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Kaléidoscope : Hold me, thrill me, kiss me, kill me

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Plotine
Lucy
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Kaléidoscope : Hold me, thrill me, kiss me, kill me Empty Kaléidoscope : Hold me, thrill me, kiss me, kill me

Message  Lucy Dim 21 Fév 2010 - 20:18

C'est juste pour participer à l'appel à textes.


La nuit est sombre. La nuit est claire. Le sol est froid, mou. Elle est tombée. Respirer est douloureux. Dans son dos, elle se souvient. La lame. Elle se sent portée, étonnée d’être toujours en vie. Elle se relève, on la tire en arrière, par les cheveux. On la pousse, elle obéit, avance. Elle a toujours obéi. Les hommes, par des grognements, saluent la lune pleine qui leur montre le chemin. Elle ne sent plus ni ses mains ni ses pieds, mais au mouvement des bras et des jambes, elle se sait avancer. Entraînée. S’enfoncer dans les profondeurs de la terre glacée. Les couleurs disparaissent, l’obscurité emplit ses yeux au rythme des battements de son cœur. Elle aurait juré, pourtant… Il y a du sang, là, qui coule sur ses paupières et lui entre dans la bouche. Comme elle voudrait pouvoir crier. S’endormir, enfin.






– C’est le dernier, cria Miller. Vous les embarquez ?
Jones acquiesça.
– Trois. On va pas s’ennuyer, lui glissa Sam. Beau travail, messieurs ! Nous vous devons une merveilleuse découverte.
– Et quelques pintes !
Les acclamations des « hommes des tourbières » vinrent appuyer la demande de Miller. Un bien maigre salaire pour une tâche d’une telle importance. Des pintes, songea Jones. Pourtant, il avait bien besoin d’un verre, lui aussi.
– Allez ! On embarque nos hommes des tourbières au pub le plus proche, et on décolle. Récents ? Anciens, tu penses ?
– Tu ne devrais pas les appeler comme ça.
– Quoi ? Tant qu’on ne sait rien de ce qui se cache dans ces boîtes…
– Je parlais de ces types. Tu sais ce que sont les hommes des tourbières.
Sam Edwards sourit en hochant la tête. Jones estimait son collègue, mais ne parvenait pas à s’habituer à ses manières peu conventionnelles, à son manque de respect évident des morts.
– Tu devrais cesser de tout prendre trop au sérieux. Viens boire avec nous et détends-toi un peu. Nous avons trouvé quelque chose de remarquable.

*
* *

Son souffle s’accélère. Elle voudrait respirer moins vite, moins fort. La douleur, dans son dos… Le froid. Après l’explosion de couleurs, il ne reste que la noirceur. Les ombres bougent, alentour. Les hommes s’impatientent. Il faut en finir. La brume masque la lueur de la lune. Mauvais augure ! Et ces tremblements, toujours. Ses vêtements sont restés au village. On recouvrira son corps d’une cape, après. Elle ne frissonnera plus, après. On la pousse, elle tombe. Ses genoux s’enfoncent, déjà, dans le sol instable. Des doigts agrippent ses cheveux, tirent. Un gémissement lui échappe. Elle est épuisée, se relève pourtant. Le sang chaud coule sans fin le long de son échine. Voir les couleurs se mélanger dans sa tête. Être capable de les voir, encore une fois. La corde autour de son cou. Quand se sont-ils arrêtés ? Elle ne peut plus respirer. Elle essaie, pourtant. De toutes ses forces.

*
* *

– Il nous en reste deux. Quant à celui-là, on a été chanceux.
Chanceux ! Décidément, Sam en avait de bonnes. L’équipe avait découvert que le premier corps examiné remontait à l’âge du fer – ce dont ils se doutaient déjà – dans quelques temps, ils en sauraient davantage. Le visage, morceau de cuir brun tanné à l’extrême, était légèrement défoncé dans sa partie gauche. Un peu comme si la joue et la mâchoire s’étaient effondrées. Cela était-il dû à une exposition prolongée à l’air ? À un coup ? Jones n’aurait su le dire avec certitude. Il s’intéressait, déjà, au second cadavre. Même peau brune, même cheveux roux, « elle » avait des traits, toutefois, mieux conservés. Pourvu qu’il ne s’agisse pas de la même mauvaise surprise qu’avec le troisième corps.
– Qu’est-ce qui te fait dire que c’est une fille ?
– On le voit bien. Regarde son visage et ses cheveux !
– Mais dis-moi, Jones ! Ce sont des faits sur lesquels tu t’appuies ou des impressions. C’est pas très professionnel, venant de toi.
Jones soupira. Sam ricana.
– Il est temps que tu sortes de là et que tu ailles te trouver une vraie femme, mon ami. Je commence à m’inquiéter pour toi.
– Je fais que mon boulot et…
– Et ça attendra jusqu’à demain. D’abord, une pinte et des femmes. T’as besoin de voir la vie en couleur.
– Une pinte ? demanda Jones. T’espères me convaincre avec une seule pinte ?
Sam s’esclaffa, attrapa sa veste et se dirigea vers la porte. Après avoir veillé à ce que « la belle », comme l’appelait désormais son ami et collègue, soit en sécurité dans son sarcophage de terre et de tourbe, Jones éteignit les lumières et verrouilla les lieux.

