Maurice et Gégé

[monsieur_chauve]

Maurice et Gégé, c'était le grand amour. Ils en avaient surmonté, des hivers rudes, se blottissant dans leur douzaine de couvertures, un peu à l'abri du froid. Ils en avaient affronté, des bandes de jeunes éméchés qui leur avaient cherché des noises. Ils en avaient vu, des belles femmes passer devant eux.

Mais ça, ils ne l'avaient jamais vu. Pourtant, on ne peut pas dire qu'ils étaient de petits novices. Ils en avaient au compteur, si je puis me permettre.

Un soir, Maurice était, comme d'habitude, en train de compter les pièces qu'il avait amassé dans la journée. Quarante, quarante cinq, cinquante, un euro cinquante, deux euros, deux euros dix ! Bof, se dit-il, il avait connu mieux. Gérard, quant à lui, s'en était un peu mieux sorti. C'était grâce à son sens de l'humour hors du commun. Toujours à faire rire la demoiselle qui passe, à lui redonner le sourire. Et forcément, ça se terminait avec une jolie pièce dans le creux de sa main.

A eux deux, ils avaient en tout et pour tout sept euros. De quoi faire un vrai festin ce soir : vin blanc, saucisson et vin rouge. Rien que d'y penser, ils en avaient le sourire aux lèvres. On va s'en coller une bonne, moi j'te'l dis ! qu'il disait le Gérard, à plus savoir où qu'on habite ! Et sur ce, il partait d'un grand éclat de rire, laissant apparaître son unique chicot jauni, dernier survivant de décennies faites de vin bon marché.

Quand Gérard rigolait, Maurice lui emboîtait toujours le pas. Ce n'était pas vraiment une lumière, le Maurice, aussi des fois il riait sans avoir compris ce qu'avait dit Gérard. Mais il s'en fichait. J'préfère rire que'd pleurer !, disait il, ya qu'les chochottes qui pleurent, lui rétorquait Gérard.

Ils mirent leurs économies dans la poche de Gérard, et s'en furent d'un pas léger faire les provisions pour leur soirée. En rentrant dans l'épicerie, ils sifflotaient à tue-tête, saluant au passage le bon vieux René. Ce soir on va la faire, la fête mon ptit René!

Après avoir acheté leur précieux trésor, les voilà qui retournèrent à leur QG. Ils se calèrent confortablement sur leurs couvertures, et Gégé se mit à couper le saucisson, à l'aide d'un vieux couteau rouillé qu'il avait trouvé, une fois, dans une poubelle.

Ils débouchèrent par la même occasion la première bouteille de rouge, et la sifflèrent allègrement, se remémorant leurs souvenirs communs. La soirée allait bon train, et ils sentaient de moins en moins le froid.

C'est alors qu'ils entendirent quelqu'un jouer de la guitare, et chanter en même temps. Chanter, ce n'était peut être pas le terme adéquat. Ce qu'ils entendaient, c'étaient des hurlements inaudibles, peut être dans un anglais approximatif, ça, ils n'en étaient pas sûrs. Et ça se rapprochait d'eux. Ils s'arrêtèrent de parler un moment, écoutant avec attention cette étrange mélodie. C'est alors qu'ils les virent. Un homme dans un fauteuil roulant qui se faisait pousser par un autre.

"Hooooooooowwwwwwwww manyyyyyyyyy tiiiiiiiiiiiiiiiiiiimessssss must a maaaaaaaaaan walk doooooooooownnnnnnnnn....."

L'homme qui poussait le fauteuil avait une silhouette décharnée. Il était très grand, et son corps squelettique poussait le fauteuil avec conviction. L'homme sur le fauteuil était tout simplement hors du commun. C'était un cul-de-jatte, avec une énorme barbe grise, et une doudoune noire. Il tenait sa guitare et en jouait, tout en hurlant :

"Befooooooooooooooooore you can caaaaaaaaaaaaaaalllllllllll him a maaaaaaaaaaaaaan"
Son visage était rougeaud, mais ses yeux pétillaient de malice. L'homme qui le poussait s'arrêta net devant Gégé et Maurice, et, sans demander son reste, planta l'handicapé et s'en alla.

