Bound for surviving

[silene82]

Jonathan commence à élaborer des stratégies ingénieuses, car bien que désigné comme bouc émissaire fréquent, il inclinerait à trouver que cela commence à bien faire.
Témoin les lignes.
Jonathan est bon élève, on ne peut pas le lui enlever, même si ses dispositions relèvent plus de l'esprit de finesse que de géométrie. Et même s'il est dans une bulle fantasmatique, dans un univers mental qu'il s'est constitué, il n'est pas obtus au point de ne pas avoir saisi que ce sont les talents mathématiques, en son temps, qui font prime sur le marché, avec toutes leurs applications évidentes, cybernétiques et scientifiques.
Jonathan, avec toute sa gentillesse emblématique, et quoiqu'il s'efforce d'être un petit garçon modèle, avec sa bonne petite tête à claques de premier de la classe, cheveu plaqué ou en brosse, c'est selon, lunettes de notaire, tombe parfois, malgré ses précautions, dans les pièges subtils du Malin.
Ce n'est certes pas par manque de mises en garde : il sait de tout sûr que le diable, bien connu pour la virtuosité trompeuse de ses déguisements, guette inlassablement l'occasion de le faire trébucher. Et, les scapulaires en gousses d'ail étant peu pratiqués dans son milieu, malgré leur efficacité attestée par des siècles de chrétienté, il lui faut se contenter d'objurgations mentales, proches en efficacité de celle des pucelles répétant il ne faut pas.
C'est qu'il a tout un arsenal de formules rituelles douillettement logé dans un recoin de son encéphale, dénommé âme dans la confrérie; le vade retro Satanas, avec son caractère ostentatoire, frôlant l' excessif, en est presque grand-guignolesque : qu'on le défouraille pour une raison considérable, suggestion de larcin de denrées comestibles, invitation à l'inhalation de substances tabacologiques, passe encore, en pareil combat, la réponse doit être appropriée à la rudesse de l'assaut. Mais pour le train ordinaire, un mantra de l'école du dimanche suffit amplement, pour autant qu'il soit judicieux.
Jonathan, dont le disque dur est encore virginal, emmagasine depuis si longtemps ces ritournelles qu'il dispose d'un arsenal conséquent, prêt à répliquer en toutes circonstances.
Les formules magiques sont enrobées d'une guimauve musicale, et, balisant les grandes occasions de tentation, donc de chute, anticipent, avec une imagination prospective, les situations possibles dans lesquelles elles pourraient être judicieusement employées.
L'appel aux plaisirs éphémères se combat par l'énoncé de ce que le fou sur le sable a bâti sa maison, maison se transformant, par un tour de passe-passe à la fois édifiant et mystérieux, en Jésus, sur lequel l'auditeur est invité à construire. Les propos malsonnants, qu'il n'est pas exclu que Jonathan, malgré sa proverbiale gentillesse, puisse proférer à destination de ses sœurs, se combattent par le lavage spirituel, formulé de manière imagée et accessible : le savon lave mon visage, mais seul Jésus peut laver mon cœur.
Or les impedimenta spirituels souffrent d'une grave lacune : rien ne prévient de la dangerosité considérable d'un péril toujours en suspens, et qui peut avoir de funestes conséquences. Alors que des trésors d'inventivité ont été déployés pour tenter de cerner le spectre des péchés prépubères, galaxie considérable et qu'il faut inventorier en détail pour leur opposer vigoureusement la formule ad hoc, l'impasse a été faite, comme s'il était véniel, sur un péché gravissime, dont Jonathan est tristement accablé.
Jonathan bavarde en classe.
Ce sympathique petit crétin aime aider, souffre en classe quand un des ses condisciples peine ou ânonne, se retient à grand peine de hurler les réponses, puisque, dès qu'il a les livres scolaires, acquis de seconde main, il dévore toutes les matières le premier jour, et, chiot maladroit, tente d'insuffler son savoir sans réaliser qu'il n'intéresse personne. Charitable et aidant, il mène mille petites discussions à mi-voix dans la classe, pourvoyant des informations sans se rendre compte qu'il fait office de distributeur, mais que ses co-scolarisés n'ont que peu d'appétence pour l' appropriation personnelle, et notamment l'effort qu'elle requiert.