*
* *

Elle avait essayé de leur cacher, ô combien elle avait essayé ! Ils devinaient tout, voyaient tout, savaient tout. Elle posa une main sur son ventre rond. La douleur, diffuse, était-ce l’enfant ou le mal ? Du matin où elle s’était allongée sur la terre encore humide de rosée et où elle avait sentie cet élancement entre ses cuisses, elle se rappelait surtout du soleil dansant entre les branches des arbres qui les abritaient, elle et l’Homme. Des tâches de lumière qui dansaient dans le vent comme il se mouvait au-dessus d’elle. Des pervenches bleues dans l’herbe verte, du ciel bleu, des feuilles vertes, de ses yeux bleus sous cette couronne de branches vertes. Puis du sang, rouge.
Le soir où tout avait commencé, elle savait déjà que la vie grandissait en elle. Mais, cette soirée-là, son corps avait changé. Elle voyait la lumière dans la noirceur environnante. Des ombres colorées, changeantes, vibrantes. Une explosion de couleurs. Puis, le froid, la douleur et la peur. Elle n’était pas la seule. On en avait trouvé d’autres, comme elles. Certaines étaient passées par le feu, d’autres avaient été pendues. Il y avait des hommes, aussi. On ne savait plus quoi faire.
Son tour était venu. Le lacet, autour de son cou, se resserrait. Des tâches sombres crevaient la nuit claire. Elle suffoquait. En reprenant conscience, elle pensa qu’elle flottait. La lune, ronde et pleine comme son ventre, guidait les hommes qui la transportaient à travers les marais. Puis, elle s’enfonça. Encore, et encore, et encore.

*
* *

Les restes de nourriture contenus dans leurs estomacs avaient révélé des similitudes. Des grains, des herbes, une sorte de drogue à l’ancienne et un possible empoisonnement à l’ergot de seigle. « La belle » n’avait pas été mise à mort au cours d’un sacrifice rituel, Jones penchait pour une autre théorie. Les tests avaient révélé qu’elle portait un enfant au moment de sa mort. Les sols avaient bougé et le ventre de la femme avait été pressé, écrasé, si bien que ce n’est qu’en retrouvant de petits ossements dans son utérus que l’équipe s’était rendue compte de sa double découverte.
Sam fit irruption dans le bureau.
– J’ai eu des nouvelles de l’autre. Tu es prêt ?
Jones ne comprit pas tout de suite à quoi il faisait allusion.
– Une amie m’a donné ceci. Oh ! Ce n’est pas le rapport d’enquête officiel. Juste quelques brochures et un peu de logique. Ils avaient raison. Elle n’était pas pour nous, celle-là. Regarde !

*
* *

Et lèche le petit bout de papier buvard ! Elle rit. Le truc n’a pas encore fait son effet, mais ce que Darling lui a filé avant oui. Et sacrément ! Mais pourquoi ils s’énervent, tout à coup. Ils ont des drôles de têtes, ces types-là. Ils veulent qu’elle les suive et ils tirent sur ses bras, mais elle a pas mal. Elle les a élastiques, il faut dire. C’est fou ce que c’est marrant.
La voiture est remplie de mousse et elle flotte. Les sons dansent dans ses yeux. Darling est parti.
La terre est molle et bleue et rose et fait swouch sous les bottes-échassiers. Mais elle tombe et elle a mal. Les semelles ont dû lâcher. Les couleurs s’envolent et le sol noirci. En léchant ses lèvres, elle reconnaît le goût du sang. Elle frotte ses yeux, sent quelque chose la frapper en plein visage avant qu’on ne lui enfonce la tête dans la boue. Elle veut crier, de toutes ses forces. Oh, comme elle le veut.

*
* *

– Tu devais bien te douter qu’un corps avec un sac à mains ne pouvait pas être aussi ancien que les deux autres.
– Mais elle ne sera pas exposée dans un musée, elle. Est-ce que c’est juste une question d’accessoires ?
Sam sourit, mais ne fit aucun commentaire.
– Allez, Jones, viens ! Je t’offre un verre.

*
* *

La nuit est sombre. Le sol est froid, mou. Elle est tombée. Respirer est douloureux. Dans son dos, elle se souvient. La lame. Elle se relève, on la tire en arrière, par les cheveux. On la pousse, elle obéit, avance. Elle a toujours obéi. Elle ne sent plus ni ses mains ni ses pieds, mais au mouvement des bras et des jambes, elle se sait avancer.

