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Il aimait la vie seulement les jours ensoleillés

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Il aimait la vie seulement les jours ensoleillés Empty Il aimait la vie seulement les jours ensoleillés

Message  Iryane Dim 28 Fév 2010 - 10:24

Il aimait la vie seulement les jours ensoleillés.
Ca le faisait tenir plusieurs mois dans l’année.
Les autres jours n’avaient pas d’importance, il restait enfermé.
Il lui était arrivé de rester quatre mois sans mettre le nez dehors. L’aide ménagère se chargeait de lui faire ses courses.
Il hibernait.
Dés le printemps et les premières chaleurs, il s’habillait avec soin, et tout guilleret, empruntait le chemin de terre qui le menait au village.
Parfois il n’allait pas très loin, s’enfonçait un peu dans le bois et méditait, bercé par le pépiement des oiseaux.
Le plus souvent, il continuait et s’asseyait sur le banc en face de l’église.
La place de village fourmillait de jeunes gens et de jeunes filles, aux épaules dénudées.
Cette fraîcheur … ça lui manquait. Revenir en arrière.
Et revivre exactement de la même manière. Il n’avait aucun remord. Ou presque.
Toujours le visage de cette petite fille, avec ses tresses, qui le hantait.
Il savait ce qu’elle était devenue. Elle s’en était finalement bien sortie. Mais il aurait pu lui éviter tout ça. C’est loin. Il y a si longtemps. La guerre fait parti d’un autre temps, d’un autre monde, régi par des valeurs différentes.
Il voudrait pouvoir partir en paix.
Il sent qu’il est prêt.
Son corps fatigue. Son cœur surtout.
Lâcher prise, enfin. Mais pas avant de lui avoir tout dit.


Une heure qu’il est parfaitement immobile. Les fesses au bord du lit, les mains sur les genoux.
Il a chaud.
D’habitude, à ce moment de la journée, il est déjà sur son banc, à savourer l’été.
Aujourd’hui, il ne peut pas. Comme si son corps tout entier était tétanisé par la léthargie qui règne dans son esprit.
Il s’y est résolu, il ira lui parler, avant l’arrivée de l’automne. Cette décision lui fait l’effet d’un couperet. L’avènement de sa propre fin. Il est temps désormais.
Lentement, ses jambes se détendent, ses doigts se décrispent. Son dos lui fait mal, quelques palpitations dans la poitrine, et le voila debout. Raide, statique. L’esprit en déroute.
Il sent le courage lui faire défaut mais il se doit d’y aller.
Pour elle, pour lui. Pour apaiser ses nuits.


Il se tient droit comme un piquet devant l’immense bâtiment. Tellement froid et impersonnel. Des petites fenêtre, sans âmes, comme autant d’œils qui le regarde.
Il est mal à l’aise. Peut-être que l’attendre à la sortie de son travail n’est pas la meilleure option?
La cueillir au bas de chez elle, lui semble encore plus déplacé.
Ce serait une nouvelle fois, s’immiscer dans son intimité.
Elle sort. Elle a encore bien changé. Mûrie. Epanouie
Elle est passée trop vite. Il ne peut pas lui courir après...
La prochaine fois, il se placera plus loin, pour la voir arriver.
Elle semble heureuse. La dernière fois, elle passait son dernier examen de fin d’étude. Son mémoire. Il était sur un des bancs de l’amphithéâtre. Discret et attentif. Invisible.
Elle a réussi ses examens. Elle est devenue avocate. Il n’a jamais pu assister à une de ses plaidoiries. Ce doit être beau...
Il reprend le bus, dans le sens inverse, qui le dépose juste devant son banc. Parfait. Le trajet entre lui et elle est si simple finalement.