Mais cette bonne volonté brouillonne et inutile, puisque sans finalité réelle, du moins chez ses condisciples, finit inéluctablement par lasser le maître, qui tire quelques coups de semonce, en l'air, évoquant d'éventuelles punitions.
Bizarrerie de l'esprit humain, Jonathan aime les punitions, les lignes : lisant plus tard les écrits théoriques d'Escher, il sourira sur la notion de remplissage périodique d'un plan. Ce qui ne s'applique d'ailleurs pas réellement à cette conjoncture, mais évoque quelque chose du même ordre. Jonathan prend l'espace fini de la page comme un terrain dans lequel il doit déposer des signes le plus rapidement possible, et, à l'instar de Pascal réinventant Euclide, il reformule, modestement, les rudiments du taylorisme : la main qui trace le même mot, de haut en bas, va très vite, mais s'ennuie. Les artefacts tels que les stylos maintenus telle une flûte de Pan, avec une ligature élastique et un calage approprié, sont redoutables, mais demandent de la précision au tracé : l'esprit peut plus difficilement vagabonder.
Quoi qu'il en soit, expérimentateur et empiriste, que ce soit avec les techniques de perçage ou les procédés de reproduction, le vaste champ des possibles combinatoires, la réflexion sur le développement exponentiel de la virtuosité, qui le laisse imaginer qu'il doit en être de même pour toute activité humaine, du vol à la tire à la maîtrise instrumentale, le divertissement que cela procure, et qui lui évite de penser que demain il faudra encore vivre, lui donnent un sentiment assez euphorique de réussite. Il n'ira pas jusqu'à solliciter d'être puni par ces pensums qui font écumer ou accablent les autres, mais s'en accommode, ma foi, gentiment.
Sauf si monseigneur, son père, apprend cet intéressant ajout au travail scolaire. Auquel cas, explication lumineuse ou justification plausible, tous les chatoiements de l'imagination qu'il pourrait déployer ne serviront de rien. Doublé ordinairement, si l'humeur est badine; triplé sinon.
L'inventeur invente, certes, mais se lasse vite de son invention : cent lignes permettent de déployer les ramages d'une technique nouvelle, et d'expérimenter. Devenir tâcheron est moins exaltant, et tourne au système. Jonathan ruse donc, et ne porte pas ses pensums en bannière, non plus qu'en sautoir : il les exécute sans faillir, mais sans en redemander.
Mais.
Mais si ordinairement la livraison calligraphique satisfait le Moloch scolaire, il peut arriver que, inconscience ou sadisme, l'instituteur en demande la signature.
Par ascendant autorisé.
Du calligraphe à l'artiste, et le faussaire en fait évidemment partie, il n'y a qu'un pas; l'honnêteté béate de Jonathan répugne à la contrefaçon, mais il est arrivé qu'il s'essaye, rouge et soufflant, notamment lors de la délivrance au mandant. Quand il voulait esquiver le bissement. Ou plus.
La dernière fois, l'excellent pédagogue a relevé au passage, et presque sans y toucher, que le tracé de l'honorable signature semblait assez peu assuré. Mais n'a pas insisté : Jonathan est tout de même un esprit présentable, bien utile lors d'une inspection. Quoique le bâillon puisse sembler parfois une solution appropriée.
Jonathan, qui n'a pas encore lu l'Éloge de la fuite, excelle dans le registre pauvre mais digne, souffrant mais stoïque, victime mais courageux.
Il a assez habilement remis la précédente punition à la signature bidouillée en y adjoignant, comme par inadvertance, la production supplémentaire à laquelle monseigneur l'avait convié; le maître, sourcil interrogatif, l'a questionné, et, bredouillant maladroitement, Jonathan s'est laborieusement laissé interroger.
Aussi quand il prend son ton humble pour demander s'il doit la faire signer, cette nouvelle punition, avec juste le regard de chien de SPA qu'il faut, le maître, ému mais digne, lui donne l'accolade en le dédouanant du paraphe multiplicateur.
Jonathan, pour survivre, peut agir comme une petite pute.

