Réflexion matinale
4 participants
Page 1 sur 1
Réflexion matinale
Réflexion matinale
Elle est infirmière, le clame, c’est honorable. Du moins ce le serait si son métier, elle vous le balançait pas à la gueule comme pour vous apprendre la compassion, comme pour vous dire, j’en suis la dépositaire. Elle enchaîne, sans honte aucune sur sa vie, la déballe comme pour justifier de son acariâtreté. Faut dire qu’elle a élevé ses deux gosses toute seule dans un monde difficile alors : alors sûrement qu’elle a raison de ne pas aimer la légèreté, de mépriser les sentiments simples : la vie c’est pas du gâteau, faut souffrir pour être beau, avoir souffert pour écrire, ne pas causer légèrement, ne pas évoquer le bonheur simple, l’amour, l’amitié et toutes ces choses qui nous font humain parce qu’elle en a trop vu elle. Qu’elle en a chié elle. Contrairement à beaucoup d’entre nous qui n’ont rien vu, rien vécu, nous qui sommes nés dans la félicité, nous qui avons grandi dans l’opulence et le confort.
Ecrivant ces lignes, d’un coup, je réalise que je ne t’ai jamais remercié toi ma mère. Toi qui faisais le même métier et, je me souviens avoir passé une partie de mon enfance accroché à tes sabots blancs parce que t’avais pas les moyens d’une baby-sitter, que tu comptais pas tes heures. Tu travaillais en pédiatrie, on disait « Pédiatrie » par pudeur, parce que en réalité dans ces années-là et dans ce pays-là, c’était davantage un mouroir. Des enfants, ils en partaient tous les jours : une couche d’enfants, une couche de chaux, une couche d’enfants, une couche de… Et toi t’élevais les tiens seule, sans jamais rien leur cacher de l’horreur de ce monde. Quelquefois, comme si ça suffisait pas, on prenait un petit zinc direction l’enfer sur terre pour une campagne de vaccination, une campagne anti-faim. Tu savais que ça ne changerait rien, que toujours en enfer marcheront des mômes aux ventres rebondis de malnutrition, au corps dévorés par la maladie, faute de vaccins, faute de moyen… pourtant.
Tu n’en parlais jamais, jamais je ne t’ai entendu te vanter, ni même le temps passant, aborder le sujet.
Quelques années plus loin j’ai le sentiment que ma gouaille, mon apparente légèreté, cette façon que j’ai de dénier le pathos, de passer au-delà pour voir le beau derrière et le raconter, d’apporter un sourire, un peu de réconfort, d’espoir si simplement humain, — parfois — à qui me lit, c’est à toi que je le dois.
Merci pour ça.
Merci aussi, pour avoir appris à tes chiards, que la compassion, l’altruisme, la souffrance, se rangent dans le rayon « Pudeur » pas dans le rayon « Fanfaronnade ».
Yali- Nombre de messages : 8624
Age : 59
Date d'inscription : 12/12/2005
Re: Réflexion matinale
Je répète ici quelques mots de ma critique de là bas : Yali, tu as visiblement encore beaucoup de choses à nous dire, à nous écrire, merci à toi.
Re: Réflexion matinale
Beaucoup apprécié cette réflexion.
Style, élégance, justesse de ton et PROFONDEUR.
J'ai eu le même cheminement de pensée en réaction au post de l'infirmière.
Style, élégance, justesse de ton et PROFONDEUR.
J'ai eu le même cheminement de pensée en réaction au post de l'infirmière.
Kilis- Nombre de messages : 6085
Age : 78
Date d'inscription : 12/12/2005
Re: Réflexion matinale
Yali, je ne vais pas commenter ce texte, et tu sais pourquoi. ;-)
Jonjon- Nombre de messages : 2908
Age : 40
Date d'inscription : 21/12/2005
Page 1 sur 1
Permission de ce forum:
Vous ne pouvez pas répondre aux sujets dans ce forum
|
|