Cette fois ci, il la voit sortir. Il ne s’est pas mis trop loin pour n’avoir pas à courir.
Son état physique ne le permettrait pas. Tout lui semble si sordide en cet instant
Faut-il vraiment lui rappeler ces funestes moments ? Peut-être a-t-elle oubliée, et vit très bien ainsi…
Il avance vers elle malgré tout. A petit pas lent, en lui jetant des regards par en dessous. Il l’interpelle par son prénom.
S’il survit à tout ça, il sais que ce prénom restera gravé à jamais dans sa mémoire, jusqu’ à son lit de mort.
Elle pose ses yeux, si bleus, sur lui.
L’air surprise, elle fronce les sourcils quelques secondes, elle ne le reconnaît pas.
« Pourrais-je vous parler un moment ? »
« Là non, j’ai un rendez-vous. Vous êtes?»
« Un … un ami de ton père »
Le pire, c’est que c’était vrai.
« Revenez me voir demain à mon bureau. C’est au cinquième étage, le bâtiment derrière. A 14h00 ? Un client s’est décommandé. On pourra parler de votre affaire. »
Et elle est partie. Il n’avait pas besoin d’une avocate, juste de soulager sa conscience.
Il reviendra demain.

Assis bien droit en face d’elle, il ne la regarde pas. Mais il lui raconte tout.
Sa propre main qui défait les tresses, libérant ses cheveux long jusqu'à la taille. Châtain clair. Presque doré cet été là. La petite du père Chapuis. Il la lui déposait quand il vaquait à ses petites affaires.
De la contrebande. Ou de la résistance, il n’a jamais su. La mère de la petite est morte juste avant la guerre.
Elle était si mignonne la petite Chapuis. Elle babillait sans cesse avec tant d’insouciance
Ca l’agaçait parfois, à cause de la noirceur de la vie dehors, de l’entendre si joyeuse.
Elle ne pouvait pas se douter des atrocités commises là, juste dans le village. Il revenait du front, une blessure à la jambe lui avait permis de rentrer.
Pour découvrir ses vieux parents morts, et sa sœur, disparue. Il était tout seul dans cette maison devenue trop grande pour lui.
Alors oui, la petite l’agaçait et l’enchantait à la fois. Sa gentillesse, sa façon de dire des choses si sensées parfois… elle l’étonnait de jour en jour.
Elle se confiait à lui sur ses petits malheurs quotidien, bien plus qu’elle ne le faisait avec son père.
Un matin, elle est venue se blottir contre lui suite à un chagrin: son ours en peluche venait de perdre un œil. Ce câlin innocent avait réveillé en lui des sensations qu’il voulait faire taire.
Il l’aimait cette petite, peut-être même plus que toute les femmes qu’il avait pu côtoyer jusque là.
Elle n’était pas sa fille. Ni sa compagne. Pas même une confidente. Il aimait juste passer ses mains dans ses longs cheveux. Lui refaire ses tresses, après.
Eviter son regard interrogatif pendant qu’il laissait ses doigts courir sur chaque parcelle de sa peau nue.
Pas plus. Pas plus loin. Mais déjà trop.
Son regard apeuré ensuite. Elle n’a plus jamais été la même. Plus distante, comme si elle avait conscience que quelque chose d’anormal avait eu lieu.
Il avait fini par demander à son ami de confier la petite à quelqu’un d’autre, prétextant un changement d’emploi du temps.
Il semble qu’elle n’ait jamais parlé.
Ca lui est resté en tête toutes ces années. Jusqu'à le hanter. Il n’avait jamais pu toucher à nouveau une femme. Ce fut sa punition. Mais ce n’était rien, comparé à sa culpabilité. Et il savait comment essayer de se faire pardonner…