Le cul-de-jatte n'avait pas arrêté sa performance. Il continuait à s'époumoner du mieux qu'il pouvait, jouant les mêmes trois accords avec une ferveur hors du commun. Puis, le morceau fut fini, et ce fut seulement là qu'il remarqua Gégé et Maurice :

- A vot' santé mes amis ! dit il.

Gégé et Maurice se consultèrent du regard, et même Gégé, avec son sens de l'humour et son culot légendaire, ne sut quoi répondre. Alors, le cul-de-jatte reprit :

- M'est avis que vous n'connaissez pas ce bon vieux Bob Dylan ! Vous avez tort, c'est un grand m'sieur, un grand m'sieur ! Il s'arrêta un instant, semblant perdu dans ses pensées, comme s'il tâchait de se souvenir de quelque choses, mais qu'il n'y arrivait pas. Puis il dit : "Ca a l'air bon ce que vous buvez, j'peux en boire une 'tite goutte ?

Alors Gégé lui passa la bouteille, et le cul-de-jatte commença à parler, parler. Il leur dit qu'il s'appelait Lucien, mais qu'il préférait qu'on l'appelle John, parce qu'il avait toujours voulu être un américain. Il avait perdu ses jambes pendant la guerre, la guerre du Vietnam qu'il disait. A mesure qu'il parlait, il descendait la bouteille de rouge, devant ses deux hôtes, incrédules.

"- J'parie que j'peux vous battre à la course, disait-il. C'est pas parce que j'ai pas d'jambes que j'peux pas vous battre ! Et de temps en temps, il se secouait sur son fauteuil en hurlant des choses incompréhensibles.

Mais Gégé et Maurice n'avaient pas peur, ils étaient juste intrigués. Et amusés aussi, cela va de soit. Alors John se tourna vers eux, et leur tendit un billet de cinq euros :

- Toi l'ami, dit-il à Gégé, vas voir pour moi à l'épicerie, et ramène nous tout ce que tu peux de rouge qui tâche ! puis il éclata de rire, et se remis à crier.

Alors Gégé alla à l'épicerie, et laissa Maurice avec le cul-de-jatte, qui continuait à lui raconter des choses extraordinaires. Il lui dit qu'une fois, il avait battu à lui seul quatre gars, sans l'aide de ses jambes. Ca fit rire Maurice, mais John se vexa, et se mit à l'injurier. Maurice prit peur, mais entre temps, Gégé était revenu. Alors Maurice se détendit un peu.

Ils burent trois autres bouteilles de rouge en discutant, en riant. John n'était pas un mauvais bougre, il était simplement un peu fou. De temps en temps, il prenait sa guitare et jouait toujours le même morceau. Mais au fil de la discussion, son nez devenait de plus en plus rouge, et ses mots, lorsqu'il chantait, étaient de plus en plus pâteux.

Et puis, ils virent arriver une bande de trois jeunes voyous, qui semblaient avoir beaucoup bu. Ils les insultaient déjà de loin, les traitant de sales clodos, d'ivrognes. Mais John n'était pas homme à se laisser démonter, et il leur rétorquait des insanités sur un ton encore plus fort. Gégé et Maurice étaient inquiets, ils savaient par expérience qu'il fallait adopter profil bas face aux bandes de voyous. Mais John ne voulait rien entendre.

Alors les voyous arrivèrent à leur niveau, et commencèrent à leur parler. Ils avaient l'air très méchants, et Maurice et Gégé auraient bien aimé s'enfouir sous terre à ce moment là. Mais c'était sans compter sur John, qui continuait sur le même ton :

- J'vais vous montrer moi, bande de pédés, c'est qui l'pu fort !
Un des voyous s'approcha de John, une bouteille à la main. Au moment où il allait le frapper, John empoigna sa guitare, et lui décocha un coup dans la mâchoire. Le bruit sourd du coup se propagea dans toute la rue. Le jeune tomba par terre.

Alors, John se redressa vivement sur son siège, sans interrompre son flot continu d'insultes, et, en poussant son fauteuil d'une main et en faisant des moulinets avec sa guitare de l'autre, s'avança vers les deux autres jeunes qui, sous le coup de la surprise, ne réagirent pas assez tôt. John en envoya un deuxième un tapis d'un coup de manche bien placé, et menaça le troisième, qui s'enfuit en courant.

