrés mais, je me demande s'il ne serait pas temps de plonger ta lance dans le flanc de la bête. Quitte à revenir, par petites touches au cours de l'histoire, à ces magistrales illustrations qui nous permettent d'entrer dans le monde de ton héros.

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Message  Gobu Mar 2 Mar 2010 - 15:32

...La première fois que mon grand-père me donna permission de tuer moi-même la bête que nous avions forcée, il tint à ce que je donne la mort en chevalier, et que j’y hasardasse ma propre vie au moment que d’en ôter une. C’est ce pour quoi, au lieu que de me laisser simplement plonger ma dague dans le cœur palpitant d’un cerf ou d’une biche aux abois, il me fit mettre pied à terre, une longue pique de bois au poing, pour affronter au corps à corps un vieux solitaire des plus hargneux. La bête, rendue folle par les jappements des chiens qui l’encerclaient en se tenant à respectueuse distance de ses redoutables défenses, labourait le sol de ses pattes en poussant terrifiants grognements. Bien campé sur ma jambe arrière, le genou à terre comme me l’avait enseigné le Balafré, l’extrémité inférieure du pieu fichée en oblique dans le sol, j’attendais la charge du monstre que nos rabatteurs excitaient pour le pousser dans ma direction. Sans vantardise aucune, je dois avouer que je ne ressentais point la moindre crainte. Le matin même, connaissant le mortel péril auquel je serais exposé, je m’étais confessé à notre chapelain de tous mes péchés, et avais, après avoir reçu la Sainte Communion, remis mon âme entre les mains de notre Seigneur Christ. Ainsi paré du côté du Ciel, je pouvais sans effroi m’apprêter à occire ou à être occis.

Pour ceux qui n’entendent mie à l’art de la chasse, il leur faut savoir que sanglier qui charge onc ne se laisse détourner de sa route jusqu’à ce qu’il ait renversé sa cible afin de lui mettre tripaille à l’air de ses défenses. Adoncques il suffit de l’espérer sans se mouvoir, en orientant la pointe acérée de la pique de façon à ce qu’elle pénètre d’elle-même au défaut de son épaule gauche, seule manière de lui percer le cœur sans coup férir. Qui trémulerait à l’instant de piquer et le toucherait à un autre endroit ne ferait que le navrer, serait immanquablement jeté bas et périrait sur le champ de mâle mort. Mon sanglier ne dérogeait point à la règle et se rua sur moi comme s’il avait aux trousses tous les diables de l’Enfer, poussant des grognements propres à glacer le sang dans les veines. Si rude fut le choc qu’il s’empala jusqu’à mi-partie sur le bois et que je craignis un instant que celui-ci ne se rompe. La pique, grosse comme poignet d’homme, tint pourtant bon, mais si violente fut la secousse et si fermement je la tenais que je me démis l’épaule droite. Dès que le monstre fut à terre, vomissant un flot de sang, nos varlets se précipitèrent pour l’assommer si d’aventure il avait conservé souffle de vie. Mais il n’en était mie. J’avais bel et bien occis ma proie dès ma première rencontre, et la fierté que j’en conçus me faisait oublier le violent dol que me causait ma navrure.

Mon grand-père, lequel avait en selle contemplé toute la scène, mit pied à terre et vint me serrer dans ses bras à m’étouffer. Je dus les dents serrer pour ne point crier tant mon épaule me lançait, mais je n’aurais pour rien au monde terni mon triomphe par quelque signe de faiblesse, et trouvais la force de faire bonne figure à nos gens qui, depuis les rabatteurs jusqu’aux maîtres-chiens, m’acclamaient en poussant vivats, tandis que mon grand-père sonnait de sa trompe la fin de la chasse. Je succédais itou à me remettre en selle sans mie laisser paraître de ma souffrance, et ce ne fut que de retour en notre castel que j’en fis part au Balafré, qui me soigna le plus simplement du monde en remettant en place mon épaule d’une seule secousse. C’est ainsi, m’enseigna-t-il, qu’on doit curer cette sorte de mal, et point n’est besoin du rebouteux ou du médecin pour traiter si bénigne affaire. Il n’avait point tort, et en moins de deux jours, j’eus recouvré toute l’usance de mon bras droit. Le sanglier que j’avais si proprement expédié pesait plus de trois cent livres, ses oreilles et sa queue revenaient de plein droit à qui l’avait occis. Cependant, j’obtins de mon grand-père qu’on ne mutilât point sa tête, la voulant conserver pour m’en faire un trophée qu’on exposerait en la grande salle du donjon parmi ceux qui jà s’y trouvaient. En revanche, au souper de fête qui suivit, on me laissa déguster à moi tout seul la fameuse queue, qui avait été longuement braisée dans un riche fond de vin de Beaune, d’aromates et d’épices diverses. Dois-je confesser que de toute ma vie, je ne m’étais régalé de si bon appétit ?...
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Message  Lucy Mer 3 Mar 2010 - 0:17