Elle se forçait à le laisser terminer. Poings serrés sous la table. Mâchoire crispée. Elle n’aurait pas pu prononcer un mot. Evidemment qu’elle se souvenait. Pas des détails. Juste l’ambiance malsaine. Elle détestait quand il touchait à ses cheveux. Mais elle avait occulté le reste. Tout lui revenait en mémoire d’un seul coup. Elle comprenait ses blocages avec les hommes. Ses difficultés à se laisser approcher. Plus elle regardait le vieil homme, plus sa haine grandissait. Sa philosophie bouddhiste ici, ne tenait plus la route. Elle se voyait lui arracher la gorge avec ses ongles… mais quelque chose la retenait.
Il avait terminé son récit, le silence régnait entre eux depuis plusieurs secondes, et sa dernière phrase raisonnait dans son crâne.
« Je vous laisse maître de mon destin. Vous pouvez me tuer, de la manière que vous voudrez. Je ne résisterais pas. Me faire juger et emprisonner, je le mérite.
Je dois être puni pour ce que je vous ai fait.
La sanction doit venir de vous.
»
Il y a encore quelques secondes, elle l’aurait tué sans hésiter.
D’une façon lente et cruelle, comme les bourreaux des victimes qu’elle défendait devant le tribunal.
Mais cet homme là, il n’attendait que ça.
Etre châtié des mains de sa victime, pour éteindre sa culpabilité.
Elle était persuadée qu’il se laisserait faire, qu’il n’aurait pas même un tressaillement dans les derniers instants.
La honte. Le remord. Ca peut ronger profondément.
Elle ne veut pour rien au monde lui épargner tel châtiments. Elle n’abrégera pas les souffrances psychologiques de ce cinglé.

Sans un mot, elle se lève.
D’un geste, l’invite à sortir du bureau.
Elle a juste le temps de voir son visage.
Désespéré.
Il n’aura pas même le courage de se suicider...
Iryane
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Message  Invité Dim 28 Fév 2010 - 13:01

Tu sembles avoir une prédilection pour les récits qui font un retour sur le passé et apportent des révélations sur le comportement des subséquent des personnages.
J'aime bien comme tu révèles les faits au fur et à mesure, si la trame n'est pas surprenante en soi, tu réussis avec grâce et pas mal de subtilité, par petites touches légères à en faire un texte plus qu'honorable.
Enfin, là où c'est habilement mené c'est qu'on a du mal à prendre fait et cause contre le personnage, tu as réussi à en tracer un portrait suffisamment sympathique que la colère et le dégoût qu'on devrait légitimement ressentir s'en trouvent atténués. Enfin, je parle pour moi. Et tout ceci n'est que fiction, heureusement.

Gaffe à l'orthographe :

Dès le printemps
Il n’avait aucun remords.
La guerre fait partie d’un autre temps
et le voilà debout.
Des petites fenêtres, sans âmes, comme autant d’œils d'yeux qui le regardent.
La dernière fois, elle passait son dernier examen de fin d’étude.
Peut-être a-t-elle oublié,
A petits pas lents, en lui jetant des regards par en- dessous. (tiret) Il l’interpelle par son prénom.
S’il survit à tout ça, il sait que ce prénom restera gravé
Ça l’agaçait parfois, à cause de la noirceur de la vie dehors, de l’entendre si joyeuse.
Elle se confiait à lui sur ses petits malheurs quotidiens
Il l’aimait cette petite, peut-être même plus que toutes les femmes
Ça lui est resté en tête toutes ces années
Je ne résisterai pas.
La honte. Le remords. Ça peut ronger profondément.
Elle ne veut pour rien au monde lui épargner tel châtiment.

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Message  Polixène Dim 28 Fév 2010 - 23:17

Ton texte est ...léger et fort en même temps, bien mené, et on se fait piéger agréablement On l'aime bien à force de l'accompagner ,ton petit vieux...et paf! une baffe !

ouille! merci ...
Polixène
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Message  Lucy Lun 1 Mar 2010 - 4:01

Là, je ne ferais que reprendre ce qu'Easter a déjà souligné. D'accord avec le fait que tu as réussi un tour de force : celui de ne pas nous faire détester ce bonhomme.
Lucy
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Message  lemon a Lun 1 Mar 2010 - 10:56

Pas dépassé la premier paragraphe.

Un petit coté Julien Lepers avec la répétition des "il" + une amorce plus précieuse qu'impactante ont eu raison de ma patience de lecteur critique et pressé.
lemon a
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