Bientôt, les deux autres se redressèrent, et prirent également la tangente, voyant bien qu'ils ne pouvaient pas tenir tête au grand John.

John continua à les insulter un moment, puis vérifia minutieusement sa guitare, d'un œil vitreux, afin d'estimer les dégâts. Enfin, il se retourna vers Maurice et Gégé, qui avaient encore la bouche grande ouverte, tant le spectacle auquel ils avaient assisté les avait laissé sans voix. Et il leur dit :

- De Dieu ! J'vous ai bien dit que John il peut vous battre à la course, pas vrai ?

Il leur fit un grand clin d'œil, puis partit d'un éclat de rire.

[Invité]

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Un texte qui a du potentiel avec des personnages peu ordinaires et presque attachants, surtout John qui semble avoir pas mal vécu et des choses à dire.
Malheureusement, j'ai bien l'impression que le potentiel est sous-exploité, parce que l'histoire me semble un peu mince finalement ; alors qu'elle aurait sans doute pu/dû faire l'objet de rebondissements et surtout d'une fin plus solide... Avis personnel, à prendre comme tel.
Côté forme, j'ai toujours du mal avec les élisions ( au hasard :"- J'parie que j'peux vous battre à la course"), par goût. Sinon, j'ai trouvé que vers la fin, il y avait répétition systématique de "Alors" en début de paragraphe. Ah, et puis, des fautes d'orthographe assez nombreuses et conséquentes, pas le courage de le s relever ce soir.

[mentor]

petite aventure bien écrite et somme toute réaliste, ce "John" original, qui doit être en fait riche et seul cherchant des sensations, sans doute, on ne saura jamais vraiment, et c'est mieux comme ça
les 2 compères sont sympa
l'histoire en elle-même est sympa
il manque peut-être un peu de style, la narration est juste un peu... "plate"

j'ai relevé 2 fois un peu rapprochées l'expression "hors du commun"

et monsieur-chauve, je croyais à un nouveau, mais non, tu étais déjà venu il y a bien longtemps puis reparti !
et en fait j'ai vu que tu ne t'étais jamais présenté sur VE !... ;-)

[Invité]

Je trouve l'histoire marrante, mais les personnages caricaturaux.

Sinon, quelques erreurs de langue que je vous signale ci-dessous :
« en train de compter les pièces qu'il avait amassées dans la journée »
« Quarante, quarante-cinq »
« disait-il, ya qu'les chochottes »
« A vot' santé mes amis ! dit-il »
« Ça a l'air bon ce que vous buvez »
« ramène-nous tout ce que tu peux de rouge qui tache (tacher, c’est souiller, tâcher, c’est essayer) »
« et se remit à crier »
« Ça fit rire Maurice »
« s'enfouir sous terre à ce moment-là »
« John en envoya un deuxième au tapis »
« tant le spectacle auquel ils avaient assisté les avait laissés sans voix »

[ubikmagic]

Eh ben mon fieux, c'est du filmé en direct !
Pour le compte, je vais au tapis moi aussi... Bien joué.

C'est connu, les chauves, quand ils filent un coup de boule, ça fait encore plus mal que les autres.

Bienvenu au club !

Ubik.

[Jérémie]

Le studio Ghibli va porter plainte, pensez à changer de pseudo. J'avoue... Zaitochi cul-de-jatte survivant de la canicule revanchard... Le tragicomique, c'est l'avenir. Vite la suite!

[Aire__Azul]

Je me joins aux foristes qui ont participé précédemment, pour vous dire que j'ai vraiment apprécié les personnages bien campés. Quelques petits détails m'ont un peu gênée, cependant, comme ceux qui veulent faire "trop vrai", selon moi : le couteau non seulement rouillé, mais trouvé dans une poubelle, le nez qui rougit me semblent superflus.
Mais l'ensemble garde une belle énergie.
Merci.

[Ba]

J'ai cru qu'il s'agissait de " Maurice et Patapon " il manque un soupçon de cruauté, ces hommes-là sentent encore le portrait de jeunesse.

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