Je suis toujours...
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Message  Invité Mer 3 Mar 2010 - 7:36

Moi aussi. Bien rendue cette scène, je pense.

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Message  Rebecca Mer 3 Mar 2010 - 8:35

Epique, d'une certaine façon.

"Ah le violent dol que me causait ma navrure!"
Rien que pour lire cette phrase, je suis bien aise des dégâts collatéraux (unilatéraux devrai je dire)que la chasse occasionne chez notre disciple du Balafré, par tous les diables de l'Enfer et de l'envers du décor !
Dois-je confesser qu'en pareille compagnie , je me suis régalée de bon appétit ?
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Message  silene82 Mer 3 Mar 2010 - 12:16

Gobu est un grand monsieur, et ceux qui ne l'avaient pas remarqué jusque là feraient bien de l'inscrire sur leurs tablettes, s'ils en ont.
Son art du récit, l'immense trésor qu'il a accumulé dans une effrayante foultitude de domaines plaident assez, s'il était besoin d'argumenter.
Le récit est un pur régal, comme à peu près tout ce qu'il écrit , fin, vif, riche et documenté.
Je suis partagé, cependant, sur cette intromission, que j'espère amène, d'un vieil françois de convention, qui à coups de mots-balises signale qu'on est au Moyen-äge ou à sa fin.
L'équilibre me paraît hasardeux et compliqué : ou l'on prend le parti stylistique d'écrire dans une logique de vieil françois, et nul n'y entend mie, pas même l'auteur, ou l'on raconte une histoire, en l'agrémentant des gimmicks qui relancent l'intérêt.
J'irais presque jusqu'à dire que l'utilisation intensive du jargon pseudo-moyenâgeux dénoterait presque une inquiétude, comme si l'intérêt général du récit avait à tout prix besoin de câpres et de cornichons. Je te le dis solennellement, ô Gobu mon très aimé et très cher ami, ton talent n'a pas besoin de colifichets de cette sorte.
Je veux dire en cela que c'est trop, ou trop peu. Ou l'on guigne de l'œil, ou l'on raconte, ce qui n'empêche aucunement de glisser quelques bonbons de loin en loin.
Alors, pour mon goût, c'est délectable, certes, mais je me fusse fort bien passé des maniérismes. Ou alors j'eusse écrit le texte en vieil langage françois, et en aurait donné traduction ensuite. Comme d'un manuscrit exhumé - ou trouvé à Saragosse -.
Tu vois, ami, la seule note discordante - et encore - te vient de moi, mais il eût été trop aisé - et menteur - d'idôlatrer en aveugle.
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Message  Invité Mer 3 Mar 2010 - 12:23

La bête, rendue folle par les jappements des chiens qui l’encerclaient en se tenant à respectueuse distance de ses redoutables défenses, labourait le sol de ses pattes en poussant terrifiants grognements.
j'ai manqué un peu de souffle pour cette phrase.

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Message  Invité Mer 3 Mar 2010 - 12:28

J’avais bel et bien occis ma proie dès ma première rencontre, et la fierté que j’en conçus me faisait oublier le violent dol que me causait ma navrure.
Juste pour noter.

Pas de commentaire significatif. Je lis, c'est un bon divertissement, pour l'instant. Me prend l'envie de tuer un babiroussa, pour essayer la technique que tu nous présentes.

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