Lettre intime

[Lili]

Ceci est une déclaration aux airs d’autopsie, peut-être un évasif état des lieux.

J’ai cet étau dans la gorge jusqu’au coeur, une maudite ardeur contenue. Un soleil anxieux et lourd logé dans la poitrine, chaque jour plus effacée et chaque jour moins farouche. J’attends le revers - brutal je l’espère - de l’anesthésie. J’attends la claque, le scalpe, la douleur salvatrice. J’ai besoin qu’on m’écorche ! Autrement, tout se dissout, tout est si moelleux, tout m’écoeure. La nourriture, la chaleur, l’eau douce..

On peut créer la Beauté, puis oublier que cela sonne faux pour finalement se lover dedans, comme un chien. Un pauvre chien fou léchant la main qui lui caresse la tête : triste perspective ! Je ne pense pas pouvoir être plus heureuse que mes tragiques héroïnes.
La gueule dans la bière ma belle : j’ai bien essayé l’electricité à outrance ainsi que les doubles jeux, mais tout fini par m’ennuyer tragiquement. Jusqu’au prochain brasier. Et dire qu’à chaque fois je pris -vomis même et il m’est arrivé de me rouler par terre comme un corps en flamme - pour que ce soit le dernier. The last one, la der des der, ultime combat, la dernière morsure...

Je n’ai pas assez lu pour échapper aux sentiments banals, et j’en suis désolée. Il faudrait encore se frotter à des douleurs, pour se poncer, se faire briller, enlever les peaux mortes. Mais moi je m’ébroue comme un chien et tout disparaît. J’aurais voulu m’ancrer... Je déteste ce malaise en moi. Pourtant, j’aime des livres à la folie. Je les lis une fois de tout mon saoul, et passe le reste de ma vie, la vie après le livre, à feuilleter des passages, dévorer quelques phrases et ensuite détourner la tête pour mieux profiter du trouble causé. C’est en lisant que l’on devient malheureux, et moi je suis si triste.

J’étais si équilibrée, à 15 ans. Comment reconnaître la première fêlure ? Il est difficile de ne pas inventer de signes avant-coureurs. Toujours cette foutue erreur de parcours, mais l’élément déclencheur, c’est de la mauvaise fiction. Je ne crois qu’aux lents détériorement.

Je ressens des choses terribles, que dire d’autre ? Je regarde les autres, et comme ils ont grandi ! Il n’y a vraiment que moi pour pousser obstinément vers l’intérieur. J’ai vite abandonné l’idée de jouer l’enfant prodige, la petite Ada, je ne suis plus crédible. J’ai mal pour des raisons absurdes, allelouia comme on dit.

Pour pallier ces risibles faiblesses, je suce les autres jusqu’à la moelle. J’aspire et engloutis et digère diverses personnes mais ensuite ? Je suis tellement vide et j’ai tellement mal, pourtant jamais au bon endroit (s’il y en a un).

Quand t’arrêteras-tu d’espionner tes semblables, comme un monstre gluant tapi sous les lattes ? Il n’y a que les fous pour croire à la beauté de l’auto-torture, en vérité c’est dégueulasse. J’aurais voulu être spéciale à plein temps, et non pas d’un point à un autre, que les choses soient plus absolues. Je voudrais qu’on m’explique à quoi ça sert de vivre des choses moyennes si l’on peut toujours se mettre à vif.

Comme j’ai pu courir pour une simple caresse !

A présent mon cher moi-même, mon double adoré, j’ai juste envie de plonger dans une mer de feuilles rougies, de mordre des choses en pleurant, et de rester pour toujours coincée dans une nuit sur le mont chauve de Moussorgski. J’ai envie de m’enfoncer jusqu’à la moelle dans un strapontin d’opéra, de me mettre minable seule dans ma cage. Ou alors m’endormir en serrant les poings et en imaginant ses jambes entre les miennes, en récitant la chaleur, l’apaisement. J’ai envie de mourir d’une mort violente en récitant des vers de Maiakovski à tue-tête. J’ai envie de sangloter comme une gamine la tête sur mon chien et les jambes nues sur le carrelage. Je n’en peux plus d’avoir les hanches qui ressortent et de frotter mes coudes contre mes os quand je marche. Je voudrais pouvoir me reposer sur mon propre ventre, je voudrais courir comme un bête et m’écrouler à n’importe quel autre endroit. Mais je suis fatiguée, je n’ai même plus la force de jouer la folle. Je voudrais juste m’endormir jusqu’en été et faire du vélo toute la nuit.

[midnightrambler]

Bonsoir Lili, et bienvenue sur VE !

Quelques remarques :

- le scalp ... sans "e"
- je prie - ... - pour que ce soit le dernier.
- la der des ders ...
- je ne crois qu'aux lents déteriorements.
- courir comme une bête ...

Une lettre à qui pourra la lire ...
Un texte décousu ... c'est ce que j'ai pensé avant une relecture attentive - pour les remarques - qui m'a fait oublier les quelques fautes sans gravité !

Une perle : C'est en lisant que l'on devient malheureux ... ou deux : Il n'y a vraiment que moi pour pousser obstinément vers l'intérieur ...

Amicalement,
midnightrambler

[Lucy]

Voilà un texte qui va me faire guetter le prochain, que tu voudras bien envoyer, avec impatience.

[Polixène]

Moi je crois bien que tu es "spéciale à plein temps" car ton texte,oui! est un cri du coeur, ou bien du ventre enfin par là, quelque part entre amer et amour...

Son côté "je vomis tout, triez si vous pouvez" en fait un monologue brut ,que
tu pourrais retravailler dans la graduation par exemple, ou autre ...mais qui ne manque pas d'intérêt !

[demi-lune]

Mélange de violence en jaillissement et de lucidité amère, j'ai senti beaucoup de souffrance dans ce texte (quelque chose qui m'a touchée de très près et que j'ai eu le sentiment d'avoir, hélas, cotoyé). Un beau texte, très fort et prenant même si douloureux.

[Iryane]

un beau texte, plein de belles images et de joli mots,
une mise à nue bien amenée, qui donne envie d'en savoir plus. d'en lire plus en tout cas ...

[Yellow_Submarine]

Un texte qui me parle

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