[Invité]

que de géométrie.

La géométrie. Merci. De rien. Pas de quoi.

[Invité]

J'ai trouvé laborieuses les explications sur les lignes à copier, et carrément rien pigé au coup des lignes supplémentaires proposées au maître ! Dans l'ensemble, le texte m'a paru confus...

Sinon, silene82, je te signale l'existence d'un pseudonyme commun anonyme servant à la publication, mais pas aux interventions subséquentes sur les textes, même pas les réponses de l'auteur aux commentaires. L'idée est de permettre d'aborder un texte sans connaître d'emblée son auteur, non de jouer à cache-cache pour savoir qui a écrit quoi.
Si cela t'intéresse, envoie-moi un mail pour me demander le mot de passe associé à l'utilisateur "jaon doe"...

[Invité]

J'ai beaucoup de mal en lecture avec ceci:

Jonathan est bon élève, on ne peut pas le lui enlever, même si ses dispositions relèvent plus de l'esprit de finesse que de géométrie. Et même s'il est dans une bulle fantasmatique, dans un univers mental qu'il s'est constitué, il n'est pas obtus au point de ne pas avoir saisi que ce sont les talents mathématiques, en son temps, qui font prime sur le marché, avec toutes leurs applications évidentes, cybernétiques et scientifiques.

notamment par ce "en son temps" . Un narration de conte.

[Plotine]

J'ai trouvé laborieuses les explications sur les lignes à copier, et carrément rien pigé au coup des lignes supplémentaires proposées au maître ! Dans l'ensemble, le texte m'a paru confus...

Sinon, silene82, je te signale l'existence d'un pseudonyme commun anonyme servant à la publication, mais pas aux interventions subséquentes sur les textes, même pas les réponses de l'auteur aux commentaires. L'idée est de permettre d'aborder un texte sans connaître d'emblée son auteur, non de jouer à cache-cache pour savoir qui a écrit quoi.
Si cela t'intéresse, envoie-moi un mail pour me demander le mot de passe associé à l'utilisateur "jaon doe"...

Ah voilà pourquoi il y a une invason de "jaon doe". C'est une excellente idée.

[Plotine]

Ce n'est certes pas par manque de mises en garde : il sait de tout sûr que le diable, bien connu pour la virtuosité trompeuse de ses déguisements, guette inlassablement l'occasion de le faire trébucher.

Je ne comprends pas cette phrase.

[Rebecca]

Je vois l'idée mais j'ai trouvé ces explications un peu alambiquées.

[Invité]

J'ai eu l'impression d'effeuiller un artichaut pour arriver au cœur du sujet, Jonathan se cache sous de trop nombreuses couches de mots. Et pourtant, comme il m'est cher, ce jeune personnage.

Note :

"Mais pour le train ordinaire, un mantra de l'école du dimanche suffit amplement, pour autant qu'il soit judicieux. "

je l'ai entendu !

[Celeron02]

Joli ce descriptif de l'esprit d'un élève (doué mais puni ?) - un esprit calligraphique, graphomane comme dirait Nothomb.

Je n'aime pas la dernière phrase.

[bertrand-môgendre]

extrait :... il lui faut se contenter d'objurgations mentales, proches en efficacité de celle des pucelles répétant il ne faut pas.
En supprimant la première expression, il lui faut, tu mets en lumière la dernière, que je verrai bien répétée plusieurs fois.

[bertrand-môgendre]

Les artefacts tels que les stylos maintenus telle une flûte de Pan,

Un portrait précis où l'ombre portée du peintre empiète parfois sur le sujet mis en lumière.

[Invité]

Ce qui me gêne dans ce texte que pourtant j'aime bien : tu fais trop de trop longues phrases. Je n'ai absolument rien contre les phrases qui balancent en bel équilibre leurs subordonnées. Mais ( à mon sens) elles doivent être entrecoupées de phrases beaucoup plus brèves pour les aèrer et donner au lecteur un sentiment de triomphe rétrospectif : "ah, j'en suis venu à bout !" quand il peut se reposer en lisant une phrase absorbée, elle, en une seule bouchée...

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