La nuit est claire. Les hommes, par des grognements, saluent la lune pleine qui leur montre le chemin. Elle se sent portée, étonnée d’être toujours en vie. Entraînée. Elle aurait juré, pourtant… S’enfoncer dans les profondeurs de la terre glacée. S’endormir, enfin.

Les couleurs disparaissent, l’obscurité emplie ses yeux au rythme des battements de son cœur. Il y a du sang, là, qui coule sur ses paupières et lui entre dans la bouche. Comme elle voudrait pouvoir crier.
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Message  Plotine Lun 22 Fév 2010 - 10:33

Etrange récit. J'ai bien aimé le kaléidoscope du soleil à travers les feuilles, entre autres. Il y a beaucoup d'autres images très intéressantes.
Pas trop compris pourquoi on en voulait tant à cette malheureuse mais je vais relire.
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Message  mentor Lun 22 Fév 2010 - 22:06

c'est bien mystérieux tout ça... Mais quelle belle écriture ! En plus c'est très prenant (prégnant aussi ;-))
un mystère, donc, un assassinat bien camouflé, sauf ce fichu sac à main
est-ce que l'histoire est finie ?

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Message  Iryane Mar 23 Fév 2010 - 7:37

je pense que c'est voulu, mais j'ai d'abord pensé que ces hommes avaient sequestré et maltraité la jeune femme

et le déclic :
avait découvert que le premier corps examiné remontait à l’âge du fer
Qu’est-ce qui te fait dire que c’est une fille ?

et là je comprend que la jeune femme tirée par les cheveux, flashback préhistorique ...
bien joué !

et puis ...
Elle n’était pas pour nous, celle-là. Regarde !
ma théorie de la femme préhistorique tombe à l'eau ...


bon, finallement, si j'ai bien compris, il n'y a que ce paragraphe :
Elle avait essayé de leur cacher, ô combien elle avait essayé ...
...
Encore, et encore, et encore.
où il est question de la femme préhistorique ?
tuée par les hommes parcequ'elle est enceinte ?

Le texte est prenant, j'ai tout lu d'une traite, j'ai beaucoup aimé la facon dont c'est écrit.
J'aime bien le fait d'alterner les interlocuteurs, mais j'avoue m'être un peu perdue, ne sachant plus au final si la femme qu'on emmène et qu'on maltraite ( et fini en squelette ) est préhistorique ou contemporaine.
Ou les deux.

je reviendrai lire à tête reposée.
Iryane
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Message  Invité Dim 28 Fév 2010 - 10:08

Voilà un bel exemple de narration éclatée, en kaléidoscope. Sans parler des couleurs qui se heurtent les unes aux autres.
J'aime ton texte, Lucy, tu es une virtuose de ce genre de narration parallèle (je pense à Loïc aussi). Et surtout tu as la light touch, ton écriture sait distiller la bonne dose de mystère : très présent sans être envahissant, sans pour autant prendre le dessus du récit.

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Message  Rebecca Dim 28 Fév 2010 - 11:56

Trés bonne idée ces flash back.
Le mystère reste encore épais , le qui, quoi, comment, pourquoi continuent de tourner dans ma tête comme un kaléïdoscope.
Exercice réussi donc.
Rebecca
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Kaléidoscope : Hold me, thrill me, kiss me, kill me Empty Re: Kaléidoscope : Hold me, thrill me, kiss me, kill me

Message  Invité Dim 28 Fév 2010 - 12:24

C'est magnifique ! Très bien écrit, le rythme est vif, la narration et le "mystère" tiennent en haleine.
J'ai vraiment aimé alors que lire les longs textes sur l'écran me rebute toujours un peu... Bravo Lucy !

Juste ceci :
Des tâches sombres crevaient la nuit claire. Des taches..., une tâche, c'est un travail.
l’équipe s’était rendue compte = le ppassé de se rendre compte est toujours invariable
l’obscurité emplie ses yeux au rythme des battements de son cœur = emplit, verbe en IR et pas en ER.

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Kaléidoscope : Hold me, thrill me, kiss me, kill me Empty Re: Kaléidoscope : Hold me, thrill me, kiss me, kill me

Message  Peter Pan Lun 1 Mar 2010 - 7:41

Bonjour Lucy,

j'ai beaucoup aimé ce Kaléidoscope, j'ai lu tout ça d'une traite sans à aucun moment m'ennuyer ou penser à autre chose... (c'est rare en ce qui me concerne ; souvent, un rien m'éloigne de ma lecture !)

Je me suis dit après coup que le titre avait sûrement une grande importance dans ton histoire, il est peut-être la clé de l"énigme que nous propose The Lucy Riddler...
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